Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 23 OCTOBRE 2013
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20905
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2011 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 09/00188
APPELANTE
SA CLAMENS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Dont le siège social est
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de : Me Arnault BUISSON-FIZELLIER plaidant pour le Cabinet BFPL, avocat au barreau de PARIS, toque : P496
INTIMEES
SA ALLIANZ en qualité d'assureur des sociétés AULITEC et ALFATEC prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par : Me Dominique OLIVIER , avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assistée de : Me Laurence MAILLARD plaidant pour la SCP TLJ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0169
SA MMA IARD venant aux droits de AZUR ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux, ès qualités d'assureur de la société TELS EUROPE
Dont le siège social est
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assistée par : Me Stéphanie SCHWEITZER, avocat au barreau de PARIS, toque : J040
SAS ALFATEC prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par : Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de : Me Jacques LEFEVRE, avocat au barreau de la ROCHE SUR YON
SAS CAVAZZA B T P prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par : Me Patricia HARDOUIN (avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)
Assistée de : Me Bernard CAZAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P325
Société DOLLEY-COLLET PRISE EN LA PERSONNE DE MAÎTRE [B] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
es-qualités de liquidateur judiciaire de la société TELS EUROPE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre
Madame Marie-José THEVENOT, Conseillère
Madame Dominique BEAUSSIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Rapport oral fait par Madame Dominique BEAUSSIER, conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth VERBEKE
ARRET :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-José THEVENOT, Magistrat signant aux lieu et place du Président empêché et par Monsieur Guillaume MARESCHAL, Greffier.
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La société CLAMENS, spécialisée dans le retraitement de produits issus du bâtiment tels que le béton, a confié à la société ALFATEC assurée auprès des AGF la réalisation d'une unité de recyclage des boues et matériaux graveleux contenus dans le curage des fosses de centrales à béton, dans le but de récupérer les sables et gravillons contenus dans ces boues afin qu'ils puissent être intégrés sans aucun traitement complémentaire dans la fabrication de béton.
Ce projet a fait l'objet d'un protocole d'achat du 3 avril 2006 conçu sur la base d'un cahier des charges établi par la société CLAMENS et régularisé le 19 avril 2006 dans lequel l'unité de recyclage est principalement composée :
- d'un process 'matériaux' destiné à traiter les produits entrants, déversés directement par des camions bennes dans une trémie de réception,
- d'un process 'eaux' par la création de 4 bassins pour eaux chargées, stockage des eaux claires et captation des eaux d'égouttage et de décantation.
Le coût global, forfaitaire et définitif de l'unité était de 1.025.000€ HT outre 47.334€ HT de travaux supplémentaires ; La mise en route devait intervenir au plus tard le 15 juillet 2006 après essais en charge de l'installation.
Aux termes du protocole, la société ALFATEC s'engageait à fournir :
- un débit d'installation par traitement de 200.000 tonnes par an sur 200 jours/an à raison de 5 heures par jour de produits entrants, soit 1.000 tonnes par jour et 200 tonnes par heure,
- un produit sortant commercialisable pour la fabrication de béton conforme à la norme EN 206 pour des bétons C25/30.
Il était précisé que les produits à traiter, fournis par la société CLAMENS, étaient des 'résidus de béton et tout venants alluvionnaires.
Ces résidus de béton non solidifiés se présentent sous la forme pâteuse et friable, semi liquide et non homogène.
La densité moyenne des résidus de béton non solidifiés est évaluée à 1,5 kg/dm3
La granulométrie maximale ne pourra être supérieure à 80mm avec une concentration de 5%
Le pourcentage entrant dans la constitution de ces résidus est d'environ : 1/3 pour le sable, 1/3 pour les graviers et 1/3 pour le volume d'eau'.
La société ALFATEC aurait sous-traité l'étude de l'installation à la société AULITEC assurée auprès d'AGF ; Sur décision du 27 avril 2007 d'ALFATEC son associé unique, AULITEC a été dissoute par confusion de patrimoines des sociétés LA SOCIÉTÉ ALFATEC et AULITEC.
Par ailleurs, LA SOCIÉTÉ ALFATEC a commandé à TELS EUROPE assurée auprès d'AZUR Assurances aux droits de laquelle viennent les MMA, différents matériels en provenance des USA et notamment :
- un débourbeur de type 6536-19T de marque KPI pour le décrassage et le nettoyage des matériaux,
- une vis V1 d'alimentation sous trémie de type 6044-32S de marque KPI pour transporter le produit brut de la sortie du trémie de déchargement vers le débourbeur,
- une vis à sable V2 de type 5024-25S de marque KPI permettant de récupérer le sable humide en sorte de crible avec les eaux usées de lavage pour obtenir un sable sec.
La société CLAMENS a confié les travaux de génie civil, notamment la construction des bassins de forme rectangulaire à la société CAVAZZA selon devis du 21 avril 2006 et une commande du 24 avril 2006 pour un montant de 431.885€ HT ; Des travaux supplémentaires ont été commandés en juin et juillet 2006 selon trois devis d'un montant respectif de 50.410€ HT pour le chargement de la grue de levage, de 142.970€ HT pour la fourniture et la mise en place de murs préfabriqués pour la rampe d'accès au quai de déchargement, de 9.328€ HT pour l'installation du regard électrique avec butoirs et caniveau métallique.
Se plaignant de nombreux dysfonctionnements dès la mise en route début novembre 2006, la société CLAMENS a saisi le tribunal de commerce de Meaux qui par ordonnance du 12 janvier 2007 a désigné Monsieur [T] en qualité d'expert ; L'expert s'est adjoint Monsieur [Y] en tant que sapiteur financier ; Le rapport d'expertise a été déposé le 15 décembre 2008.
Par jugement du 2 février 2010 confirmé par arrêt du 5 novembre 2010 de la cour d'appel de Paris, la demande de nullité du rapport d'expertise formée par la société ALFATEC a été rejetée.
Par jugement du 8 novembre 2011, le tribunal de commerce de Meaux a notamment :
- débouté la société ALFATEC de sa demande de nullité du rapport d'expertise,
- débouté la société CLAMENS de sa demande principale contre la société ALFATEC,
- condamné la société CLAMENS à payer à la société ALFATEC 164.628,44€ HT outre TVA à 19,60% et intérêts à compter du 14 janvier 2009,
- dit que la société ALLIANZ n'était pas tenue à garantie à l'égard des sociétés ALFATEC et AULITEC,
- dit que la société MMA n'était pas tenue de garantir la société TELS EUROPE,
- débouté la société CLAMENS de ses demandes à l'encontre des sociétés TELS EUROPE et CAVAZZA,
- condamné la société CLAMENS à payer à la société CAVAZZA 75.000€ TTC et intérêts à compter du 14 janvier 20009,
- ordonné la libération des sommes séquestrées entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Meaux, soit 35.000€,
- condamné la société CLAMENS à diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CLAMENS a relevé appel de cette décision et par dernières conclusions du 14 mars 2013, elle sollicite son infirmation, l'entérinement du rapport d'expertise et la condamnation in solidum de la société ALFATEC, d'ALLIANZ nouvelle dénomination d'AGF en sa qualité d'assureur des sociétés ALFATEC et AULITEC, de MMA assureur de la société TELS EUROPE et de la société CAVAZZA à lui payer 1.572.822,76€ HT au titre du coût de reprise, 1.952.963€ HT au titre de la perte d'exploitation entre le 1/12/06 et le 31/12/07 et 10.000€ au titre de ses frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 11 février 2013, la société ALFATEC sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées à son encontre ; Par ailleurs, elle forme un appel incident et demande la condamnation de la société CLAMENS à lui payer 179.139,60€ HT au titre du solde de son marché outre 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée par le jugement attaqué ; A titre subsidiaire, elle demande l'annulation du rapport d'expertise, le débouté des demandes de la société CLAMENS et la condamnation de celle-ci à lui verser 164.628,44€ au titre des travaux d'amélioration apportés à la machine ; Encore plus subsidiairement, elle demande la réduction de la condamnation au titre des travaux, le débouté de la demande sur préjudice immatériel et la garantie d'ALLIANZ au titre de ses deux polices ainsi que de MMA assureur de la société TELS EUROPE en liquidation.
Par dernières conclusions du 1er mars 2013, ALLIANZ assureur des sociétés ALFATEC et AULITEC sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'elle ne devait pas sa garantie, et le débouté des demandes ; Subsidiairement, elle demande à ce que sa garantie soit limitée à 150.000€ ; Enfin elle réclame 10.000€ au titre de ses frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 21 novembre 2012, MMA prise en qualité d'assureur de la société TELS EUROPE demande la confirmation du jugement qui a constaté qu'elle n'était pas tenue à garantie et le débouté des demandes ; Subsidiairement elle demande à ce que les conséquences du défaut de performance des matériels fournis par la société TELS EUROPE n'excèdent pas 45.245€ correspondant au remplacement des matériels fournis, et à ce que la demande à son encontre soit rejetée en raison de l'exclusion de garantie de la réparation des travaux de son assurée ; Plus subsidiairement, elle demande le débouté de la demande de condamnation in solidum et le débouté de la demande relative à la perte d'exploitation, et en tout cas sa limitation à 603.407€ ; Très subsidiairement en cas de condamnation in solidum, elle demande la garantie des sociétés ALFATEC, ALLIANZ, CAVAZZA, le débouté des appels en garantie à son encontre ; Enfin elle oppose les limites de sa police et réclame 40.000€ au titre de ses frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 20 février 2012, la société CAVAZZA sollicite la confirmation du jugement et le débouté des demandes à son encontre pour absence de faute ; Par ailleurs, elle demande la confirmation du jugement au titre de la condamnation prononcée à son profit ; Enfin elle réclame 15.000€ au titre de ses frais irrépétibles.
La SCP DOLLEY-COLLET ès-qualités de liquidateur de la société TELS EUROPE a été assignée par la société CLAMENS le 23 janvier 2012, la société ALFATEC le 5 avril 2012, MMA le 7 juillet 2012 ; Elle n'a pas constitué avocat.
La cour se réfère aux conclusions précitées pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
SUR CE
L'appréciation du litige ne peut s'effectuer qu'au regard de l'ensemble des pièces au dossier dont le rapport d'expertise de Monsieur [T] constitue l'élément essentiel ; En conséquence, il convient d'analyser dés à présent la demande de nullité du rapport de l'expert réclamée à titre subsidiaire par la société ALFATEC et MMA.
Sur la nullité du rapport d'expertise
La société ALFATEC fonde sa demande de nullité du rapport de Monsieur [T] sur les articles 237 et 238 du code de procédure civile aux motifs que :
- d'une part l'expert a totalement manqué d'impartialité tout au long de l'exécution de sa mission en ne tenant pas compte que l'installation était un prototype, que la société CLAMENS a paralysé la machine en ajoutant du ciment dans l'installation, que les matériaux entrants n'étaient pas conformes à leur définition contractuelle, en imputant les dysfonctionnements à un manque d'études préalables sans faire d'observation sur le flow sheet qui lui a été adressé, et en ne répondant pas aux dires relatifs à l'impossibilité pour la société CLAMENS de fournir la quantité d'entrants prévus au contrat ;
- d'autre part l'expert n'a pas répondu sur tous les points de sa mission et n'a fait qu'entériner sans réserve et sans rechercher l'amélioration de l'installation en place, une solution de remplacement à un prix supérieur de 50% à l'installation d'origine, procurant des performances inférieures et que la société CLAMENS n'a finalement pas mise en oeuvre.
Outre que cette demande de nullité a déjà fait l'objet d'une décision de rejet confirmée par la cour le 5 novembre 2010, l'ensemble des griefs faits à l'expert concerne soit des points techniques sur lesquels Monsieur [T] a donné son avis de façon argumentée et qui ne saurait être qualifié de partial du seul fait que la société ALFATEC n'y adhère pas, soit des appréciations juridiques qui ne relèvent pas de la compétence d'un expert.
Il sera relevé que si la cour ne dispose pas de notes de l'expert répondant aux différents dires établis par les parties tout au long des opérations d'expertise, Monsieur [T] a néanmoins, en pages 78 à 92, répondu à l'ensemble des dires récapitulatifs des parties et a fourni à la cour les éléments d'information nécessaires pour lui permettre de statuer, notamment en faisant procéder à des prélèvements et analyses des produits entrants et sortants dont la conformité constitue la contestation principale des parties.
Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la société ALFATEC, l'expert a analysé de façon critique les devis de travaux réparatoires présentés par la société CLAMENS, étant relevé que les autres parties n'en ont proposé aucun autre ; De même son sapiteur financier a fourni un travail sérieux au vu des pièces communiquées.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de nullité de rapport demandée, étant relevé que la cour n'est pas liée par les conclusions de l'expert.
SUR LES DEMANDES DE LA SOCIETE CLAMENS
La société CLAMENS fonde ses demandes sur le rapport de Monsieur [T] et de son sapiteur Monsieur [Y].
- Le rapport d'expertise
Monsieur [T] a retenu que l'installation n'était pas en mesure de traiter les produits entrants selon le débit souhaité de 200.000 tonnes annuelles sur 200 jours/an par 5h/jour et que le produit final sortant n'était pas utilisable dans la fabrication du béton prêt à l'emploi type C25/30 conforme à la norme EN 206.
En ce qui concerne le défaut de performance de l'installation quant au débit du produit traité, il a considéré qu'il était dû :
- au caractère inadapté de la trémie d'alimentation entraînant le bourrage des boues au moment du déversement et l'impossibilité de procéder à l'inclinaison des deux grilles prévues pour l'élimination latérale des blocs de dimensions excessives,
- au défaut de maîtrise d'eau au niveau de la vis V1 en sortie sous la trémie, ayant amené la société ALFATEC à effectuer une dérivation de l'eau vers le bassin n°1, cette eau étant fortement chargée en fines,
- au sous-dimensionnement de la vis V1 d'alimentation sous trémie ne permettant pas un débit suffisant,
- à la taille trop petite de la goulotte supérieure du crible,
- au sous-dimensionnement de la vis V2 à sable, ne permettant pas d'obtenir un sable sec,
- à la forme rectangulaire des bassins favorisant les dépôts de fines dans les angles.
Il a conclu que ces désordres étaient dûs d'une part à une quasi-absence d'études process dans la conception de l'installation qui aurait permis de définir et maîtriser les flux et compositions des matières circulantes à chaque stade du traitement et d'adapter la conception et le dimensionnement des matériels, d'autre part au sous-dimensionnement des vis V1 et V2 par rapport aux besoins et avec des performances annoncées supérieures à celles données par le fabricant.
En ce qui concerne la non conformité des produits sortants, l'expert conclut qu'elle résulte du fait de la présence de nodules de ciments qui ne permet pas de réutiliser les sortants pour la fabrication de béton C25/30 sans traitement complémentaire.
Au titre des travaux réparatoires, il a retenu le devis ALFYMA du 29 novembre 2007 pour un montant de 1.551.165€ HT.
Sur le préjudice économique de la société CLAMENS, il a repris les conclusions de son sapiteur qui a estimé celui-ci pour l'année 2007 à 1.058.414€ HT pour un prix de vente envisagé de 13,42€/tonne et à 1.576.497€ HT pour un prix de vente de 18€/tonne.
Sur les responsabilités
La société CLAMENS, qui fait valoir que l'installation a présenté dés l'origine des dysfonctionnements qui ont empêché celle-ci de répondre aux objectifs de débit et de conformité du produit sortant, recherche la responsabilité de la société ALFATEC, concepteur réalisateur de l'installation, sur le fondement d'une obligation contractuelle de résultat, celle de la société AULITEC bureau d'études de la société ALFATEC pour sa défaillance dans l'étude du projet, celle de la société TELS EUROPE fournisseur en raison de l'impropriété du matériel vendu à la destination prévue, et celle de la société CAVAZZA pour manquement à son devoir de conseil quant à la forme des bassins.
Outre que chacune d'elles ou son assureur conteste sa responsabilité en opposant d'une part les conséquences attachées à la nature de prototype de l'installation, d'autre part l'absence de faute, enfin pour la société AULITEC le défaut de preuve de son intervention, il est principalement argué de la non conformité du produit entrant (gros blocs et nodules de ciment) livré par la société CLAMENS qui serait à l'origine des dysfonctionnements.
En l'espèce, la société CLAMENS était débitrice d'une obligation de fourniture d'un produit entrant conforme aux stipulations mentionnées dans le protocole d'accord ; Celui-ci devait donc notamment se présenter 'sous la forme pâteuse et friable, semi liquide et non homogène', la granulométrie ne devait pas être supérieure à 80mm avec une concentration de 5%, et sa constitution devait respecter un pourcentage de 1/3 sable, 1/3 graviers et 1/3 d'eau.
Or il résulte de l'examen des prélèvements des produits entrants réalisés à la demande de l'expert :
- au vu du rapport du 19 avril du CEBTP SOLEN,
que la teneur en eau était inférieure au tiers prévu contractuellement ;
C'est ainsi que le CEBTP SOLEN a relevé une teneur en eau de 17,6% dans la boue du 1er camion, 14,4% dans le 2ème camion, 25,2% dans le 3ème camion,
que la concentration de boue compacte était importante : concentration de mottes de ciment supérieures à 4mm : 8% dans le 1er camion, de 7,5% dans le 2ème ;
- au vu du rapport du 26 février 2008 du BTP RINCENT, qu'il a été trouvé des fibres métalliques dans les entrants ;
- au vu du courrier du 5 mars 2008 du BTP RINCENT, qu'il a été constaté la présence d'éléments de 3 à 5cm de longueur et environ 3cm d'épaisseur, indurés, ne pouvant être brisés à la main, mais nécessitant un choc brutal à l'aide d'un marteau.
Si on rapproche ces résultats de la nécessité dans laquelle la société CLAMENS s'est trouvée, et qui a été constatée par l'expert, d'utiliser une pelle mécanique pour faire passer les entrants à travers la grille dont les mailles sont pourtant de 200/100mm, et si on y ajoute que la société CLAMENS a introduit de la poudre de ciment, il ne peut qu'être considéré que la consistance en partie compacte des entrants a nécessairement participé au défaut de performance du débit de l'installation et ceci à tous les stades du procédé.
Néanmoins, il n'en demeure pas moins que l'installation a présenté dès l'origine des défauts intrinsèques qui la rendaient inapte à obtenir le débit contractuel escompté, étant relevé que le courrier de la société CLAMENS du 10 novembre 2006 indiquant que 'en dehors de la trémie, l'installation fonctionne bien et produit des matériaux de bonne qualité' ne saurait constituer un blanc seing dés lors qu'à cette date, l'installation venait juste d'être mise en route et que les conséquences de ces défauts n'étaient pas encore apparents dans leur étendue.
Il résulte en effet des opérations d'expertise :
- que la grille de réception était inadaptée et aurait dû être vibrante pour permettre un meilleur écoulement,
- que le niveau de l'eau au niveau de l'extracteur et du débourbeur n'était pas maîtrisé,
- que la vis V1 sous trémie fournie par la société TELS EUROPE ne permettait qu'un débit de 118 t/h au lieu des 200t/h prévus et des 250t/h annoncés par le fournisseur,
- que la goulotte du crible retenant les refus était trop petite,
- que la vis V2 à sable ne permettait qu'un débit de 45 ou 34 t/h au lieu des 66 t/h (1/3x200t/h) nécessaires et 50TPH annoncés, ce qui empêchait d'obtenir un sable sec,
- que les agitateurs circulaires ne pouvaient éviter les dépôts dans les angles en raison de la forme rectangulaire des bassins réalisés par la société CAVAZZA ce qui nécessitait une fréquence anormale de nettoyage.
En conséquence, la non obtention du débit contractuel reste, en partie imputable à la conception et la réalisation de l'installation, étant relevé qu'au stade de l'analyse des responsabilités, la possibilité ou pas pour la société CLAMENS de fournir 1000 tonnes par jour est indifférente dès lors que le débit contractuel constituait une obligation en elle-même.
Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir une part de responsabilité de la société CLAMENS dans la non obtention du débit contractuellement prévu à hauteur de 40%.
L'expert a par ailleurs conclu que le produit sortant était impropre à la fabrication de béton conforme à la norme EN 206 pour des bétons C25/30 en raison de la présence de nodules de ciment.
S'il s'avère que ces nodules de ciment se retrouvent dans les produits entrants fournis par la société CLAMENS, cette présence ne saurait être reprochée à celle-ci dés lors qu'elle n'est pas exclue dans la définition contractuelle de l'entrant et que ces nodules sont un élément incontournable en ce qu'ils sont inhérents à l'origine des boues dès lors qu'elles proviennent de ciment ; En revanche, leur élimination au stade du produit sortant aurait dû être prévue par le concepteur afin de respecter les qualités du produit contractuellement définies ; La responsabilité en incombe en conséquence exclusivement au concepteur de l'installation.
- Sur la responsabilité de la société ALFATEC
En vertu du protocole d'achat du 3 avril 2006, la société ALFATEC était chargée de la conception et de la réalisation de l'installation.
S'il est constant que l'objet du contrat concerne une installation innovante de traitement des boues de béton, force est cependant de constater que celle-ci fait appel à une technologie éprouvée constituée de matériels divers en vente dans le commerce.
Outre qu'à aucun moment du protocole il n'est utilisé la notion de 'prototype' ni d'expérimentation, il sera relevé que le contrat décrit précisément l'installation, les résultats et le débit escomptés, qu'il fixe sous peine de pénalités de retard un délai de mise en route précis et sans réserve de possibilité de non fonctionnement passé un délai de mise au point de 3 semaines, et qu'il contient une clause de garantie de résultat quant au produit obtenu.
En conséquence, cette obligation de résultat à laquelle s'est engagée la société ALFATEC ne saurait être exclue du seul fait qu'il s'agit d'un procédé nouveau ni qu'il est assorti d'une clause d'exclusivité pendant 5 ans ; Par ailleurs, le document établi par la société CLAMENS le 21 mars 2005 et qualifié de 'CCTP' par la société ALFATEC, s'analyse en un cahier des charges détaillant les objectifs souhaités par le maître d'ouvrage et ne saurait démontrer que ce dernier aurait participé à la conception de l'installation, laquelle était clairement et sans équivoque dévolue à la société ALFATEC au terme du contrat.
Par ailleurs, la société ALFATEC ne saurait reprocher à la société CLAMENS d'avoir empêché la mise au point de l'installation par une précipitation à introduire une instance judiciaire ; En effet, le délai de mise en route était fixé contractuellement en juillet 2006 et il était prévu un délai de mise au point de 3 semaines ; La mise en route étant intervenue début novembre 2006, la société CLAMENS était en droit, en raison des dysfonctionnements constatés dés l'origine, de solliciter une expertise fin décembre 2006 ; Par ailleurs, force est de constater que la société ALFATEC n'a pas plus réussi à faire fonctionner correctement l'installation pendant la durée de l'expertise.
En conséquence, la société ALFATEC a failli dans son obligation de livrer à la société CLAMENS une installation répondant aux impératifs contractuels de débit et de qualité du produit sortant.
Il est constant que l'obligation de résultat de l'entreprise trouve ses limites dans la cause étrangère, laquelle peut être constituée par la faute du co-contractant dans ses propres obligations.
En l'espèce, s'il a été vu que la société CLAMENS a une part de responsabilité dans la non obtention du débit contractuel, il n'en reste pas moins que la société ALFATEC a failli dans la conception et la réalisation de l'installation ; Il sera relevé à son encontre une quasi-absence d'études de process dans la conception de l'installation, étant relevé qu'elle n'a remis à l'expert un flow sheet complété que le 5 mars 2008 alors qu'il le lui a réclamé dés le 22 février 2007, et encore l'expert a pu constater que ce document était incomplet ; Par ailleurs, il lui revenait de s'interroger sur la nature et les composants des boues de béton et de prendre en compte la présence des nodules de ciment.
- sur la responsabilité de la société AULITEC
La société CLAMENS la recherche en ce qu'elle aurait failli dans les études du process dont elle aurait été chargée par la société ALFATEC.
Toutefois, l'intervention de cette société en qualité de bureau d'études techniques dans le cadre du marché de travaux est contestée par son assureur ALLIANZ.
Il n'est fourni en l'espèce aucun élément démontrant cette intervention ; Celle-ci ne saurait être établie par le seul fait que la société ALFATEC, qui en subsidiaire recherche la garantie d'ALLIANZ, l'affirme alors qu'ayant absorbé la société AULITEC après l'opération, la société ALFATEC était la mieux placée pour fournir les éléments justificatifs de cette intervention (contrat, études, factures, paiements...) ; Elle ne saurait pas plus résulter de l'absence de contestation d'ALLIANZ pendant les opérations d'expertise, étant relevé au surplus que l'expert ne parle pas de la société AULITEC dans son rapport.
- sur la responsabilité de la société TELS EUROPE
La société CLAMENS recherche la responsabilité contractuelle de la société TELS EUROPE en sa qualité de vendeur des matériels (vis V1 et V2 de marque KPI) et en vertu du principe de la chaîne des contrats.
MMA conteste la responsabilité de son assurée en faisant valoir d'une part que la société TELS EUROPE ne s'est pas engagée sur les capacités de traitement fixées dans le cadre du contrat ALFATEC/CLAMENS, d'autre part que le sous-dimensionnement des vis n'est pas établi puisque la vis V1 est conservée dans le devis réparatoire.
Cependant, il résulte des opérations d'expertise et des propres déclarations de la société de droit américain KOLBERG PIONEER INC, fabricant du matériel KPI, que les vis V1 et V2 fournies par la société TELS EUROPE sont sous-dimensionnées pour l'usage et le débit prévu ; L'expert a en effet relevé que la vis V1 sous trémie ne permettait qu'un débit de 118 t/h au lieu des 200t/h prévus et des 250t/h annoncés par le fournisseur, et que la vis V2 à sable ne permettait qu'un débit de 45 ou 34 t/h au lieu des 66 t/h (1/3x200t/h) nécessaires et 50TPH annoncés.
Le fait que la vis V1 est conservée dans le devis réparatoire ne saurait remettre en cause ce sous-dimensionnement dès lors que la conservation de la vis répond à un souci de limitation du coût de reprise et qu'il est remédié au défaut par des aménagements annexes et un débit moindre sur un temps plus long.
Par ailleurs, au regard des échanges de courriers entre la société ALFATEC et la société TELS EUROPE et des compte-rendus de réunion, il est constant que la société TELS EUROPE était informée des impératifs de débits contractuellement arrêtés par la société ALFATEC et la société CLAMENS, étant relevé qu'en tout état de cause, dans le cadre de son obligation de conseil, le fournisseur est tenu de se renseigner sur la destination du matériel vendu.
En conséquence, la responsabilité contractuelle de la société TELS EUROPE qui a livré du matériel avec des performances annoncées supérieures à celles données par le fabricant, et n'a au surplus pas tenu compte de la différence entre les unités américaines concernant les débits (TPH) et les unités françaises (tonnes/heures) qui sont plus faibles d'environ 10%, sera retenue en ce qu'elle a participé à la défaillance de l'installation dans le débit programmé.
- sur la responsabilité de la société CAVAZZA
La société CLAMENS recherche la responsabilité de la société CAVAZZA en ce qu'elle a failli à son obligation d'information et de conseil en n'émettant pas de réserves sur la forme rectangulaire des bassins au regard des agitateurs circulaires.
La société CAVAZZA conteste sa responsabilité au motif qu'aucune spécification particulière ne lui avait été confiée sur l'accumulation des fines dans le bassin, qu'il n'est pas démontré que la forme rectangulaire des bassins serait l'une des causes génératrices du dépôt de fines dans les bassins et qu'en tout état de cause il s'agirait d'un défaut apparent pour la société CLAMENS qui a réceptionné ses travaux sans réserve.
Toutefois, outre qu'il appartenait à la société CAVAZZA spécialisée en génie civil de se renseigner sur la destination et les contraintes des ouvrages qu'elle était chargée de réaliser, elle ne pouvait que s'interroger sur l'efficacité des agitateurs circulaires mis en place au regard de la forme rectangulaire de ses bassins ; Son devoir de conseil et d'information lui imposait donc d'alerter le maître d'ouvrage profane en matière de gros oeuvre sur l'inadaptation de l'installation ; A défaut elle a participé à la défaillance de l'installation dans le débit programmé.
Sur les préjudices
Les demandes de la société CLAMENS concernent tant le coût des travaux réparatoires que l'indemnisation de son préjudice d'exploitation sur le mois de décembre 2006 et l'année 2007.
- sur les travaux réparatoires
La société CLAMENS réclame à ce titre la somme de 1.572.822,76€ HT tout en précisant que le coût réel de reprise s'est élevé à 1.926.000€ HT ; Elle fait valoir que la somme demandée correspond au coût réparatoire retenu par l'expert sur la base du devis ALFYMA du 29 novembre 2007 et est constituée à hauteur de 857.175€ HT des factures ALFYMA et de celle de 693.990€ HT correspondant au montant du solde du devis ALFYMA pour des travaux supplémentaires entrepris par une société SOTRES dans le cadre d'un marché de plus grande ampleur.
La société ALFATEC conteste le montant réclamé ; Elle soutient que l'expert n'a fait qu'entériner le mode réparatoire proposé par Monsieur [Q] mandaté par la société CLAMENS et qui consistait en un remplacement de l'installation plutôt qu'à une réparation, que leur coût est infondé puisque la société CLAMENS n'a mis en oeuvre le devis ALFYMA que dans la limite de 857.175€ HT.
Toutefois, outre que la société ALFATEC n'a pour sa part présenté aucun devis contraire à l'expert, ce dernier a procédé à une analyse technique et critique des reprises à effectuer, ce dans un soucis de limitation de leur coût ; C'est ainsi qu'il a rejeté un premier devis SIF estimé excessif, qu'il a réduit le devis ALFYMA en éliminant les améliorations et qu'il a conservé certaines pièces dont notamment la vis V1 dont les défauts ont été compensés par des aménagements.
Si l'installation 'Alfyma' ne permet pas le débit de 200t/h sur 5h/jour, son débit d'entrants est cependant équivalent puisqu'il est de 130t/h sur 8h/jour.
La cour retient donc le coût des travaux de reprise proposé par l'expert comme satisfactoire et le fait que la société CLAMENS ait préféré y apporter des améliorations entraînant un surcoût est sans incidence dés lors que sa demande est limitée audit coût de reprise retenu par l'expert.
Toutefois, sera déduite du coût réparatoire la part de responsabilité de la société CLAMENS (40%) dans les travaux réparatoires pour permettre l'absorption des entrants dont la non conformité n'est pas éliminée, le devis ALFYMA tenant compte de 'blocs durcis' et le devis SOTRES finalement mis en oeuvre mentionnant le traitement d'éléments 'jusqu'à 250-300 mm'.
Compte tenu de ces éléments, la part indemnisable des travaux réparatoires au profit de la société CLAMENS s'élève à 943.693,62€ HT (1.572.822,76x60%).
Sur le préjudice d'exploitation
La société CLAMENS chiffre son préjudice d'exploitation sur la période du 1er décembre 2006 au 31 décembre 2007 à la somme de 1.953.963€ HT.
La société ALFATEC tire de la mention dans les 'clauses particulières' en page 14 du protocole 'Notre garantie, en tout état de cause, ne couvre pas les parties secondaires (dommages et intérêts, ...)' que l'indemnisation du préjudice immatériel a été contractuellement exclue de sa garantie.
Cependant, la mention précitée est incluse dans un paragraphe afférent à la garantie d'un an de pièces présentant un défaut de fabrication et ne saurait s'étendre à une défaillance de l'ensemble de l'installation à sa destination ; Il sera d'ailleurs relevé que la défaillance de 'l'ensemble de l'installation' est abordée dans un paragraphe suivant et ne contient pas cette exclusion.
Les sociétés recherchées contestent par ailleurs l'existence même du préjudice d'exploitation allégué au motif que pendant la période concernée, la société CLAMENS ne détenait pas d'autorisation administrative d'exploiter une unité ayant, comme c'est le cas, une puissance supérieure à 200kW.
Il est exact que la société CLAMENS n'a obtenu l'autorisation d'exploiter que par arrêté du 28 septembre 2009 ; Toutefois, l'exploitation n'a pas été suspendue par le préfet jusqu'à cette autorisation et ce défaut de régularisation administrative ne saurait avoir pour effet de priver la société CLAMENS de l'indemnisation du préjudice résultant de la faute personnelle des réalisateurs de l'installation.
Les sociétés recherchées contestent le quantum du préjudice tel que réclamé d'une part et tel que proposé par l'expert dans une fourchette de 1.058.414€ sur la base d'un prix de vente de 13,42€/tonne de matière dégradée et de 1.576.497€ sur la base d'un prix de vente de 18€/tonne de matière recyclée non dégradée ; Elles opposent principalement que le préjudice ainsi estimé repose sur des évaluations théoriques s'agissant d'un procédé nouveau dénué de toutes références connues et objectives, que l'expert n'a pas disposé de comptabilité analytique, que la preuve n'est pas rapportée que la société CLAMENS était en mesure de fournir 200.000 tonnes de boue de béton, que les surcoûts d'exploitation ne sont pas vérifiés.
Monsieur [Y] a estimé que le préjudice financier du fait des dysfonctionnements de l'installation était constitué de la perte de marge sur coûts variables sur le tonnage retraité vendu, de la perte de marge sur coûts variables sur le tonnage manqué et de surcoûts liés à l'entretien exceptionnel et au surplus de main d'oeuvre.
S'il n'a pas disposé de comptabilité analytique complète par centre de profils, il a cependant pu procéder à ses études avec les pièces communiquées, et notamment un compte d'exploitation prévisionnel, les courriers de commande de curage chez les clients, les relevés de curages sur site, les factures afférentes aux ventes de matières recyclées, les relevés de compteurs d'électricité et du groupe électrogène, des extraits de grand-livre ...
C'est sur la base des éléments produits et en considération de la montée en puissance de l'activité entre 2006 et 2007, qu'il a pu considérer :
- que bien que n'ayant collecté que 153.000 tonnes de produits entrants en 2007, il était raisonnable de retenir que la société CLAMENS aurait été en mesure d'en capter 200.000 tonnes et avait renoncé à 47.000 tonnes notamment pour éviter un stockage trop important sur site,
- que sur ces 153.000 tonnes, seules 89.047 tonnes avaient pu faire l'objet d'un retraitement du fait des dysfonctionnements,
- que bien que n'ayant vendu en 2007 que 32.199 tonnes de matériaux recyclés, elle avait une capacité de vente de 113.300 tonnes,
- que le prix de vente unitaire du matériau recyclé pouvait se situer entre 13,42€/t (prix effectif du matériau dégradé) et 18€/t (intermédiaire entre le produit neuf issu de carrière et le produit dégradé)
- que les dysfonctionnements avaient entraîné des surcoûts au niveau de l'électricité, du fuel du groupe électrogène, des charges d'entretien, des charges de main-d'oeuvre.
Le sérieux et le caractère fouillé des études et analyses de Monsieur [Y], dont la compétence a justifié sa nomination sur la liste des experts judiciaires, permet à la cour de retenir ses conclusions, étant relevé que le prix unitaire qui sera pris en compte est de 18€/t comme correspondant au prix auquel la société CLAMENS aurait pu raisonnablement vendre le produit recyclé conforme aux objectifs contractuels.
C'est ainsi qu'il sera retenu pour l'année 2007 :
- une perte de marge sur coûts variables sur le tonnage retraité vendu pour 167.922€ consécutive à la nature dégradée du produit sortant et imputable au seul concepteur la société ALFATEC responsable de la non conformité du produit sortant,
- une perte de marge sur coûts variables sur le tonnage manqué pour 1.297.583€ et des surcoûts pour 110.992€, soit un total de 1.408.575€ dû à l'insuffisance des débits, dont sera déduite la part de 40% imputable à la société CLAMENS, laissant à la charge des responsables la somme de 845.145€.
La société CLAMENS demande à ce que soit également pris en compte son préjudice financier sur le mois de décembre 2006 à hauteur de 158.228€.
Si compte tenu du délai contractuel de mise au point de l'installation de 2/3 semaines, l'installation aurait dû répondre à ses objectifs à compter de décembre 2006, la société CLAMENS ne fournit cependant pas à la cour les éléments nécessaires pour justifier son préjudice pendant cette période ; Sa demande sera rejetée de ce chef.
Sur la garantie des assureurs
La société CLAMENS recherche la garantie d'ALLIANZ en ses qualités d'assureur des sociétés ALFATEC et AULITEC, et celle de MMA en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE.
ALLIANZ conteste sa garantie en sa qualité d'assureur de la société ALFATEC notamment au motif que la responsabilité de celle-ci a été retenue dans le cadre d'une activité non déclarée.
La société ALFATEC a souscrit auprès d'AGF une police d'assurance n°36918584 le 14 juin 2004 laquelle précise en son article 15 qu'elle garantie les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile encourue à l'occasion de ses activités 'telles qu'elles sont déclarées aux Dispositions Particulières'.
Les conditions particulières indiquent au titre des activités déclarées : 'Activité principale exercée : Fabrication de machines pour l'Industrie agro-alimentaire'.
Il est constant que l'activité déclarée par l'assuré délimite le champ de garantie de l'assurance ; En l'espèce, la destination agro-alimentaire de la machine industrielle étant expressément précisée et aucune activité secondaire n'étant indiquée, c'est à tort que la société CLAMENS et la société ALFATEC prétendent que le dommage résultant de la fabrication d'une machine industrielle de retraitement du béton serait couvert, celle-ci ne faisant pas appel à la même technologie.
La société CLAMENS et la société ALFATEC recherchent en subsidiaire la responsabilité d'ALLIANZ en ce qu'elle aurait failli en son obligation d'information et de conseil à l'égard de la société ALFATEC en ne lui proposant pas une police conforme à son activité extra alimentaire.
Elles soutiennent en effet que les AGF ne pouvaient ignorer cette activité dès lors qu'elles étaient également l'assureur de la société AULITEC dont l'activité déclarée ne visait pas que le domaine de l'industrie alimentaire mais aussi l'industrie de l'environnement et autres industries et qui aurait été le bureau d'études de la société ALFATEC.
Cependant, il n'est pas démontré que les AGF avait cette connaissance étant par ailleurs relevé qu'au jour de la souscription et des faits litigieux, les deux sociétés étaient distinctes, et qu'il n'est pas démontré que la société AULITEC ne travaillait que pour la société ALFATEC ; dès lors, aucune faute n'est établie à l'encontre d'ALLIANZ.
En conséquence, ALLIANZ n'est pas tenue à garantie en sa qualité d'assureur de la société ALFATEC.
A défaut de faute retenue à l'encontre de la société AULITEC, ALLIANZ ne doit pas non plus sa garantie en sa qualité d'assureur de la société AULITEC.
La société CLAMENS recherche la garantie des MMA en leur qualité d'assureur de la société TELS EUROPE.
MMA conteste sa garantie aux motifs d'une part que l'immixtion de la société TELS EUROPE dans la conception relevée par l'expert ne relève pas de l'activité déclarée, d'autre part que sont exclus de la garantie, le défaut de performance des biens livrés (art.2.2.2), les frais de remplacement du produit fourni, les dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti ou consécutifs à un dommage matériel non garanti.
Le contrat n°95421315ZV souscrit par la société TELS EUROPE auprès d'AZUR porte la mention suivante :
'Activité principale exercée : commerce de gros spécialisé divers, avec importation hors de l'Union Européenne.
Activité secondaire générant au total plus de 20% de chiffre d'affaires : aucune'
Il est constant que le vendeur d'un produit doit se renseigner auprès de son client sur sa destination et est tenu à un devoir de conseil et d'information afin de proposer au client un produit adapté ; Il peut ainsi être amené, en cas de haute technicité, à le conseiller sur le choix du produit ; En l'espèce, si la société TELS EUROPE a discuté et proposé à la société ALFATEC le matériel qu'il lui a fourni, il n'est cependant pas démontré qu'elle serait sortie du cadre de ses obligations de vendeur.
L'article 2.2.2 des conventions spéciales stipule que 'les réclamations fondées sur le fait que les produits livrés et travaux effectués par l'Assuré ne remplissent pas les fonctions ou ne satisfont pas aux besoins auxquels ils sont destinés', étant relevé que les vis V1 et V2 ne remplissent pas les performances de débit ayant déterminé leur vente,
Cependant, cette exclusion est vaste et imprécise et le défaut de performance résulte non pas d'un vice intrinsèque du matériel mais de l'erreur du fournisseur sur la puissance du matériel.
Par ailleurs, l'article 2.2.3 des conventions spéciales stipule que 'les frais de réparation, de remplacement ou de remboursement engagés par l'Assuré ou par un tiers, des produits ou travaux défectueux ou présumés l'être, ainsi que les frais nécessaires pour mener à bien ces opérations', étant relevé que, même si la vis V1 est conservée, les travaux réparatoires consistent notamment aux aménagements nécessaires pour palier au sous-dimensionnement des vis V1 et V2 fournies par la société TELS EUROPE.
Cependant, la nécessité des travaux résulte non de 'travaux défectueux' mais d'une erreur du fournisseur sur ses qualités et puissance intrinsèques.
En conséquence, la garantie de MMA est mobilisable.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les sociétés ALFATEC, MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et CAVAZZA qui ont participé à l'entier dommage seront condamnées à payer à la société CLAMENS les sommes précisées plus haut, étant relevé que s'agissant de dommages et intérêts, les intérêts sur ces sommes courront à compter de la présente décision en application de l'article 1153-1 du code civil et seront soumis à la capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du même code.
SUR LES APPELS EN GARANTIE
Les appels en garantie entre les différents responsables doivent s'apprécier au regard des fautes respectives et des conséquences de celles-ci sur la réalisation du dommage.
C'est ainsi que les parts de responsabilité seront fixées ainsi que suit :
- 60% à la charge de la société ALFATEC en raison de sa défaillance dans la conception de l'installation et la réalisation du process 'matériaux',
- 30% à la charge de la société TELS EUROPE en raison du caractère inadapté du matériel vendu,
- 10% à la charge de la société CAVAZZA qui par son manquement à son devoir de conseil et d'information à l'égard de la société CLAMENS a contribué au dommage.
Les recours s'effectueront en conséquence entre les sociétés ALFATEC, MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et CAVAZZA à proportion de leur part de responsabilité.
SUR LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ ALFATEC
La société ALFATEC qui s'est vu allouer la somme de 164.628,44€ HT outre TVA et intérêts au titre du solde de son marché par le jugement déféré, demande à ce qu'elle soit portée à 202.346,90€ HT en arguant de ce que les premiers juges n'ont pas tenu compte de toutes ses factures.
La société CLAMENS conclut au débouté de la demande principalement aux motifs que les factures n'ont pas été soumises à l'examen de l'expert et ont été produites par la société ALFATEC après l'expertise, que celle-ci ne démontre pas que les travaux supplémentaires ont été commandés, qu'il n'a pas été tenu compte de ses paiements à hauteur de 358.800€ et que les pénalités de retard à hauteur de 51.250€ doivent être déduites.
Sur les factures produites par la société ALFATEC, il sera relevé :
- qu'il reste dû un solde sur situations 1 à 5 de 126.841,78€ HT qui est reconnu par la société CLAMENS (pièces 75 et 80),
- que les factures n°2882, 2884, 2892, 2894 et 2927 d'un montant total de 34.420,60€ HT correspondent à des travaux supplémentaires dont la commande n'est pas justifiée (pièces 81 à 85),
- que les factures sur 'commande non-conformités' d'un montant total de 37.364€ correspondent à des reprises après mise en route qui doivent être laissés à la charge de la société ALFATEC (pièces 76 à 79).
S'il est constant que la mise en route n'a pas eu lieu le 15 juillet 2006 tel que prévu contractuellement mais en novembre 2006, force est de relever que le 3 juillet 2006, la société CLAMENS passait encore des commandes à la société CAVAZZA concernant notamment la rampe d'accès au quai de déchargement, et que la société CAVAZZA n'a terminé son intervention que le 31 octobre 2006 ; Il n'est donc pas démontré que le retard serait exclusivement imputable à la société ALFATEC ; Par ailleurs, il n'est justifié d'aucune mise en demeure avant facturation de pénalités ; En conséquence, il n'y a pas lieu de décompter de pénalités.
La société CLAMENS sera donc condamnée à payer à la société ALFATEC la somme de 126.841,78€, outre TVA et intérêts à compter de l'assignation du 14 janvier 2009 en application de l'article 1153 du code civil.
SUR LA DEMANDE DE LA SOCIETE CAVAZZA
Celle-ci demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CLAMENS à lui payer 75.000€ avec intérêts à compter du 14 janvier 2009 au titre du solde de son marché et ordonné la libération des sommes séquestrées entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Meaux soit 35.000€ sauf à parfaire.
Cependant, la société CLAMENS ne conteste pas cette disposition du jugement déféré ; Elle sera donc confirmée.
SUR LES DEMANDES ANNEXES
Pour des raisons d'équité, il sera alloué à la société CLAMENS la somme de 20.000€ au titre de ses frais irrépétibles et ce chef de demande sera rejeté à l'égard des autres parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré :
- en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise de Monsieur [T],
- en la condamnation prononcée au profit de la société CAVAZZA au titre du solde de marché,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la société ALFATEC est entièrement responsable de la non conformité du produit sortant et de la dévaluation de son prix de vente en résultant,
Dit que la société CLAMENS supporte une part de responsabilité de 40% dans la non conformité de la capacité de débit de l'installation,
Dit que les sociétés ALFATEC, TELS EUROPE et CAVAZZA sont responsables des 60% restants relatif au débit de l'installation,
Dit que les garanties de ALLIANZ prise en qualité d'assureur des sociétés ALFATEC et AULITEC ne sont pas mobilisables,
Dit que la garantie de MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE est mobilisable,
Condamne in solidum les sociétés ALFATEC, MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et CAVAZZA à payer à la société CLAMENS :
943.693,62€ HT au titre du coût des travaux réparatoires,
845.145€ au titre de la perte d'exploitation pour perte de marge sur coûts variables sur le tonnage manqué et surcoûts,
Pour les recours sur ces sommes, fixe les parts de responsabilité à :
- 60% pour la société ALFATEC
- 30% pour la société TELS EUROPE
- 10% pour la société CAVAZZA,
Dit que les recours sur ces sommes s'effectueront entre la société ALFATEC, MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et la société CAVAZZA à proportion de leur part de responsabilité,
Condamne la société ALFATEC à payer à la société CLAMENS 167.922€ au titre de la perte d'exploitation pour perte de marge sur coûts variables sur le tonnage retraité,
Dit que les condamnations prononcées au profit de la société CLAMENS porteront intérêts à compter de la présente décision,
Condamne la société CLAMENS à payer à la société ALFATEC la somme de 126.841,78€, outre TVA et intérêts à compter du 14 janvier 2009,
Condamne in solidum les sociétés ALFATEC, MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et CAVAZZA à payer à la société CLAMENS 20.000€ au titre de ses frais irrépétibles,
Dit que la charge finale en sera supportée à hauteur de 60% par la société ALFATEC, 30% par MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et 10% par la société CAVAZZA,
Déboute les autres parties de ce chef,
Dit que la charge des dépens, comprenant les frais d'expertise, sera supportée par la société CLAMENS à hauteur de 20%, 55% par la société ALFATEC, 20% par MMA prise en sa qualité d'assureur de la société TELS EUROPE et 5% par la société CAVAZZA.
Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Magistrat signant aux lieu et place du Président empêché,