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29/10/2013 | FRANCE | N°13/18841

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 29 octobre 2013, 13/18841


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 29 OCTOBRE 2013



(n° 586, 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : jonction des RG : 13/18841 13/18858 13/18952 13/18954 sous le seul RG 13/18841



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2013R00400





APPELANTES



SAS CASTORAMA FRANCE

, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 29 OCTOBRE 2013

(n° 586, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : jonction des RG : 13/18841 13/18858 13/18952 13/18954 sous le seul RG 13/18841

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Septembre 2013 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2013R00400

APPELANTES

SAS CASTORAMA FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Richard RENAUDIER de la SELARL CABINET RENAUDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0003

SNC LEROY MERLIN GSB agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SA LEROY MERLIN FRANCE Prise en la personne de son représentant légal en la personne de son président du conseil d'administration

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistées de Me Benjamin DUFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque P 470 et de Me Marie-Anne RENAUX, avocat au barreau de PARIS, toque K 0024

INTIMEE

SAS BRICORAMA FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de ses representants legaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061

assistée de Me frédéric NAQUET de la SELURL NAQUETavocat au barreau de PARIS, toque : B0386

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Fédération DES SYNDICATS INTERPROFESSIONNELS AUTONOMES - FSIA représentée par son président Monsieur [T] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

assistée de Christophe LAUNAY, avocat au barreau de PONTOISE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La société Bricorama, condamnée sous astreinte à fermer ses magasins présents en région parisienne par une décision de référé du 6 janvier 2012, confirmée par la cour d'appel de Versailles le 31 octobre suivant, a, invoquant le souci de faire respecter les règles d'une concurrence loyale, assigné en référé devant le tribunal de commerce de Bobigny les sociétés Castorama France et Leroy Merlin France et Leroy Merlin GSB, aux fins de voir ordonner sous astreinte la fermeture de leurs magasins de la région parisienne ouverts le dimanche sans autorisation.

Par ordonnance rendue le 26 septembre 2013, le président du tribunal de commerce de Bobigny saisi a :

- rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les sociétés Leroy Merlin France, Leroy Merlin GSB et Castorama France,

- déclaré recevable et fondée l'action de la société Bricorama,

- constaté l'existence d'un trouble certain auquel il convient de porter remède d'urgence,

- constaté l'ouverture des magasins concernés le dimanche et l'emploi de salariés le dimanche en dépit d'autorisations administratives dont il n'est pas justifié,

- ordonné en conséquence la fermeture le dimanche des magasins :

Leroy Merlin

de [Localité 11], [Localité 14], [Localité 3], [Localité 5], [Localité 13], [Localité 10], [Localité 8], [Localité 17], [Localité 9],

Castorama

de [Localité 1], [Localité 7], [Localité 6], [Localité 16], [Localité 12] et [Localité 15],

- condamné les sociétés Leroy Merlin France, Leroy Merlin GSB et Castorama France, en cas de non respect de cette interdiction au delà de la signification de la présente décision, à une astreinte provisoire par jour d'infraction constatée le dimanche, de 120.000 € par magasin,

- condamné les sociétés Leroy Merlin France, Leroy Merlin GSB et Castorama France à payer chacune à la société Bricorama la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Les sociétés Castorama France d'une part, Leroy Merlin France et Leroy Merlin GSB d'autre part ont relevé appel de cette décision ;

Elles ont été toutes deux autorisées à assigner à jour fixe la société Bricorama devant la cour d'appel de Paris par ordonnances du 1er octobre 2013.

Aux termes de l'assignation qu'elle a fait délivrer à la société Bricorama le 3 octobre 2013, la SAS Castorama France (ci-après Castorama), invoquant les articles 917 et suivants, 455 et 458 et 873 du code de procédure civile, prie la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :

- in limine litis, de prononcer la nullité de l'ordonnance pour défaut de motivation,

- à titre principal de déclarer irrecevables les demandes de Bricorama,

- à titre subsidiaire, de réformer l'ordonnance qui crée plus de trouble qu'elle n'en règle, et débouter Bricorama de l'ensemble de ses demandes,

- dans tous les cas de condamner Bricorama à lui verser 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Castorama invoque :

- la nullité de l'ordonnance entreprise pour défaut de motivation, et contradiction entre ses motifs et son dispositif,

- l'irrecevabilité des demandes de Bricorama,

du fait des refus opposés par le tribunal de commerce dans ses jugements des 19 avril et 28 mai 2012, et de l'absence de circonstances nouvelles permettant de rapporter ou modifier la précédente ordonnance de référé,

en raison de l'absence d'information préalable des salariés,

en raison de la prohibition des arrêts de règlement que constitue une décision qui impose une fermeture générale des magasins Castorama et leroy Merlin,

en raison du défaut d'intérêt légitime à agir ;

A titre subsidiaire, elle fait plaider l'absence de pouvoir du juge des référés, à défaut de trouble manifestement illicite évident et d'un dommage imminent, et pour prononcer des mesures qui sont disproportionnées ;

Les sociétés Leroy-Merlin France et Leroy Merlin GSB, aux termes de leurs dernières écritures du 14 octobre 2013, et au visa des articles 917 et suivants, 873 du code de procédure civile, 1, 4, 5, 455 et 458, 488 et 49 du code de procédure civile, du principe de l'estopel, des articles 122, 63, 51 et 700 du code de procédure civile, 1315,1382 et 1383 du code civil, L 3132-3, 5 et 12 du code du travail, et 34 et 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, prient la cour :

- à titre liminaire,

de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Fédération des Syndicats Inter^professionnels Autonomes (FSIA) devant la cour, pour défaut de pouvoir et d'intérêt à agir,

de dire et juger leur appel recevable et bien fondé, éventuellement de surseoir à statuer dans l'attente du pourvoi en cassation formé par la société Bricorama contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 31 octobre 2012,

- les recevant en leur appel, d'annuler l'ordonnance entreprise pour omission de statuer, défaut de motivation et prononcé de mesures ultra petita,

- d'infirmer cette ordonnance,

- de dire que les demandes de Bricorama sont irrecevables en l'absence de toutes circonstances nouvelles permettant au juge des référés de statuer à nouveau ainsi qu'en vertu du principe d'interdiction de se contredire au dépens d'autrui,

- de constater que Bricorama a renoncé à ses demandes de fermeture de ses magasins de [Localité 14] et de [Localité 8], et qu'elles-même ont obtenu et justifient des autorisations d'ouvrir le dimanche des magasins de [Localité 11], [Localité 3], [Localité 5], [Localité 13], [Localité 10], [Localité 17] et [Localité 9],

- de dire et juger que Bricorama ne démontre aucune situation de trouble manifestement illicite dès lors qu'elle n'a pas fourni la justification de la situation d'ouverture dominicale de tous les magasins, ni établi l'illégalité de cette exploitation,

- de dire que le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé faute de toute démonstration d'un préjudice et de lien de causalité avec le comportement fautif reproché par Bricorama et au regard des conditions licites d'exploitation des magasins Leroy Merlin,

- de dire éventuellement que les sociétés Leroy Merlin sont fondées à se prévaloir de la dérogation permanente de droit au repos dominical en raison de l'incompatibilité d'une interprétation restrictive de cette dérogation avec le droit de l'union, et, en cas de doute sur la compatibilité des article L 3132-12 et L 3132-5 du code du travail, surseoir à statuer afin de poser la question préjudicielle suivante à la cour de justice de l'Union Européenne,

' l'article 34 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne doit-il être interprété comme s'opposant à une réglementation nationale qui, par dérogation à l'interdiction d'employer des salariés le dimanche, ne s'applique pas à un même secteur d'activité, en l'espèce le secteur de l'équipement de la maison, et partant défavorise les biens importés par les établissements qui se voient interdire de vendre ces produits le dimanche';

- de constater l'absence de tout dommage imminent,

- de rejeter l'ensemble des demandes de Bricorama,

- à titre infiniment subsidiaire,

- de surseoir à statuer sur les demandes de la société Bricorama au moins jusqu'à la date du 22 novembre 2013 prévue pour les plaidoiries au fond,

- d'accorder aux sociétés Leroy Merlin un délai de six mois à compter du prononcé de la décision pour procéder à la fermeture des magasins qui ne disposeraient pas de dérogation au principe du repos dominical,

en tout état de cause, de condamner la société Bricorama au paiement de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

La société Bricorama, par écritures du 11 octobre 2013 :

- demande acte de ce qu'elle limite ses demandes aux magasins suivants :

enseigne Castorama : [Localité 1], [Localité 7], [Localité 6] et [Localité 12],

enseigne Leroy Merlin : [Localité 11], [Localité 3], [Localité 5], [Localité 13], [Localité 10], [Localité 17] et [Localité 9],

- conclut au rejet des exceptions de nullité et d'irrecevabilité soulevées par Castorama France, Leroy Merlin France et Leroy Merlin GSB, et à la confirmation de l'ordonnance du 26 septembre 2013,

- sollicite la condamnation des sociétés appelantes à lui verser chacune 15 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La fédération des Syndicats Interprofessionnels Autonomes (FSIA) a transmis le 11 octobre 2013 des conclusions en intervention volontaire, demandant à la cour :

- de déclarer recevable son intervention,

- d'ordonner la jonction des affaires référencées RG 13/18841, 13/18954, 13/18952, 13/18858,

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la fermeture des magasins en cause, et en ce qu'elle a prononcé une astreinte de 150 000 € par infraction constatée en cas de non respecte de cette interdiction,

- de condamner les sociétés Leroy Merlin France et Leroy merlin GSB à lui verser

chacune 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Sur la jonction des dossiers

Considérant que les dossiers ouverts sur les appels des sociétés Leroy Merlin France et GSB, et Castorama France à l'encontre de la société Bricorama sous les numéros 13/18841, 18858, 13/18952, et 13/18954 concernent la même ordonnance de référé rendue le 26 septembre 2013 par le président du tribunal de commerce de Bobigny ;

Que dans un souci de bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner leur jonction sous le même numéro 13/18841 ;

sur la recevabilité de l'intervention volontaire

Considérant que la Fédération des Syndicats Interprofessionnels Autonomes fait valoir qu'elle constitue une union intercatégorielle de syndicats, parmi lesquels figure le syndicat national du commerce, qui a vocation à défendre les intérêts des salariés employés par des entreprises dont l'objet est de vendre des produits au grand public ou aux professionnels, qu 'il entre donc dans son objet de défendre les intérêts matériels et moraux des salariés employés le dimanche par les sociétés en cause ;

Qu'elle est valablement représentée par son président, M. [T] [K] ;

Considérant que les sociétés Leroy Merlin soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la FSIA, en raison :

- de son défaut d'intérêt à agir, en l'absence de justification de l'adhésion du syndicat du commerce,

- d'un défaut de pouvoir régulier de son président qui ne produit aucune délibération en vue d'une habilitation spécifique ;

Considérant que l'article 554 du code de procédure civile permet aux personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance d'intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt ;

Que la FSIA se prévaut de ce texte pour justifier son intervention volontaire devant la cour, alors qu'elle n'avait pas été partie à l'instance devant le juge des référés de Bobigny ;

Considérant qu'une union de syndicats pourvus de la personnalité morale dispose des mêmes prérogatives que les syndicats qui ont pour mission légalement définie de représenter les intérêts des salariés et d'exercer les actions nécessaires au respect de ces intérêts ;

Qu'elle a par conséquent la même qualité à agir;

Considérant que sont versés aux débats les statuts de la Fédération des Syndicats Interprofessionnels Autonomes, dont le sigle est FSIA, constituée en février 2011 de quatre syndicats nationaux fondateurs, parmi lesquels figure le syndicat national du commerce ;

que ces statuts précisent que la FSIA constitue une union inter catégorielle de syndicats, qui a pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes morales ou physiques dont l'activité entre dans le champ professionnel des 4 syndicats fondateurs; qu'ils établissent l'intérêt à agir de la FSIA dès lors que la défense des salariés dans le présent litige relatif à l'emploi en dérogation à la règle du repos dominical entre clairement dans l'objet social de son adhérent le syndicat du commerce et qu'il a donc vocation à défendre ces intérêts ;

Considérant qu'est prévu au chapitre II 'but et missions de l'organisation' que 'la FSIA peut aussi ester en justice en tous les domaines sans limite géographique par son président qui la représente officiellement';

Que ces statuts ont été déposés le 25 février 2011 au secrétariat de la Direction de la Vie Locale de la mairie d'Achères, dont le maire certifie avoir également reçu le règlement intérieur et le procès verbal ;

Que ce règlement intérieur produit précise que 'le président représente officiellement la FSIA en toutes choses notamment en justice';

Qu'enfin le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 février 2011 justifie de la désignation à titre de président de M. [T] [K] ;

Considérant de plus que ni les statuts ni le règlement intérieur ne prévoient de procédure particulière en vue d'ester en justice , de telle sorte que le président peut agir dans toute instance destinée à protéger les intérêts défendus par la Fédération.

Qu'il résulte de ces éléments que la Fédération avait bien qualité à agir pour intervenir dans une instance en justice par son président M. [K] dûment habilité par les dispositions combinées des statuts et du règlement intérieur à la représenter en justice.

Que son intervention est par conséquent recevable,

Sur la recevabilité de l'action de la société Bricorama

Considérant que les sociétés Leroy Merlin soulèvent l'irrecevabilité de l'action de la société Bricorama au motif de l'autorité de la chose jugée et de la portée attachée aux décisions déjà rendues par le tribunal de commerce de Bobigny , qui avait rejeté les demandes provisoires de fermeture des magasins ;

Qu'elles rappellent qu'une ordonnance de référé avait statué sur le même litige le11 décembre 2012, et qu'aucune circonstance nouvelle ne justifie de revenir sur cette décision ;

Que l'intervention d'une décision de justice portant rejet de questions prioritaires de constitutionnalité n'a pas modifié les circonstances de fait et de droit dont le juge des référés avait été saisi ;

Qu'une décision du Conseil d'Etat du 13 février 2013 annulant partiellement un arrêté du Préfet d'Ile de France du 8 septembre 2009 n'emportait pas de conséquences juridiques quant à la situation individuelle des magasins en cause ;

Qu'enfin une décision du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2013 présentée comme confirmant que la clientèle des magasins Bricorama de Villiers sur Marne et d'[Localité 9] se reportait sur les magasins concurrents n'a aucune portée sur le présent débat ;

Qu'elle invoque ensuite les décisions successivement rendues au fond les 19 avril 2013 et 28 mai 2013 par le tribunal de commerce, qui avaient rejeté les mesures provisoires avec astreinte demandées par Bricorama concernant les magasins en cause, ainsi que l'ordonnance rendue le 21 juin 2013 par le tribunal de commerce fixant le calendrier de procédure dans l'instance en cours devant cette juridiction, postérieure au rejet des questions prioritaires de constitutionnalité et à l'arrêt du Conseil d'Etat ci-dessus évoqué, et que Bricorama a acceptée sans évoquer de circonstance nouvelle ;

Considérant que la société Castorama fait plaider cette même fin de non recevoir au regard des décisions de justice rendues ;

Qu'elle affirme que le juge des référés ne pouvait méconnaître les décisions précédemment rendues par le juge du fond dans ses jugements du 19 avril 2013 et 28 mai 2013 qui ont refusé à Bricorama de prononcer la fermeture provisoire de magasins qu'elle sollicitait et qui ont l'autorité de la chose jugée, que l'instance au fond et la présente procédure de référé ont le même objet ;

Que l'invocation dans l'espèce de l'article 488 du code de procédure civile vise à dissimuler un recours contre des jugements au fond ;

Qu'en tout état de cause, les circonstances nouvelles visées dans cet article 488 doivent être intervenues postérieurement à la décision rendue en référé et être relatives au litige soumis à nouveau au juge des référés; qu'elles ne peuvent intervenir que sur les éléments de fait ou de droit ayant motivé la décision ;

Que le rejet des question prioritaire de constitutionnalité formées intervenu ne constitue pas ces circonstances nouvelles; que la première ordonnance de référé avait renvoyé les parties au fond sans mentionner que le juge s'était déterminé au vu de l'ensemble de l'argumentation présentée par chacune des parties, que l'absence de doute sur la constitutionnalité de l'article L 3132-3 du code du travail n'aurait pas permis au juge des référés de prononcer les mesures sollicitées ;

Que l'arrêt du Conseil d'Etat est inopérant dans la mesure où au regard des règles du droit administratif il est dépourvu de conséquence sur la légalité de l'arrêté qui avait accordé une dérogation à un magasin Castorama en cause, qu'en se prononçant sur sa légalité, le juge des référés dans la décision dont appel a manifestement excédé ses pouvoirs,

Qu'enfin, deux décisions du tribunal administratif de Melun du 24 juin 2013 n'ont aucun rapport avec le litige, et n'apportent rien de plus que ce que prétendait déjà Bricorama devant le juge des référés en décembre 2012 ;

Considérant que la société BRICORAMA leur répond qu'une décision de justice peut constituer une circonstance nouvelle propre à permettre un retour devant le juge des référés, qu'il en est ainsi du rejet des questions prioritaires de constitutionnalité relatives au litige, de l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 février 2013 et de la décision du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2013 ;

Qu'elle affirme que dans sa première ordonnance le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé au regard des questions prioritaires de constitutionnalité déposées devant son tribunal qui faisaient peser un doute sur la constitutionnalité des textes sur le fondement desquels était invoqué un trouble manifestement illicite, que leur rejet établit de manière certaine qu'il n'y aura de toutes les façons pas de transmission au Conseil Constitutionnel, ce qui constitue une circonstance nouvelle propre à permettre un réexamen des demandes de fermeture en litige ;

Considérant qu'aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, 'le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, a dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la question qu'il tranche';

Que de ce principe s'infère que la décision rendue ne peut plus être remise en question sous réserve de l'exercice des voies de recours ouvertes à son encontre, et que toute nouvelle demande présentant une identité de parties, d'objet et de cause est par conséquent irrecevable ;

Considérant en l'espèce qu'il n'est pas contesté que par ordonnance de référé du 11 décembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a renvoyé les demandes de fermeture provisoire de magasins à l'enseigne Castorama et Leroy Merlin formées par la société Bricorama devant la juridiction du fond par application de l'article 873-1 du code de procédure civile qui prévoit la possibilité en cas d'urgence de renvoyer l'affaire à date fixée pour statuer au fond, et que Bricorama a réitéré ces demandes à titre provisoire devant le tribunal ainsi saisi ;

Que par jugement en date du 19 avril 2013, le tribunal de commerce de Bobigny, mentionnant qu'il a entendu les parties sur les demandes portant question prioritaire de constitutionnalité formées et qu'il a mis la cause en délibéré au 28 mai, rejette les mesures provisoires avec astreinte de Bricorama, le dispositif de la décision étant ainsi rédigé ' rejette l'ensemble des mesures provisoires sollicitées avec astreinte et ordonne le sursis à statuer sur les demandes au fond; renvoie la cause à l'audience du 31 mai 2013 à 9h30 pour calendrier de procédure ou prolongation du sursis à statuer';

Que dans son jugement du 28 mai 2013, le tribunal de commerce statue sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité qui lui ont été soumises relatives au repos dominical des salariés et à ses dérogations pour les déclarer irrecevables comme dépourvues de caractère sérieux ;

Que dans la même décision, répondant à la demande de Bricorama qui avait sollicité la fermeture provisoire des enseignes Leroy Merlin et Castorama ouvertes le dimanche pour les magasins visés dans l'assignation dans l'hypothèse d'une transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, le tribunal a rappelé qu'il avait statué le 19 avril 2013 et dit n'y avoir lieu à se prononcer dans la présente instance sur ces mesures provisoires ;

Que cette décision a renvoyé les parties à une audience ultérieure sur le fond du litige ;

Considérant que le tribunal de commerce a donc statué par son jugement du 19 avril 2013 sur les demandes d'interdiction à titre provisoire formulées par la société Bricorama ;

Que cette décision n'a pas été frappée d'appel, qu'elle est passée en force de chose jugée ;

Que dès lors la société Bricorama ne saurait prétendre revenir sur cette décision revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, en saisissant le juge des référés, dont la décision est provisoire, des mêmes demandes dirigées contre les mêmes parties avant que soit statué au fond sur le litige par le tribunal de commerce ;

Que par conséquent l'action de la société Bricorama se heurte à l'autorité de la chose jugée du jugement susvisé ;

Considérant qu'est opposée de surcroît par les appelantes l'autorité de l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 ci-dessus évoquée :

Qu'aux termes de l'article 488 du code de procédure civile, 'l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée; elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles'.

Qu'ainsi en l'absence de circonstances nouvelles, le juge des référés ne saurait méconnaître l'autorité qui s'attache à une ordonnance rendue antérieurement ;

Considérant que la circonstance nouvelle est celle dont le juge n'avait pas connaissance lors de sa première décision et qui constitue un élément d'appréciation nécessaire à la décision ou qui a une incidence sur elle ;

Considérant qu'en l'espèce, l'ordonnance du 11 décembre 2012 et l'ordonnance dont appel, toutes deux rendues par le tribunal de commerce de Bobigny concernent les mêmes parties et tendent aux mêmes fins d'interdiction d'ouverture de magasins le dimanche ;

Que la première ordonnance (11 décembre 2012) avait dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes y compris la demande portant question prioritaire de constitutionnalité, qu'elle renvoyait devant les juges du fond ;

Que Bricorama prétend justifier de circonstances nouvelles de nature à permettre de rapporter la première ordonnance, caractérisées par l'intervention de décisions rendues postérieurement à celle-ci par le tribunal de commerce et par la cour de Cassation sur des question prioritaire de constitutionnalité, et par le Conseil d'Etat et par le tribunal administratif de Melun ;

Considérant que le juge des référés le 11 décembre 2012 s'était déterminé 'au vu des documents produits et des déclarations faites à la barre'sans autre précision ;

Considérant que si le Conseil d'Etat par un arrêt du 13 février 2013 a annulé un arrêté du préfet d'Ile de France du 8 septembre 2009 définissant les communes rattachées à la communauté urbaine de Paris en ce qu'il a inscrit à tort certaines communes, dont les communes de [Localité 2] et [Localité 4] , et en vertu duquel autorisation d'ouverture le dimanche avait été concédée par arrêté préfectoral à la société Castorama pour son magasin à [Localité 4] et à Leroy Merlin pour son magasin de [Localité 2], il n'est pas justifié de l'annulation subséquente de cette autorisation ;

Que les règles du droit administratif ne prévoient pas l'annulation automatique de l'ensemble des décisions individuelles prises en vertu d'une décision réglementaire annulée ;

Que cet arrêt est par conséquent dépourvu d'effet sur les dérogations que pouvaient opposer les sociétés défenderesses et ne saurait constituer une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile ;

Considérant que deux décisions du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2013 relatives à la contestation par la société Bricorama France du rejet de ses demandes de dérogations au repos dominical, qui relèvent dans la motivation que ces rejets risqueraient d'entraîner d'importants détournements de clientèle à son détriment, sont dénuées de portée sur le litige en cause, s'agissant de simples appréciations formulées dans les motifs de ces décisions administratives, et ne caractérisent pas davantage une circonstance nouvelle de nature à permettre de rapporter l'ordonnance antérieure ;

Considérant encore que la société Bricorama entend tirer argument du refus de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité visant les articles du code du travail intéressant le litige en cours entre les parties, la première posée devant le juge des référés, une seconde devant le juge du fond, et toutes deux rejetées par décision du 28 mai 2013 du tribunal de commerce de Paris, Bricorama en ayant également formé trois devant la Cour de Cassation dans une autre instance qui ont fait l'objet d'arrêts de non renvoi au Conseil Constitutionnel du 5 juin 2013 ;

Considérant toutefois que ces décisions de non transmission et de non renvoi ne sauraient constituer une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile dès lors que les questions contestant la constitutionnalité des textes applicables ont été jugées dénuées de caractère sérieux, que par conséquent les dispositions invoquées devant le juge des référés de 2012 continuent de constituer le droit applicable ; que le cadre juridique du litige ne subit donc pas de modification ;

Que le refus de transmettre ou de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité n'est donc pas de nature à caractériser une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile ;

Considérant qu'il suit de là que les demandes de la société Bricorama doivent être déclarées irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 19 avril 2013, et à défaut de circonstances nouvelles susceptibles de justifier que l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 soit rapportée ;

Que l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a écarté les moyens d'irrecevabilité soulevés ne peut qu'être infirmée ;

Considérant que les sociétés Leroy Merlin et la société Castorama ont été contraintes d'exposer des frais non compris dans les dépens pour faire valoir leurs droits ;

Que la société Bricorama devra leur verser à chacune une indemnité de 12 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité de ce chef à l'intervenant volontaire ni à Bricorama ;

Considérant que la société Bricorama, partie perdante, ne saurait se voir allouer une indemnité de procédure, et devra supporter la charge des entiers dépens de la procédure ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 13/18841, 18858, 13/18952, et 13/18954 et dit que l'instance se poursuit sous le seul numéro 13/18841,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la Fédération des Syndicats interprofessionnels Autonomes,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau

Déclare irrecevables les demandes de la société Bricorama France comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 19 avril 2013 et à l'autorité de l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012,

Condamne la société Bricorama France à verser aux sociétés Leroy-Merlin France et Leroy Merlin GSB d'une part, à la société Castorama France d'autre part, chacune une indemnité de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Fédération des Syndicats Interprofessionnels et Autonomes et la société BRICORAMA France de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Bricorama France aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/18841
Date de la décision : 29/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°13/18841 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-29;13.18841 ?
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