La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2013 | FRANCE | N°10/09534

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 26 septembre 2013, 10/09534


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 26 Septembre 2013

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09534



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 07-04378



APPELANTE

SAS TS3

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe LANGLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P046

1





INTIMEES

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS - REGION P...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 26 Septembre 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09534

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 07-04378

APPELANTE

SAS TS3

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe LANGLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

INTIMEES

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ILE DE FRANCE venant aux droits de l'URSSAF de PARIS - REGION PARISIENNE

dont le siège social est [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Mme [O], en vertu d'un pouvoir général

PRODISS

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Bruno COURTINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J094

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 3]

avisé - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur les appels régulièrement interjetés par la société TS3 et le syndicat national des producteurs diffuseurs et salles de spectacles (Prodiss) d'un jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige les opposant à l'URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle de la société TS3, entrepreneur de spectacles, l'URSSAF a notamment réintégré dans l'assiette des cotisations dues par cette société, les rémunérations non déclarées ou indûment plafonnées des artistes du spectacle, ainsi que la valeur des avantages en nature accordés aux salariés ; qu'il en a résulté un redressement global de 1 022 861 € pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; qu'une mise en demeure a été adressée à la société TS3, le 22 mars 2007, pour avoir paiement de cette somme ainsi que des majorations de retard provisoires s'élevant à 102 286 € ; que la société TS3 a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable, puis a saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale devant laquelle le syndicat Prodiss est intervenu volontairement pour soutenir la société TS3 sur la question de savoir si la quote-part des recettes versée aux sociétés d'artistes devait être assujettie comme salaire aux cotisations sociales ;

Par jugement du 13 septembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a :

- dit le syndicat Prodiss irrecevable en son action pour défaut d'intérêt à agir,

- dit la société TS3 irrecevable en ses demandes de remboursement d'un trop-versé, sur le fondement de l'arrêté du 24 janvier 1975, au titre des sommes allouées à MM. [Z] [R] et [I] pendant la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006,

- débouté la société TS3 de l'ensemble de ses autres demandes,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable prise le 14 octobre 2008 et condamné la société TS3 à payer à l'URSSAF la somme de 1 010 523 € en cotisations, et celle de 102 285 € représentant les majorations de retard provisoires ;

La société TS3 fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à recevoir son appel, infirmer le jugement, annuler la décision de la commission de recours amiable et les redressements opérés à son encontre, condamner l'URSSAF à lui rembourser les cotisations et contributions indûment réglées, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, au titre des cachets isolés d'un montant de 13 091 € et, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, sur les sommes allouées à MM. [Z] [R] et [I], d'un montant de 35 949 €, le tout avec les intérêts de retard y afférents, rejeter la demande reconventionnelle de l'URSSAF et condamner cet organisme à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle s'oppose d'abord à la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'exercice d'un recours contre la décision explicite de la commission de recours amiable notifiée le 18 novembre 2008, en rappelant que le tribunal était, à cette date, déjà saisi de son recours formé à l'issue du délai d'un mois visé à l'article R 142-6 du code de la sécurité sociale du fait du rejet implicite s'attachant au silence gardé par la commission. Elle soutient également que, faute de lui avoir délivré l'accusé de réception de sa réclamation, comme l'exige l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, l'URSSAF ne peut lui opposer l'expiration du délai de recours. Elle ajoute aussi que la décision expresse lui a été notifiée après l'expiration du délai d'un mois à l'issue duquel est née la décision implicite et qu'il ne lui a jamais été indiqué qu'elle devait à nouveau saisir la juridiction.

La société TS3 se prévaut ensuite d'un précédent contrôle portant sur la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001 et au terme duquel les inspecteurs du recouvrement n'ont fait aucune observation sur l'assiette des cotisations des artistes du spectacle et sur les rémunérations versées aux sociétés d'artistes Nlonkak et Nina Productions. Elle en déduit, sur le fondement des dispositions de l'article R 243-59 du code la sécurité sociale, qu'aucun redressement ne peut être pratiqué à ce sujet. Contrairement aux énonciations du jugement, elle soutient que le précédent contrôle ne concernait pas une personne juridique distincte et souligne au contraire que l'entreprise individuelle TS3 initialement constituée par M. [W] [T] a été transformée en société unipersonnelle, laquelle succède à l'ensemble des droits et obligations de la première entreprise par l'effet d'un transfert universel de son patrimoine. Elle fait observer que l'identité du numéro de SIREN entre l'entreprise individuelle TS3 et la nouvelle entreprise TS4 n'est pas significatif, un seul numéro étant attribué aux commerçants exerçant à titre individuel.

Sur l'assiette et le montant des cotisations des artistes du spectacle, elle prétend que l'article 3 de l'arrêté du 24 janvier 1975 s'applique bien aux contrats conclus pour des engagements continus d'une durée toujours inférieure à 5 jours. Elle en déduit que les taux ont été correctement calculés à hauteur de 70 % de ceux du régime général et que les cotisations n'étaient dues que dans la limite du plafond prévu à l'alinéa 2 de l'article 3 précité. Elle critique l'interprétation faite par l'URSSAF qui a tenu compte des contrats-cadres conclus pour chaque tournée alors qu'elle ne devait prendre en considération que les engagements de courte durée spécialement passés avec chacun des artistes et musiciens à l'occasion de chaque concert.

La société poursuit d'ailleurs la répétition des cotisations acquittées par erreur au-dessus du plafond applicable aux cachets isolés et souligne le lien existant entre cette demande et le redressement contesté.

Sur les avantages en nature consistant en cadeaux remis aux artistes et salariés à l'occasion de mariages, naissances ou anniversaires, elle fait valoir qu'il s'agit en réalité de frais exposé par l'entreprise, dans le cadre de sa politique commerciale, afin d'entretenir les relations d'affaires et de sommes ne présentant pas de caractère excessif.

Enfin, pour les rémunérations non déclarées versées aux sociétés Nlonkak et Nina Productions, elle prétend que les sommes en cause n'ont pas à figurer dans l'assiette des rémunérations soumises à cotisations dès lors qu'il s'agit de la redistribution d'une part des recettes de spectacles au profit des sociétés d'artistes et non des artistes eux-mêmes. Elle conteste la position prise par l'URSSAF au sujet de ces sociétés dont la création relève de la seule responsabilité de l'artiste et estime qu'en l'espèce les relations contractuelles avec les sociétés diffèrent de celles d'un contrat de travail puisque ce sont les artistes qui définissent eux-mêmes les formes de leur collaboration pour l'organisation des spectacles.

Elle souligne notamment que les prestations scéniques, la programmation musicale et les choix artistiques sont définies d'un commun accord ou même par l'artiste seul. Contrairement aux observations de l'URSSAF, elle indique que les sociétés d'artistes supportent le risque et les aléas de la tournée en acceptant de ne percevoir aucune recette en cas d'échec commercial. Elle en déduit que la présomption de salariat n'existe pas dès lors que les prestations de l'artiste sont exécutées ici dans des conditions impliquant une inscription au registre du commerce.

Le syndicat Prodiss fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions d'infirmation du jugement attaqué. Il demande à la Cour de déclarer recevable son intervention volontaire et de juger qu'il y a lieu de considérer que la présomption de salariat ne s'applique pas aux contrats conclus par l'organisateur de spectacle avec des sociétés gestionnaires des droits des artistes. Après avoir rappelé qu'en tant qu'organisation professionnelle, il a le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu'il représente, il estime que la décision prise par l'URSSAF de soumettre aux cotisations sociales l'ensemble des recettes redistribuées par l'entrepreneur de spectacle aux sociétés titulaires des droits des artistes pose une question de principe qui intéresse toute la profession et justifie son intervention au litige afin de clarifier la situation de l'artiste au regard de la sécurité sociale. Selon lui, cette pratique devenue courante dans la profession est envisagée par l'article L 7121-3 du code du travail qui prévoit expressément d'écarter la présomption de salariat lorsque l'artiste exerce son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Il estime que c'est le cas en l'espèce, car les contrats de production de spectacles ne sont pas de simples contrats de travail directement conclus avec les artistes, mais constituent des conventions équilibrées comportant des obligations réciproques déterminées d'un commun accord. Il ajoute que les contrats sont signés par des sociétés d'artistes régulièrement immatriculées au registre du commerce, et totalement indépendantes de l'organisateur du spectacle. Il estime qu'en pareil cas, les relations contractuelles sont exclusives de tout lien de subordination et qu'il existe au contraire une présomption de non-salariat liée à l'inscription des sociétés au registre du commerce en application de l'article L 8221-6 du code du travail. Du fait de cette dernière présomption, il fait observer que c'est à l'URSSAF qu'incombe la charge de rapporter la preuve d'un lien de subordination entre l'artiste et l'organisateur de spectacles.

Enfin, il indique que les sociétés d'artistes en question ont une véritable existence et s'occupent d'autres activités que celles liées aux prestations scéniques des artistes.

L'URSSAF d'Ile de France fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions aux termes desquelles elle demande à la Cour de déclarer irrecevable l'action de la société TS3 et de constater que la décision prise le 14 octobre 2008 par la commission de recours amiable est devenue définitive. A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté des demandes de la société TS3 et à la condamnation de cette société à lui verser la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, elle soulève l'irrecevabilité de la demande de la société TS3 à défaut de recours exercé dans le délai de deux mois prévu à l'article R 142-18 du code de la sécurité sociale à compter de la date de notification de la décision explicite de la commission de recours amiable. Selon elle, le fait que la société ait déjà saisi le tribunal d'une contestation de la décision implicite de rejet de sa réclamation amiable, ne la dispensait pas de former en temps utile un recours judiciaire contre la décision explicite notifiée par la commission et cette omission rend irrecevable toutes ses demandes.

Elle conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il déclare irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Prodiss. Selon elle, ce syndicat ne justifie pas de son intérêt à agir et ne peut demander aux juges de se prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises.

Subsidiairement, sur l'assiette maximale des cotisations des artistes du spectacle, elle fait valoir que les conditions d'application de l'arrêté du 24 janvier 1975 instituant une réduction et un plafonnement des cotisations ne sont pas réunies dès lors que la durée globale des engagements dépasse 4 jours. Selon elle, pour apprécier si un engagement continu est égal ou supérieur à 4 jours, il convient de tenir compte des dates encadrant la période pendant laquelle les parties sont obligées par le contrat, quels que soient le nombre et la répartition des jours de travail accomplis durant cette période. Elle considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des engagements passés à l'occasion de chacun des concerts mais uniquement des contrats de scène par lesquels l'entrepreneur de spectacle s'assure du droit exclusif d'exploiter et de gérer les prestations scéniques des artistes participant à une tournée. Elle soutient que la pratique de la société TS3 conduit à minorer les cotisations en scindant artificiellement les engagements. Elle ajoute que le précédent contrôle ne concernait pas la même entreprise et n'avait pas porté sur cette pratique aujourd'hui contestée, de sorte qu'il ne peut pas en être déduit un accord implicite pris en connaissance de cause.

Sur les rémunérations non déclarées versées aux sociétés Nlonkak et Nina Productions, elle considère que ces sommes présentent bien le caractère de salaires et que la présomption prévue à l'article L 7121-3 du code du travail ne se trouve pas détruite par le fait qu'elles sont versées aux sociétés constituées par les artistes au lieu de leur être directement remises. Elle souligne le fait que ces sociétés, créées concomitamment à la signature des contrats de scène, ne participent à aucun des frais afférents à la création et à la préparation des spectacles, que les sommes litigieuses correspondent uniquement au produit de la prestation sur scène des artistes et qu'enfin les sociétés ne supportent aucun aléa économique. Elle ajoute que la présomption de salariat joue même si le contrat en vue de la production de l'artiste est passé avec un intermédiaire et que l'artiste ne reçoit pas directement la rémunération due en contrepartie de son travail. Elle fait observer aussi qu'en l'espèce, les artistes ont perçu des cachets pour chaque représentation publique sur scène indépendamment de la quote-part des recettes faisant l'objet du redressement et qu'une avance minimale sur cette rémunération proportionnelle leur a été garantie. Elle considère donc que la société TS3 aurait dû déclarer l'ensemble des rémunérations versées directement ou non aux artistes en contrepartie de leurs représentations publiques et non pas seulement le montant de leurs cachets. Enfin, elle soutient que les inspecteurs du recouvrement n'ont pas pu avoir connaissance de cette pratique lors du précédent contrôle effectué au sein d'une société différente et antérieurement aux tournées litigieuses.

Sur les cadeaux offerts aux artistes et aux autres salariés de la société TS3, elle fait valoir que leur valeur est importante et qu'il ne peut s'agir de frais d'entreprise mais bien d'avantages en nature accordés à l'occasion ou en contrepartie d'un travail et comme tels soumis à cotisations.

Enfin, elle s'oppose à la demande de la société TS3 en vue d'obtenir le remboursement des cotisations prétendument versées à tort au titre des cachets isolés, en faisant observer que cette prétention n'a pas été soumise préalablement à la commission de recours amiable.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Sur quoi la Cour

Considérant d'abord qu'il convient, en raison de leur connexité, de joindre les instances suivies sous les numéros 1009534 et 1010042 afin de statuer par une même décision sur les différents recours dont a fait l'objet le jugement du 13 septembre 2010 ;

Sur la fin de non-recevoir invoquée par l'URSSAF d'Ile de France en raison de l'absence d'exercice d'un recours contre la décision explicite de la commission de recours amiable

Considérant que l'URSSAF reproche à la société TS3 de ne pas avoir saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dans les deux mois suivant la notification de la décision de la commission de recours amiable du 14 octobre 2008 ;

Considérant cependant qu'aux termes de l'article R 142-8 du code de la sécurité sociale, le tribunal est saisi, après l'accomplissement de la procédure de recours amiable, dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois, prévu à l'article R142-6, permettant à l'intéressé de considérer sa demande comme rejetée et de se pourvoir devant la juridiction ;

Considérant qu'en l'espèce, la société TS3 a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale dans les deux mois suivant la date de la décision implicite de rejet de sa réclamation, la commission de recours amiable ayant gardé le silence durant le délai d'un mois prévu à l'article R 142-6, alinéa 1;

Considérant qu'ayant usé de la faculté prévue à l'article R 142-18 d'introduire un recours judiciaire contre le rejet implicite de sa réclamation, sans attendre l'éventuelle décision explicite de la commission de recours amiable, elle n'était nullement tenue de saisir de nouveau la juridiction à la réception de cette décision ; qu'il apparaît d'ailleurs que la juridiction saisie s'est prononcée sur la demande de la société au vu de la décision de la commission de recours amiable du 14 octobre 2008 qu'elle a expressément confirmée ;

Considérant qu'en présence d'une contestation judiciaire en temps utile de la décision implicite de rejet, c'est donc à tort que l'URSSAF se prévaut du caractère définitif de la décision explicite postérieure de la commission de recours amiable pour s'opposer à l'examen du recours régulièrement introduit par la société TS3 ;

Considérant qu'au demeurant, cette société fait remarquer à juste titre que sa réclamation n'a pas donné lieu à l'envoi d'un accusé de réception de la part de l'organisme de recouvrement, comme l'y oblige les dispositions de la loi du 12 avril 2010, et qu'elle n'a jamais été informée de la prétendue nécessité de saisir à nouveau le tribunal des affaires de sécurité sociale dans l'hypothèse où une décision expresse de la commission de recours amiable interviendrait avant qu'il ne soit statué sur sa contestation du rejet implicite ;

Qu'il y a donc lieu d'écarter la fin de non-recevoir invoquée par l'URSSAF ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat Prodiss

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que les dispositions de l'article L 2132-3 du code du travail accordent aux syndicats professionnels le droit d'agir en justice, dans le cadre de la défense des intérêts collectifs de la profession qu'ils représentent, afin que soit tranchée une question de principe dont la solution intéresse l'ensemble de leurs adhérents ;

Considérant qu'en l'espèce, le syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacle justifie de la fréquence de la pratique contestée par l'URSSAF dans la mesure où de nombreux artistes de spectacle cèdent leurs droits à des sociétés constituées par eux dans le but d'exploiter et de gérer leurs activités artistiques ; qu'il en résulte des divergences d'interprétation quant à l'étendue de l'assiette des cotisations soumises à cotisations de sécurité sociale; que l'intervention volontaire du syndicat professionnel à la procédure engagée par la société TS3 a bien pour objet de défendre les intérêts collectifs de la profession confrontée à la généralisation de cette pratique ;

Considérant qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris sur ce point et de recevoir le syndicat Prodiss en son intervention ;

Sur l'existence d'une décision implicite de l'URSSAF à l'occasion d'un précédent contrôle

Considérant qu'en application de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause ; que le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme ;

Considérant que l'existence d'une décision implicite antérieure suppose que la situation soit identique lors des contrôles successifs effectués dans la même entreprise et que l'organisme de recouvrement ait pu vérifier l'ensemble des éléments constitutifs de la pratique contestée et se soit abstenue en toute connaissance de cause de la critiquer ;

Considérant qu'en l'espèce, il apparaît que l'entreprise individuelle TS3 a déjà fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF et la transformation de cette entreprise en société unipersonnelle n'empêche pas cette dernière de se prévaloir du précédent contrôle ; qu'il est en effet justifié que la société TS3 a recueilli l'universalité du patrimoine composant le fonds de commerce exploité antérieurement à titre individuel et succède donc aux droits et obligations de la précédente entreprise; qu'il importe peu que ne numéro de SIREN soit différent ;

Considérant toutefois que les situations ayant fait l'objet du précédent contrôle ne sont pas les mêmes que celles donnant lieu au présent redressement ; qu'il n'est en effet pas justifié qu'à l'occasion de ce premier contrôle, les inspecteurs du recouvrement aient eu connaissance du fait que les artistes bénéficiaient à la fois d'un contrat conclu pour plusieurs mois et d'engagements passés à l'occasion de chaque concert ; qu'en réalité seuls ces derniers engagements inférieurs à 5 jours ont donné lieu à vérification et non la pratique consistant à cumuler un contrat de longue durée avec des engagements ponctuels ;

Considérant que, de même, la question de l'assiette des cotisations dues sur les sommes versées aux sociétés d'artistes mises en cause par l'URSSAF n'a pas été évoquée lors du précédent contrôle qui a porté sur une période antérieure à la création de ces sociétés et à la production des tournées litigieuses ; que les inspecteurs du recouvrement n'ont donc pas pu apprécier les conditions d'exercice des activités des artistes en question pour savoir si cela permettait ou non d'écarter la présomption de salariat ; qu'en plus, à cette époque, la société TS3 n'avait pas encore adopté la pratique consistant à la fois à rémunérer les artistes au moyen de cachets d'un montant fixe pour chaque concert et à reverser aux sociétés créées par les artistes la majeure partie des recettes des spectacles et ce sur la suggestion en 2001du groupe Audiens;

Considérant que la société TS3 ne rapporte donc pas la preuve d'un accord antérieur de l'URSSAF empêchant cet organisme de procéder à ces deux chefs de redressements, et c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté l'application de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale ;

Sur le plafonnement de l'assiette des cotisations des artistes du spectacle

Considérant qu'il ressort de la lettre d'observations du 16 janvier 2007 que la société TS3 a conclu avec chaque artiste dont elle organise les spectacles des 'contrats de scène' portant sur des périodes de plusieurs mois ; que la société a également engagé des musiciens pour l'ensemble de la durée du spectacle, du début des répétitions jusqu'à la dernière représentation de la tournée, soit pour chacun d'entre eux des périodes de plusieurs mois ;

Considérant que, parallèlement à ces contrats, les artistes et musiciens passaient des engagements ponctuels limités à la durée de chaque concert et c'est en raison de ces contrats de brève durée que la société TS3 a calculé les cotisations en appliquant le plafonnement prévu en ce cas par l'arrêté du 24 janvier 1975 ;

Considérant cependant que l'engagement continu au sens de l'article 3 de l'arrêté du 24 janvier 1975 représente la durée totale pendant laquelle l'artiste s'engage avec l'entrepreneur de spectacle, quels que soient le nombre et la répartition des jours du travail durant cette période, le nombre et la périodicité des cachets ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la durée d'engagement des artistes et musiciens dépassait la limite de 4 jours prévu à l'arrêté du 24 janvier 1975 et que la signature, au cours de la tournée, de contrats fixant le montant du cachet des artistes pour chaque concert n'avait pas pour effet de modifier la durée de cet engagement ; qu'en réalité, il ne s'agit pas de contrats distincts de l'engagement continu qui ne peut être artificiellement scindé en multiples contrats d'une durée inférieure à cinq jours;

Considérant qu'il en résulte que les cotisations ne bénéficiaient pas du plafonnement spécifique aux engagements continus inférieurs à 5 jours et que le redressement opéré par l'URSSAF à ce titre est donc justifié ;

Sur l'assujettissement aux cotisations sociale des sommes versées aux sociétés d'artistes

Considérant que selon l'article L 7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail, dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; que les dispositions de l'article L 311-3 15° du code de la sécurité sociale prévoient l'affiliation obligatoire des artistes du spectacle au régime général de la sécurité sociale, quels que soit le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;

Considérant qu'en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé qu'à l'occasion des tournées conçues et élaborées par la société TS3, entrepreneur des spectacles interprétés par MM. [Z] [R] et [I], cette société avait conclu avec chacun d'eux un contrat prévoyant le paiement d'un cachet pour chaque représentation sur scène et convenu le même jour avec les sociétés Nlonkak et Nina Productions, titulaires des droits exclusifs d'exploitation et de gestion des concerts de l'un et l'autre de ces artistes, un contrat leur assurant de 40 % à 70 % du résultat net de la recette des tournées de concerts ; que seul le montant des cachets a été soumis à cotisation ;

Considérant que pour s'abstenir du paiement des cotisations sur cette participation aux résultats des concerts, la société TS3 doit établir que les artistes dont elle a organisé le spectacle ont exercé leurs activités dans des conditions impliquant leur inscription au registre du commerce ;

Considérant cependant que le simple fait que la quote-part des recettes des tournées ne soit pas remise directement aux artistes mais soit versée aux sociétés qu'ils ont constituées spécialement pour l'exploitation de leurs concerts ne fait pas obstacle au jeu de la présomption de salariat qui subsiste quels que soient le mode et le calcul de la rémunération ainsi que les modalités de sa perception ; que, selon la société TS3, c'est d'ailleurs à la demande expresse des artistes que la participation aux résultats est versée aux sociétés gestionnaires de leurs droits mais cette entremise ne suffit pas en soi à modifier la nature des relations existant entre l'entrepreneur de spectacles et les artistes ;

Considérant qu'il importe peu que les sociétés d'artistes soient elles-mêmes inscrites au registre du commerce dès lors que, dépourvues de licence d'entrepreneur de spectacles, elles ne participent pas financièrement aux dépenses liées à la production et à l'organisation des tournées ;

Considérant que, de même, la définition d'un commun accord des prestations scéniques et des choix artistiques ou même leur fixation unilatérale par l'artiste ne suffit pas à détruire la présomption de salariat qui demeure même lorsque la liberté de création est intégralement préservée ; que cette présomption de salariat des artistes du spectacle vis à vis de la société qui produit leurs spectacles joue sans qu'il soit nécessaire de caractériser un lien de subordination ;

Considérant ensuite que la société TS3 ne peut pas non plus se prévaloir de la présomption de non-salariat prévue à l'article L 8221-6 du code du travail pour dénier la qualité de salarié aux artistes dont elle a organisé le spectacle dès lors qu'il n'est pas établi que les deux personnes en cause soient inscrites personnellement au registre du commerce ;

Considérant qu'en réalité, la présomption de salariat n'est écartée que si l'artiste du spectacle accepte d'assumer les risques de la production ;

Considérant qu'ici, les sociétés Nlonkak et Nina Productions ne participent à aucun des frais afférents à la création et à l'organisation du spectacle dont les coûts incombent exclusivement à la société TS3 qui, aux termes des contrats, prend en charge tous les frais de location, de publicité, de billetterie, d'assurances, de frais d'équipement techniques, administratifs et artistiques, les charges sociales, frais de transport, de séjour, de droits d'auteur et plus généralement tous frais et honoraires afférents au spectacle ; que, selon l'article 5, la société assume 'l'ensemble des charges et des pertes liées à la production';

Considérant qu'il n'existe pas non plus de participation en tout ou partie des artistes ou de leurs sociétés aux pertes des tournées, et le seul aléa encouru provient du caractère variable des recettes redistribuées en fonction du résultat commercial des tournées, mais cela n'a pas pour effet de priver les artistes de toute rémunération puisqu'ils conservent en tout état de cause les cachets fixés pour chaque concert ;

Considérant qu'enfin, la société TS3 ne peut sans contradiction prévoir, pour la même prestation sur scène de l'artiste, une rémunération sous la forme d'un cachet soumis à cotisation sociale et une participation aux résultats de la tournée sur laquelle elle s'abstient de cotiser sous prétexte du caractère indépendant de cette prestation ; qu'il s'agit en réalité de deux modalités de rétribution de la même activité artistique de représentation publique, sans qu'il soit justifié de distinguer entre la partie fixe de la rémunération et la partie variable dépendant des recettes ; que d'ailleurs, antérieurement au contrat conclu le 1er octobre 2004 avec la société Nina Production, il était prévu, par l'article 7 du contrat de scène passé avec M. [I], que la rémunération proportionnelle sera payable à l'artiste en salaire, les charges sociales patronales et autres taxes sur salaire étant décomptées, ce qui montre bien la nature salariale de cette participation aux résultats des tournées ;

Considérant qu'ainsi les sommes reversées aux sociétés d'artistes n'ont pas d'autre cause que les prestations de l'artiste sur scène et font partie de sa rémunération ;

Considérant que c'est donc à juste titre que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations cette partie variable de la rémunération des artistes et les appelants seront déboutés de leurs prétentions contraires ;

Sur les avantages en nature

Considérant qu'à ce titre, l'URSSAF a constaté que la société TS3 avait offert des cadeaux de valeur aux artistes et à deux autres de ses salariés sans payer de charges sociale ;

Considérant que la société ne peut utilement soutenir qu'il s'agirait de frais d'entreprise destinés à entretenir de bons rapports commerciaux alors que les relations entre les parties présentent en réalité un caractère salarial ;

Considérant que ces cadeaux constituent donc des avantages en nature dépassant le seuil de tolérance, et, comme tels, ils doivent être soumis aux cotisations sociales ;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il maintient le redressement de ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle de la société TS3 en remboursement d'un trop-versé de cotisations

Considérant que c'est également à bon droit que les premiers juges ont retenu que cette prétention n'était pas recevable dès lors qu'elle n'avait pas été préalablement présentée devant la commission de recours amiable, comme l'exige l'article R 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'au demeurant, il a déjà été indiqué qu'en raison de la durée des engagements courant sur plusieurs mois, les dispositions de l'arrêté du 24 janvier 1975 n'étaient pas applicables ;

Que le rejet de ces demandes sera donc confirmé ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner la société TS3 à verser à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des instances suivies sous les numéros 10/09534 et 10/10042 du répertoire général ;

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par l'URSSAF d'Ile de France ;

Déclare la société TS3 mal fondée en son appel ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en celle déclarant irrecevable l'intervention volontaire du syndicat Prodiss ;

Statuant de nouveau de ce chef

Déclare le syndicat Prodiss recevable en son intervention volontaire mais rejette sa demande ;

Condamne la société TS3 à verser à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens ;

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de la société TS3 au 10ème du montant mensuel du plafond prévus à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 10/09534
Date de la décision : 26/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°10/09534 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-26;10.09534 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award