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24/10/2013 | FRANCE | N°12/05650

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 24 octobre 2013, 12/05650


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 24 Octobre 2013

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05650 - 12/05651 - 12/05777



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN RG n° 10-00924





APPELANTE

SOCIETE AREVA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe PLICHON, avocat

au barreau de PARIS, toque : P0461, Me Philippe G. LANGLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461





INTIMEES

Madame [Q] [X] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en personne...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 24 Octobre 2013

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05650 - 12/05651 - 12/05777

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mai 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN RG n° 10-00924

APPELANTE

SOCIETE AREVA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe PLICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461, Me Philippe G. LANGLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMEES

Madame [Q] [X] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

CPAM 77 - SEINE ET MARNE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [W], en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIES INTERVENANTES :

Madame [R] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4], comparante en personne, assistée de Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 2]

avisé - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par les sociétés Areva et Areva Nc et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne, d'un jugement rendu le 11 mai 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun, dans un litige les opposant aux consorts [C].

FAITS- PROCÉDURE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il sera rappelé que monsieur [V] [C], né en 1950, a été embauché, du 3 août 1978 au 17 décembre 1984, en qualité de chef d'équipe-intervention usine, par la société Compagnie Minière d'Akouta, la société Cominak, société de droit nigérien, chargée de l'exploitation du gisement d'uranium d'Akouta au Niger, et dont était notamment actionnaire le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) aux droits duquel sont venus successivement la société Cogema puis, depuis 2007, la société Areva Nc, filiale de la société Areva.

Antérieurement et postérieurement à cette relation professionnelle, monsieur [C] a travaillé pour le compte d'autres entreprises.

Le 14 avril 2009, monsieur [C] a déclaré une maladie professionnelle pour une 'dyspnée d'effort et altération générale en rapport avec un cancer du poumon', constatée par un certificat médical du 26 février 2009, et complétée par un second certificat médical du 16 juillet 2009 qui a conclu à un 'adénocarcinome bronchitique primitif chez un ancien responsable de maintenance exposé lors de son activité professionnelle, notamment à l'inhalation de poussières d'uranium dans une usine de traitement d'uranium et à l'inhalation de poussières de cobalt'.

Monsieur [C] est décédé des suites de sa maladie le 31 juillet 2009.

Cette affection a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, le 10 février 2010, au titre du tableau n°6 des maladies professionnelles, relatif à l'exposition aux rayonnements ionisants, la caisse ayant au préalable invité tous les employeurs de monsieur [C] à consulter son dossier d'instruction.

La maladie professionnelle a été inscrite par la caisse régionale d'assurance maladie au compte spécial de la branche accidents du travail-maladie professionnelle en raison de la multiplicité d'employeurs.

Le 14 avril 2010, Mme [Q] [C] [K] et Mme [C] [R] , ayants droits de monsieur [C], ont introduit une action en faute inexcusable à l'encontre des sociétés Areva et Areva Nc, venant aux droits de la société Cogema.

Par jugement en date du 11 mai 2012 , le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Melun a :

- rejeté les moyens des sociétés Areva et Areva Nc tirés de l'inapplicabilité du droit français,

- dit que la société Areva Nc venant aux droits de la société Cogema avait la qualité de co-employeur de monsieur [C] et qu'elle avait commis une faute inexcusable à l'égard de monsieur [C],

- ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie devait régler aux consorts [C], au titre de leur action successorale, les sommes suivantes :

- 10 000 euros : incidence professionnelle,

- 3 500 euros : déficit fonctionnel temporaire,

- 50 000 euros : souffrances physiques,

- 50 000 euros : souffrances morales,

- 40 000 euros : préjudice d'agrément,

- 5 000 euros : préjudice esthétique,

- et au titre de leur préjudice moral, 50 000 euros à Mme [K], et 50 000 euros à Mme [R] [C],

- constaté que la prise en charge de la maladie professionnelle avait fait l'objet d'une inscription au compte spécial,

- dit que la caisse ne disposait pas d'un recours à l'encontre de la société Areva Nc en ce que cette personne morale n'est pas l'employeur de monsieur [C] et n'était pas débiteur des conséquences financières de la faute inexcusable,

- condamné la société Areva Nc à une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assorti le jugement de l'exécution provisoire.

La société Areva, la société Areva Nc et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne ont régulièrement interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les sociétés Areva et Areva Nc concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a consacré la faute inexcusable de la société Areva Nc et rejeté leur mise hors de cause en soutenant :

- à titre principal, que seule la loi nigérienne était applicable,

- qu'il n'y avait pas de travail en commun sous direction unique ni co-emploi entre les sociétés Cominak, d'une part, et les sociétés Areva et Areva Nc d'autre part ; que ce sont des personnes morales distinctes de la société Areva, n'étant pas actionnaire de la société Cominak ; que la société Areva Nc ne détenant que 34 % du capital social de cette dernière, celle-ci n'est donc pas une filiale au sens juridique du terme,

- qu'elles ne peuvent se voir reprocher une faute inexcusable,

- que le lien causal entre l'activité qui fut celle de monsieur [C], alors qu'il était salarié de la société Cominak et la maladie déclarée n'est pas établi,

- que les consorts [C] doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes dirigées contre elles,

- à titre subsidiaire, que les sommes réclamées par les requérants devront être éduites dans de fortes proportions,

- que la caisse primaire d'assurance maladie ne peut se prévaloir à leur encontre des dispositions de l'article L 452 et suivants du code de la sécurité sociale, lequel est étranger au cas d'espèce soumis à la loi nigérienne,

- que toute action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie qui serait dirigée contre elles ne pourra prospérer,

- plus subsidiairement encore, que les décisions par lesquelles la caisse a pris en charge la maladie déclarée par monsieur [C] leur sont inopposables.

La caisse primaire d'assurance maladie conclut à la réformation du jugement, mais seulement en ce qu'il a dit qu'elle n'avait pas de recours à l'encontre de la société Areva Nc, faisant valoir que le tribunal ne pouvait désigner la société Areva Nc comme co-employeur, et lui imputer la commission d'une faute inexcusable sans reconnaître par voie de conséquence, que cette qualité engageait juridiquement cette personne morale à réparer le préjudice né de cette faute ; pour le reste, elle demande la confirmation de la décision.

Mme [K] [Q] et Mme [R] [C] concluent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, mais y ajoutant, sollicitent que soit reconnue également la faute inexcusable de la société Areva qui a elle aussi, la qualité de co-employeur aux côtés d'Areva Nc ; elles demandent en conséquence la condamnation solidaire des deux sociétés au versement des sommes accordées et de l'indemnité forfaitaire de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale ; elles réclament en outre, à la charge de deux sociétés, une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles exposent, pour l'essentiel, que la maladie professionnelle de monsieur [C], ressortissant français, a été prise en charge par la caisse de Seine et Marne, que le salarié a été exposé de manière la plus significative au sein du site d'Akouta, que cette prise en charge concerne le tableau 6, et non le tableau 30, que l'inscription au compte spécial induit l'application de la loi française, que les deux sociétés ont la qualité de co-employeurs, qu'enfin les conditions de la faute inexcusable sont en l'espèce parfaitement remplies puisque ces sociétés avaient conscience du danger auquel était exposé monsieur [C] et qu'elles n'ont pas respecté leur obligation de sécurité alors que le salarié manipulait, sans protection, des pièces de ferraille radioactives.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 4 juillet 2013, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

SUR QUOI LA COUR

Considérant qu'il y a lieu tout d'abord d'ordonner la jonction des affaires enregistrées au greffe de la Cour sous les numéros 12/05651, 12/05777 et 12/05650 et relatives au même litige;

Sur la loi applicable

Considérant que les sociétés Areva et Areva NC soulèvent tout d'abord l'inapplicabilité de la loi française aux motifs que le contrat de travail intervenu entre monsieur [C] et la société Cominak était soumis au droit nigérien, qu'il a été exécuté au Niger, que monsieur [C] était soumis à la caisse de sécurité sociale nigérienne ;

Mais considérant que la maladie professionnelle dont a été victime monsieur [C], ressortissant français, a été prise en charge le 10 février 2010 par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne ; que cette maladie professionnelle a été inscrite au compte spécial eu égard à l'exposition multiple du salarié à un risque d'inhalation de poussières d'uranium et rayons ionisants dans les diverses entreprises, françaises et étrangères, au sein desquelles il a travaillé;

Qu'il résulte des dispositions de l'article L111-2-2 du code de la sécurité sociale, que sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français une activité salariée;

Que l'article 38 de la convention franco nigérienne, sur la sécurité sociale, conclue le 28 mars 1973, stipule en outre que 'lorsque la victime d'une maladie professionnelle a exercé sur le territoire des deux parties, un emploi susceptible de provoquer ladite maladie, les prestations auxquelles la victime ou ses survivants peuvent prétendre sont accordées exclusivement au titre de la législation de la partie sur le territoire de laquelle l'emploi en cause a été exercé en dernier lieu';

Considérant que monsieur [C] était affilié au régime de sécurité sociale français, eu égard à l'exercice sur le territoire français d'un emploi salarié; qu'il a notamment travaillé de 1992 à 1996, en qualité de responsable maintenance aux services nucléaires, pour le compte de la société Jeumont Industrie; que s'agissant d'un emploi susceptible de provoquer la maladie professionnelle dont il était atteint et cet emploi ayant été exercé en dernier lieu sur le territoire français, c'est bien la législation française qui s'applique, au sens de la convention bilatérale et du texte précités;

Que ce moyen sera donc rejeté;

Sur la faute inexcusable

Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment pour ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié, du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ;

Qu'aux termes de ces dispositions, le débiteur de la faute inexcusable est l'employeur ou ceux qu'il s'est substitués dans la direction ; qu'il peut être également un co-employeur dès lors que la preuve est rapportée que le salarié a accompli son travail sous la direction commune et au profit de deux personnes physiques ou morales liées entre elles par une confusion d'intérêts, d'activités et de direction;

- sur la qualité d'employeur

Considérant, en l'espèce, que monsieur [C] a conclu successivement deux contrats de travail, le premier, le 3 août 1978 et le second, qui s'est substitué au premier, le 10 août 1978, avec la société Compagnie Minière d'Akouta en abrégé Cominak, dont le siège social est à [Localité 5] au Niger et qu'il a été affecté en qualité de chef d'intervention usine sur le site de la mine d'Akouta au Niger jusqu'au 17 décembre 1984 ; que son contrat de travail était soumis à une validation par les autorités nigériennes;

Considérant que la société Cominak est une société anonyme de droit nigérien; qu'elle a été créée le 1er février 1974, à [Localité 5], entre l'Etat du Niger, le Commissariat à l'Energie Atomique, devenu successivement société Cogema, puis à compter de 2007, société Areva NC, la société espagnole Enusa et la société japonaise Ourd; qu'elle a été immatriculée à [Localité 5], au Niger, avait un établissement en France à [Localité 6] et pour objet social la recherche et la mise en valeur et l'exploitation de tous gisements et exploitation d'uranium du site d'Akouta, que lui avait amodié la société Cogema, titulaire de la concession d'exploitation minière d'Arlit;

Considérant, comme le démontrent les pièces produites, que monsieur [C] a exécuté son travail sous la subordination de la société Cominak, qui lui a versé ses salaires, contrôlé son activité et procédé le 17 décembre 1984 à son licenciement dans le cadre du plan de nigérisation des postes de travail de la Cominak imposée par l'Etat nigérien ;

Qu'il en résulte que l'employeur de monsieur [C], du 3 août 1978 au 17 décembre 1984 est la société Cominak, dont il n'est pas contesté qu'elle possédait une existence légale, une activité et une personnalité morale propres et que Mme [C] a désigné, en cette qualité d'ailleurs, dans son courrier d'introduction de la procédure ;

Considérant que la société Cominak qui est toujours immatriculée au registre de [Localité 5] et poursuit à ce jour son activité, n'a pas été attraite à la procédure pour faute inexcusable qui se déroule en conséquence en l'absence de l'employeur juridique;

- sur la qualité de co-employeurs

Considérant qu'il convient donc d'examiner si les sociétés Areva et Areva Nc, cette dernière venant aux droits de la société Cogema, et à l'encontre desquels les consorts [C] dirigent leur action, ont la qualité de ceux que l'employeur s'est substitués dans la direction ou celle de co-employeur;

Considérant que les consorts [C] ne soutenant pas que la société Cominak s'est substitué la société Cogema dans la direction-, seule la question de la qualité de co-employeur de cette dernière doit être examinée;

Et considérant que les sociétés Areva et Areva Nc, venant aux droits de la société Cogema, ne peuvent être considérées comme co-employeurs de monsieur [C] que si est rapportée la preuve, soit d'un lien de subordination entre le salarié et la société Cogema, soit d'une confusion d'activité, d'intérêts et de direction entre la société Cominak et la société Cogema devenue Areva Nc;

Considérant, sur le premier point, qu'aucune pièce du dossier ne conforte la réalité d'un lien de subordination entre monsieur [C] et la société Cogema et l'exercice par cette dernière de prérogatives de direction, de contrôle ou de discipline à l'égard du salarié, un tel lien n'étant d'ailleurs pas allégué par les consorts [C],

Considérant, sur le second point, qu'aucun élément n'établit davantage l'existence d'une confusion d'activité, d'intérêts et de direction entre la société Cominak et la société Cogema, telle qu'elle a été retenue par le tribunal et est soutenue par les ayant droits du monsieur [C];

Considérant, en effet, tout d'abord, que la société Cominak n'est pas, au sens juridique du terme, une filiale de la société Cogema devenue Areva Nc, puisque, en disposant de 34% des actions, elle ne détient pas plus de la moitié du capital social de la société Cominak, seuil défini par l'article L 233-1 du code du commerce pour qu'une société devienne filiale d'une société actionnaire;

Qu'elle partage ce capital social avec 3 autres actionnaires dont il n'est pas contesté qu'ils ont une existence légale, sont des personnes morales distinctes et possèdent 31% des actions pour l'Etat nigérien, 25 % pour la société japonaise Ourd et 10% pour la société espagnole Enusa ;

Que le conseil d'administration de la société Cominak est composé des représentants de ces actionnaires, sans que la société Cogema devenue Areva Nc, ne soit majoritaire en sièges; qu'il n'est pas établi, par ailleurs , que les représentants de la société Cogema et après elle, ceux des sociétés Areva et Areva Nc, contrôlent ou dirigent les autres associés;

Considérant, ensuite, qu'il n'est démontré aucun acte d'immixtion de la société Cogema devenue Areva Nc, dans l'administration et la direction de la société Cominak, aucune gestion commune de personnel, de dépendance hiérarchique entre les salariés de la société Cominak et ceux de la société Areva Nc, de directives données par cette dernière qui ôteraient à la société Cominak toute autonomie dans la gestion de son activité ; que le fait que la société Cogema devenue Areva Nc partage avec la société Cominak, un intérêt commun, poursuivi également par les autres associés, est inhérent à sa qualité d'actionnaire sans qu'il s'en déduise une confusion de gestion ou d'activité;

Et considérant que pour retenir une situation de co-emploi, le tribunal des affaires de la sécurité sociale s'est fondé sur l'identité d'objet social des deux sociétés, l'identité d'activités, l'exploitation en commun du même site d'Akouta, enfin sur la responsabilité technique, économique sociale et financière que la société Areva NC aurait volontairement endossée;

Mais considérant, premièrement, que l'objet social de la société Cogema devenu Areva Nc et qui concerne 'toute activité de nature industrielle et commerciale se rapportant au cycle de matières nucléaires, notamment en matière de transports' est plus large que celui de la société Cominak qui a pour activité 'l'exploitation du gisement d'uranium d'Akouta';

Qu'en second lieu, si la société Cominak figurait sur le registre du commerce, au titre de son établissement français, à la même adresse que la société Cogema, à Velizy Villacoublay, cet élément est indifférent puisque le siège social de la société Cominak, société de droit étranger, était, et demeure, sis à [Localité 5] où elle est immatriculée dès l'origine;

Qu'en troisième lieu, s'agissant de l'exploitation du site d'Akouta, que la société Areva Nc venant aux droits de la société Cogema, est certes titulaire de la concession du gisement du site d'Akouta, depuis 1968; que toutefois, force est de constater qu'elle a amodié cette concession à la société Cominak en 1974, de sorte que c'est cette dernière qui assure depuis cette date, l'exploitation de la mine; que le seul fait que la société Areva Nc soit titulaire de la concession apportée à la société Cominak dont elle n'est pas la société mère, ne suffit donc pas à caractériser la situation de dépendance arguée;

Considérant, enfin, sur les engagements pris par la société Areva à l'égard de l'impact sanitaire auquel sont soumis les salariés travaillant dans les mines d'uranium, qu'il est établi que le 19 juin 2009, cette société a conclu avec l'association Sherpa et Médecins du Monde un protocole d'accord sur les maladies provoquées par les rayonnements ionisants prévoyant notamment la mise en place d'un observatoire local de la santé pour les sites qu'elle exploite à travers le monde et une indemnisation 'pour tout travailleur, salarié d'Areva ou de l'une de ses filiales',souffrant d'une pathologie inscrite au tableau 6 des maladies professionnelles;

Considérant toutefois que cet accord, qui constitue un engagement unilatéral de la société Areva portant sur l'ensemble des activités minières qu'elle exerce soit directement soit par l'intermédiaire de filiales à travers le monde, ne peut s'analyser comme une reconnaissance de sa qualité d'employeur ou de co-employeur à l'égard de monsieur [C], qui n'est juridiquement, ni son salarié, ni un salarié de sa filiale;

Considérant que c'est donc à tort que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a dit que la société Areva Nc, venant aux droits de la société Cogema, avait la qualité de co-employeur à l'égard de monsieur [C] et qu'elle avait, en cette qualité, commis une faute inexcusable;

Considérant que le jugement qui a fait droit aux demandes des consorts [C] sera en conséquence infirmé, ces derniers étant déboutés de toutes leurs prétentions dirigées contre les sociétés Areva et Areva Nc, y compris celles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des affaires enregistrées au greffe de la Cour sous les numéro 12/05651, 12/05777 et 12/05650,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau ,

Déboute Mme [Q] [C] [K] et Mme [C] [R] de toutes leurs demandes.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 12/05650
Date de la décision : 24/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°12/05650 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-24;12.05650 ?
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