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23/10/2013 | FRANCE | N°11/16713

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 23 octobre 2013, 11/16713


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/16713



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 juin 2009 du tribunal de grande instance de PARIS n° RG 07/12758 ; arrêt du 04 mars 2010 du Pôle 4 chambre 1 de la Cour d'appel de PARIS n° RG 09/18616 ; arrêt du 26 Mai 2011 de la Cour de Cassation de PARIS - RG n° 1007
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APPELANTE



SA GECINA, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général, ayant son siège social

[Adresse 2]

[Locali...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/16713

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 juin 2009 du tribunal de grande instance de PARIS n° RG 07/12758 ; arrêt du 04 mars 2010 du Pôle 4 chambre 1 de la Cour d'appel de PARIS n° RG 09/18616 ; arrêt du 26 Mai 2011 de la Cour de Cassation de PARIS - RG n° 1007

APPELANTE

SA GECINA, agissant poursuites et diligences en la personne de son directeur général, ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Patricia HARDOUIN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056)

assistée du cabinet DE PARDIEU BROCAS MAFFEI (Me Paul TALBOURDET) (avocats au barreau de PARIS, toque : R045)

INTIME

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151)

assisté de Me Gilbert ABOUKRAT (avocat au barreau de PARIS, toque : A0470)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Fabrice JACOMET, conseiller hors hiérarchie faisant fonction de Président,

Madame Denise JAFFUEL, conseiller

Madame Sylvie MESLIN, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Denise JAFFUEL, Conseiller, en suite de l'empêchement du Président, et par Madame Emilie POMPON, Greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire

La cour est saisie sur renvoi d'un arrêt de la cour de cassation qui, le 26 mai 2011, a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 4 mars2010 par la cour d'appel de Paris et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Le bail commercial sous seing privé consenti le 24 mars1999 par la SA Investibail à la SARL La Grande Pharmacie de Stalingrad portant sur des locaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble sis[Adresse 4], entre autres dispositions stipulait un pacte de préférence au profit de [Y] [L].

Le 25 juillet 2001, la SA Gecina aux droits de la SA Investibail, a signé une promesse de vente de l'immeuble au profit de la Foncière Cabanel puis a formulé le 1er août 2001 une offre de vente sur l'immeuble situé [Adresse 4] pour le prix de 6 984 909, 07 €, qui a été acceptée le 4 septembre 2001 par [Y] [L] ;

Par acte d'huissier du 10 avril 2002, la SA Gecina a assigné [Y] [L] afin de le voir déclarer notamment déchu de son droit de préférence tandis que par acte d'huissier du 25 avril 2002 [Y] [L] a fait délivrer à la SA Gecina une assignation tendant à voir réitérer la vente de l'immeuble.

Les deux instances ont été jointes et par jugement du 18 septembre 2003, le TGI de Paris a débouté [Y] [L] de ses demandes.

Par arrêt du 5 octobre 2006 la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement, dit que [Y] [L] a acquis le 4 septembre 2001 de la SA Gecina l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 4] pour le prix principal de 6 984 909,07 € qu'il offre de régler, dit que faute pour la SA Gecina de régulariser chez un notaire du choix de [Y] [L], l'acte authentique de vente dans le délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, celui-ci vaudra acte de vente et sera publié comme tel aux frais de l'acquéreur.

L'acte de vente a été signé le 24 janvier 2007 et le 6 septembre 2007 la SA Gecina a saisi la cour d'appel de Paris d'une requête en interprétation d'arrêt du 5 octobre2006 'en ce sens que la date du transfert de jouissance (impliquant perception de loyers) de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 4], objet du pacte de préférence et levé par M. [Y] [L] et dont la vente forcée a été ordonnée par l'arrêt, doit être fixée au jour de la signature de l'acte authentique de vente de l'immeuble et non à la date à laquelle l'offre de vente formulée par elle en vertu du pacte de préférence a été acceptée'.

Par arrêt du 29 novembre 2007, la cour a dit n'y avoir lieu à interprétation de son précédent arrêt en précisant qu'il suit nécessairement de la motivation de l'arrêt du 5 octobre 2006 que ' la vente conclue entre la société Gecina et M. [Y] [L], titulaire du pacte de référence substitué au candidat acquéreur, ne peut être conclue à des conditions différentes de celles convenues avec le candidat acquéreur '.

Par acte d'huissier du 13 août 2007, [Y] [L] a fait citer la société Gecina et la société AMF devant le TGI de Paris afin d'obtenir la condamnation de la SA Gecina à lui payer les loyers perçus du 4 septembre 2001 au 24 janvier2007 en invoquant l'arrêt précité du 5 octobre 2006.

Par jugement du 25 janvier 2009, le TGI de Paris a condamné la SA Gecina à payer à [Y] [L] la somme de 2 392 272 € avec intérêts au taux légal à compter du 13août 2007 ,la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens, l'exécution provisoire étant ordonnée.

Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu qu'il n'y avait pas lieu de statuer à nouveau sur la date du transfert de jouissance en raison de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt du 5 octobre 2006, que sur la demande de paiement des loyers, la période ouvrant droit à perception court du 4 septembre 2001 au 24 janvier 2007, que des pièces produites résulte que la SA Gecina a perçu pour cette période un montant de loyers de 3 013 365 € dont il n'y a lieu de déduire qu'une somme de 618 793 € au titre des charges incombant au propriétaire et aux frais de gestion, montant retenu par [Y] [L] que ne contredit pas la SA Gecina.

Par arrêt du 4 mars 2010, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du 25 juin 2009 et dit irrecevables les demandes de [Y] [L].

Sur le pourvoi de ce dernier, la cour de cassation a, par arrêt du 28 mai 2011, cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la cour d'appel de Paris et renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées, pour être fait droit, devant la cour d'appel de Paris autrement composée,

Au soutien de sa décision, la cour de cassation, statuant au visa de l'article 1351 du code civil, a indiqué que pour déclarer irrecevable la demande de [Y] [L] en paiement de loyers, la cour d'appel de Paris a retenu qu'il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause, qu'il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'est abstenu de soulever en temps utile, qu'au cas d'espèce, la demande de M [L] tendant a paiement de loyers de l'immeuble échus depuis la date de son entrée en jouissance procède de la même cause juridique et du même rapport de droit que la demande initiale tendant à voir constater la perfection de la vente, à savoir l'accord des parties sur la chose et le prix entraînant transfert de propriété de l'immeuble et qu il s'ensuit que cette prétention, qui n'a pas été présentée lors de l'instance initiale, se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 5octobre 2006, mais qu'en statuant ainsi, alors que la demande en paiement des loyers n'avait pas le même objet que la demande tendant à faire juger que la vente de l'immeuble était parfaite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La cour d'appel de Paris, autrement composée, a été à nouveau saisie sur déclaration de saisine du 8 août 2011, de la SA Gecina.

Par ses dernières conclusions du 24 mai 2013, la SA Gecina demande à la cour de :

-infirmer le jugement,

- dire irrecevables les demandes de [Y] [L] eu égard à l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt du 5 octobre 2006 et à la violation du principe de concentration des demandes et de moyens et ordonner la restitution de toutes sommes versées en principal et intérêts soit la somme de 2564914, 73 € par elle à [Y] [L] au titre de l'exécution provisoire du jugement,

-en tout état de cause, constater que l'accord entre elle-même et la société Foncière Cabanel tel qu'il résulte du projet de vente signifié par acte extra-judiciaire à [Y] [L]le1er août 2001 prévoyait de manière claire et précise que seuls les loyers se rattachant à une période postérieure à la signature de l'acte de vente seraient versées par elle à son acquéreur, et dire que les loyers encaissés par elle allant du 4 septembre 2001 au 24 janvier 2007, date de la signature de l'acte de vente, lui demeurent acquis en vertu de l'accord précité, et en conséquence condamner [Y] [L] à lui restituer toutes les sommes en principal et intérêts soit le montant de 2 564 914,73 € versées par elle à [Y] [L] dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

- à titre subsidiaire, si la cour entendait retenir la date du 4 septembre 2001 comme date d'entrée en jouissance de [Y] [L], constater que les loyers encaissés par elle s'élèvent à la somme de 2372 781€ à savoir le montant des loyers quittancés soit la somme de 3 015 365 € dont il y a lieu de soustraire la somme de 21791€ correspondant à des loyers quittancés mais non encaissés, celle de 618 793 € au titre des charges incombant au propriétaire et des frais de gestion, et condamner en conséquence [Y] [L] à restituer le solde, après prise en compte des intérêts de retard de 20 697, 01€,

- constater le préjudice de portage financier subi par elle qui ne saurait rembourser les loyers perçus entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007 tout en n'ayant encaissé le prix de vente qu'à cette dernière date et en conséquence condamner [Y] [L] à payer les intérêts légaux portés sur le prix de vente entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007 soit la somme de 1157427 €,

- rejeter toute demande de [Y] [L] d'intérêts de retard sur les loyers perçus entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007, et en conséquence condamner [Y] [L] à lui rembourser la somme de 172642,7 € au titre de ces intérêts de retard,

- confirmer le jugement en ce qu il a débouté [Y] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre de intérêts de retard, et ordonner à ce dernier de lui restituer les sommes de 1406,61 € correspondant à la différence entre les intérêts de retard déjà versés et ceux calculés sur le montant en principal des loyers,

- en tout état de cause, débouter [Y] [L] de toutes ses demandes et le condamner à lui payer une somme de 65 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens d'appel ;

Par ses dernières conclusions du 28 mai 2013, [Y] [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur la condamnation prononcée contre la SA Gecina a titre du montant des loyers perçus,

-dire que ces loyers produiront intérêts à compter du 4 septembre 2001 pour le montant de 395 000 € ou à défaut de la mise en demeure du 11 mars 2002,

-condamner la SA Gecina à lui payer une somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts, et celle de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Gecina aux entiers dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais de recouvrement par voie d'huissier définis par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001,

-dire que les dépens pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant que, pour critiquer le jugement sur les condamnations prononcées contre elle a titre de paiement de loyers, la SA Gecina prétend d'abord que cette demande est irrecevable, comme heurtant le principe de concentration des demandes qui s'attache à l'autorité de la chose jugée définie par l'article 1351 du code civil, en l'espèce de l'arrêt du 5 octobre 2006 statuant sur la perfection de la vente et qui imposait que cette demande de remboursement de loyers soit présentée en même temps et dans une même instance que celle de la perfection de la vente sur laquelle la cour a statué par l'arrêt du 5 octobre 2006 ;

Considérant que [Y] [L] réplique qu' admettre le principe de la concentration des demandes fondées sur la même cause tend à violer les dispositions de l'article 1351 du code civil définissant la portée de l'autorité de la chose jugée comme le principe de la maîtrise par les parties de l' objet du litige qui est indisponible pour le juge et à caractériser un déni de justice en conférant une autorité de la chose jugée sur une question et une demande ni débattues ni tranchées, qu'en l'espèce l'arrêt du 5 octobre 2006 ne pouvait avoir autorité de chose jugée sur la demande de paiement de loyers qui différait par son objet de la demande de vente forcée sur laquelle cet arrêt a statué, qu' il s'ensuit que, en l'absence d'autorité de chose jugée de cet arrêt sur la demande de paiement de loyers, celle- ci était recevable, comme l'a exactement retenu la cour de cassation, en cassant l'arrêt rendu le 4 mars 2010 par la cour d'appel de Paris et en renvoyant la cause et les parties devant cette même cour autrement composée ;

Considérant que s'il incombe, au regard des dispositions de l'article 1351 du code civil régissant la portée de l'autorité de la chose jugée, au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle- ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ;

Considérant que, en l'espèce, [Y] [L], bénéficiaire en vertu d'un bail commercial du 24 mars 1999 d'un pacte de préférence sur l'acquisition d'un immeuble, a signifié le 4 septembre 2001 à la SA Gecina, propriétaire, son acceptation de l'offre d'acquisition du 1er août 2001, que cette société l'a assigné le 10 avril 2001 en déclaration de déchéance de son droit de préférence tandis que lui-même l'a assignée le 25 avril 2001 en constatation de la perfection de la vente, que la cour d'appel de Paris par un arrêt du 5 octobre 2006 a dit que [Y] [L] avait acquis l'immeuble le 4 septembre 2001 pour un prix qu' il offrait de régler, en précisant que faute pour la SA Gecina de régulariser l'acte authentique dans le délai de trois mois suivant la signification de l'arrêt, celui- ci vaudra vente, que l'acte authentique a été signé le 24 janvier 2007, que le 13 août 2007, [Y] [L] a assigné la société Gecina en paiement des loyers de l'immeuble, perçus par elle entre le 4 septembre 2001 et le 24 janvier 2007, que cette demande n'avait pas été formée dans l'instance à l'origine de l'arrêt du 5octobre 2006 ;

Considérant que la demande en paiement de loyers comme celle dont est saisie la cour dans la présente instance n'a pas le même objet que celle tendant à la perfection de la vente sur laquelle la cour a statué par l'arrêt du 5 octobre 2006 ;

Considérant qu'il s'ensuit que cet arrêt n'a pas autorité de chose jugée sur la demande en paiement de loyers formée par [Y] [L] qui est donc recevable, l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SA Gecina étant rejetée ;

Considérant que la SA Gecina prétend ensuite que le sort des loyers dépend de l'accord qui existait entre elle et son candidat acquéreur qui s'impose à la vente entre elle et [Y] [L], conformément aux termes de l'arrêt du 29 novembre 2007 qui a rejeté la requête en interprétation de l'arrêt du 5 octobre 2006, et aux termes duquel cette vente ne peut être conclue à des conditions différentes de celles convenues avec le candidat acquéreur, que ces conditions résultent du projet d'acte de vente annexé à la promesse synallagmatique de vente signée le 25 juillet 2001 et notifié à [Y] [L] le 1er août 2001 lors de l'exercice de son droit d préférence, que selon cet acte la propriété et l'entrée en jouissance, cette dernière s'entendant de la perception des loyers avaient pour date la signature de l'acte authentique, étant précisé que selon que les loyers étaient perçus avant ou après l'acte de vente, l'acquéreur ou le vendeur s'engageait à rembourser au vendeur ou à l'acquéreur les loyers perçus, qu'ainsi seule la signature de l'acte de vente est prise en compte pour l'entrée en jouissance, en sorte que sa condamnation à rembourser les loyers perçus dénature la volonté des parties, exprimée en termes clairs et précis exclusifs de toute interprétation dans une convention qui s'impose à elles, alors même que la cour retiendrait une autre date que celle de l'acte de vente pour l'entrée en jouissance ; que par voie de conséquence, la cour ordonnera la restitution à son profit par [Y] [L] des sommes en principal et intérêts de retard soit le montant de 2 564 914, 73 € qu'elle lui a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement du 22 janvier 2009 dont appel.

Considérant que [Y] [L] réplique que l'arrêt du 5 octobre 2006 a autorité de chose jugée en ce qui concerne la vente et la date à laquelle est né le droit de propriété de [Y] [L] soit le 4 septembre 2001 sans que la société Gecina puisse utilement exciper des dispositions du projet d'acte de vente ou de l'intention commune qui y préside ou encore de la date de la signature de l'acte de vente seulement le 24 janvier 2007 puisque la cour a tenu compte des dispositions prises pour payer l'acquisition de l'immeuble dès l'acceptation de l'offre, compte tenu de l'absence de communication de la promesse et que la signature tardive de l'acte le 24 janvier 2007 n'est que la conséquence du refus de la SA Gecina de déférer à la sommation de signer l'acte ;

Considérant qu'il résulte de l'arrêt du 5 octobre 2006 qui a tranché dans le dispositif tant la perfection de la vente que son prix et la date de l'acquisition au 4 septembre du droit de propriété de [Y] [L], en soulignant dans les motifs qu'il n'y avait lieu à résolution de la vente, eu égard à l'absence de communication de la promesse pour vérifier si les conditions qui lui étaient faites étaient les mêmes que celles faites au candidat acquéreur, et aux dispositions prises pour financer l'acquisition ;

Considérant que par suite, et à raison des conséquences tirées par la cour dans son arrêt du 5 octobre 2006 de la carence de la société Gecina, cette dernière ne peut utilement exciper de dispositions de la promesse de vente quant à la date de l'entrée en jouissance dont découle le sort de la perception des loyers et de leur restitution puisque la date de l'acquisition du droit de propriété a été fixée à une date antérieure à la date de la signature de l'acte de vente, que la date retenue du 4 septembre 2001 conditionne l'entrée en jouissance et la perception des loyers qui lui sont accessoires, que l'absence de référence à la promesse comme la signature tardive de l'acte sont la conséquence d'un fait fautif imputable à la société Gecina et que toute référence à la promesse pour fixer la date de l'entrée en jouissance aurait pour effet de méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 5 octobre 2006 quant à la date d'acquisition de son droit de propriété par [Y] [L] ;

Considérant que, en ce qui concerne le montant des loyers dont la SA Gecina serait redevable, celui des loyers proprement dits de 3 013 365 et des charges incombant au propriétaire ou correspondant à des frais de gestion pouvant être déduits de loyers soit 618793 € n'est pas utilement contredit, que la discussion porte sur :

- une somme de 21791 € correspondant selon la SA Gecina à des impayés,

-un préjudice de portage financier soit 1 157 427 €

- le montant des intérêts de retard réclamés par [Y] [L] soit 171 236, 12 € ,

Considérant que pour déduire des loyers à reverser à [Y] [L] une somme de 21791 € au titre d'impayés qu'elle n'aurait en réalité pas perçue, la SA Gecina prétend que ces impayés sont distincts de ceux pris en compte dans l'acte du 24 janvier 2007 et qui ne figurent pas dans son décompte, que [Y] [L] conteste cette analyse et soutient que ces impayés sont précisément ceux qui sont visés par une clause spéciale de cet acte ;

Considérant que le décompte produit par Gecina fait état d'impayés pour un montant de 21791 € se décomposant en 79 € au titre de l'exercice 2005 et 21 712 € au titre de la période du 1er au 24 janvier 2007 , qu'il résulte de l'acte du 24 janvier 2007 que a été cédée par le vendeur une créance au titre d'impayés pour un montant de 10856 € correspondant à la moitié de la valeur nominale e la créance qui est donc d'un montant de 21712 € ce qui correspond exactement aux impayés de l'année 2007 qui ont donc été pris en compte par cet acte qui indique que la somme de 10856 € a été payée immédiatement à l'acquéreur,

Considérant que seule n'est pas prise en compte la somme de 79 € pour laquelle [Y] [L] ne fournit aucune explication et ne contredit donc pas utilement l'analyse de Gecina, en sorte qu'il y a lieu de déduire du montant des loyers à reverser la somme de 79 €,

Considérant que sur la somme due au titre du portage financier, la SA GECINA prétend qu'elle a subi incontestablement un préjudice pour avoir porté pendant plus de cinq ans un bien immobilier du 4 septembre 2001, date du transfert de propriété, ce bien ayant alors une valeur de 6984 909, 07 € jusqu'au 24 janvier 2007, date de la vente, que par application de l'article 1652 du code civil, les intérêts de retard au taux légal sur le montant du prix de vente, soit la somme de 1157 427 €,

Considérant que [Y] [L] s'oppose à cette prétention en faisant valoir que le délai intervenu résulte du refus de la SA Gecina de livrer l'immeuble et de ce que lui allouer le montant des intérêts reviendrait à la gratifier pour un manquement à l'obligation de délivrance et une attitude procédurière ;

Considérant que, par application de l'article 1652 du code civil, l'acheteur doit l'intérêt du prix de la vente jusqu'au paiement du capital si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus, que cette disposition n'a pas pour objet de sanctionner une faute de l'acquéreur mais repose sur des considérations d'équité visant à empêcher que l'acquéreur puisse bénéficier jusqu'au paiement du prix à la fois des fruits et des intérêts sur le prix ;

Considérant que ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce dès lors que l'immeuble n'a pas été livré le 4 septembre 2001, ce défaut de livraison dont est résulté le différé du paiement du prix étant imputable au seul vendeur comme il a été dit et non à une faute de l'acquéreur, que par suite si les fruits, en l'espèce les loyers perçus doivent lui être restitués, il ne les avait pas perçus jusqu'à la date où il effectuera le paiement ;

Considérant que par voie de conséquence la demande de ce chef de la SA Gecina est rejetée ;

Considérant que sur les intérêts de retard réclamés par [Y] [L], ce dernier fonde sa demande sur les dispositions du quatrième alinéa de l'article 1153 du code civil selon lesquelles le créancier auquel son débiteur a causé par sa mauvaise foi un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts des intérêts moratoires de la créance, tandis que l'alinéa 3 du même article énonce que ces dommages et intérêts ne sont dus qu'à compter de la somation de payer,

qu'en l'espèce les intérêts légaux ont commencé à courir à compter du 4 septembre 2001, dès lors que les loyers encaissés par la SA Gecina étaient la propriété de [Y] [L] depuis cette date, que s'agissant d'une répétition de l'indu et non de l'exécution d'une obligation, une mise en demeure n'était pas nécessaire, qu'en tout état de cause une mise en demeure a été adressée par lui le 11 mars 2002 dans le cadre du procès verbal de difficultés de régularisation de l'acte authentique et de l'assignation délivrée à Gecina qui ne comparaîtra pas de fournir tous documents nécessaires à la régularisation de l'acte authentique.

Considérant que la SA Gecina réplique que les intérêts de retard ne sont dus qu'à compter de l'assignation, les loyers n'étant pas exigibles tant que l'acquéreur n'avait pas payé le prix de la vente et la restitution des loyers résultant d'une décision judiciaire ne pouvant courir qu à compter de l'assignation ;

Considérant que par l'effet du transfert de propriété fixé rétroactivement au 4 septembre 2001, les loyers étaient acquis par application de l'article 1614 du code civil à [Y] [L] et donc exigibles, sans mise en demeure ,s'agissant d'une conséquence du transfert de propriété, dès cette date sans que la SA Gecina puisse se prévaloir du défaut du paiement du prix, puisqu'elle s'est privée de ce paiement par le manquement à son obligation de délivrance ,qu'il résulte de l'arrêt du 5 octobre 2006 que [Y] [L] avait pris les dispositions nécessaires pour pouvoir dès cette date payer le prix de vente, que les intérêts sur les loyers perçus sont donc dus par la SA Gecina , étant observé que sauf à tenir compte de la déduction de 79 € au titre des impayés de l'année 2005 les bases du calcul de [Y] [L] ne sont pas discutés en sorte que le montant de 2392193 € au titre des loyers perçus dont la SA Gecina est redevable à [Y] [L] produira intérêt au taux légal à compter du 4 septembre 2001, cette condamnation étant prononcée en deniers ou quittances eu égard à l'exécution provisoire du jugement du 25 juin 2009 ;

Considérant que [Y] [L] sollicite en outre une somme de 200000 € de dommages et intérêts au titre d'un préjudice indépendant sur le fondement de l'article 1153 alinéa 4 et 1382 du code civil en faisant valoir, la privation d'un bien immobilier pendant plus de cinq ans et l'attitude procédurière de la SA Gecina refusant de s'incliner devant des décisions judiciaires malgré la faiblesse des moyens juridiques invoqués,

Considérant que la SA Gecina réplique que le jugement doit être confirmé dès lors que [Y] [L] ne rapporte la preuve ni d'un préjudice indépendant du seul retard dans le paiement de revenus de sommes dues ni de la mauvaise foi ;

Considérant que la cour apprécie les dommages et intérêts pour procédure abusive dans le cadre de la seule procédure dont elle est saisie, que, par un arrêt définitif du 5 octobre 2006, la cour, statuant sur la perfection de la vente a débouté [Y] [L] de sa demande de dommages et intérêts en retenant qu'il ne prouvait pas que le retard dans la régularisation de l'acte authentique de vente lui a causé un préjudice, qu'en s'abstenant de réclamer les loyers dus par suite du transfert de propriété dès l'instance à l'origine de l'arrêt du 5 octobre 2006, par un choix procédural qui est le sien, et en introduisant une nouvelle instance par acte du 13 août 2007, [Y] [L] a contribué à allonger une procédure pendant plus de 7 ans, qu'il ne produit par ailleurs aucun élément de nature à démontrer un préjudice distinct du retard à percevoir les loyers, étant observé que la seule nécessité pour lui de solliciter judiciairement les sommes qu'il estime dues relève de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile dont il réclame par ailleurs le bénéfice ;

Considérant que, par suite, [Y] [L] est débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant que l'équité commande de condamner la SA Gecina à payer à [Y] [L] une somme de 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;

Considérant que la SA Gecina est condamnée aux dépens d'appel en ce compris les dépens de l'arrêt cassé ;

PAR CES MOTIFS

Se prononçant au vu de l'arrêt de cassation du 26 mai 2011,

Confirme le jugement sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Rejette l'exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la chose jugée de la demande d'[Y] [L] au titre des loyers perçus soulevée par la SA GECINA,

Porte le montant de la condamnation à la somme de 2 392 193 € avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2001,

Dit que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances,

Condamne la SA GECINA à payer la somme de 10000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à [Y] [L],

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la SA GECINA aux dépens d'appel, en ce compris les dépens de l'arrêt cassé et dit que ces dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/16713
Date de la décision : 23/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°11/16713 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-23;11.16713 ?
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