Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03812
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/02435
APPELANTE
SCI CHABLAIS PARC agissant en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Dominique OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assistée par : Me Sandra BARBOSA, avocat au barreau de PARIS, toque : A314
INTIME
Monsieur [R] [E]
Domicilié
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté et assisté par : Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Madame Valérie GERARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance du 2 décembre 2011, il a été donné force exécutoire au protocole conclu le 16 septembre 2010 entre la SCI CHABLAIS PARC, maître d'ouvrage d'un ensemble de constructions à l'intérieur de la [Adresse 3] Gare à [Localité 3] et Monsieur [R] [E], architecte, protocole portant sur l'indemnisation du préjudice financier de l'architecte consécutif au retard dans le développement de l'opération engendré par l'action introduite devant le tribunal administratif de GRENOBLE par l'association ESPACES LIBRES en contestation de la validité du permis de construire accordé au maire d'[Localité 3] pour la réalisation d'un parc de stationnement en sous-sol de l'ensemble immobilier, l'association ayant renoncé à son recours selon un protocole intervenu entre elle et le maître d'ouvrage le 31 août 2010.
Ce premier protocole révèle qu'au mois de janvier 2010, la SCI CHABLAIS PARC, l'association de défense de CHABLAIS GARE et Monsieur [R] [E] avaient assigné l'association ESPACES LIBRES et son président, Monsieur [I] [L] devant le tribunal de grande instance de THONON LES BAINS sur le fondement du caractère abusif de l'action introduite devant le tribunal administratif.
Selon les termes du jugement du tribunal de grande instance de THONON LES BAINS du 10 mai 2011, qui constate le désistement, l'instance aurait été introduite par Monsieur [R] [E] seul par assignation du 1er avril 2010.
Par ordonnance du 17 février 2012, signifiée le 23 février 2012, le président du tribunal de grande instance de PARIS, saisi en référé par la SCI CHABLAIS PARC d'une demande de rétractation de l'ordonnance du 2 décembre 2011, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur [R] [E] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI CHABLAIS PARC a régulièrement fait appel de l'ordonnance le 28 février 2012.
Par conclusions du 2 juillet 2013, elle conclut à la rétractation de l'ordonnance et demande la condamnation de Monsieur [E] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 16 juillet 2012, Monsieur [R] [E] demande la confirmation de l'ordonnance et la condamnation de la SCI CHABLAIS PARC à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
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sur le protocole d'accord
La SCI CHABLAIS PARC soulève que le protocole ne décrit aucun litige, ne termine aucune contestation, n'emporte aucune concession réciproque, ne vise pas l'article 2044 et est lié à l'exécution du chantier.
Le fait que l'article 2044 du Code civil ne soit pas mentionné et le fait que le versement de l'indemnité soit lié à l'état d'avancement du chantier n'ont aucune incidence sur la valeur de transaction susceptible d'être accordée au protocole, le texte ne subordonnant formellement la transaction qu'à la rédaction d'un écrit.
Le protocole, dont l'objet était expressément défini comme l'indemnisation du préjudice financier subi par Monsieur [E] consécutivement au retard dans le développement de l'opération, était incontestablement destiné, d'une part à prévenir une contestation à naître, d'autre part à terminer une contestation, dès lors qu'il contenait l'engagement de Monsieur [E] de se désister de son instance en cours devant le tribunal de grande instance de THONON LES BAINS contre l'association ESPACES LIBRES et Monsieur [I] [L].
En effet, Monsieur [R] [E] et la SCI CHABLAIS PARC étaient liés par un contrat de maîtrise d'oeuvre conclu le 30 juin 2008 et prévoyant évidemment la rémunération de l'architecte, avec possibilité pour le maître d'oeuvre de prétendre à une rémunération supplémentaire dans certaines situations, notamment l'établissement de permis de construire modificatif et la commande d'études supplémentaires ou modificatives.
L'instance pendante devant le tribunal administratif avait, de fait, interrompu le projet immobilier initial, même si la SCI CHABLAIS PARC s'en tient à l'énoncé d'un principe selon lequel ce recours n'était pas suspensif, et il avait été mis fin à cet obstacle par le protocole du 31 août 2010, chaque partie s'étant engagée à se désister des instances en cours.
Il est certain que les engagements financiers pris par la SCI CHABLAIS PARC envers Monsieur [R] [E] étaient susceptibles d'être bouleversés par l'issue du recours devant le tribunal administratif,et de donner lieu à une contestation à défaut de solution amiable.
Par ailleurs, la clause de désistement du protocole du 31 août 2010 était rédigée en ces termes :
« concernant les procédures pendantes devant le tribunal de grande instance de THONON, la SCI CHABLAIS PARC, l'association de défense de CHABLAIS GARE, Monsieur [R] [E] acceptent également , dès réception du mémoire précité et dans les mêmes délais de se désister purement et simplement de l'ensemble de leurs demandes en dommages-intérêts et indemnités de toute nature comme l'association ESPACE LIBRE renonce à faire toute demande reconventionnelle en dommages-intérêts, article 700 du Code de procédure civile ou dépens à leur encontre ».
Par conséquent, dès lors que Monsieur [R] [E] n'était pas signataire de ce protocole, auquel il n'était pas partie, la SCI CHABLAIS PARC avait un intérêt certain, pour parvenir à son exécution, à obtenir l'engagement de Monsieur [R] [E] de ratifier les engagements qu'elle avait pris en son nom à l'égard de l'association ESPACE LIBRE et de Monsieur [I] [L] en contrepartie de l'abandon de leur recours devant le tribunal administratif, et de s'y conformer.
Les concessions réciproques exigées pour que le protocole du 16 septembre 2010 ait valeur de transaction, résident dans l'interdépendance existant entre les différentes procédures nées entre les quatre protagonistes de cette affaire.
Tous les éléments constitutifs d'une transaction sont donc réunis, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que le juge des référés a refusé de rétracter l'ordonnance du 2 décembre 2011 lui ayant donné force exécutoire.
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La SCI CHABLAIS PARC semble considérer que la résiliation ultérieure du contrat la liant à Monsieur [R] [E] ôterait au protocole sa valeur de transaction ou mettrait fin à l'accord conclu en ce qu'il prévoit un paiement différé de l'indemnité globale convenue en fonction de l'avancement des travaux.
La cour est saisie d'un appel du refus de rétractation d'une ordonnance ayant donné force exécutoire à une transaction et non de l'ensemble des procédures susceptibles d'opposer les deux parties signataires.
Comme l'a très justement rappelé le juge des référés, la résiliation ultérieure du contrat de maîtrise d'oeuvre est indépendante de la validité du protocole transactionnel.
Contrairement aux affirmations de la SCI CHABLAIS PARC, aucune clause du protocole ne limitait sa validité à la poursuite du contrat en cours à la date de sa signature, le protocole ne privant pas la SCI CHABLAIS PARC de son droit à solliciter par ailleurs l'indemnisation d'un préjudice qu'elle estimerait résulter de manquements de Monsieur [R] [E] à ses obligations contractuelles.
En outre, en interprétant la clause de paiement différé en fonction de l'avancement des travaux, comme soumettant ce paiement à la condition que Monsieur [R] [E] assure toujours la maîtrise d'oeuvre au moment de chaque échéance, la SCI CHABLAIS PARC ajoute au protocole une clause qui n'y figure pas et qui fait dépendre l'exécution de son engagement de sa propre décision de poursuivre ou non le contrat du maître d'oeuvre, privant ainsi le protocole de tout effet juridique.
sur la demande de main-levée du séquestre
La saisine de la cour d'appel ne s'étendant qu'aux causes de l'appel, il ne lui appartient pas de se prononcer sur une « demande reconventionnelle » qui n'a pas été formée en première instance et qui relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution qui a prononcé la mise sous séquestre.
sur l'article 700 du Code de procédure civile
Monsieur [R] [E] est en droit de se prévaloir de l'article 700 du Code de procédure civile pour obtenir le remboursement, à hauteur de 5.000 euros, des dépenses occasionnées par la présente procédure.
Les conditions d'application de ce texte ne sont pas remplies au profit de la SCI CHABLAIS PARC.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONSTATE que la demande de main-levée d'hypothèque est devenue sans objet,
CONFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI CHABLAIS PARC à payer à Monsieur [R] [E] la somme de CINQ MILLE EUROS (5.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
DEBOUTE Monsieur [R] [E] de sa demande reconventionnelle,
CONDAMNE la SCH CHABLAIS PARC aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT