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17/10/2013 | FRANCE | N°09/10135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 17 octobre 2013, 09/10135


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 17 octobre 2013 après prorogation

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10135

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2009 par Conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 05/01929





APPELANT

Monsieur [S] [L]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136<

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INTIME

Monsieur [J] [Q]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64







COMPOSITIO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 17 octobre 2013 après prorogation

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10135

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Octobre 2009 par Conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 05/01929

APPELANT

Monsieur [S] [L]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIME

Monsieur [J] [Q]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel formé par [S] [L] contre un jugement du conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 12 octobre 2009 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, [J] [Q] ;

Vu le jugement déféré ayant :

- constaté que le licenciement de [S] [L] est sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné [J] [Q] à payer [S] [L] les sommes de :

- 2 559,38 € au titre du salaire correspondant à la mise à pied,

- 255,94 € au titre des congés payés afférents,

- 5 118,76 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 511,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 4 265,63 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 15'356,28 € à titre d'indemnité pour rupture abusive,

avec intérêts au taux légal, pour les créances de nature salariale, à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er juin 2005, et pour les créances à caractère indemnitaire, à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné la remise au salarié de l'attestation PÔLE EMPLOI, du certificat de travail et des bulletins de paie conformes au jugement,

- condamné [J] [Q] à payer à [S] [L] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté le surplus et toute autre demande des parties,

- condamné [J] [Q] aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

[S] [L], appelant, poursuit :

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement,

- son infirmation pour le surplus,

- la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à plein temps,

- la condamnation de [J] [Q] à lui payer, avec intérêts au taux légal, les sommes de :

- 133'953,53 € à titre de rappel de salaire,

- 13'395,35 € au titre des congés payés afférents,

- 16'266,90 € à titre de prime d'ancienneté,

- 1 626,69 € au titre des congés payés afférents,

- 2 108 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 6'440 € au titre du salaire pendant la mise à pied,

- 644 € au titre des congés payés afférents,

- 12'880 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 288 € au titre des congés payés afférents,

- 11'001 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 120'000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

[J] [Q], intimé et appelant incident, conclut :

- à l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de [S] [L],

- à la constatation de l'existence de fautes lourdes justifiant le licenciement de celui-ci,

- au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes,

- à sa condamnation

à lui restituer l'intégralité des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement du 12 octobre 2009,

à lui payer les sommes de :

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des entiers dépens.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le Dr [J] [Q], chirurgien-dentiste spécialiste en orthopédie dento-faciale, exerce une activité d'orthodontie à [Localité 1] (Seine-Saint-Denis).

Il applique la convention collective des cabinets de chirurgie dentaire et occupait moins de 11 employés lors des faits.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel signé le 3 janvier 1991, il a engagé [S] [L], à compter du 10 janvier 1991, en qualité d'assistant dentaire, moyennant un salaire horaire de 100 F, pour un service de 8 heures par semaine, cet horaire pouvant être modifié par accord réciproque.

En son dernier état, la rémunération horaire brute de base du salarié s'élevait à 35,06 €.

Par lettre du 31 janvier 2002, [J] [Q] lui a consenti, à compter du 1er janvier 2002, un avantage en nature constitué par l'occupation d'un local professionnel annexe situé à [Adresse 4], ceci afin de le dédommager des retards apportés au règlement de ses salaires au cours des dernières années.

[S] [L] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie du 17 janvier au 6 mars 2005.

Le 18 février 2005, [J] [Q] l'a convoqué à se présenter le 2 mars 2005 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Cette convocation comportait également la notification de sa mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.

Par lettre recommandée du 1er mars 2005, l'entretien préalable a été reporté au 12 mars 2005 et la notification de la mise à pied conservatoire renouvelée.

Le 1er avril 2005, [J] [Q] a notifié à [S] [L] son licenciement pour faute lourde.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY, le 26 mai 2005, de la contestation de son licenciement et de ses demandes en paiement de rappels de salaire, de prime et de congés payés, ainsi qu'en paiement des indemnités de rupture.

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.

SUR CE

- Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la demande en paiement de rappels de salaire et de congés payés en raison du travail à plein temps (133'953,53 € + 13'395,35 €)

Il n'est pas contesté que [S] [L] ne disposait jusqu'en 2002 que d'un permis de séjour sur le territoire français lié à sa qualité d'étudiant.

Par lettre du 25 avril 1998 adressée à la responsable de la main-d'oeuvre étrangère au ministère de l'emploi et de la solidarité, [J] [Q] a sollicité la régularisation de sa situation, expliquant que la bonne marche du cabinet dépendait en grande partie de son maintien à plein temps puisque le recrutement d'une personne extérieure imposerait un investissement de formation très important.

À la même date du 25 avril 1998, une ' lettre d'embauche ' a été signée par les parties dans le but de préciser les conditions de l'engagement de [S] [L] par contrat à durée indéterminée à temps complet moyennant un salaire brut horaire de 150 F.

L'établissement par l'intimé, le 21 novembre 2001, d'un contrat de travail pour travailleur étranger non agricole, au bénéfice de [S] [L], pour le poste d'assistant dentaire qualifié aide orthodontiste à temps complet, moyennant un salaire horaire de 250 F, contrat de travail contrôlé par l'Office des migrations internationales le 7 mars 2002, s'inscrit dans la démarche de régularisation de la situation administrative du salarié.

L'examen des bulletins de paie montrent que [S] [L] a été rémunéré pour un nombre d'heures de travail variable selon les mois mais toujours inférieur au nombre d'heures correspondant à un emploi à temps complet. Il n'a réclamé la différence entre les salaires dus pour un travail à temps plein et les salaires qui lui ont été servis qu'à l'occasion de la procédure prud'homale.

En considération de ces éléments, le conseil de prud'hommes a justement considéré que les contrats établis les 25 avril 1998 et 21 novembre 2001 constituaient des contrats de travail apparents et que la preuve de leur caractère fictif était apportée par [J] [Q].

Il résulte en effet des documents versés aux débats que parallèlement à ses activités d'assistant dentaire au sein du cabinet du Dr [Q], [S] [L] poursuivait ses études cliniques d'orthodontie à l'université de [1], effectuait 2 vacations par semaine en qualité de praticien associé stagiaire au service d'odontologie de l'hôtel Dieu de PARIS et travaillait tous les mercredis matins en qualité d'Attaché au service de chirurgie plastique maxillo-faciale et stomatologie du centre hospitalier intercommunal [2] d'[Localité 1] (Seine-Saint-Denis).

Les attestations de [Y] [V] [H], femme de ménage au cabinet dentaire du

Dr [Q] depuis le 1er octobre 1990, et de [X] [B] épouse [D], qui a remis en ordre le fichier des patients du cabinet, établissent que [S] [L] ne travaillait pas à temps plein au cabinet. Dans ses lettres des 29 juillet 2002 et 14 février 2005 réclamant notamment le paiement de salaires arriérés, ce dernier ne prétend pas qu'il a travaillé à temps complet. Il a dressé le décompte des rappels de salaire réclamés mois par mois, de mars 2002 à janvier 2005, sur la base d'un salaire à temps plein de 6'440,97 €. Cependant, il n'a fourni aucun décompte des heures effectivement travaillées au sein du cabinet au cours de cette période. Compte tenu de ses activités à l'extérieur du cabinet, [S] [L] ne pouvait manifestement pas se tenir constamment à la disposition du Dr [Q].

C'est donc à raison que les premiers juges ont rejeté sa demande de rappels de salaire et de congés payés fondée sur un travail à plein temps.

Sur la demande en paiement d'un rappel de primes d'ancienneté et de congés payés afférents (16'266,90 € + 1626,69 €)

Le rejet de cette demande par le conseil de prud'hommes sera également confirmé dans la mesure où le rappel de prime est calculé sur la base du salaire pour un travail à temps complet.

- Sur la qualification du licenciement et ses conséquences

Le 1er avril 2005, [J] [Q] a licencié [S] [L] pour faute lourde pour les motifs suivants :

' Votre comportement s'est depuis quelques mois dégradé pour devenir intolérable depuis le début de l'année 2005.

Vous n'avez de cesse de me dénigrer tant auprès du personnel du cabinet que des tiers et tenez à mon encontre des propos injurieux et diffamatoires, notamment dans la correspondance que vous m'avez fait suivre en date du 14 février 2005 dont les termes peuvent être très clairement assimilés à un chantage.

Il s'agit là de comportements délictueux pour lesquels je me réserve d'ailleurs de déposer plainte à votre encontre.

Vous avez depuis lors perduré dans cette attitude qui manifeste incontestablement à mon endroit une intention de nuire.

En second lieu, j'ai constaté la disparition d'une vingtaine de dossiers de patients ainsi que de documents personnels.

Vous avez été vu quitter le cabinet avec un sac rempli de documents administratifs m'appartenant.

J'ai, de ce chef, le 19 février 2005 déposé une main courante à votre encontre me réservant là encore de déposer plainte pour vol.

Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de mon cabinet même pendant le temps d'un préavis.

Votre intention manifeste de me nuire caractérise la faute lourde.

Je vous notifie, en conséquence, par la présente votre licenciement pour faute lourde à effet immédiat sans préavis, ni indemnité de rupture.

Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel à première présentation de cette lettre.

Je vous confirme en tant que de besoin, la mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée concomitamment à votre convocation à un entretien préalable et qui fait corps avec le présent licenciement prononcé pour faute lourde.

...................................................................................................................................................

Par ailleurs, je vous mets par la présente en demeure de quitter le logement que vous occupez actuellement gracieusement au [Adresse 3] que j'ai mis à votre disposition en annexe du contrat de travail nous liant.'

L'employeur reproche ainsi au salarié de le dénigrer auprès du personnel et des tiers, de lui avoir envoyé, le 14 février 2005, une lettre de chantage contenant des propos injurieux et diffamatoires et d'avoir fait disparaître du cabinet des documents personnels administratifs ainsi qu'une vingtaine de dossiers de patients.

Aucun élément n'a été fourni tant sur le dénigrement que sur la soustraction de dossiers et de documents auxquels se serait livré [S] [L].

La lettre de chantage est constituée d'un courrier dactylographié non daté et non signé adressé à ' [J] ' par son ' LOYAL SERVITEUR ' qui lui réclame, pour le vendredi 18 février 2005 au matin, ses salaires en retard, un chèque de 200'000 €, une date pour l'encaisser et un courrier d'entretien préalable à licenciement signé. Ce courrier est agrafé à une enveloppe d'envoi recommandé RA 1627 7788 3FR, posté le 14 février 2005 par [L] [S] et distribué le 16 février 2005 au Dr [J] [Q].

[S] [L] conteste être l'auteur et l'expéditeur de ce courrier. Il produit la copie de la lettre manuscrite, signée, recommandée RA 1627 7788 3FR du 14 février 2005, distribuée au Dr [J] [Q], le 16 février, dans laquelle il réclame notamment ses arriérés de salaires et un ' rattrapage ' égal à la différence existant entre son salaire et celui de ses anciens employés occupant le même poste.

L'attestation de [U] [Z] veuve [F] qui affirme avoir assisté, le 16 février 2005, à l'ouverture par le Dr [Q] d'une enveloppe provenant de l'expéditeur [S] [L] et contenant une lettre de chantage est insuffisante pour justifier la teneur de la lettre contenue dans l'enveloppe, dès lors qu'elle n'a pas procédé elle-même à la lecture de la lettre.

Aucun des griefs articulés dans la lettre de licenciement n'étant justifié, le conseil de prud'hommes a estimé à bon droit que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Le rappel de salaire et de congés payés ainsi que les indemnités de rupture ont été correctement calculés par les premiers juges sur la base de la moyenne des 3 derniers mois de salaire versés à [S] [L], les condamnations prononcées seront donc confirmées, y compris le montant de l'indemnité pour rupture abusive qui, au vu des éléments de préjudice versés au dossier, constitue une juste réparation du dommage causé au salarié par la rupture injustifiée de son contrat de travail.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution à l'employeur des sommes versées en exécution du jugement du 12 octobre 2009.

Il n'y a pas davantage lieu de lui allouer des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'appel formé par le salarié ne paraissant pas procéder d'une utilisation abusive de la procédure.

- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant en son recours, [S] [L] sera condamné aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il y a lieu, en équité, de laisser à [J] [Q] la charge de ses frais non taxables.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne [S] [L] aux dépens de l'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/10135
Date de la décision : 17/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°09/10135 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-17;09.10135 ?
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