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02/10/2013 | FRANCE | N°11/03776

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 02 octobre 2013, 11/03776


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 02 Octobre 2013



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03776



Décisions déférées à la cour : jugements rendus le 03 Avril 2007 par le conseil de Prud'hommes de PARIS, section industrie.





APPELANTE

S.A.R.L. RAFFI

[Adresse 3]

[Localité 1]

en présence de M. [B] [L], gérant

représentée par

Me Sylvie NOACHOVITCH, avocate au barreau de PARIS, C1833 substituée par Me Eugénie CRIQUILLION, avocate au barreau de PARIS





INTIMÉS

Monsieur [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me El...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 02 Octobre 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03776

Décisions déférées à la cour : jugements rendus le 03 Avril 2007 par le conseil de Prud'hommes de PARIS, section industrie.

APPELANTE

S.A.R.L. RAFFI

[Adresse 3]

[Localité 1]

en présence de M. [B] [L], gérant

représentée par Me Sylvie NOACHOVITCH, avocate au barreau de PARIS, C1833 substituée par Me Eugénie CRIQUILLION, avocate au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [M] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Eliane FUSARO, avocat au barreau de PARIS, D0314

Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Eliane FUSARO, avocat au barreau de PARIS, D0314

Monsieur [N] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Eliane FUSARO, avocat au barreau de PARIS, D0314

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [M] [S], M. [G] [W] et M. [N] [R] ont été embauchés par la SARL Raffi en qualité de sertisseurs en bijouterie, respectivement le 1er septembre 1999, le 10 janvier 2000 et le 2 mars 2001.

Le contrat de travail était régi par la convention collective de la bijouterie joaillerie, orfèvrerie.

La SARL Raffi emploie moins de 11 salariés.

M. [G] [W] et M. [N] [R] ont fait l'objet d'un licenciement pour motif économique, respectivement le 2 février 2002 et le 31 mars 2002.

Par lettre en date du 11 mai 2004, M. [M] [S] a fait connaître à l'employeur qu'il considérait que la rupture du contrat de travail lui était imputable.

Ces trois salariés ont saisi chacun le conseil de prud'hommes de Paris en vue de voir condamner leur employeur à leur verser diverses sommes aux motifs notamment, qu'ils avaient fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et qu'ils n'avaient pas perçu la rémunération contractuellement prévue.

Par jugement en date du 3 avril 2007, le conseil de prud'hommes a condamné la SARL Raffi à payer à M. [M] [S] les sommes suivantes :

- 686,89 € à titre d'indemnité de licenciement

- 3 364,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 4 740 € à titre de prime de panier

- 33 215,88 € à titre de rappel de salaire et 3321,58 € au titre des congés payés afférents

le tout, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de jugement

- 10 096,44 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1 682,19 € au titre du défaut de respect de la procédure de licenciement

- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes d'un jugement du même jour, la SARL Raffi a été condamnée à payer à M. [G] [W] les sommes suivantes :

- 8 564,20 € à titre de rappel de salaire et 856,42 € au titre des congés payés afférents

- 3 926 € à titre de primes de panier

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de jugement

- 7 800 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1 943,66 € au titre du défaut de respect de la procédure de licenciement

- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Dans un troisième jugement du 3 avril 2007, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SARL Raffi à payer à M. [N] [R] les sommes suivantes :

- 7 316,40 € à titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires et supplémentaires et 731,64 € au titre des congés payés afférents

- 1 937 € à titre de primes de panier

- 5 979,77 € à titre de rappel de salaire et 597,97 € au titre des congés payés afférents

le tout, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le bureau de jugement

- 5 400 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1 811,84 € au titre du défaut de respect de la procédure de licenciement

- 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Dans ces trois affaires, le conseil de prud'hommes a également ordonné la remise de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle emploi conformes à ses décisions, sous astreinte, débouté les demandeurs du surplus de leurs prétentions et la SARL Raffi de sa demande reconventionnelle.

Bien qu'il s'agît de trois jugements distincts, la SARL Raffi en a interjeté appel par un même acte, au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 28 juin 2007.

Elle conclut à l'infirmation des trois jugements à l'exception de leurs dispositions concernant la prime de panier.

Elle sollicite donc le rejet de l'ensemble des autres demandes formées contre elle et la condamnation de M. [M] [S] à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que celle de M. [G] [W] et de M. [N] [R] à lui payer, chacun, la somme de 1500 € sur le même fondement.

M. [M] [S] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SARL Raffi à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, pour défaut de respect de la procédure de licenciement, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de rappels de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande par ailleurs, ajoutant au jugement, de condamner la SARL Raffi à lui payer les sommes suivantes :

- 5 470 € à titre de rappel de prime de panier

- 668,17 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

- 336,43 € à titre d'indemnité de congés payés afférents au préavis

- 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Il demande également que soit ordonnée la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte.

M. [G] [W] et M. [N] [R] concluent, pour leur part, à la confirmation des jugements en toutes leurs dispositions et à la condamnation de la SARL Raffi à leur verser, chacun, la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent aussi que soit ordonnée la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rémunération des salariés

Il n'a pas été établi de contrat de travail écrit lors de l'embauche de M. [M] [S].

En ce qui concerne M. [G] [W], le contrat de travail prévoyait : « En rémunération de ses fonctions, M. [G] [W] recevra un salaire mensuel brut équivalent à 169 heures et proportionnel au nombre de pièces produites.

Le prix unitaire de chaque pièce travaillée est fixé d'un commun accord entre les parties, le total mensuel donnera lieu à l'établissement d'un bulletin mensuel qui vaudra accord de rémunération définitif entre les parties par le paiement du salaire correspondant. ».

En ce qui concerne M. [N] [R], il avait été établi un contrat de travail à durée déterminée prévoyant le versement d'un salaire brut de 3571,70 francs pour 85 heures par mois.

Il n'est pas contesté que les relations contractuelles s'étant poursuivies au terme de ce contrat, le salarié était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Les intimés expliquent que selon un usage constant dans la profession, il avait été convenu lors de leur embauche, une rémunération à la pièce, égale à 45 % du chiffre d'affaires réalisé par l'employeur sur les pièces qu'ils avaient serties.

Que pour procéder au calcul de leur rémunération, chacun remettait à l'employeur, tous les mois, un carnet de relevé des pièces serties.

Cependant, sur les bulletins de paie, cette rémunération était ventilée de manière à faire apparaître le salaire de base garanti.

Lorsque la rémunération à la pièce dépassait le salaire de base garanti, la différence entre cette rémunération proportionnelle et le salaire de base apparaissait sur les bulletins de salaire comme un complément de rémunération à la pièce.

M. [M] [S] précise que vers la fin du mois de septembre 2003, ayant eu l'occasion de voir le carnet de facturations de la société et ayant vérifié si le montant de la rémunération à la pièce qui lui était versée correspondait bien à 45 % du prix hors taxes facturé, il a été stupéfait de constater que l'employeur ne respectait pas ses engagements puisqu'en réalité, ce que celui-ci lui versait ne représentait que 30 % du montant des pierres serties.

Que c'est dans ces conditions qu'il a été amené à lui adresser des réclamations qui sont demeurées vaines.

En considérant qu'il n'a donc perçu qu'une rémunération égale à 30 % des facturations émises par l'employeur, M. [M] [S] réclame la somme de 33 852,42 € à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, résultant de la différence entre cette rémunération et le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir sur la base d'un taux de 45 %.

Sur le même fondement, M. [G] [W] réclame le paiement de la somme de 8 564,20 €, outre 856,42 € au titre des congés payés afférents.

En ce qui concerne M. [N] [R], celui-ci précise que si le contrat de travail initial prévoyait qu'il n'était employé qu'à raison de 85 heures par mois, il a été amené à réaliser, d'emblée, de nombreuses heures supplémentaires de sorte qu'en réalité, il a toujours travaillé comme s'il s'agissait d'un contrat de travail à temps plein sans que pour autant l'employeur le rémunère en conséquence.

Il réclame donc la somme de 7 316,40 € au titre des heures supplémentaires effectuées et celle de 731,64 € au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, il sollicite la somme de 5 979,77 € à titre de rappel de salaire proportionnel et 597,97 € représentant les congés payés afférents.

Pour s'opposer à cette demande, la SARL Raffi fait valoir que les intimés ne sauraient procéder par comparaison avec d'autres contrats de travail, notamment avec le contrat de travail que M. [M] [S] a signé le 3 janvier 2005 avec un nouvel employeur, puisque dans ces cas, il s'agissait d'une rémunération qui se composait uniquement d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires alors qu'elle leur versait un salaire fixe auquel elle ajoutait une prime.

Elle ajoute que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un usage prévoyant que l'employeur devait payer les salariés à un tarif horaire auquel s'ajouterait une prime qui se calculerait selon les mêmes modalités que pour les salariés payés seulement à la pièce.

Mais il n'est nullement prétendu par les intimés que la rémunération proportionnelle s'ajouterait au salaire fixe garanti.

Ils affirment seulement que c'est le total de leurs rémunérations qui devait être égal à 45 % du prix des pierres serties, même si sur les bulletins de paie, ce montant devait donner lieu à une ventilation entre d'une part, un salaire de base garanti et d'autre part, un complément de rémunération à la pièce, dans l'hypothèse où la rémunération proportionnelle était supérieure au salaire de base, le total des deux montants restant égal à cette dernière.

Or, il est établi que ce mode de rémunération résultait effectivement d'un usage constant dans la profession.

Plus précisément, selon cet usage, la rémunération des ouvriers sertisseurs était égale à 45 % du chiffre d'affaires représenté par les pierres serties lorsque le salarié utilisait les outils et le menu matériel fourni par l'employeur et à 50 %, lorsque c'était l'ouvrier qui utilisaient son propre matériel.

En ce sens, les intimés produisent aux débats les attestations de plusieurs ouvriers sertisseurs tels M. [E] [Q], qui produit une copie de son contrat de travail, M. [J] [C], Mme [X] [I] et M. [K] [H], lequel certifie avoir toujours été rémunéré selon les pratiques en vigueur au sein de la profession de la manière suivante : « par le versement d'un salaire fixe complété d'une rémunération variable.

Si notre rémunération se décompose d'une part fixe et une part variable, la part variable n'est pas toujours versée.

Selon les usages en vigueur au sein de la profession, la part variable est versée aux sertisseurs seulement si elle atteint un montant supérieur à la partie fixe de notre salaire. La part variable est calculée selon un usage constant : rémunération du sertisseur à hauteur de 45 % de ce que facture le patron par pierre sertie si c'est lui qui fournit le matériel ou à hauteur de 50 % de ce que facture le patron par pierre serti si le sertisseur qui apporte son matériel.

Les taux de 45 % ou de 50 % connus de tous correspondent au taux usuel appliqué depuis toujours par la profession. ».

Au demeurant, le contrat de travail souscrit par M. [M] [S] après son départ de l'entreprise, le 3 janvier 2005, prévoyait précisément que celui-ci, en sa qualité de sertisseur, percevrait un traitement fixe de 45 % de son chiffre d'affaires.

M. [M] [S] produit également aux débats une attestation d'un l'employeur, M.[A], qui affirme avoir toujours rémunéré ses ouvriers sur la base d'une rémunération variable à hauteur, selon les cas, de 45 % ou de 50 % du travail facturé hors taxes par le patron.

L'étude des bulletins de paie de M. [M] [S] pour les mois de février à juillet 2000 confirme qu'il avait bien été convenu une rémunération calculée de cette manière puisque ceux-ci faisaient apparaître en tête : « Total rémunération à la pièce » puis une décomposition du montant correspondant en un salaire de base d'une part, en un complément de rémunération à la pièce d'autre part.

Le contrat de travail, de M. [G] [W], quant à lui, prévoyait bien qu'en rémunération de ses fonctions, celui-ci recevrait « un salaire mensuel brut équivalent à 169 heures et proportionnel au nombre de pièces produites».

Il convient enfin de noter que selon l'employeur, la rémunération de ses ouvriers comportait un salaire fixe, proportionnel aux heures de travail réalisées et une prime mais il s'abstient d'indiquer de quelle manière était calculée le montant de cette prime.

Il est donc bien établi que les intimés auraient dû être rémunérés sur la base d'un pourcentage égal à 45 % du chiffre d'affaires représenté par les pierres qu'ils avaient serties.

C'est à juste titre que M. [N] [R] sollicite le paiement des heures supplémentaires qu'il affirme avoir réalisées dans la limite d'un contrat de travail à temps plein dans la mesure où il produit des attestations de voisins immédiats de l'atelier selon lesquelles il n'était pas rare que ceux-ci constatent que les salariés travaillaient tard le soir ou bien le week-end.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à l'intéressé la somme totale de 7316,40 €, outre 731,64 € au titre des congés payés afférents.

Il sera également confirmé en ce qui concerne les rappels de salaire réclamés par les intimés dont le calcul ne fait l'objet d'aucune contestation et bien qu'il leur soit défavorable.

En effet, ce calcul a été réalisé sur la base d'un rapport 45/30 appliqué non pas à la totalité de la rémunération perçue par les intéressés alors que c'est bien celle-ci qui devait être égale à 45 % du chiffre d'affaires au lieu de 30 % mais seulement au complément de rémunération qui excédait le salaire fixe et qui par conséquent, pouvait, certains mois, être égal à zéro.

Les jugements seront également confirmés en ce qui concerne les primes de panier allouées à M. [G] [W] et à M. [N] [R], chacune des parties concluant de son côté à la confirmation sur ce point.

En ce qui concerne M. [M] [S], celui-ci conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il ne lui a accordé que la somme de 4 470 € au lieu de celle de 5 470 € qu'il réclame.

Or, l'employeur ne conteste pas qu'il était dû aux salariés, à titre de prime de panier, et ainsi que le prévoyait la convention collective, une somme de 6,50 € par jour ouvrable.

Il résulte du décompte détaillé produit aux débats par l'intimé pour la période de septembre 1999 à septembre 2003 qu'en effet, celui-ci pouvait prétendre au paiement d'une somme totale de 5 470 €.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail de M. [M] [S]

Il est constant que M. [M] [S] se trouvait en arrêt de travail à compter du 2 octobre 2003 et jusqu'au 17 janvier 2004.

Par la suite, il n'a pas repris le travail.

Après avoir adressé à son employeur des réclamations, notamment par courriers, en vue de voir recalculer son salaire sur la base de 45 % du chiffre d'affaires au lieu de 30 %, il lui a adressé, le 11 mai 2004, une nouvelle lettre dans laquelle il lui indiquait, notamment : « vous n'êtes pas sans savoir que malgré mes incessantes demandes, vous avez catégoriquement refusé de me régler les commissions qui me sont dues (en complément de mon salaire de base) et vous avez très bien éludé ce problème majeur que j'ai supporté jusqu'à ce jour n'ayant pas eu le choix.

Il fallait travailler pour vivre, cette situation étant devenue insupportable comme vous le savez, mon moral a fini par craquer le physique aussi les heures supplémentaires, les week-ends et les nuits travaillées n'y sont pas non plus étrangères.

Vous avez laissé entendre qu'une solution était envisageable et je suis resté dans l'attente d'un arrangement, j'ai attendu restant à votre disposition mais en vain.

Cette fois-ci, je vous informe que j'ai déposé mon dossier devant le conseil des prud'hommes pour que je puisse obtenir la reconnaissance de tous mes droits étant donné, que votre refus de me régler mon dû caractérise une rupture de contrat à vos torts.

Le salaire ou les commissions, je vous le rappelle sont la contrepartie de mon travail et cela est une de vos obligations essentielles' ».

La SARL Raffi fait valoir que les circonstances de l'espèce traduisent une volonté claire et sans équivoque de la part du salarié de démissionner puisque celui-ci avait cessé de se présenter à son travail depuis le 18 janvier 2004 et que par la suite, à compter du 3 janvier 2005, il travaillait pour un autre employeur, à plein temps.

Elle demande donc qu'il soit constaté que l'intéressé a démissionné depuis le 3 janvier 2005 et qu'en l'absence de travail de sa part, aucun salaire ne peut lui être dû depuis le 18 janvier 2004.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

En l'espèce, les événements invoqués par l'employeur comme caractérisant une démission sont, par nature, équivoques puisqu'ils ne s'accompagnent d'aucune manifestation expresse de démission de la part du salarié.

Surtout, les termes du courrier susvisé démontrent qu'en réalité, M. [M] [S] a entendu prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Dans ce cas, s'il est jugé que les manquements de l'employeur étaient de nature à justifier la rupture du contrat de travail, celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

En l'espèce, il suffit de constater que l'employeur a manqué gravement à son obligation principale qui consiste à payer intégralement le salaire convenu et ce, depuis l'origine et en refusant par la suite de régulariser malgré les demandes réitérées qui lui ont été adressées par M. [M] [S].

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que la rupture du contrat de travail lui était imputable et qu'elle devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a, en conséquence, alloué à M. [M] [S], sur la base d'une rémunération moyenne brute non contestée de 1 682,19 €, une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'un montant égal à six mois de salaire, soit 10 096,44 €, une indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement, égale à un mois de salaire, soit 1682,19 €, une indemnité légale de licenciement, d'un montant de 686,89 € et une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, soit 3 364,38 €.

Il conviendra d'y ajouter la somme de 336,43 € au titre des congés payés afférents.

Sur les autres demandes formées par M. [M] [S]

M. [M] [S] sollicite la condamnation de la SARL Raffi à lui payer la somme de 668,17 € correspondant aux 10 jours de congés payés qu'il avait acquis au titre de la période 2003-2004.

Il y a lieu de faire droit à cette demande puisqu'il apparaît que l'employeur n'a pas réglé les congés payés correspondant aux mois de juin à septembre 2003, soit 10 % de la somme totale de 6 681,79 €.

Il n'apparaît pas inéquitable d'accorder à M. [M] [S], qui a dû agir en justice, une somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'ajoutera à la somme allouée en première instance sur le même fondement.

Sur le licenciement pour motif économique

Le 28 février 2002 et le 31 mars 2002, M. [G] [W] et M. [N] [R] se sont respectivement vus notifier leur licenciement pour motif économique.

Les lettres, semblables, qu'ils ont reçues indiquaient :

« Comme nous l'avons déjà évoqué lors de l'entretien, cette mesure a un caractère économique qui est motivé par les événements de septembre 2001, depuis lesquels notre chiffre d'affaires est en constante régression de mois en mois, à l'image d'ailleurs de l'ensemble des professions de la bijouterie.

Il est bien évident, et entendu, que vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage lorsque la situation économique de notre secteur d'activité le permettra... ».

Les intimés font valoir que cette lettre de licenciement était insuffisamment motivée en ce que les difficultés économiques invoquées n'étaient accompagnées d'aucune précision, que leurs conséquences sur l'emploi du salarié n'étaient pas mentionnées de même qu'il n'était fait état d'aucune tentative de reclassement.

Ils en déduisent donc que dans ces conditions, le licenciement ne peut qu'être réputé sans cause réelle ni sérieuse.

La SARL Raffi soutient que la lettre de licenciement était régulière puisque celle-ci faisait état d'un motif économique.

Elle ajoute qu'il résulte des éléments de comptabilité qu'elle verse aux débats qu'en effet, elle s'est vue contrainte de licencier plusieurs salariés en raison des difficultés financières qu'elle traversait.

Mais la lettre de licenciement ne doit pas seulement indiquer quelles sont les raisons économiques qui conduisent l'employeur de procéder à la suppression d'un emploi.

Elle doit aussi préciser en quoi ces difficultés économiques justifient la suppression de l'emploi occupé par le salarié concerné.

En l'espèce, non seulement les lettres de licenciement n'indiquaient pas que les difficultés économiques nécessitaient la suppression d'un emploi mais surtout ne précisaient pas pour quelle raison l'emploi des intimés devait être supprimé.

De surcroît, l'employeur ne rapporte aucun élément de preuve tendant à démontrer qu'il aurait tenté de procéder au reclassement des salariés.

En conséquence, ainsi que l'a estimé le conseil de prud'hommes, les licenciements ne peuvent qu'être considérés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, c'est à juste titre que M. [G] [W] réclame la somme de 11 670 €, égale à six mois de salaire, compte tenu de son ancienneté égale à 2 ans.

En conséquence, le conseil de prud'hommes qui ne lui a accordé que la somme de 7 800 €, sera infirmé.

Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a accordé une indemnité d'un montant égal à un mois de salaire en raison de l'irrégularité de la procédure du licenciement puisque la convocation à l'entretien préalable ne mentionnait pas les adresses auprès desquelles le salarié pouvait consulter la liste des personnes susceptibles de l'assister.

Il en sera de même en ce qui concerne l'indemnité allouée à M. [N] [R] pour les mêmes raisons.

S'agissant de l'indemnité due pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, le jugement sera infirmé en ce qui concerne son montant et il y aura lieu d'accorder à M. [N] [R], à ce titre, la somme de 9 000 €.

Il n'apparaît pas inéquitable d'accorder aux intimés,en cause d'appel, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 €.

Enfin, il convient d'ordonner la remise par l'employeur des bulletins de paie rectifiés conformément aux spécifications du présent arrêt et ce, sous astreinte.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 3 avril 2007 entre M. [M] [S] et la SARL Raffi par le conseil de prud'hommes de Paris ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [M] [S] les sommes suivantes :

- 5 470 € à titre de rappel de primes de panier

- 336,43 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis

- 668,17 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés relative aux mois de juin à septembre 2003

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la SARL Raffi de remettre à M. [M] [S] des feuilles de paie rectifiées en considération des mentions du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce dernier, sous astreinte de 10 € par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [M] [S] la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

***

INFIRME partiellement le jugement rendu le 3 avril 2007 entre M. [G] [W] et la SARL Raffi ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [G] [W] la somme de 11 670 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la SARL Raffi de remettre à M. [G] [W] des feuilles de paie rectifiées en considération des mentions du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce dernier, sous astreinte de 10 € par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [G] [W] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

***

INFIRME partiellement le jugement rendu le 3 avril 2007 entre M. [N] [R] et la SARL Raffi ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [N] [R] la somme de 9 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

CONFIRME le jugement pour le surplus

Y ajoutant,

ORDONNE à la SARL Raffi de remettre à M. [N] [R] des feuilles de paie rectifiées en considération des mentions du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce dernier, sous astreinte de 10 € par jour de retard, pendant un délai de trois mois ;

CONDAMNE la SARL Raffi à payer à M. [N] [R] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/03776
Date de la décision : 02/10/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/03776 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-02;11.03776 ?
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