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19/09/2013 | FRANCE | N°12/06018

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 19 septembre 2013, 12/06018


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12





ARRÊT DU 19 Septembre 2013

(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06018 - S 12/11766



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 07-07316







APPELANTE

SAS DGM INDUSTRIE

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Ma

rion PIPARD, avocat au barreau de MEAUX





INTIMES

Monsieur [L] [N]

Chez Mme [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : C0439



CPAM 75 - PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 19 Septembre 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06018 - S 12/11766

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mars 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 07-07316

APPELANTE

SAS DGM INDUSTRIE

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Marion PIPARD, avocat au barreau de MEAUX

INTIMES

Monsieur [L] [N]

Chez Mme [X]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : C0439

CPAM 75 - PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 6]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Société ORIS INTERIM

[Adresse 3]

[Localité 4]

défaillante

SAS EUROLABOR Venant aux droits de la société ORIS

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0490 substitué par Me Loïc PIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0490

Société DMV SALZGITTER MANNESMANN STAINLESS FRANCE

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Jean NERET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04 substitué par Me Virginie MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 5]

avisé - non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame VAN RUYMBEKE, Président, chargé d'instruire l'affaire, et Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame VAN RUYMBEKE, président

Madame Claudine ROYER, conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS, PROCÉDURE

Monsieur [L] [N], a été recruté par la société de travail temporaire Eurolabor, exerçant sous l'enseigne Oris Interim, en qualité de monteur et mis à disposition de la société DGM Industrie, dans le cadre d'une mission à compter du 31 juillet 2006.

La société DGM Industrie, spécialisée dans la maintenance d'équipements, intervenait en qualité de prestataire au sein d'une usine située à [Localité 8] et appartenant à la société Mannesmann DMV Stainless France, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France SAS, pour réaliser l'épreuve réglementaire décennale afférente à l'exploitation d'équipements sous pression, en l'espèce, six bouteilles d'air et deux accumulateurs fournissant l'énergie nécessaire aux presses pour façonner les tubes en acier produits.

Le 18 août 2006, à 22 heures 45, une explosion s'est produite avec expansion brutale du fluide sous pression, blessant gravement deux salariés dont monsieur [L] [N] lequel faisait une chute sur les soupapes, dans la fosse où était situé l'accumulateur et perdait l'usage de son oeil droit.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ; monsieur [L] [N] perçoit une rente basée sur un taux d'incapacité permanente partielle de 40 % depuis le 15 septembre 2007.

Monsieur [L] [N] a engagé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur,visant l'entreprise intérimaire ainsi que la société utilisatrice DGM Industrie.

Cette dernière a sollicité la mise en cause et la garantie de sa cocontractante, la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France.

Par jugement du 28 avril 2009, la juridiction des affaires de sécurité sociale a notamment :

- dit que l'accident du travail résultait de la faute inexcusable de la société DGM Industrie,

- dit que la société Eurolabor était tenue à réparation à l'égard de la victime,

- dit que l'entreprise utilisatrice DGM Industrie devait garantir l'employeur, la société Eurolabor des condamnations mises à sa charge,

- s'est déclarée incompétente pour statuer sur l'appel en garantie à l'encontre de la société Mannesmann DMV Stainless France,

- condamné la société Eurolabor à payer à la victime une provision de 20'000 €,

- fixé la majoration de la rente revenant à Monsieur [L] [N] au maximum,

- avant dire droit sur les divers chefs de préjudices complémentaires, ordonné une expertise confiée au docteur [E],

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 7 avril 2011, a confirmé les dispositions de ce jugement mais déclaré la société DGM Industrie irrecevable en sa demande aux fins de voir juger que la société DMV Stainless, aux droits de laquelle vient la société Salzgitter, avait la qualité de substitué à l'employeur au sens des articles L. 452-1 et L. 452-6 du code de la sécurité sociale.

La cour de cassation, par arrêt du 11 octobre 2012, a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société DGM Industrie irrecevable en sa demande visant à faire juger que la société DMV Stainless, était substituée à l'employeur, remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Cette affaire a été fixée devant la cour de renvoi à l'audience du 26 juin 2014 (RG 12/11766).

Entretemps sur le plan pénal, la société DMV Stainless France ainsi que monsieur [Y], son responsable maintenance, renvoyés par ordonnance du juge d'instruction de Dijon pour manquement à l'obligation de sécurité et blessures involontaires, ont été définitivement condamnés par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Dijon en date du 17 novembre 2010.

Après dépôt du rapport de l'expertise sur les préjudices de monsieur [L] [N], le tribunal des affaires de la sécurité sociale, par jugement en date du 6 mars 2012, a :

- fixé comme suit l'indemnisation de la victime :

* 60 000 euros : souffrances endurées

* 20 000 euros : préjudice esthétique

* 80 000 euros : préjudice d'agrément

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie devait faire l'avance de ces sommes,

- rappelé que la caisse pourrait demander le remboursement à la société DGM industrie,

- constaté que la cour d'appel de Paris avait déclaré l'appel en garantie de la société DGM Industrie à l'égard de la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France, irrecevable.

La société DGM Industrie a interjeté appel du jugement . L'affaire a été fixée à l'audience du 23 avril 2013.

Elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 30 mai 2013, la Cour, ayant sans opposition des parties, indiqué qu'une jonction entre ce dossier et celui fixé au 26 juin 2014, était souhaitable pour une bonne administration de la justice.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société DGM Industrie conclut:

' à titre principal:

- à l'infirmation des deux jugements du tribunal des affaires de la sécurité sociale des 28 avril 2009 et 6 mars 2012,

- au rejet de toutes les demandes dirigées contre elle,

- à la condamnation de la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' à titre subsidiaire:

- à ce que le préjudice de Monsieur [L] [N] soit fixé aux offres qu'elle propose soit :

- 5 000 euros : souffrances endurées

- 3 000 euros : préjudice esthétique

- 8 681 euros : déficit fonctionnel temporaire

- au débouté de toutes les autres demandes présentées par Monsieur [L] [N] ainsi qu'au rejet de toutes autres réclamations des parties.

Elle fait valoir pour l'essentiel que la société la société DMV Stainless France s'était substituée à l'employeur de droit, qu'elle avait la responsabilité d'assurer la sécurité de l'ensemble du personnel intervenant sur son site, y compris des salariés de DGM Industrie et qu'il appartenait à cette société, de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver monsieur [N] du risque auquel elle avait conscience de l'exposer; dans ces conditions, elle estime que la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France venant aux droits de la société DMV Stainless France était responsable de la faute inexcusable à l'égard de la victime.

La société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France, venant aux droits de la société DMV Stainless France conclut:

' à titre principal:

- qu'il soit reconnu qu'elle n'était pas substituée à la société DGM Industrie dont la faute inexcusable est définitivement établie à raison de ses propres manquements,

- en conséquence, au rejet de toutes demandes de la société DGM à son encontre,

' à titre subsidiaire:

- à l'infirmation du jugement déféré dans la fixation du montant des préjudices alloués à monsieur [N] qui sont disproportionnés,

- au rejet du préjudice d'agrément,

- à l'irrecevabilité de la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire, à tout le moins à la fixation de la somme au titre de ce chef, au montant maximal de 5 897,71 euros.

' en toute hypothèse, à l'octroi d'une indemnité de 5 000 euros mise à la charge de la société la société DGM Industrie.

Elle fait valoir en substance que la société DGM Industrie a toujours tenté d'échapper à ses responsabilités et aux conséquences financières de ses actes et qu'elle-même ne s'est jamais substituée à l'employeur de sorte qu'elle ne peut se voir imputer les conséquences de la faute inexcusable commise par cette dernière.

La société Eurolabor s'en remet à justice sur les mérites des demandes de la société DGM Industrie ainsi que de celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie sur la réduction des indemnités allouées à la victime; en revanche elle s'oppose à la demande de monsieur [L] [N] sollicitant sa condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et demande en tout état de cause, que la société DGM Industrie soit condamnée à lui verser au titre de ses frais non répétibles, une indemnité de 2 500 euros.

Monsieur [L] [N] conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne son préjudice qu'il fixe à la somme de 165 000 euros qui devra être avancé par la caisse primaire d'assurance maladie et ainsi décliné :

- 60 000 euros : souffrances endurées

- 20 000 euros : préjudice esthétique

- 5 000 euros : préjudice esthétique temporaire

- 40 000 euros : préjudice d'agrément

- 40 000 euros : déficit fonctionnel temporaire

- et à l'encontre de la société Eurolabor, une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie demande que la Cour statue ce que de droit sur les demandes formulées au titre des souffrances physiques et morales endurées ainsi que sur le préjudice esthétique, mais conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a indemnisé la victime d'un préjudice d'agrément.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 30 mai 2013, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la jonction

Considérant qu'une bonne administration de la justice commande de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG12 /01048 et RG 12/11766, s'agissant d'un seul et même litige, toutes les parties ayant contradictoirement débattu de l'intégralité des points soulevés;

- sur la mise en cause de la société DMV Stainless France

Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2011 n'a été infirmé qu'en ce qu'il a déclaré la société DGM Industrie irrecevable en sa demande visant à faire juger que la société DMV Stainless, aux droits de laquelle est venue la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France, était substituée à l'employeur ;

Qu'il s'en déduit que sont définitives les autres dispositions de cet arrêt, confirmant le jugement du tribunal du 28 avril 2009, qui a notamment retenu que l'accident du travail était dû à une faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, la société DGM Industrie, que la société Eurolabor, en sa qualité d'employeur, était tenue à la réparation intégrale des préjudices de monsieur [N] et devait être garantie, dans les condamnations mises à sa charge, par la société DGM Industrie;

Que le seul problème soumis désormais à la Cour est celui de savoir si la société DMV Stainless France, comme l'invoque la société DGM Industrie, était ou non substituée, dans la direction, à l'employeur;

Et considérant que les dispositions de l'article L 412-6 du code du travail prévoient que pour l'application des articles L 452-1 à L 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction, sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur; que ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable; que possède la qualité de substitué dans la direction, toute personne qui dirige l'exécution du travail et exerce un pouvoir de contrôle et de surveillance;

Considérant, en l'espèce, qu'il résulte des éléments versés aux débats et notamment ceux recueillis par l'instruction judiciaire et l'inspection du travail, rappelés par la décision correctionnelle, que l'accident du travail s'est produit alors que monsieur [N], mis à disposition de la société DGM Industrie, travaillait dans les locaux de la société DMV Stainless France et qu'il était chargé de vérifier des accumulateurs d'eau sous pression;

Que c'était au cours de la mise sous pression du dernier accumulateur, qu'il a été blessé par la rupture d'un joint en cuivre positionné entre la partie inférieure de l'accumulateur et une bride obturatrice installée en vue du test réglementaire;

Que les investigations et expertise opérées ont révélé que deux fuites avaient été successivement détectées au cours de la journée, au niveau de la bride obturatrice inférieure ; que pour juguler ces fuites et sur les instructions du contremaître de la DMV Stainless France, ont été décidés, d'abord un usinage de gorges dans la masse des deux brides, qui s'est révélé inopérant puis un retournement de la bride; que l'explosion du joint avait eu lieu lors d'un nouvel essai; que l'expert judiciaire a conclu notamment que ce joint, fourni par la DMV Stainless France, présentait un gros défaut d'homogénéité dans la structure des matériaux et que par ailleurs, le serrage de la bride n'avait pas été homogène ;

Et considérant que les manquements de la DMV Stainless France, à l'origine de l'accident, ont été définitivement sanctionnés par la juridiction pénale qui a relevé:

- d'une part, l'absence d'élaboration d'un plan de prévention avec définition des phases d'activité dangereuse et des moyens de prévention spécifique, outre l'organisation des premiers secours intégrant en particulier les éventuels dysfonctionnements lors des essais de mises sous pression des accumulateurs, alors que deux fuites avaient précédemment été constatées,

- d'autre part, l'absence de toute fiche de poste et de procédure spécifique pour assurer la coordination des conditions d'intervention des salariés lors de la phase dangereuse de mise en pression,

- enfin, l'absence de mise en place d'un périmètre de sécurité dans la zone de maniement d'engins de très haute pression, cette zone dangereuse n'étant matérialisée que par un dispositif de barrières métalliques improvisé et dangereux;

Considérant ensuite que l'examen des documents contractuels liant les sociétés DGM Industrie et DMV Stainless France établissait que:

- la DMV Stainless France a fourni le matériel nécessaire à la réalisation des travaux et en particulier les brides et les joints cuivres ; or, ce matériau s'est révélé défectueux, l'expert indiquant qu'il était 'incompatible avec une utilisation avec de telles contraintes mécaniques',

- la DMV Stainless France avait également la charge d'établir le plan de prévention et de verser l'annexe technique pour la préparation de l'épreuve des accumulateurs ; qu'à ce titre, elle était chargée de la sécurité des personnels intervenants sur le site, et notament le personnel extérieur; que ce plan s'était révélé défaillant et monsieur [Y], responsable maintenance de la DMV Stainless France, a été condamné pénalement pour ces manquements,

- les salariés de la société DGM Industrie assuraient leur prestation sous les instructions de monsieur [V] et monsieur [B], contremaîtres de la DMV Stainless France qui étaient chargés d'assurer le suivi technique et la réalisation de la prestation ; l'enquête démontrait que toutes les opérations jusqu'à l'accident avaient bien été supervisées par monsieur [V] ;

Considérant que ces éléments démontrent que les salariés de la société DGM Industrie, et notamment monsieur [N] ne jouissaient d'aucune autonomie dans la réalisation de leurs travaux, qu'ils étaient dirigés et contrôlés par les salariés de la DMV Stainless France ; que celle-ci, au vu des négligences graves relevées, alors même qu'elle avait conscience du danger auquel était exposé le salarié, a manqué à son obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de celui-ci ;

Qu'en ce sens, la DMV Stainless France aux droits de laquelle se trouve la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France, doit être considérée comme s'étant substituée dans la direction, à l'employeur, de sorte qu'elle devra garantir la société DGM Industrie des sommes que celle ci a été condamnée à garantir à la société Eurolabor;

- sur le préjudice de Monsieur [L] [N]

sur les souffrances endurées

Considérant que l'expert note que monsieur [N], âgé de 33 ans au moment des faits, a souffert initialement d'une contusion sévère de l'oeil droit, d'une contusion modérée de l'oeil gauche, de deux plaies palpébrales supérieurs et inférieurs, et d'une luxation de l'épaule droite, qu'il a subi trois opérations des yeux, qu'il a présenté une hémorragie intraoculaire totale, et qu'il en est résulté une quasi cécité de l'oeil droit;

Que l'expert a évalué ce chef de préjudice de 3,5 / 7, soit modéré à moyen;

Qu'il sera alloué de ce chef à monsieur [N] une somme de 40 000 euros;

sur le préjudice esthétique

Considérant que l'expert estime qu'il existe une atteinte esthétique en rapport avec les cicatrices décrites au niveau de la région de l'oeil droit associés à la dilatation permanente de sa pupille droite ;

Que l'expert a évalué ce préjudice à 2,5/7, soit léger à modéré ;

Qu'il sera alloué de ce chef à monsieur [N] la somme de 8 000 euros comprenant l'intégralité de son préjudice de ce chef, sans qu'il y ait lieu de distinguer le préjudice esthétique temporaire du préjudice esthétique permanent ;

sur le préjudice d'agrément

Considérant que l'expert relève qu'il n'y a pas lieu de retenir un préjudice d'agrément;

Considérant que l'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie ;

Que force est de constater que monsieur [N] ne rapporte pas cette preuve;

Qu'il ne pourra qu'être débouté de sa demande;

sur le déficit fonctionnel temporaire

Considérant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale dans sa décision du 18 octobre 2011, s'il a rejeté la demande de monsieur [N] aux fins d'expertise complémentaire, n'a pas toutefois pas, dans son dispositif, écarté le bien fondé d'une indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire;

Que la demande de Monsieur [L] [N], présentée pour la première fois en appel dans le cadre d'une procédure orale est donc recevable;

Considérant que le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation, n'est pas couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale; qu'il peut donc être indemnisé;

Et considérant que monsieur [N] a été accidenté du 18 août 2006 et consolidé le 15 septembre 2009 soit 1124 jours plus tard; qu'il a été hospitalisé pendant 12 jours et subi donc pour cette période une incapacité de 100% ;

Qu'en dehors de ces périodes, l'expert relève que l'acuité visuelle de son oeil droit était totale jusqu'au 6 décembre 2007, partielle (1/50ème) jusqu'à la consolidation, l'oeil gauche passant d'une acuité visuelle de 3/10 jusqu'au 6 décembre 2007 à 9/10ème à la date de consolidation;

Que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation, justifie une évaluation du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 10.000 euros;

Considérant que le jugement sera confirmé en ses autres dispositions, et notamment sur l'avance dues par la caisse primaire d'assurance maladie des sommes ainsi fixées dont sera déduite la provision versée, à charge pour la caisse d'exercer son action récursoire;

Considérant que la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France sera tenue à indemniser la société DGM Industrie à hauteur de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; que les demandes dirigées, de ce chef, par monsieur [N] à l'encontre de la société Eurolabor et des autres parties à l'encontre de la société la société DGM Industrie seront rejetées;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des affaires enregistrées au greffe de la cour sous les n°12 /01048 et RG 12/11766 ;

Vu l'arrêt rendu par la cour de cassation en date du 11 octobre 2012

Statuant dans les limites de cet arrêt,

Infirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris le 28 avril 2009 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'appel en garantie formulée par la société DGM Industrie à l'encontre de la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France venant aux droits de la société DMV Stainless France,

Statuant à nouveau ,

Dit que la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France, venant aux droits de la société DMV Stainless France, est tenue à garantir les sommes mises à la charge de la société DGM Industrie dans le cadre de sa garantie de la société Eurolabor,

Infirme partiellement le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale en date du 6 mars 2012, mais seulement dans les sommes allouées à monsieur [L] [N] au titre de son préjudice,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe le préjudice de Monsieur [L] [N] comme suit :

- 40 000 euros : souffrances endurées

- 8 000 euros : préjudice esthétique

- 10.000 euros : déficit fonctionnel temporaire

Rejette toutes les autres demandes de monsieur [L] [N],

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de toutes autres prétentions ,

Condamne la société Salzgitter Mannesmann Stainless Tubes France à verser à la société DGM Industrie une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande au titre des frais non répétibles.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 12/06018
Date de la décision : 19/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°12/06018 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-19;12.06018 ?
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