La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2013 | FRANCE | N°11/11405

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 08 octobre 2013, 11/11405


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 08 Octobre 2013

(n° 10 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11405



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/07499





APPELANTE

SA [R] [P] RESSOURCES HUMAINES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eric AG

AMI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0212







INTIME

Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 Octobre 2013

(n° 10 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11405

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/07499

APPELANTE

SA [R] [P] RESSOURCES HUMAINES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Eric AGAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0212

INTIME

Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine COSSON, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Catherine COSSON, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [L] [F] a été embauchée par la société [R] [P] Ressources Humaines à compter du 1er septembre 2009 en qualité de directeur associé. Le contrat prévoyait une période d'essai de 3 mois renouvelable une fois pour une durée équivalente.

Par lettre du 16 décembre 2009, l'employeur a reconduit la période d'essai à partir du 31 décembre 2009 et jusqu'au 30 mars 2010. Par lettre du 21 mars 2010, Monsieur [F] a démissionné dans les termes suivants :

En application des dispositions de mon contrat de travail du 31 juillet 2009 prévoyant une période d'essai de 3 mois à compter du 1er octobre 2009, période reconduite le 16 décembre 2009 jusqu'au 30 mars 2010, j'ai l'honneur de vous informer de ma démission de mes fonctions de Directeur Associé.

Cette démission intervient en période d'essai donc avec un préavis réduit à 48 H. Je souhaite quitter l'entreprise le 30 mars 2010 au soir.

En raison de l'éloignement géographique, je vous demande de bien vouloir m'adresser mon dernier bulletin de paie (lequel fera apparaître les régularisations demandées à plusieurs reprises à la comptabilité), mon solde de tout compte, le chèque afférent, mon certificat de travail et le règlement de mes frais avant le 15 avril 2010.

La société [R] [P] Ressources Humaines a saisi le conseil de Prud'hommes de Paris d'une demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai. Par jugement du 7 septembre 2011, cette juridiction :

- a débouté la société [R] [P] Ressources Humaines de ses demandes,

- l'a condamné à payer à Monsieur [F] :

- 13.899 € au titre de la part variable sous déduction de la provision ordonnée par le juge des référés de 4.000 €,

- 2.071,48 € au titre de l'indemnité de congés payés sous déduction de la provision ordonnée par le juge des référés de 945 €,

- 8.168,31 € au titre des remboursements de frais, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation pour l'audience du bureau de conciliation,

- 1.860 € au titre de la liquidation de l'astreinte,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit la clause de non concurrence nulle et ordonné à Monsieur [F] de rembourser la somme de 2.028 € perçue à ce titre à la société [R] [P] Ressources Humaines,

- a ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document passé le délai d'un mois calendaire après le prononcé du présent jugement,

- a débouté Monsieur [F] du surplus de ses demandes,

- a condamné la société [R] [P] Ressources Humaines aux dépens.

Le jugement a été signifié le 9 novembre 2011. Par déclaration déposée au greffe le 14 novembre 2011, la société [R] [P] Ressources Humaines a interjeté un appel limité au rejet de ses demandes et à sa condamnation à payer à Monsieur [F] diverses sommes au titre de la part variable de la rémunération, des congés payés et des frais.

Elle demande à la cour :

- de dire que la rupture de la période d'essai à l'initiative de Monsieur [F] apparaît abusive,

- de constater qu'elle est la cause directe d'un préjudice,

- en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes,

- de le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de paiement d'une contrepartie financière au titre de l'interdiction de concurrence et en ce qu'il a condamné Monsieur [F] au remboursement d'une somme de 2.028 €,

- de condamner Monsieur [F] à lui payer 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi et 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte d'honoraires,

- de rejeter les demandes de Monsieur [F] au titre du rappel de salaire sur la partie variable hors les 4.000 € alloués par le juge des référés, au titre du remboursement des frais, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés hors les 945 € alloués par le juge des référés, au titre de la liquidation de l'astreinte, au titre de la remise de documents sociaux sous astreinte.

A titre subsidiaire, si le jugement était confirmé, elle considère qu'il n'y a pas lieu au prononcé d'une astreinte, et très subsidiairement que son point de départ devrait être fixé 30 jours après la décision à intervenir.

Sur les demandes reconventionnelles, elle sollicite :

- qu'il soit pris acte de la renonciation réciproque des parties à l'application de la clause de non concurrence si cette dernière était déclarée valable,

- le débouté de Monsieur [F] de toutes ses prétentions au titre de la clause de non concurrence,

- subsidiairement, qu'il soit dit que l'indemnisation de l'interdiction de concurrence ne pourra excéder le montant total de l'engagement de la société soit 17.498,25 € ou très subsidiairement 31.207,77 €,

- de façon infiniment subsidiaire la réduction dans les plus larges proportions du montant du préjudice invoqué du fait du respect de la clause de non concurrence.

Elle réclame la condamnation de Monsieur [F] à lui payer la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [F] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en paiement d'une contrepartie financière pour la période au cours de laquelle il a respecté la clause de non concurrence et condamné au remboursement de la somme de 2.028 €, sa confirmation pour le surplus. Il sollicite la condamnation de la société [R] [P] Ressources Humaines au paiement de la somme de 184.361,29 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du respect de la clause de non concurrence pendant 24 mois et subsidiairement à celle de 67.794 €, que soit ordonnée une nouvelle astreinte de 500 € par jour de retard et par document commençant à courir un mois après l'arrêt à intervenir et l'allocation de la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la rupture pendant la période d'essai

La société [R] [P] Ressources Humaines soutient que Monsieur [F] a adopté un comportement déloyal qui rend abusive la rupture de la période d'essai une semaine avant son terme. Elle prétend que ce salarié l'a convaincu de l'intérêt de développer une activité de chasseur de tête en Suisse, que croyant à son implication personnelle, elle a accepté de l'intégrer au rang de directeur associé en ajoutant la mission de développement d'un pôle suisse à sa définition de poste, qu'elle a engagé de grands frais pour installer une structure juridique et opérationnelle à Genève, a laissé Monsieur [F] se consacrer à la préparation de ce développement et n'a défini aucune obligation de résultat ni en termes de délais, ni en terme de chiffre d'affaires pour cette création de pôle d'activité.

Elle indique qu'à l'issue de la période initiale de 3 mois, la mise en place n'étant pas terminée, elle a accepté de prolonger la période d'essai de Monsieur [F] pour une durée équivalente devant se terminer le 31 mars 2010 et que c'est en raison de la perfidie de l'intéressé qui n'a jamais manifesté d'hésitation quant au maintien du projet, qu'elle a poursuivi des relations de travail auxquelles elle aurait pu mettre fin dès le mois de décembre au motif que les objectifs n'avaient pas été remplis durant les trois premiers mois. Elle fait valoir que Monsieur [F] a été intégré extrêmement rapidement chez Euromedica avec qui il avait été en relation antérieurement ce qui démontre qu'il a profité jusqu'au dernier moment de l'opportunité qui lui était donnée de s'installer en Suisse aux frais de son employeur pour intégrer ensuite immédiatement une entreprise concurrente en qualité de consultant.

Elle en conclut que Monsieur [F] s'est rendu coupable de malveillance envers elle en la laissant sciemment poursuivre ses investissements en Suisse en pure perte, en lui imposant un délai de 8 jours entre la notification de la rupture et son départ ce qui l'a mise en difficulté, en ne lui permettant pas de prendre ses dispositions pour trouver une solution relative à la gestion de l'activité. Si la cour ne retenait pas l'intention de nuire, elle considère que l'intéressé qui ne prouve pas que la société a manqué à ses obligations contractuelles, a fait preuve de légèreté blâmable.

Monsieur [F] explique qu'ayant compris dans le courant du mois de mars 2010 que la société [R] [P] Ressources Humaines n'était pas disposée à respecter ses engagements initiaux, il a décidé de démissionner pendant la période d'essai. Il soutient que cette dernière ne pouvait ignorer qu'une rupture était susceptible d'intervenir dans la mesure où elle tentait de négocier, pendant la période d'essai, les conditions du contrat de travail et que son salarié avait manifesté son opposition dès le mois de janvier.

Considérant que l'article L 1221-20 du code du travail dispose que la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ; que si le salarié peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai, ce n'est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus ;

Considérant que Monsieur [F] était consultant pour la société Futurestep depuis 3 ans lorsqu'il a été démarché en avril 2009 par Madame [M], responsable du recrutement interne de Piana HR Groupe (groupe auquel appartient la société [R] [P] Ressources Humaines), laquelle lui proposait un poste tourné vers l'international avec un projet d'implantation d'une des marques spécialisées du groupe en approche directe en Belgique ; que le 16 juillet 2009, une lettre d'intention a été signée relative au projet de créer une activité de chasse de têtes en Suisse à partir du 1er septembre 2009, dans une société à créer au sein du groupe ; qu'en effet, Monsieur [F] dans le cadre de son emploi chez Futurestep avait développé une clientèle en Suisse ;

Considérant que le 31 juillet 2009, Monsieur [F] et la société [R] [P] Ressources Humaines ont signé un contrat de travail à effet du 1er septembre 2009 comportant une période d'essai de 3 mois renouvelable une fois pour une période équivalente ; que ce document prévoyait que Monsieur [F], directeur associé, statut cadre niveau III position 3.1 coefficient 170, avait notamment en charge le développement du portefeuille de clients et prospects dans le secteur d'activité défini par le PDG et la mise en place de l'activité de la société BKRH en Suisse par la création d'un fonds de commerce ; qu'il lui était fixé un objectif de chiffre d'affaires mensuel de 20.000 € HT de facturation, que le lieu d'exercice de ses fonctions était fixé à [Localité 2], qu'il devait respecter une clause de non concurrence de 24 mois portant sur la France métropolitaine ;

Considérant qu'il ressort des courriels versés aux débats que Monsieur [F] a effectué des déplacements fréquents et réguliers en Suisse en octobre, novembre et décembre 2009 et que les formalités de constitution d'une société en Suisse, la SARL [R] [P] Ressources Humaines, ont été entreprises et achevées le 18 décembre 2009 ; qu'il en a été de même de celles relatives aux permis de travail et de résidence de Monsieur [F] qu'il a obtenus le 26 février 2010 ; qu'un local a été recherché ; que la date de prise de fonction en Suisse de l'intéressé a été fixée au 1er mars 2010 ;

Considérant que le vendredi 29 janvier 2010, Monsieur [F] a envoyé à Monsieur [I], responsable développement ' croissance externe de Piana Holding, un courriel dans lequel il lui indiquait notamment :

Pour ce qui est du déménagement, je souhaite te sensibiliser sur le fait, que pour avoir fait les démarches, pris du temps pour rencontrer les professionnels, je ne souhaite pas économiser deux francs six sous et me retrouver avec un souci de douane ou un problème de garanti, ça peut au final nous coûter très cher. La qualité des prestataires avec laquelle on travaille me semble primordiale, c'est pour cela qu'un prestataire suisse sera à même de bien gérer le dédouanement, qu'un « international mover » le fera tous les jours. Je te passe les possibles, mais je ne souhaite pas vivre plusieurs jours sans meubles qui pourraient être bloqués en douane.

En outre, la date prévisionnelle est dans 4 semaines : il faut réserver, prévoir et je pensais m'y être pris dans le bon timing mais l'intervention de ce nouvel opérateur me fait extrêmement peur et me stresse fortement. J'ai une famille qui doit également caler son rythme sur le mien (l'école, travail de mon épouse, je te passe les détails que nous gérons bien volontiers nous-même pour cette expatriation '). Concernant le véhicule, je vais également avoir besoin de me déplacer ' Pour le permis de travail ' . ; que Monsieur [I] lui a répondu le même jour qu'il reviendrait vers lui le lundi comme convenu, une fois que tout aurait été validé et le cas échéant signé par JC ([S] [W]) ; que les échanges sur le déménagement de Monsieur [F] ont continué les 21 et 25 janvier, ce dernier transmettant des devis et Monsieur [I] interrogeant d'autres prestataires ;

Considérant que de ces éléments, il ressort que le développement d'un pôle suisse constituait la mission principale de Monsieur [F] et qu'il était convenu avec la société [R] [P] Ressources Humaines qu'il s'installerait dans ce pays ; que le fait que la mise en place de la nouvelle société n'ait pas été achevée au bout de 3 mois n'est pas imputable à ce salarié ; que l'employeur ne démontre pas que l'intéressé était à l'origine du renouvellement de la période d'essai lequel a été porté à sa connaissance par lettre du 16 décembre 2009 ;

Considérant que le 5 janvier 2010, Monsieur [I] a transmis à Monsieur [F] par courriel un contrat de travail pour la Suisse adapté à partir du contrat français précédemment signé ; que le 18 janvier, Monsieur [F] lui a indiqué plusieurs points de désaccords : absence dans le business plan annexé du salaire du chargé de recherche devant être recruté, disparition de la mention du véhicule de fonction, clause de non concurrence étendue à la Suisse avec une diminution de l'indemnité prévue en cas de rupture (15 % contre 25 % figurant dans le contrat du 31 juillet 2009), absence de mention de la prise en charge de l'assurance maladie, diminution du nombre de jours de congés passant de 25 à 20 ; que le 10 février, il a fait état d'un certain nombre de dysfonctionnements dont le retard dans le paiement des salaires et dans le remboursement des notes de frais, l'inexactitude des montants, l'absence de réponse quant à la question de son adhésion à une mutuelle ;

Considérant que Monsieur [W], PDG de la société [R] [P] Ressources Humaines, a adressé à Monsieur [F] le courriel suivant :

La clause de non concurrence se calcule sur le montant des salaires et primes totales !! De plus elle protège le groupe avant tout donc tes intérêts, dois-je te rappeler que tu bénéficies d'un statut envié par beaucoup dans la mesure où j'ai considéré que tu pouvais bénéficier du statut de directeur associé (une part des bénéfices de BKRH en Suisse) que certains cédants et collaborateurs rêverait d'avoir ! Elle n'est pas discutable sur le fond comme tu peux le comprendre !! on ne peut pas prendre le risque de développer un business et que tu partes avec ensuite avec les clients !!! pour le reste, pas de commentaires ! ;

Considérant que par lettre du 21 mars 2010, Monsieur [F] a démissionné de son poste de directeur associé ;

Considérant qu'ayant constaté des points de désaccord importants avec son employeur qui ne pouvaient être résolus, Monsieur [F] était en droit de mettre fin aux relations contractuelles avant l'expiration de la période d'essai ; qu'il a respecté le préavis de 48 heures prévu au contrat de travail ;

Considérant qu'il ne peut être reproché à Monsieur [F] qui avait vendu le 9 mars 2010 son appartement en France pour pouvoir s'installer en Suisse, dont l'épouse avait demandé et obtenu sa mutation en Suisse, qui devait respecter une clause de non concurrence en France métropolitaine et devait gagner sa vie, d'avoir recherché un emploi en Suisse et de s'être pour cela adressé à une société, la société Euromedica AG, qui le connaissait et, dans le passé, lui avait proposé de la rejoindre ;

Considérant qu'aucune des circonstances décrites ci-dessus ne caractérise l'abus allégué ; que les demandes présentées par la société [R] [P] Ressources Humaines au titre du préjudice matériel et de la perte d'honoraires sont rejetées et le jugement confirmé ;

Sur le paiement des salaires

Considérant que Monsieur [F] réclame le paiement de la partie variable de sa rémunération telle que prévue au contrat ; qu'il soutient qu'il a facturé au cours de l'exécution de la prestation de travail, des prestations pour 46.333 € de sorte qu'il lui est dû la somme de 13.899 € au titre de la prime trimestrielle de 30 % HT ;

Considérant que la société [R] [P] Ressources Humaines fait valoir que l'exigence d'encaissement du paiement des factures dans le délai de 2 mois n'a pas été respectée, qu'un commissionnement ne peut être réclamé sur toutes les factures pour les 3 contrats cités (BT Pharma ' Genticel, Thermofisher, Milipore) alors que la totalité des missions n'a pas été réalisée en raison du départ précipité de Monsieur [F] ;

Considérant qu'aux termes du contrat de travail du 31 juillet 2009, Monsieur [F] devait percevoir un salaire fixe mensuel de 3.333,33 € calculé sur une base annuelle de 40.000 € et une partie variable dans les conditions suivantes :

V.2 [']

V.2.1 [']

Outre le salaire fixe prévu au présent contrat, Monsieur [L] [F] percevra une rémunération trimestrielle correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaire dégagé par les contrats signés par lui-même ou apportés par le groupe en fonction du paragraphe V.2.2.1, sous réserve du bon encaissement des factures.

La base de calcul sera constituée de tous les contrats :

- négociés et signés par Monsieur [L] [F] ou apportés par le groupe,

- pendant la période considérée,

- validés par le Directeur Général,

- dont les factures consécutives auront été payées.

Le commissionnement sera versé trimestriellement : les commissions concernant les encaissements d'un trimestre seront versées sur le salaire du premier mois du trimestre suivant. [']Si une facture consécutive au contrat n'a pas été réglée deux mois après son exigibilité (M+2), le droit au commissionnement sur cette facturation sera perdu. ['].

V.2.2 Les modalités de calcul :

V.2.2.1 le montant des primes :

Pour le calcul des primes, les chiffres d'affaires suivants seront pris en compte :

- si la mission a été signée et gérée par lui-même, le chiffre d'affaire pris en compte est égal à 100 % du chiffre d'affaires de la mission, [']

- de même si la mission a été signée par vous-même et gérée par un autre consultant ([T] [Y] [C], [R] [P] Ressources Humaines ou un consultant traditionnel de Norma conseil RH), le chiffre d'affaires correspondant à cette mission est égal à 50 % du chiffre d'affaires total de la mission.

Primes d'intéressement trimestrielle brute

Le salarié percevra une prime d'intéressement trimestrielle brute au règlement intégral des factures correspondant à 30 % du CA facturé et encaissé. En effet la prime ne sera qu'à la condition que les factures prises en compte au cours du trimestre écoulé aient été complètement et intégralement réglées à la société [R] [P] Ressources Humaines. [']. ;

Considérant que Monsieur [F] produit le contrat signé avec la société Millipore et un courriel du 28 janvier 2010 dont il ressort que deux factures ont été émises (5.000 et 6.500 €) ; que la société [R] [P] Ressources Humaines ne démontre pas que ces factures ne lui ont pas été complètement et intégralement réglées ;

Considérant qu'est communiqué le contrat signé avec BT Pharma - Genticel aux fins de recrutement du chef du département d'immunologie, les demandes de facturation des deux premiers termes de la mission qui en comportait 3, la présentation de Madame [U] et le recrutement de cette dernière ; que les pièces produites par la société [R] [P] Ressources Humaines ne permettent pas de savoir à quel recrutement elles se rapportent ; qu'il n'est pas démontré un paiement à plus de deux mois des factures concernées dans la mesure où le virement du 3 mai 2010 dont il est fait état sans autre explication peut concerner la facturation du 3ème terme de la mission et non les deux premiers ;

Considérant que Monsieur [F] a signé un contrat avec la société Thermo Fischer Scientific relatif au recrutement d'un directeur des Ventes ; qu'il justifie avoir géré seul le premier terme et que celui-ci a été facturé ; qu'en revanche, aucune pièce n'est produite en ce qui concerne le second terme, étant observé que le recrutement a ensuite été poursuivi par Madame [Z] ;

Considérant qu'il s'ensuit que la somme due au titre de la part variable de la rémunération est de 11.499,60 €, soit une fois déduite la provision de 4.000 € allouée par le juge des référés, un solde de 7.499,60 € ; que le jugement entrepris est infirmé sur le quantum ;

Sur le remboursement des frais

Considérant que le contrat de travail de Monsieur [F] prévoyait que les frais professionnels exposés par l'intéressé lui seraient remboursés par la société [R] [P] Ressources Humaines sur justificatifs dans les limites déterminées par la société ;

Considérant que Monsieur [F] sollicite le remboursement des frais qu'il a exposés aux mois de février et mars 2010 et le coût de son déménagement ; qu'il communique deux récapitulatifs de notes de frais ; qu'il justifie de l'achat de billets d'avion et de train pour des trajets effectués entre la France et la Suisse, de chambres d'hôtels, de repas, de location de voitures, de frais de taxi ; que l'employeur ne démontre ni avoir payé les factures ni avoir remboursé à son salarié les sommes correspondantes ;

Considérant que la société [R] [P] Ressources Humaines oppose à Monsieur [F] qu'il ne bénéficiait pas d'une délégation l'autorisant à engager des frais pour son compte sans autorisation préalable ; qu'elle ne prétend cependant ni que les achats d'une imprimante-fax-scanner et d'un téléphone de bureau n'ont pas été effectués pour son compte, ni que la SARL [R] [P] Ressources Humaines ne bénéficie pas de ses appareils ; que ces sommes seront en conséquent retenues ;

Considérant que le contrat de travail du 31 juillet 2009 ne comportait aucune disposition relative au déménagement de Monsieur [F] ; que la lettre d'intention du 16 juillet 2009 précisait : nous sommes d'accord pour que la société vous accorde les éléments suivants ['] éventuellement le déménagement de votre domicile en janvier 2010 vers la Suisse, après accord sur un devis. ; qu'il n'est pas justifié d'un accord sur un devis ; que le jugement qui a mis les frais de déménagement à la charge de l'employeur est infirmé ; qu'il est confirmé en ce qui concerne le rejet de la demande relative au remboursement de la carte orange, faute de production de justificatifs ;

Considérant que la société [R] [P] Ressources Humaines est condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 3.136,31€ ;

Sur les congés payés

Considérant qu'il ressort de l'examen du bulletin de salaire du mois de décembre 2009 que Monsieur [F] a pris 4 jours de congés du 28 au 31 décembre 2009, de sorte que le 31 mars 2010, il lui restait 11 jours de congés ; que sur la base d'un salaire moyen de 5.249,60 € intégrant les primes allouées ci-dessus, il est dû 1.924,85 €, soit une fois déduite la somme de 945 € allouée par le juge des référés, un solde de 979,85 € ; que le jugement est infirmé sur le montant alloué ;

Sur la clause de non concurrence

Considérant qu'une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;

Considérant que le contrat de travail du 31 juillet 2009 comportait une clause de non concurrence rédigée comme suit :

' il est expressément convenu qu'après la rupture du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, le motif et l'initiateur Monsieur [L] [F] s'interdit :

- d'entrer au service d'une entreprise exerçant une activité concurrente de celle de la société [R] [P] Ressources Humaines (ou des sociétés du groupe Piana), intervenue dans le secteur de clientèle et d'activité relevant du recrutement ou conseil en recrutement, placement en intérim, CDD ou CDI,

- d'entrer au service d'une entreprise créée ou dirigée par un des anciens salariés de la société [R] [P] Ressources Humaines (ou toute autre société de Piana HR Group),

- d'entrer au service d'un client ou ex-client de la société [R] [P] Ressources Humaines (défini comme toute personne ayant utilisé ses services au cours des douze mois précédents la rupture du contrat de travail) pour y exercer à titre principal des activités similaires,

- de s'intéresser directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit (y compris par la création d'une exploitation individuelle), à une entreprise de cet ordre,

- de prospecter la clientèle démarchée ou traitée par la société [R] [P] Ressources Humaines au profit d'une entreprise de cet ordre.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée de 24 mois à compter de la rupture u contrat de travail de Monsieur [L] [F] avec la société [R] [P] Ressources Humaines.

L'étendue géographique de cette interdiction couvre toute la France métropolitaine.

Elle porte sur toutes les fonctions définies dans son contrat de travail initial et tout éventuel avenant ainsi que sur toutes celles que Monsieur [L] [F] aura exercées effectivement les 6 mois précédents la date de rupture du contrat de travail.

La clause sera applicable, même en cas d'interruption anticipée de préavis ou de période d'essai, dès la date de cessation effective des fonctions du salarié. ['].

Toutefois, il est d'ores et déjà accepté par Monsieur [L] [F] que la société [R] [P] Ressources Humaines, pour les intérêts de laquelle cette clause est établie, se réserve la faculté de lever cette obligation de non concurrence ou d'en réduire la durée sous réserve d'en aviser le salarié par lettre recommandée après avis de réception, soit au cours de l'exécution du présent contrat, soit au plus tard 15 jours après la notification de la rupture ou de la démission.

Sous réserve que l'interdiction sera maintenue par l'employeur et en contrepartie de l'engagement réciproque convenu, la société [R] [P] Ressources Humaines versera une indemnité de non-concurrence sous forme d'indemnité mensuelle pour toute la durée d'interdiction prévue, égale à 25 % du salaire brut mensuel moyen des douze derniers mois de salaires. ['] ;

Considérant qu'à la suite de la démission de son salarié, la société [R] [P] Ressources Humaines lui a écrit le 26 mars 2010 pour lui faire connaître que l'interdiction de concurrence et l'indemnisation afférente serait appliquée à compter du 1er avril ; qu'elle a également adressé à son nouvel employeur, la société Euromedica, un courrier daté du 18 mai 2010, notamment pour l'informer de l'existence de la clause de non-concurrence et lui demander des explications sur les fonctions de Monsieur [F] au regard de l'application de cette clause ; qu'elle a payé la contrepartie financière pour les mois d'avril, mai et juin 2010 après que Monsieur [F] ait saisi le juge des référés prud'homal d'une demande tendant à se voir libérer de la clause de non-concurrence au motif de l'absence de paiement de l'indemnité ; que devant cette juridiction, elle a soutenu ne pas payer la contrepartie financière parce que Monsieur [F] ne respectait pas la clause de non-concurrence ; qu'elle en a ainsi expressément revendiqué l'application, ne l'a pas levée alors que le contrat de travail lui en donnait la possibilité et est mal fondée à solliciter devant la cour que soit désormais constatée sa renonciation à sa mise en 'uvre alors que le délai de 2 ans est achevé ;

Considérant que la contrepartie financière prévue au contrat, 25 % du salaire brut mensuel moyen des douze derniers mois de salaires, apparaît dérisoire eu égard aux très importantes restrictions auxquelles était soumis le salarié que ce soit dans le temps (2 ans), dans l'espace (la France métropolitaine) et en ce qui concerne les emplois proscrits, restrictions qui avaient pour conséquences de l'empêcher d'exercer son métier en France ; qu'il s'ensuit que la clause de non-concurrence est illicite ; qu'une clause illicite cause nécessairement un préjudice au salarié ;

Considérant que Monsieur [F] a été soumis à une clause illicite dont il n'est pas démontré qu'il ne l'a pas respecté ; que c'est à tort que le premier juge l'a condamné à rembourser la contrepartie financière que l'employeur au surplus ne lui a payé que pendant trois mois ; que le jugement est en conséquence infirmé et la demande de la société [R] [P] Ressources Humaines rejetée ;

Considérant que la cour évalue le préjudice de Monsieur [F] qui une fois libéré de la clause litigieuse, n'a pas choisi de revenir en France, à la somme de 45.000 € ;

Sur les autres demandes

Considérant que l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ;

Considérant que la société [R] [P] Ressources Humaines a été condamnée à remettre à Monsieur [F] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, le solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à l'ordonnance du juge des référés du 23 novembre 2010 sous astreinte de 30 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la notification de l'ordonnance et pendant 2 mois ; qu'elle ne fait état d'aucune difficulté d'exécution ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui au titre de la liquidation de l'astreinte, l'a condamné au paiement de la somme de 1.860 € ;

Considérant que dans la mesure où devant le juge du fond l'employeur ne s'était toujours pas acquitté de son obligation, le jugement qui a ordonné une nouvelle astreinte mérite confirmation ;

Considérant que la société [R] [P] Ressources Humaines remettra à Monsieur [F] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux termes du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard, qui commencera à courir passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois ;

Considérant que le surplus de la décision entreprise mérite confirmation ;

Considérant que les dépens d'appel sont mis à la charge de la société [R] [P] Ressources Humaines ; qu'elle est condamnée à payer à Monsieur [F] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que sa demande présentée de ce chef, en cause d'appel, est rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement rendu le 7 septembre 2011 par le conseil de Prud'hommes de Paris,

Statuant à nouveau,

Condamne la société [R] [P] Ressources Humaines à payer à Monsieur [L] [F] :

- un solde de 7.499,60 euros (sept mille quatre cent quatre vingt dix neuf euros soixante centimes) au titre de la part variable de la rémunération,

- 3.136,31 euros (trois mille cent trente six euros trente et un centimes) au titre du remboursement des frais,

- un solde de 979,85 euros (neuf cent soixante dix neuf euros quatre vingt cinq centimes) au titre des congés payés,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation pour l'audience du bureau de conciliation,

- 45.000,00 (quarante cinq mille) euros) à titre de dommages intérêts du fait de l'application d'une clause de non concurrence illicite, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Confirme pour le surplus la décision entreprise,

Y ajoutant,

Ordonne à la société [R] [P] Ressources Humaines de remettre à Monsieur [L] [F] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard et par document, qui commencera à courir passé un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt et pendant une durée de trois mois,

Rejette la demande présentée devant la cour par la société [R] [P] Ressources Humaines au titre de ses frais irrépétibles,

Condamne en cause d'appel, la société [R] [P] Ressources Humaines aux dépens et à payer à Monsieur [L] [F] la somme de 4.000,00 (quatre mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 11/11405
Date de la décision : 08/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°11/11405 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-08;11.11405 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award