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08/10/2013 | FRANCE | N°09/07208

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 08 octobre 2013, 09/07208


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 08 Octobre 2013

(n° 14 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07208



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2009 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL section commerce RG n° 07/01504





APPELANTES

Madame [G] [T] divorcée [N]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Véronique

ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0046



Madame [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Véronique ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toqu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 Octobre 2013

(n° 14 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07208

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2009 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL section commerce RG n° 07/01504

APPELANTES

Madame [G] [T] divorcée [N]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Véronique ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0046

Madame [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Véronique ATLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0046

INTIMÉE

SA CORSAIR

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Cécile TACCHELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine COSSON, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller faisant fonction de président

Madame Catherine COSSON, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

L'affaire a été mise en délibéré au 1er octobre 2013, prorogé au 8 octobre 2013.

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Claudine PORCHER, présidente,

- signé par Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller le plus ancien faisant fonction de président lors du délibéré et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

La compagnie Corsair est une compagnie aérienne française dont l'activité est principalement axée sur des vols touristiques réguliers à destination tout particulièrement des Antilles, de la Réunion, de Madagascar, de l'Ile Maurice. En 2007, la société Corsair a mis en 'uvre un licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi en découlant. Dans ce cadre, il a été fait appel aux départs volontaires. En ce qui concerne le personnel navigant commercial, dit PNC, il a été donné priorité aux salariés dont l'ancienneté Compagnie, date rétablie, était la plus importante.

Madame [G] [N] et Madame [R] [P], hôtesses navigantes, se sont portées candidates au départ volontaire. Par lettres du 19 avril 2007, elles ont chacune été informées du rejet de leurs demandes.

Contestant ces décisions, elles ont saisi le conseil de Prud'hommes de Créteil le 19 juillet 2007.

Dans le cours de l'instance, et par lettre du 18 décembre 2007, Madame [P] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 25 juin 2009, le conseil de Prud'hommes de Creteil, présidé par le juge départiteur, a rejeté les demandes présentées par Madame [N] et Madame [P], les a condamnées aux dépens et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettres recommandées envoyées le 29 juillet 2009, Madame [T] divorcée [N] et Madame [P] ont interjeté appel.

Elles demandent à la cour la condamnation de la société Corsair à leur payer :

1° à Madame [T] :

- 65.200,21 € à titre de dommages et intérêts compensant la privation de l'indemnité de départ volontaire,

- 10.373,94 € à titre de dommages et intérêts compensatoires de la perte d'une chance de réalisation d'un projet professionnel et du préjudice moral,

2° à Madame [P] :

- 11.443,46 € à titre d'indemnité de licenciement équivalente au différentiel entre l'indemnité de départ volontaire prévue au PSE et celle versée au titre de la rupture du contrat de travail pour inaptitude définitive,

- 960 € au titre de l'indemnité compensatrice de la perte de la protection sociale prévue au PSE, soit la garantie de prise en charge de la mutuelle santé pendant 12 mois,

- 5.000 € au titre de l'indemnité compensatrice de la perte des droits aux billets à gratuité partielle Corsair sur 5 ans,

- 7.368,48 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 736,85 € au titre des congés payés sur préavis,

- 58.947,84 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7.368,48 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

3° à chacune, 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société Corsair sollicite la confirmation du jugement, le rejet des demandes et la condamnation de Mesdames [T] et [P] aux dépens et à lui payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, Madame [P] 3.000 € et Madame [T] 2.500 €.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le refus de la candidature de Mesdames [P] et [T] divorcée [N] au départ volontaire

Considérant que les appelantes fondent leurs demandes sur l'exécution de bonne foi par l'employeur du PSE et le principe de l'égalité de traitement ; qu'elles soutiennent :

- que l'employeur doit exécuter de bonne foi le PSE en respectant le principe de l'égalité de traitement entre les salariés concernés,

- que les règles déterminant les conditions d'attribution des mesures doivent être préalablement définies et contrôlables,

- que la société Corsair a délibérément refusé en ce qui concerne les départs volontaires, d'appliquer la pluralité et l'objectivité des critères fixant l'ordre des licenciements tels que prévus sans caractère limitatif par l'article L 1233-5 du code du travail,

- que le critère de l'ancienneté compagnie (date rétablie), apprécié par catégorie, qu'elle a appliqué s'est révélé discriminatoire, discrétionnaire et invérifiable,

- que le principe de l'égalité de traitement entre les chefs de cabine d'une part et les hôtesses et stewards d'autre part n'a pas été respecté,

- que l'ancienneté, date rétablie, devait être appréciée en fonction du nombre d'années réelles de service dans la fonction même,

- que la liste des candidats retenus pour le départ volontaire n'a pas été rendue publique,

- que les motivations des décisions de refus n'ont été communiquées ni à la commission de suivi, ni aux salariés concernés,

- que le Comité d'Entreprise a rendu un avis défavorable sur le contenu du volet social du PSE (livre III),

- que le critère d'ancienneté rétablie compagnie est dépourvu, au sein de la compagnie Corsair, de fondement légal ou conventionnel faute de convention d'entreprise du personnel navigant commercial conclue à cette date en application du titre III du livre 1 du code du travail posant les règles de décompte de l'ancienneté compagnie date rétablie,

- que la référence objective de l'ancienneté compagnie ne peut trouver sa source dans des contrats saisonniers successifs, pratique condamnée par la jurisprudence ;

Considérant que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de traitement entre tous les salariés pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique ;

Considérant que le PSE comportait un volet relatif aux départs volontaires prévoyant que le plan de départs volontaires s'inscrit dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique, qu'il a pour objet de favoriser la réalisation de projets personnels et professionnels et que le nombre total de départs volontaires ne saurait excéder celui des suppressions de postes proposées ; qu'au titre de l'acceptation du volontariat, il était précisé:

Ainsi pour le Personnel Navigant, la priorité d'acceptation des départs volontaires sera directement donnée aux salariés dont l'ancienneté Compagnie (date rétablie) est la plus importante. L'ancienneté sera appréciée par catégorie (PNT ou PNC). Chaque liste regroupe : pour les PNT, l'ensemble des CDB et OPL ; pour les PNC, l'ensemble des instructeurs PNC, CCP, CC et Hôtesses, stewards. [']

Tour refus de demande volontaire par la Direction fera l'objet d'une motivation auprès de la commission de suivi. De plus, la Direction transmettra à la Commission de suivi la liste définitive des candidatures au départ volontaire retenues.

Si le nombre de volontaires au départ est supérieur au nombre de suppressions de poste, la priorité sera donnée aux salariés dont l'ancienneté Compagnie (date rétablie) est la plus forte. En cas d'égalité, le plus âgé sera prioritaire.

La Direction fera part individuellement, par écrit, de sa décision motivée, après étude de l'ensemble des candidatures au volontariat, et des possibilités de reclassement interne d'un salarié concerné par le licenciement, au poste d'un candidat au départ. ;

Considérant que la société Corsair fait justement valoir que dans le cadre d'un plan de départs volontaires, elle n'avait pas l'obligation d'appliquer les critères pour fixer l'ordre des licenciements tels qu'ils résultent de l'article L 1233-5 du code du travail ; qu'il a été choisi, en ce qui concerne les PNC, un critère unique, celui de l'ancienneté, date rétablie, qui n'a pas été critiqué par les partenaires sociaux ; qu'en effet, l'avis défavorable qui a été émis par le Comité d'Entreprise tant sur l'aspect économique que sur le PSE est sans rapport avec le point litigieux mais concerne les raisons économiques ayant entrainé le plan social, l'insuffisance alléguée des mesures, le manque de justification de la suppression de la plupart des postes, le manque d'analyse sur les conséquences, opérationnelles ou commerciales, des différentes réorganisations ou désorganisations induites par le plan ;

Considérant que la notion d'ancienneté rétablie n'a pas été élaborée pour la circonstance mais est utilisée par la compagnie Corsair dans le cadre de l'évolution de carrière du PNC; que pour effectuer le calcul de l'ancienneté rétablie, il est ajouté à la date d'embauche en CDI, le nombre total de jours des CDD précédents ; que des explications sur ce calcul figurent par exemple dans le compte rendu de la réunion des délégués du personnel du personnel navigant commercial du 6 novembre 2002 ; que n'est pas prise en compte l'ancienneté susceptible d'avoir été acquise au sein d'entreprises extérieures au groupe auquel la société Corsair appartient étant relevé que la preuve contraire n'est pas rapportée ; qu'il a en revanche été rappelé, notamment lors de la réunion ordinaire du CE du 22 mai 2007, que la date d'ancienneté rétablie intègre le temps de service effectué dans le groupe d'où la prise en compte de l'ancienneté acquise au sein de Nouvelles Frontières en cas de mobilité ou de salariés du Sol ayant intégré le PNC ; que chaque salarié connaissait sa date d'ancienneté compagnie rétablie puisqu'elle figurait sur ses bulletins de salaire ; que cette notion appliquée à chacun n'était ni discrétionnaire, ni invérifiable ; qu'antérieurement à la mise en 'uvre du PSE, elle n'avait été contestée par aucune des deux salariées ;

Considérant que Madame [P] embauchée en CDI le 16 octobre 1996, avait été employée dans le cadre de contrats de travail saisonniers du 1.07 au 30.09.93, du 16.12.93 au 31 mai 94, du 4.06 au 30.09.94, du 15.12.94 au 15.05.95, du 1.06.95 au 30.09.95, du 15.10.95 au 8.05.96, du 1.06 au 15.10.96 de sorte que son ancienneté rétablie compagnie s'établissait au 31 janvier 1994 ;

Considérant que Madame [T] divorcée [N], embauchée en CDI à compter du 1er avril 1995, avait été employée dans le cadre de contrats saisonniers du 1.07 au 30.09.92, du 16.12.92 au 15.09.93, du 16.12.93 au 15.05.94, du 1.07.94 au 15.10.94 et du 1.11.94 au 31.03.95, de sorte que son ancienneté rétablie compagnie s'établissait au 19 mars 1995 mais qu'à la suite d'une erreur il a été retenu la date plus favorable du 8 septembre 1994 ;

Considérant que la société Corsair a reçu 129 candidatures pour 51 postes dont la suppression était envisagée au sein de la catégorie du PNC ; que Madame [P] était 54ème sur la liste et Madame [N] 58ème ;

Considérant que ces deux salariées ont été en conséquence informées du rejet de leurs demandes par lettres du 19 avril 2007, rédigées ainsi que suit Après examen de l'ensemble des candidatures au départ du Personnel Navigant Commercial, et compte tenu de la priorité d'acceptation donnée aux salariés dont l'ancienneté compagnie (date rétablie) est la plus importante, conformément aux principes arrêtés lors de la consultation du comité d'entreprise, nous avons le regret de vous informer que votre candidature n'est pas retenue.; que contrairement à ce qu'elles soutiennent, ces courriers sont motivés ; que l'employeur n'avait pas l'obligation de leur communiquer la liste des candidats volontaires au départ ;

Considérant que l'application du critère de l'ancienneté compagnie rétablie a été vérifiée par la commission de suivi mise en place à qui la liste des candidats volontaires au départ a été transmise ; qu'aucune des appelantes n'a saisi cette commission ;

Considérant que Mesdames [T] et [P] ne démontrent pas que les hôtesses, stewards, chefs de cabine, chefs de cabine principaux et instructeurs PNC ne constituent pas une catégorie professionnelle au sens d'un ensemble de salariés occupant des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; que s'agissant d'une même catégorie, le critère unique de l'ancienneté compagnie, date rétablie, a été appliqué de façon identique à tous les salariés de cette catégorie ;

Considérant qu'elle n'établissent pas que la société Corsair pour le calcul de l'ancienneté rétablie d'autres salariés a pris en considération des heures de vol effectuées au sein de compagnies extérieures ;

Considérant qu'aucun des exemples fournis par les appelantes ne permet de relever une différence de traitement entre les candidats ; qu'ainsi les salariés proches de l'âge de la retraite ou les représentants du personnel étaient en droit de se porter candidat, leur candidature ne pouvant être appréciée qu'au regard du seul critère retenu de l'ancienneté compagnie rétablie ; que le fait de présenter sa candidature le dernier jour du délai fixé est régulier ; qu'il apparaît également régulier de prendre en compte la renonciation d'un candidat et de retenir en conséquence un nouveau candidat au départ en fonction de son ancienneté rétablie ; que la priorité de réembauchage des salariés en ayant fait la demande est une disposition légale que l'employeur était tenu de respecter ;

Considérant que Mesdames [P] et [T] sont défaillantes à établir que la société Corsair a pris des engagements à leur égard ; que le fait que le service comptabilité leur ait fourni une information sur les sommes qui leur reviendraient en cas d'acceptation de leurs demandes, ne fait pas cette preuve ;

Considérant qu'elles n'établissent ni la mauvaise foi de la société Corsair, ni l'absence d'égalité de traitement entre les salariés dont elles se prévalent, ni le caractère discriminatoire, discrétionnaire et invérifiable de l'application du critère utilisé ; qu'à cet égard, la question du fondement de la notion d'ancienneté compagnie rétablie est indifférente ;

Considérant que le jugement qui a rejeté leurs demandes, mérite confirmation ;

Sur le licenciement de Madame [P]

Considérant que le 3 novembre 2002, Madame [P] a été victime d'un accident de la voie publique et a été en arrêt maladie jusqu'au 30 avril 2004 ; qu'à compter du 1er mai 2005, elle a été placée en 1ère catégorie d'invalidité par la CRAMIF ; qu'elle a été reconnue travailleur handicapé de catégorie B ;

Considérant que le 14 septembre 2007, dans le cadre du second examen de l'article R 241-51-1 du code du travail, le médecin du travail l'a dit inapte définitivement au poste actuel, précisant que l'étude des conditions de travail n'avait pas permis de trouver de planning de vol compatible avec l'état de santé de l'intéressée laquelle serait apte à un poste de PNC en moyen courrier, maximum 40 heures par mois, dans le cadre d'une activité régulière tout au long de l'année ;

Considérant que le 24 septembre 2007, le médecin du travail a écrit à l'employeur dans les termes suivants :

Suite aux deux visites effectuées les 31 août 2007 et 14 septembre 2007, et à l'étude de poste réalisée le 11 septembre 2007, je vous confirme que Madame [P] [R], née le [Date naissance 1]/1969, est bien déclarée inapte définitivement à son poste de travail actuel.

En effet, après étude des conditions de vols, il s'avérerait impossible de garantir le respect des restrictions médicales portant sur la limitation à 40 heures par mois régulièrement réparties et uniquement en moyen courrier, d'où la décision d'inaptitude au poste dans le cadre de l'article R241-51-1 du code du travail. ;

Considérant que par lettre du 16 octobre 2007, la société Corsair a proposé à Madame [P] de la reclasser soit sur un poste d'agent de passage, soit sur un poste d'agent Copax ; que ces postes à temps plein, pouvaient être proposés à temps partiel ; que par lettre du 31 octobre 2007, Madame [P] les a refusés ;

Considérant que par lettre du 27 novembre 2007, la salariée a été convoquée à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ; que le courrier précisait :

Malheureusement, malgré les recherches que nous avons entreprises, au sein de la Compagnie Corsair et des autres sociétés du groupe, nous ne sommes pas en mesure de vous proposer d'autres offres de reclassement correspondant aux conclusions du médecin du travail (apte à un poste de PNC en moyen courrier uniquement avec un maximum de 40h par mois avec une activité régulière tout au long de l'année).

Pour répondre précisément à votre question soulevée dans votre courrier du 31 octobre 2007, nous vous précisions que les différentes compagnies aériennes appartenant au Groupe ne disposent pas de postes correspondant à ces restrictions, outre que la plupart exigent que le titulaire du poste parle couramment la langue nationale (allemand, néerlandais '). ;

Considérant que par lettre du 18 décembre 2007, elle a été licenciée pour les motifs suivants :

Faisant suite à l'entretien préalable fixé au 10 décembre dernier, auquel vous avez été régulièrement convoquée et ne vous êtes pas présentée, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement.

En effet, à l'issue des deux examens médicaux prévus à l'article R 241-51-1 du code du travail, le docteur [O], médecin du travail, vous a déclarée inapte définitivement à votre poste de travail de PNC le 14 septembre 2007. Ses conclusions sont les suivantes : «A la suite du premier examen du 31/08/2007 et de l'étude de poste réalisée le 11/09/2007. Inaptitude définitive au poste actuel. L'étude des conditions de travail n'a pas permis de trouver de planning de vol compatible avec l'état de santé de Mme [P]. Serait apte à un poste de PNC qu'en moyen courrier, maximum 40 h par mois avec une activité régulière tout au long de l'année ». Après interrogation de notre part, le docteur [O] a confirmé votre inaptitude définitive au poste de travail de PNC dans notre Compagnie dans un courrier du 24 septembre 2007.

Après une recherche des postes de reclassement envisageables au sein du Groupe TUI, nous vous avons formulé, en date du 16 octobre 2007, les propositions de reclassement suivantes, après nous être assuré qu'ils étaient conformes aux conclusions écrites du médecin du travail :

agent de passage à [1] Aérogare (statut employé / coefficient 190)

agent Copax à Rungis (statut employé/coefficient 200)

Ces propositions détaillaient les caractéristiques des postes (proposés à mi-temps afin de respecter les observations du médecin du travail) ainsi que les rémunérations afférentes.

Par courrier du 31 octobre 2007, vous nous avez indiqué ne pas accepter ces propositions de reclassement.

Malheureusement, nous ne disposons d'aucun autre poste correspondant à vos capacités, et respectant les prescriptions du médecin du travail. En particulier, notre compagnie ne dispose pas de postes de PNC moyen courrier, et les autres compagnies aériennes du Groupe TUI n'ont pas de poste disponible correspondant aux prescriptions du médecin du travail (moyen courrier, maximum 40 heures par mois et activité régulière tout au long de l'année, outre le fait que la maitrise de la langue du pays aurait été impérativement requise en plus de l'anglais).

Nous sommes donc dans l'obligation de vous notifier par la présente votre licenciement lié à l'impossibilité de trouver une solution de reclassement dans le cadre de votre inaptitude définitive.

Considérant que l'article L 1226-4 du code du travail dispose que lorsque, à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. ;

Considérant que la société Corsair fait justement valoir que ce texte ne lui impose pas de licencier le salarié inapte dans le délai d'un mois mais l'oblige à reprendre le paiement du salaire en l'absence de reclassement ou de licenciement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

Considérant qu'il en résulte que l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé ; qu'il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ou au sein du groupe et parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer au salarié un emploi compatible avec ses capacités compte tenu des indications fournies par le médecin du travail ;

Considérant que la société Corsair justifie avoir recentré son activité sur les longs courriers et avoir supprimé la rotation Orly / Marrakech ; qu'elle démontre que la liaison avec Tel-Aviv n'a été ouverte qu'à compter du 3 avril 2008, l'approbation des autorités israéliennes n'ayant été donnée que le 5 mars 2008, soit postérieurement au licenciement de Madame [P] ; que dès lors, elle établit ne pas avoir été en mesure d'affecter cette salariée sur un vol moyen courrier, à raison de 40 heures maximum, et dans le cadre d'une activité régulièrement répartie sur toute l'année ; qu'en revanche, elle n'établit pas avoir interrogé le médecin du travail qui ne s'était pas prononcé sur ce point, sur l'aptitude de Madame [P] à exercer une fonction au sol ; que notamment le courrier de ce médecin du 9 octobre 2007 dont elle fait état, n'est pas produit ; que dans ces conditions, il est impossible de savoir si les postes de reclassement proposés étaient adaptés à la situation médicale de l'intéressée et si d'autres postes, plus proches en termes de rémunérations de celui précédemment occupé n'auraient pu lui être offerts ;

Considérant que la société Corsair appartient au groupe TUI lequel a racheté en 2001 le groupe Nouvelles Frontières ; qu'elle ne produit pas un organigramme comportant l'ensemble des sociétés du groupe ;

Considérant qu'elle démontre avoir recherché un poste répondant aux préconisations du médecin du travail auprès des sociétés Thomsonfly.com, Airlines Belgium et TUIfly.com lesquelles ont indiqué les 8, 9 et 10 octobre qu'elles n'en disposaient pas ;

Considérant que le 2 octobre, elle a interrogé les sociétés Jetairfly, Hapagfly.com, Thomson.co, Arkefly et Fritidresor quant aux possibilité de reclasser, dans un poste au sol, une hôtesse de l'air inapte médicalement à travailler comme personnel navigant ; qu'elle ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas sollicité ces sociétés dans les termes de l'avis du médecin du travail qui n'a pas dit Madame [P] inapte à tout poste d'hôtesse de l'air mais a considéré que des aménagements devaient être mis en 'uvre ; qu'au demeurant, aucun élément ne permet d'identifier la salariée concernée par ces courriels et de dire qu'il s'agit effectivement de Madame [P] ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur n'établit pas avoir effectué des recherches de reclassement complètes et sérieuses ; que faute pour lui de démontrer que ni lui, ni les sociétés du groupe ne disposaient d'aucun poste compatible avec l'aptitude de Madame [P], le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement infirmé ;

Considérant en application de l'article L 1235-3 du code du travail qu'à la date du licenciement Madame [P] percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 2.456,16 €, était âgée de 38 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 13 ans ; qu'elle justifie avoir été employée en CDD par la société Aigle Azur Transports Aériens du 1er novembre 2009 au 15 janvier 2010 et avoir ensuite été prise en charge par Pôle Emploi ; qu'elle ne démontre pas sa situation postérieurement au 25 février 2011 ; qu'il y a lieu de lui allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 35.000 € ;

Considérant qu'au titre du préavis, il est dû, les montants sollicités n'étant pas subsidiairement critiqués, 7.368,48 € outre 736,85 € au titre des congés payés afférents ; qu'il n'est pas justifié d'un préjudice moral distinct de celui d'ores et déjà réparé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les autres demandes

Considérant que la décision du premier juge relative au rejet des demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile est confirmée ; que devant la cour, Madame [T] et la société Corsair sont déboutées de leurs réclamations formulées du même chef et la société Corsair condamnée à payer à Madame [P] la somme de 3.000 €;

Considérant qu'il est fait masse des dépens tant de première instance que d'appel lesquels sont partagés par moitié entre Madame [T] et la société Corsair ;

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement rendu le 25 juin 2009 par le conseil de Prud'hommes de Créteil,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA Corsair à payer à Madame [R] [P] :

- 7.368,48 euros (sept mille trois cent soixante huit euros quarante huit centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 736,85 euros (sept cent trente six euros quatre vingt cinq centimes) au titre des congés payés afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation pour l'audience du bureau de conciliation,

- 35.000,00 (trente cinq mille) euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Fait masse des dépens de première instance qui seront partagés par moitié entre Madame [G] [T] et la SA Corsair,

Y ajoutant,

Rejette, en cause d'appel, les demandes présentées en application de l'article 700 du code de procédure civile par Madame [G] [T] et la SA Corsair,

Fait masse des dépens d'appel qui seront partagés par moitié entre Madame [G] [T] et la SA Corsair.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/07208
Date de la décision : 08/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°09/07208 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-08;09.07208 ?
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