Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2013
(n° 349, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/09255
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2012 -Président du TGI de PARIS - RG n° 11/04581
APPELANTE
Mademoiselle [M] [W]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
assistée de Maître Anne LECLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1430
INTIMEES
SAS DIAGNOSTIC ENVIRONNEMENT PREVENTION (DEP)
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 4]
représentée par la ASS TORIEL JOHANNSEN ROUILLON BONIN en la personne de Maître Stéphane BONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R118
assistée de Maître Diane FIRINO MARTELL, avocat au barreau de PARIS, toque : R118
SA ALLIANZ
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 3]
représentée par Maître Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juillet 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine BARBEROT, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Chantal SARDA, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Monsieur Fabrice VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fatima BA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal SARDA, présidente, et par Madame Fatima BA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte authentique du 11 août 2010, Mme [M] [W] a vendu à M. [R] [H] son appartement et une cave constituant, respectivement, les lots 2010 et 2044 de l'état de division d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 1] au prix de 335 000 €. Une attestation établie le 10 mars 2010 par la société Diagnostic environnement prévention (DEP) était annexée à cet acte, certifiant que la superficie du bien était de 63,10 m2 pour le lot 2010 au sens de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965. L'acquéreur ayant contesté la superficie du bien, la société DEP a établi le 1er septembre 2010 à la demande de Mme [W] un nouveau certificat de mesurage révélant une superficie de 59,67 m2, soit une différence de 5,52 % par rapport à la superficie mentionnée dans l'acte de vente. Sur la demande de M. [H], Mme [W] lui a restitué la somme de 18 511 € au titre de la réduction de prix correspondant à la différence de surface, puis a réclamé le 19 novembre 2010 à la société DEP de l'indemniser à hauteur de la somme versée à l'acquéreur. Par acte des 4 et 7 mars 2011, à la suite du refus du mesureur, Mme [W] l'a assigné ainsi que son assureur, la société Allianz, en paiement de la somme de 32 189,64€ en réparation de son préjudice.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 12 avril 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté Mme [W] de sa demande de dommages-intérêts,
- condamné la société DEP à payer à Mme [W] la somme de 215,69 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné Mme [W] aux dépens.
Par dernières conclusions du 5 avril 2013, Mme [W], appelante, demande à la Cour de :
- vu les articles 1147 et suivants du Code civil,
- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,
- dire la société DEP responsable des fautes commises dans l'exécution de ses prestations contractuelles et du préjudice par elle subi,
- condamner solidairement la société DPE et la société Allianz à lui verser à titre de dommages-intérêts, en deniers ou quittance :
. la somme de 16 000 € correspondant à la perte de chance de vendre l'appartement au même prix pour une surface moindre,
. la somme de 13 193,15 € correspondant à la perte subie du fait de la clôture d'un plan d'épargne assurance-vie pour financier le montant correspondant à la réduction de prix,
. la somme de 485,49 € au titre des frais engagés,
- assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2010,
- condamner les sociétés DEP et Allianz à lui payer, chacune, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 11 février 2013, la société DEP prie la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, condamner la société Allianz à la garantir de toute condamnation mise à sa charge,
- en tout état de cause, condamner Mme [W] à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 24 septembre 2012, la société Allianz demande à la Cour de :
- à titre principal, confirmer intégralement le jugement entrepris,
- à titre subsidiaire, limiter la somme mise à sa charge en laissant à la charge de la société DEP les frais du nouveau métarge ainsi que la franchise contractuelle d'un montant de
1 000 €,
- à titre subsidiaire, dire cette franchise opposable à Mme [W],
- en tout état de cause, condamner Mme [W] à lui payer la somme de 3 500 € au titre de sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE,
LA COUR,
Considérant que la société DEP ne conteste pas avoir commis une faute en procédant à un mesurage erroné de la superficie de l'appartement de Mme [W] ; que cette faute est de nature à ouvrir droit à dommages-intérêts ;
Considérant que, si la restitution, à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d'une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, cependant, le vendeur peut se prévaloir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à l'encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d'une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre dès lors, d'une part, que la vente a porté sur un appartement et non sur des mètres carrés et, d'autre part, que la réduction de prix prescrite par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 n'a pour objet, ni nécessairement pour effet, de ramener le prix de vente au juste prix, mais de sanctionner l'information erronée fournie à l'acquéreur dans l'acte de vente ;
Considérant qu'au cas d'espèce, d'abord, la faible différence de superficie (5,52 %) était très proche du seuil légal (5 %) déclenchant le droit à restitution ; qu'ensuite, le nombre de pièces étant, tout autant que la superficie, un des éléments déterminant le prix, l'appartement, doté de trois pièces, atteignait, ainsi, le seuil requis pour un logement familial ; qu'enfin, le logement était situé à [Localité 1], soit dans une banlieue recherchée, très proche de [Localité 2] ;
Que c'est donc en fonction de l'ensemble de ces critères que le vendeur et l'acquéreur ont fixé le juste prix à la somme de 335 000 €, soit dans la fourchette de 330 000 € à 350 000 € retenue par l'agent immobilier qui avait évalué le bien antérieurement à la vente le 20 février 2010, non par un calcul arithmétique fondé sur un prix moyen au mètre carré qui n'aurait pas requis l'expertise d'un spécialiste de la vente immobilière, mais en fonction de l'ensemble des caractéristiques spécifiques de l'appartement ;
Que ce n'est que par la volonté du législateur, qui a entendu réglementer, par un texte d'ordre public, l'information relative à la superficie des parties privatives vendues, contraignant les vendeurs à recourir aux services d'un professionnel du mesurage, que Mme [W] a dû restituer à l'acquéreur une partie du prix convenu avec lui ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'à la suite de l'erreur de mesurage de la société DEP, Mme [W] a perdu la chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre et que son préjudice doit être évalué à la somme de 16 000 € ;
Considérant que Mme [W], qui demeurait dans l'appartement vendu à M. [H], a racheté un autre bien à l'aide du prix ; qu'elle justifie avoir dû clôturer un compte d'épargne en assurance-vie 'Vivaccio' détenu à la Banque postale pour satisfaire la demande pressante de son acquéreur en restitution de la somme de 18 511 € au titre de la réduction de prix ; que la privation de cette épargne est un préjudice certain en lien direct avec la faute de la société DEP ; que, toutefois, le montant du préjudice n'est pas égal, comme elle le soutient, à celui de la somme que l'appelante aurait pu percevoir à l'âge de la retraite, n'étant pas certain que celle-ci aurait conservé son compte jusqu'à cette date ; qu'en outre, Mme [W], qui va percevoir la somme de 16 000 €, pourra décider de reconstituer partiellement son épargne retraite ; qu'en définitive, le préjudice né du désagrément et de la perte financière liés à la clôture de ce compte doit être évalué à 1 500 € ;
Considérant qu'au titre des frais dus à l'erreur de mesurage, Mme [W] justifie avoir exposé :
- les frais du second métrage : 60 €,
- les frais de clôture du compte d'épargne : 215,59 €,
- les frais de l'acte dressé par le notaire à la suite de la réduction du prix : 200 €,
- les frais d'établissement d'un chèque de banque pour le règlement de la réduction du prix : 9,90 €,
soit la somme totale de 485,49 € ;
Considérant que la société DEP doit être condamnée à payer à Mme [W] la somme de 16 000 € + 1 500 € + 485,49 € = 17 985,49 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2010, date de réception par la société DEP de la mise en demeure par lettre recommandée du 19 novembre 2010, étant observé que, sur cette somme la société DEP a, d'ores et déjà, payé à l'appelante, celle de 269,90 € ;
Considérant que la société Allianz, assureur de la société DEP au titre de la responsabilité civile, doit être condamnée solidairement avec son assurée au paiement de la même somme, déduction à faire de la franchise contractuelle de 10 000 €, opposable au tiers lésé, et de celle de 60 € au titre du nouveau métrage qui n'entre pas dans la garantie de l'assureur ;
Considérant que la société Allianz devra garantir son assurée du montant de cette condamnation dans les limites précitées ;
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile des sociétés DEP et Allianz ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de Mme [W] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à garantie de l'assuré par l'assureur, faute par la société DEP de justifier de dispositions contractuelles la fondant;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Dit que la société Diagnostic environnement prévention (DEP) a commis une faute de mesurage au préjudice de Mme [M] [W] ;
Condamne la société Diagnostic environnement prévention (DEP) à payer à Mme [M] [W] la somme de 17 985,49 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2010 et constate que, sur cette somme, la société Diagnostic environnement prévention (DEP) a, d'ores et déjà, payé celle de 269,90 € ;
Condamne solidairement la société Allianz, en sa qualité d'assureur, au paiement précité au profit de Mme [M] [W], mais dans la limite de la somme de 7 925,49 €, déduction faite de la franchise contractuelle de 10 000 € et de la somme de 60 € au titre du second mesurage ;
Dit la société Allianz tenue de garantir la société Diagnostic environnement prévention (DEP) du montant de la condamnation prononcée au profit de Mme [M] [W], mais dans la limite de la somme de 7 925,49 € ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum la société Diagnostic environnement prévention (DEP) et la société Allianz aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne la société Diagnostic environnement prévention (DEP) à payer à Mme [M] [W] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la société Allianz à payer à Mme [M] [W] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente