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23/10/2013 | FRANCE | N°11/12386

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 octobre 2013, 11/12386


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 23 Octobre 2013

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12386-CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09038





APPELANT

Monsieur [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au

barreau de PARIS, toque : L0002







INTIMÉE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 subst...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 23 Octobre 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12386-CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09038

APPELANT

Monsieur [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0002

INTIMÉE

SA FRANCE TELEVISIONS

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Marie-Antoinette COLAS Conseillère

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [W] [U] a été engagé par la société ANTENNE 2, le 22 juillet 1985 en qualité de rédacteur en chef adjoint, journaliste.

En 1997, il a été nommé directeur adjoint de la rédaction de FRANCE 2 puis, en 1998, rédacteur en chef de la rédaction de cette chaîne.

A compter du 1er janvier 2007, il a exercé les fonctions de rédacteur en chef du service politique, économique et social de FRANCE 3.

Monsieur [W] [U] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle moyenne de 8 307,12 euros.

Le 13 mai 2009, il a été nommé président de la chaîne parlementaire (LCP) par le président de l'Assemblée Nationale et a pris ses fonctions au mois de juin 2009.

Par courrier en date du 19 mai 2009 adressé à madame [S] [Z], directrice générale de FRANCE 3, faisant suite à un entretien du 18 mai, monsieur [U] a sollicité son détachement auprès de LCP en invoquant le précédent de madame [P] [V], détachée au conseil supérieur de l'audiovisuel. A titre subsidiaire, il a sollicité une mise à disposition de la chaîne LCP, celle-ci le rémunérant, et a souligné qu'en cas de désaccord de FRANCE 3, il solliciterait un congé de deux ans renouvelable une fois, conformément aux dispositions des articles 32-2-1 et suivants de la convention collective des journalistes, avenant audiovisuel. Il indiquait que sa prise de fonction au sein de LCP serait effective le 10 juin.

Par une lettre à madame [Z] en date du 8 juin 2009, monsieur [U] a indiqué avoir reçu l'autorisation de monsieur [B] [A], directeur général adjoint de FRANCE 3, de suspendre ses fonctions au sein de cette chaîne le 9 juin 2009. Il a confirmé son souhait de bénéficier du congé pré-cité sauf si sa mise à disposition était formalisée. Il a souligné que cette nomination venait à point nommé dans la mesure où il avait été évincé de la direction du service politique, économique et social de FRANCE 2 par madame [O] [R] qui était devenue directrice de l'information de FRANCE TELEVISIONS et donc hiérarchiquement de FRANCE 3.

La société FRANCE TELEVISIONS l'a avisé par un courrier en date du 23 juillet 2009 que les règles en vigueur en son sein ne lui permettaient pas d'accéder à sa demande de détachement et l'a invité à régulariser sa situation au plus vite auprès d'elle.

Par lettre en date du 21 août 2009, la société FRANCE TELEVISIONS lui a rappelé le courrier en date du 23 juillet et lui a demandé de régulariser sa situation dans les plus brefs délais.

En réponse, par un courrier en date du 27 août 2009, monsieur [U] a affirmé avoir régularisé sa situation auprès de la société en sollicitant un détachement ou un congé sans solde. Il a réitéré pouvoir bénéficier de la même procédure que madame [V] dans la mesure où il a été nommé par une institution de la République à la présidence d'une chaîne de service public. Il a souligné qu'il n'entendait pas être spolié de ses droits et indemnités après 24 années de collaboration et a rappelé qu'il avait postulé à la présidence de LCP en partie en raison de la nomination de madame [R], rappelant son éviction antérieure. Il a réitéré également sa demande au titre d'un congé sans solde.

Par courrier en date du 21 septembre 2009, la société lui a indiqué que monsieur [B] [A] contestait l'avoir autorisé à suspendre ses fonctions, que ni le détachement ni la mise à disposition n'étaient possibles aux termes des dispositions conventionnelles, et qu'elle refusait le congé sans solde qu'il sollicitait. Elle l'invitait à régulariser sa situation en précisant qu'à défaut, elle serait amenée à tirer les conséquences de son absence injustifiée.

Monsieur [U] a été convoqué par lettre en date du 7 janvier 2010 à un entretien préalable fixé au 18 janvier 2010, la société envisageant son licenciement pour faute grave. Lors de cet entretien, il lui a été exposé que la société avait l'intention de le faire comparaître devant le conseil de discipline de FRANCE TELEVISIONS.

Le 23 mars 2010, monsieur [U] et la société FRANCE TELEVISIONS ont signé une convention de rupture.

Cette convention a été homologuée tacitement par le ministère du travail.

Le 7 juillet 2010, le conseil de prud'hommes de Paris a été saisi par monsieur [U] d'une demande de complément d'indemnité de rupture conventionnelle puis, devant le bureau de jugement, il a sollicité que la rupture conventionnelle soit analysée comme produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 6 octobre 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 12 décembre 2011.

Par requête reçue le 23 août 2012, monsieur [U] a sollicité la fixation prioritaire de cette affaire ; par ordonnance en date du 6 septembre 2012, la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à fixation prioritaire.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 16 septembre 2013.

Monsieur [W] [U] soutient qu'il a été poussé à accepter la présidence de la chaîne LCP en raison de l'animosité de madame [O] [R] à son égard ; qu'il a légitimement sollicité le bénéfice d'un détachement accordé précédemment à monsieur [C] [K] et à madame [P] [V] ; que l'existence de la procédure de licenciement empêche le recours à une rupture conventionnelle ce d'autant que la proposition de ce mode de rupture a été faite le jour de l'entretien préalable ; que son consentement n'a pas été donné librement en raison du litige pré-existant et de la menace qui pesait sur lui de comparaître devant le conseil de discipline ; que le montant de l'indemnité conventionnelle de rupture est inférieur à celui qu'il aurait dû percevoir ; que dès lors, la convention n'est pas valide et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, Monsieur [W] [U] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et :

- la condamnation de la société à lui verser la somme de :

* 24 921,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 492,13 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 76 556,62 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement la somme de 18 406,80 euros,

* 250 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 83 071,20 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de juin 2009 à mars 2010,

* 8 307,12 euros à titre de congés payés sur rappel de salaires,

les dites sommes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- outre la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS à :

* lui remettre une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard passé un délai de 5 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

* lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la majoration des montants alloués du droit au recouvrement ou d'encaissement par huissier à défaut de réglement dans les 15 jours suivant notification de l'arrêt, en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996,

- la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS au paiement des dépens.

En réponse, la société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que l'existence d'un différend au moment de la convention de rupture n'affecte pas sa validité ; que monsieur [U] a donné son consentement librement ; qu'après l'entretien préalable et sa position ferme en raison de son absence injustifiée caractérisée, monsieur [U] a lui-même évoqué la rupture conventionnelle de son contrat de travail ; que la convention a été conclue plus de deux mois après l'entretien préalable et après deux entretiens ; que monsieur [U] n'a pas usé de son droit de rétractation ; qu'aucun complément d'indemnité de licenciement ne lui est due.

En conséquence, la société FRANCE TELEVISIONS sollicite la confirmation du jugement rendu le 6 octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de Paris.

MOTIFS :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la validité de la rupture conventionnelle

Monsieur [U] invoque deux motifs au soutien de sa demande à ce titre :

- l'existence d'un différend antérieur,

- le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

Sur l'existence d'un différend antérieur

Il résulte des dispositions de l'article L 1237-11 du code du travail que l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, cette rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne pouvant être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions de la section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Monsieur [U] se prévaut à ce titre du différend existant entre les parties sur son statut postérieurement à sa nomination en qualité de président de la chaîne parlementaire LCP, différend illustré par les nombreuses lettres échangées et par la procédure de licenciement pour faute grave engagée assortie de la menace d'une saisine du conseil de discipline. Il invoque également les conditions de la rupture amiable du contrat de travail.

Mais la rupture conventionnelle du contrat de travail est un mode de rupture spécifique dont les conditions sont régies par le code du travail. Ainsi, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application des dispositions de l'article L 1237-11 du code du travail et il appartient au juge de vérifier que la rupture conventionnelle n'a pas été imposée par l'une ou l'autre partie, ce qui constituerait un vice du consentement.

En premier lieu, il ressort des échanges épistolaires entre les parties que, depuis plusieurs mois, un différend était né portant sur le départ de monsieur [U] de FRANCE TELEVISIONS, celui-ci désirant conserver un lien avec cette société ce qu'elle refusait. Il n'appartient pas à la cour saisie d'un litige sur la validité de la rupture conventionnelle d'examiner le bien-fondé éventuel des positions des parties et il lui suffit de constater qu'un différend existait dont les termes étaient connus depuis plusieurs mois par monsieur [U] au moment de la rupture. En effet, il ne pouvait ignorer au moins depuis la lettre du 21 septembre 2009 l'invitant à régulariser sa situation dans les meilleurs délais et lui indiquant qu'à défaut, elle serait amenée à tirer les conséquences de son absence injustifiée, que la société envisageait une rupture de son contrat de travail dans un cadre disciplinaire.

En second lieu, il est indiqué dans la convention de rupture signée par monsieur [U] que, considérant la rupture des relations contractuelles comme inéluctables, il a demandé l'inscription de celle-ci dans un processus conventionnel ce qu'il ne conteste pas.

Enfin, le délai entre l'entretien préalable (18 janvier), le premier entretien relatif à la rupture conventionnelle (10 mars) puis le second d'entretien (23 mars) au terme duquel la convention a été signée assorti des moyens de conseil et de réflexion dont disposait monsieur [U], conduisent la cour à retenir qu'il a disposé d'un temps suffisant pour opter en faveur d'une rupture conventionnelle librement et sans vice du consentement à ce titre.

Sur le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle

Il résulte des dispositions de l'article L 1237-13 du code du travail que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L 1234-9 du code du travail.

Monsieur [U] soutient qu'en application des dispositions de l'article L 7112-3 du code du travail, les journalistes bénéficient en cas de rupture du contrat de travail d'une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois des derniers appointements par année ou fraction d'année de collaboration ; que l'indemnité qu'il a perçue est inférieure à ce montant ; qu'en tout état de cause, il aurait dû bénéficier de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'Accord National Interprofessionnel étendu trouvant à s'appliquer et prévoyant que l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'ainsi, la convention de rupture doit être invalidée et produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que les dispositions relatives à la rupture conventionnelle renvoient uniquement aux dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail de sorte que le statut spécifique du journaliste ne doit pas être pris en compte ; qu'elle ne rentre pas dans le champs de l'avenant n°4 du 18 mai 2009 à l'Accord National Interprofessionnel étendu comme le lui a confirmé la direction générale du travail de sorte que le montant de l'indemnité spécifique de rupture pouvait être inférieur au montant de l'indemnité conventionnelle ; que monsieur [U] a donc été parfaitement rempli de ses droits au titre de l'indemnité spécifique de rupture.

En premier lieu, l'avenant n°4 du 18 mai 2009 à l'Accord National Interprofessionnel étendu par arrêté en date du 26 novembre 2009 ne peut pas en tout état de cause s'appliquer au litige en cours, l'extension étant postérieure au litige.

Mais en second lieu, l'article L 1234-9 du code du travail ne fixe pas les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement ; il dispose simplement que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement puis renvoie pour ce qui concerne le taux et les modalités de calcul aux textes réglementaires. L'article R 1234-1 du code du travail dispose : «L'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines». L'article R 1234-2 dispose : «L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de deux ans d'ancienneté».

Il résulte de la combinaison de ces trois textes qu'ils ne fixent pas un mode de calcul unique mais un mode de calcul minimum auquel il peut être dérogé dès l'instant que le montant octroyé au salarié au titre de l'indemnité de licenciement est supérieur à celui obtenu par leur application ce qui permet l'existence de régimes dérogatoires comme celui des journalistes.

Ainsi l'indemnité de licenciement du journaliste prévue à l'article L7112-3 du code du travail constitue une indemnité de licenciement au sens de l'article L1234-9 du code du travail auquel la convention de rupture ne pouvait pas déroger par application des dispositions de l'article L 1237-13 du même code.

L'indemnité de rupture spécifique conventionnelle est l'un des éléments substantiels de la rupture conventionnelle de sorte que le salarié ne peut y renoncer. Dès lors que le salarié a perçu une indemnité inférieure à l'indemnité de licenciement qui lui était due, la convention de rupture n'est pas valide et produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera donc infirmée quant à la validité de la convention de rupture.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Monsieur [U] soutient que l'avenant audiovisuel public de la convention collective des journalistes est applicable à la relation de travail, la loi du 5 mars 2009 ayant transféré l'ensemble des biens, droits et obligations des diverses sociétés à la société FRANCE TELEVISIONS et les accords applicables à FRANCE TELEVISIONS continuant à s'appliquer en l'absence de nouveaux textes régissant les rapports sociaux ; que d'ailleurs, la société l'a reconnu dans un courrier qu'elle lui a adressé le 21 septembre 2009.

D'une part, dans ses écritures, la société indique que l'ANI et ses avenants ne lui sont pas opposables de sorte qu'elle n'avait pas à verser l'indemnité prévue par l'avenant audiovisuel public à la convention collective nationale des journalistes. Monsieur [U] déduit de cette formulation qu'elle considère que cet avenant audiovisuel s'applique à la relation contractuelle.

D'autre part, et surtout, la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision dispose que l'article L 2261-14 du code du travail s'applique aux conventions et accords collectifs de travail obligeant les sociétés absorbées ou leurs établissements, article aux termes duquel lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise notamment en raison d'une fusion, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis. La loi ayant été promulgué le 7 mars 2009 et la convention de rupture ayant été signée le 23 mars 2009, l'avenant audiovisuel s'applique.

Il résulte de l'article 42 de cet avenant que le préavis est de 3 mois si l'ancienneté du salarié est supérieure à deux ans ce qui est le cas en l'espèce. Il est donc dû à monsieur [U] la somme de 24 921,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2 492,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Il résulte de l'article 40-3 du même avenant qu'en cas de licenciement disciplinaire, tout journaliste licencié percevra outre l'indemnité de l'article L 761.5 du code du travail devenu les articles L 7112-3 à L 7112-6 du même code, une indemnité de 7 douzièmes de sa rémunération annuelle pour plus de 15 ans d'ancienneté.

Monsieur [U] avait acquis plus de 15 ans d'ancienneté de sorte qu'il réclame à juste titre un complément à l'indemnité de licenciement à raison de 7 douzièmes de sa rémunération par année d'ancienneté. Cependant, il limite son calcul à une période de quinze ans, la commission arbitrale dont l'intervention est prévue à l'article L 7112-4 du code du travail ne pouvant être saisie. Il lui était dû une indemnité conventionnelle de licenciement de 182 756,62 euros dont il a perçu 106 200 euros dans le cadre de la rupture conventionnelle. Il lui reste donc dû la somme de 76 556,62 euros au paiement de laquelle la société FRANCE TELEVISION sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire

Il résulte des courriers échangés entre les parties que monsieur [U] a pris ses fonctions à LCP à compter du 9 juin 2009, ne s'est plus présenté à FRANCE TELEVISIONS et n'y a plus accompli de prestation de travail.

Aucun salaire ne lui est donc dû après cette date par la société appelante.

Par contre, la société ayant cessé de le rémunérer à la fin du mois de mai, il lui est dû un rappel de salaire pour la période du 31 mai au 9 juin 2009 soit la somme de 2 492,14 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 249,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur [U] souligne les conditions de la rupture et son ancienneté dans l'entreprise. Il considère avoir subi un préjudice financier, de carrière et moral.

La société fait valoir que le montant sollicité est excessif, monsieur [U] ne justifiant pas de son préjudice.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à monsieur [U], de son âge, de son ancienneté et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur le cours des intérêts

Il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 12 juillet 2010.

Conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil, le cours des intérêts afférents aux sommes de nature indemnitaire débutera à la date du prononcé de la présente décision.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné à la société FRANCE TELEVISIONS de remettre à monsieur [W] [U] une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes à la présente décision.

Aucune circonstance ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur la majoration des montants alloués en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996

Il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la société FRANCE TELEVISIONS sera condamnée à payer à monsieur [W] [U] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens

Partie succombante, la société FRANCE TELEVISIONS sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à monsieur [W] [U] les sommes de :

* 24 921,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 492,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 76 556,62 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 2 492,14 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 31 mai au 9 juin 2009,

* 249,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2010, date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à verser à monsieur [W] [U] les sommes de :

* 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne à la société FRANCE TELEVISIONS de remettre à monsieur [W] [U] une attestation POLE EMPLOI et un certificat de travail conformes à la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Dit n'y avoir lieu à majoration des montants alloués en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [W] [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société FRANCE TELEVISIONS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/12386
Date de la décision : 23/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/12386 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-23;11.12386 ?
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