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19/09/2013 | FRANCE | N°12/02253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 19 septembre 2013, 12/02253


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02253



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2011/00789





APPELANT :



Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 4]

de nationalité fran

çaise

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par : Me Patrick BETTAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078

assisté de : Me Marc POTIER, avocat au barreau de MEAUX, toque : E0055

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02253

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2011/00789

APPELANT :

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par : Me Patrick BETTAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078

assisté de : Me Marc POTIER, avocat au barreau de MEAUX, toque : E0055

INTIME :

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS

en ses bureaux au Palais de Justice de PARIS

[Adresse 2]

[Localité 2]

INTIMEE :

SCP [O]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TRP TRANSPORTS

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par : Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

assistée de : Me Richard TORRENTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1576

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François FRANCHI dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public représenté lors des débats par Monsieur Fabien BONAN, Substitut Général, qui a été entendu en ses observations.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffière présente lors du prononcé.

La Société TRP, dont Monsieur [P] [C] était le gérant, a été crée le 15 juin 2002 (pièce n°1 extrait kbís) ayant pour activité le transport : public routier de marchandises et plus spécifiquement le transport de denrées agricoles.

A la suite de très graves problèmes de santé rencontrés par Monsieur [C], courant 2008, l'entreprise a rencontré des difficultés, accentuées par le départ de Monsieur [R], associé et directeur technique, attestataire de l'activité de transport, ce qui a conduit Monsieur [C] à régulariser une déclaration de cessation de paiement le 13 novembre 2008. .

Par jugement prononcé le 24 novembre 2008, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert une procédure de liquidation à l'égard de la société TRP.

La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 30 juillet 2008.

Le tribunal a désigné la SCP [O] en qualité de liquidateur.

Il ressort des opérations de liquidation une insuffisance d'actifs d'un montant de 1.473.475,79 euros, le passif admis s'élevant à 1 528 628,47 euros dont 547 460,19 euros

à titre super privilégié et l'actif à 55 152,68 euros.

Par acte en date du 16 mai 2011, la SCP [O], ès qualités, a assigné M. [C] devant le tribunal de commerce de Meaux afin que soient mises à sa charge les dettes de la société-TRP TRANSPORTS et que soit prononcée à son encontre une sanction

personnelle.

Monsieur [C] a souligné:

- avoir rencontré des difficultés dans les derniers mois d'exploitation de l'entreprise faisant suite à diverses opérations chirurgicales rendues nécessaires par une situation de quasi-cécité ainsi qu'à l'augmentation très importante du coût des carburants.

- avoir eu des comptes 2007 bénéficiaires de 33.000€.

- avoir apporté des sommes en compte courant au moyen de prêts personnels et celui-ci restant nonobstant les remboursements très partiels intervenus, créditeur à hauteur de 44.000 €.

Monsieur [C] indique s'être également porté caution du prêt souscrit auprès de la banque HSBC et pour lequel il est aujourd'hui poursuivi.

S'agissant des versements effectués au profit de la SCI DUO dont il est associé et gérant,

Monsieur [C] indique que ces versements n'ont aucun caractère illicite lors que la société était in bonis au moment des versements et que ceux-ci étaient effectués en extinction d'un bail régulièrement souscrit.

Monsieur [C] indiquait encore que le mandataire intégrait au passif des indemnités de

résiliation de contrat qui ne peuvent être prises en compte dans le calcul du préjudice né

antérieurement à la cessation des paiements.

C'est pourquoi Monsieur [C] sollicitait sa mise hors de cause ou, à titre subsidiaire que sa contribution aux dettes sociales ne soit que symbolique.

Il sollicitait, sinon, les plus larges délais pour s'en acquitter.

Et une indemnisation de ses frais irrépétibles était sollicitée à concurrence de 2.000€.

La SCP [O] a maintenu ses demandes telles que formées dans l'acte introductif d'instance abandonnant toutefois:

- le moyen résultant du défaut de paiement de la souscription par Madame [N] à l'augmentation de capital votée le 24 octobre 2007, ce paiement ayant été justifié en cours d'instance

- le transfert des contrats de travail au bénéfice de la société Laurent NOIRET qui ne peut être critiqué dès lors que cela a préservé la société du coût des licenciements.

Le Ministère public a requis la condamnation de Monsieur [C] tant à contribuer à l'insuffisance d'actif qu'à une interdiction de gérer pour une durée de 8 années.

Par jugement prononcé le 23 janvier 2012 par le Tribunal a, au visa des articles L652-1, L653-3, L653-4, L653-5 et L653~8 du code de commerce :

- dit recevable et partiellement fondée la demande de la SCP [D],

- condamné M. [C] au paiement de la somme de 418 290 euros au profit de la SCP [O] ès qualités, et prononcé l'exécution provisoire de cette condamnation,

- prononcé à l'égard de M. [C] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer

ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 8 ans.

Sur la demande formée sur le fondement de l'article L.651-2 du Code de Commerce

Le premier juge relevait :

* les comptes sociaux 2007 étaient bénéficiaires de 33.000 € mais que ce résultat ne suffisait pas à financer la perte antérieure de 108.000 € enregistrée au titre de l'exercice 2006, que Monsieur [C] avait mis en place divers moyens pour assurer la trésorerie de l'entreprise telles la mobilisation du compte client et la réalisation d'une augmentation de capital et l'apport en compte courant mais le rapport OCA soulignait que l'augmentation du besoin en fonds de roulement avaient rendu ces moyens insuffisants et le financement avait du être complété par un prêt de 100.000 € sur la banque HSBC et le consentement de la banque ayant été surpris quant à l'emploi des fonds, celle-ci avait prononcé la déchéance du terme, contraignant la société au remboursement de la somme de 98.544.49 € au l6 avril 2007, somme ne figurant pas dans la trésorerie de la société TRP TRANSPORTS.

* la société TRP Transports avait minoré les bases de déclaration de sa TVA au titre de l'année 2006, ce qui a eu pour conséquence un redressement à concurrence de : 98.349 € en principal, outre une majoration de 40 % ;

* le départ de Monsieur [R] interdisait à l'entreprise de poursuivre son activité de transport dès lors que ce dernier était l'attestataire de ladite activité mais ce n'est que le l2 novembre 2008 que M. [C] avait régularisé une déclaration de cessation des paiements, après avoir transféré l'essentiel du fonds de commerce de la société TRP Transports au bénéfice d'un tiers, ce qui a eu pour effet de réduire l'actif social d'autant, ce qui avait contraint le mandataire judiciaire à diligenter des procédures pour réintégrer la société dans ses droits.

* la poursuite de l'activité avait occasionné un accroissement du passif qui ne peut être

Inférieur à la perte de |'exercice 2008 soit 418.290 € ;

Sur la sanction personnelle

Le premier juge rappelle que Monsieur [C] s'est abstenu de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal et a retardé l'ouverture de la procédure au prix de moyens dont les conséquences financières pour l'entreprise, notamment la pénalité fiscale, sont ruineuses alors qu'il savait que la poursuite de l'activité était vaine au point de procéder à la cession de divers actifs dans des conditions anormales à savoir qu'il a transporté entre les mains d'un tiers de son choix les contrats de travail et la clientèle, donc le fonds de commerce, gage des créanciers en dehors de tout contrôle et en période suspecte, sans contrepartie.

Et si le caractère préférentiel de certains paiements n'est pas avéré, les faits justifient que Monsieur [C] soit écarté du monde des affaires pour une durée de 8 ans, par le jeu d'un interdiction de gérer plutôt que d'une faillite personnelle, pour tenir compte de sa situation personnelle.

Appel de cette décision était opéré le 6 février 2012 par M. [C].

Dans un premier arrêt du 29 novembre 2012, la cour répondant à l'argument de Monsieur [C] relatif à la nullité de l'assignation délivrée le 16 mars 2011 par la SCP [O] et du jugement au motif que n'auraient pas été respectées les dispositions de l'article R.662-12 du code de commerce que cet article, applicable à la présente espèce, se réfère au rapport du juge-commissaire mais n'exige aucunement que ce rapport doive être écrit ni à fortiori qu'il doive être joint à l'assignation.

Dans ces conditions, le rapport dont le manquement est dénoncé pouvant intervenir oralement le jour de l'audience, dans l'hypothèse même où l'irrégularité dénoncée par M.[C] serait avérée, elle n'affecterait pas la saisine du tribunal, la cour ajoutait qu'il s'en déduit qu'elle devra en toute hypothèse statuer au fond, l'entier litige lui étant dévolu et elle ordonnait donc la réouverture des débats, enjoignant à M. [C] de conclure au fond - sursoyant à statuer sur toutes autres demandes et réservant les dépens.

*

Vu les conclusions de Monsieur [P] [C] signifiées le 31 janvier 2013

Vu les conclusions inchangées de la SCP [D] en date du 30 juillet 2012

*

Monsieur [C] conclut ainsi que les fautes de gestion qui lui sont reprochées ne sont en aucun cas à l'origine de l'insuffisance d'actifs de la société TRP TRANSPORTS car :

- la société, créée en 2002, a connu pendant plusieurs années un développement normal et une exploitation satisfaisante.

- les comptes sociaux de l'exercice 2007 étaient encore bénéficiaires de 33 000 € alors que l'entreprise avait été placée en liquidation judiciaire au cours de l'exercice 2008 (jugement prononcé le 24 novembre 2008).

- il a mis en place divers moyens pour faire face aux besoins en trésorerie de l'entreprise: une augmentation de capital effectuée le 31 août 2007 à concurrence d'une somme de 50 325 € - un apport en compte courant d'une somme de 136 000 € au cours de l'exercice 2007 et une somme de 70 738 € au cours de l'exercice 2008.

Il ajoute que si le Tribunal a considéré que la demande du remboursement du prêt de 100.000 € par la banque HSBC aurait dû le conduire à réagir plus rapidement pour effectuer une déclaration de cessation des paiements, cette situation, même si elle était problématique, n'est pas à l'origine de l'insuffisance d'actifs reprochée à M. [C].

En réalité, la dégradation de la trésorerie de l'entreprise s'est opérée dans les derniers mois de l'année 2008 à raison de trois problèmes essentiels auxquels s'est trouvé confronté M. [C] qui ne sont absolument pas constitutifs de fautes de gestion de sa part :

- la première réalité extrêmement défavorable à laquelle s'est trouvé confronté M [C] est l'existence d'une dégradation très importante de la conjoncture économique au cours de l'année 2008, plus particulièrement dans le secteur du transport.

- la deuxième est liée à ses problèmes de santé mais malgré la perte complète de la vue et les interventions chirurgicales, il était parvenu à gérer la société, maintenir l'activité et les emplois.

- troisièmement, la démission imprévisible de M [R] pour se faire embaucher par la société de transports MARTIN, directement concurrente de la société TRP TRANSPORTS, alors qu'il était l'attestataire de la société TRP TRANSPORTS et donc celui permettant à l'entreprise d'exploiter des camions de plus de 3,5 tonnes.

Sur les paiements préférentiels

Le mandataire vise plus particulièrement des remboursements en compte courant effectués en 2007 et 2008 mais Monsieur [C] rappelle avoir effectué personnellement des apports en compte courant pour plus de 181 000 € en 2007 et 2008 et ne percevait plus sa rémunération à partir du mois d'avril 2007.

Enfin, le mandataire se garde bien de rapporter la moindre preuve d'une quelconque incidence de ces remboursements sur l'insuffisance d'actifs.

Sur le redressement fiscal à concurrence de 98 449 € à la suite d'un contrôle réalisé en 2007 au titre de la TVA relative à l'exercice 2006.

Monsieur [C] expose qu'il provient exclusivement d'une erreur grossière de l'expert comptable qui ne peut être qualifiée de manquement grave et répété de l'entreprise à ses obligations fiscales et que la mandataire absolument pas en quoi celle-ci aurait une incidence sur l'insuffisance d'actifs.

Sur les conditions d'octroi d'un prêt de 100 000 € par la banque HSBC le 2 mars 2007,

Monsieur [C] argue que:

- le crédit correspondant a été versé au compte de la société en complément des moyens qui avaient été mis personnellement en place par M. [C] pour faire face à l'augmentation du besoin en fonds de roulement de l'entreprise.

- les conditions d'octroi de ce prêt ne constituent pas une faute de gestion en liaison avec l'insuffisance d'actifs de l'entreprise car la société TRP TRANSPORTS a commencé à le rembourser en sorte que si la déchéance du terme n'avait pas été prononcée, l'entreprise aurait été en mesure de faire face au paiement de celui-ci.

Par ailleurs, il s'est porté caution solidaire de la société pour son remboursement auquel il est d'ailleurs distinctement tenu.

Sur le transfert de contrats de travail à la société TRANPORTS LAURENT NOIRET.

Monsieur [C] soutient que ce grief ne repose que sur des déclarations malveillantes de salariés ayant soit créé leur entreprise concurrente, soit étant partis directement à la concurrence et dès lors elles n'ont aucune force probante puisque n'ayant pas été établies dans les conditions prévues par les dispositions des articles 202 et suivants du Code de Procédure Civile.

Et en transférant ces contrats de travail, il a voulu purement et simplement éviter des mesures de licenciement, soulignant qu'on ne voit pas non plus, à cet égard, à quel titre cette situation aurait pu avoir une incidence sur l'insuffisance d'actifs reprochée.

Compte tenu de ces circonstances, Monsieur [C] demande à la cour de dire que les fautes qui lui sont reprochées ne peuvent en l'état constituer des fautes de gestion et qu'à supposer une faute établie, aucune n'a pu contribuer à l'insuffisance d'actif.

A titre infiniment subsidiaire, il demande à la Cour de dire et juger que la contribution qui serait mise à sa charge, ne soit que symbolique.

SUR LA SANCTION PERSONNELLE

M. [C] demande également à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de dire qu'il n'y a lieu ni à faillite personnelle, ni à interdiction de gérer à son encontre dès lors que :

- il a tout fait pour tenter de maintenir l'activité de son entreprise et les contrats de travail,

- il n'a tiré aucun profit à titre personnel, il a même contribué directement ou par ses cautions, à garantir les engagements de la société.

Monsieur [C] demande donc à la cour de:

- infirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la SCP [O], ès qualités, de l'intégralité de ses demandes.

- condamner la SCP [O], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner la SCP [O], ès qualités, en tous les dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

*

La SCP [O] demande, à l'inverse, à la cour de:

- Déclarer Monsieur [C] irrecevable ou du moins mal fondé en son exception de nullité de l'assignation délivrée le 16 mars 2011 par la SCP [O] ès qualité.

- juger que le rapport du juge-commissaire peut être écrit ou oral et que tel a été le cas en l'espèce.

- juger qu'en tout état de cause, ce rapport n'a pas à être établi antérieurement à l'assignation et que son absence ne peut en aucune manière entacher cette dernière de nullité.

En conséquence, à titre subsidiaire.

- Débouter Monsieur [C] de sa demande d'annulation de l'assignation délivrée le 16

mars 2011 à la requête de la SCP [O] ès qualité.

- Juger que par l'effet dévolutif, la Cour est saisie de l'entier litige.

En conséquence,

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur [P] [C] au

paiement de la somme de 418.290 € au profit de la SCP [O] en sa qualité de liquidatrice de la société TRP TRANSPORTS.

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé à l'encontre de Monsieur [C] une mesure d`interdiction de gérer pour une durée de huit ans.

Subsidiairement, au cas où la Cour annulerait le jugement dont appel,

- Condamner Monsieur [P] [C] au paiement de la somme de 418.290 € au profit de la SCP [O] ès qualité de liquidatrice de la société TRP TRANSPORTS.

- Prononcer à l'égard de Monsieur [P] [C], la faillite personnelle ou l'interdiction de diriger, gérer et administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale toute exploitation agricole ou toute personne morale.

- Condamner Monsieur [C] au paiement d'une somme de 1.500 € au titre de l'article

700 du Code de Procédure Civile.

- Le condamner aux entiers dépens.

SUR L`EXCEPTlON DE NULLlTE DE L`ASSIGNATION :

la SCP [O] soutient que Monsieur [C] n`ayant en aucune façon invoqué devant le Tribunal de Commerce de Meaux la nullité de l'assignation délivrée le 16 mars 2011 et ayant conclu au fond, il n'est pas recevable en son moyen.

SUR LA NULLITE DU JUGEMENT DONT APPEL :

La SCP [O] soutient que :

- le rapport du juge-commissaire doit être impérativement distingué du rapport du juge commis visé à l'article R 651-5 du Code de Commerce.

- le rapport établi par le juge-commissaire ou le juge commis ne concerne en premier lieu que la situation patrimoniale des dirigeants.

- la désignation de ce juge commis est facultative et en l'espèce, le Tribunal n`a pas usé de la faculté qui lui était offerte par l'article L 651-4 du Code de Commerce.

- s`agissant du rapport du juge-commissaire visé à l'article R 662-12 du Code de Commerce, il est indifféremment écrit ou oral et en l'espèce, il a été oral.

- il n`a pas à être établi avant l'assignation ni naturellement à être délivré concomitamment à celle~ci.

La SCP [O] ajoute que si la Cour devait être amenée à annuler le jugement du Tribunal de Commerce de Meaux, l'effet dévolutif la conduira à statuer à nouveau, raison pour laquelle la SCP [O] reprendra devant la Cour ses moyens et arguments.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

La SCP [O] considère qu'il peut être reproché à Monsieur [C]:

* d`avoir poursuivi l'exploitation déficitaire de la société TRP TRANSPORTS alors que celle-ci se trouvait en état de cessation des paiements puisque le jugement d'ouverture (24 novembre 2008) a fixé provisoirement la date de cessation des paiements de la société au 30 juillet 2008, et l'examen des créances déclarées entre les mains de la SCP [O] fait ressortir que la société TRP TRANSPORTS s'est révélée incapable de payer son passif exigible dès le 30 avril 2007 car la société n'avait aucune réserve de trésorerie pour faire face à son passif (pièce 4, pages 40 et 41).

En conséquence, la date réelle de cessation des paiements de la société TRP TRANSPORTS peut être fixée au 30 avril 2007 et dès lors que Monsieur [C] avait l'obligation de procéder à la déclaration de cessation des paiements de l'entreprise au plus tard le 15 juin 2007.

Et cette faute est directement à l'origine du préjudice subi par les créanciers puisque les créanciers dont les créances sont nées postérieurement, n'existeraient pas.

D'ailleurs, au cours des dix premiers mois de Pannée 2008, la société TRP TRANSPORTS a réalisé une perte d'exploitation de 418.685 € (pièce 4, page 19).

* d`avoir effectué des paiements préférentiels : Monsieur [C] a effectué alors que la société TRP TRANSPORTS se trouvait en état de cessation des paiements, un certain nombre de paiements préférentiels :

$gt; à hauteur de 8.405,60 € entre le 1er mai et le 31 décembre 2007 (pièce 4, pages 31 et 32),

$gt; à hauteur de 26.077,70 € au cours des dix premiers mois de l'année 2008,dont un remboursement de 15.000 € le 15 octobre 2008, soit à moins d'un mois du dépôt de bilan (page 4, pages 31, 32 et 33).

er septembre 2008 puisque Monsieur [C] a fait payer par la société TRP TRANSPORTS à une SCI DUO cette somme de 3.600 € (page 42) alors qu' il est associé et gérant de cette SCI qui avait consenti un bail à la société TRP TRANSPORTS, bail résilié fin 2007.

Or, ces paiements préférentiels sont également directement à l'origine du préjudice subi par les créanciers de la société TRP TRANSPORTS en ce qu'ils ont eu pour conséquence de les priver d'une partie de leur gage.

* d'avoir accru le passif en ce que Monsieur [C] a sous-déclaré la TVA due par la société au cours de l'année 2006, à hauteur d`une somme de 106.027 € (pièce 4, page 30).

* d'avoir commis des détournements d'actif puisque:

- Monsieur [C] a cédé à une société TRANSPORT RAPID COURSE, le 31 août 2008 (ou le 31 octobre 2008) de six semi-remorques et d`un camion tracteur au prix de 2.500 €, étant précisé que ces véhicules sont en fait aujourd'hui la propriété de la société TRANSPORTS LAURENT NOIRET évoquée ci-dessus (pièce 4, pages 49 et 50) - au surplus, à vil prix puisqu'ils avaient été déclarés par la société TRP TRANSPORTS à son courtier d`assurances au prix de 78.500 € (pièce 4, pages 54 et 55).

- à la même date du 15 octobre 2008, la société TRP TRANSPORTS a cédé à la société TRANSPORT RAPID COURSE deux bennes en crédit-bail (pièce 4, pages 56, 57 et 58).

- parallèlement, la société TRP TRANSPORTS a 'donné' (sic) à la société TRANSPORTS DISITRIBUTIONS STOCKAGES, TDS, trois véhicules, une NISSAN d`une valeur de 20.000 € (valeur déclarée au courtier d`assurances), une RENAULT KANGOO d`une valeur de 6.000 € (valeur déclarée au courtier d'assurances) et une PEUGEOT 206 d`une valeur de 4.000 € (valeur déclarée au courtier d`assurances) (pièce 4, pages 62 et 63).

- en date du 3 novembre 2008, neuf des dix salariés de la société TRP TRANSPORTS ont vu leurs contrats de travail transférés à la société TRANSPORTS LAURENT NOIRET, quatre de ces salariés ayant indiqué que cette opération avait été effectuée dans le cadre d'un véritable harcèlement de la part de Monsieur [C] (pièce 4, pages 45 et 46).

- le principal client de la société TRP TRANSPORTS, la société LES MOULINS DE PARIS (60% du chiffre d'affaires de l'entreprise) soit devenu le client de la société TRANSPORTS LAURENT NOIRET (pièce 4, page 47).

Ces éléments caractérisent le dépeçage de la société TRP TRANSPORTS soigneusement organisé par Monsieur [C] au préjudice des créanciers de l'entreprise, c'est à dire un véritable détournement du fonds de commerce de la société TRP TRANSPORTS au profit d`une société TRANSPORTS LAURENT NOIRET. EURL constituée le 26 octobre 2008 et immatriculée le 24 novembre 2008 (pièce 4, page 44).

Sur la sanction personnelle :

La SCP [O] rappelle que'il résulte des dispositions combinées des articles L 653-4 alinéa 5, L 653-5 alinéa 4 et L 653-8 alinéa 3 du Code de Commerce que le Tribunal peut prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de diriger contre tout dirigeant d`une personne morale auquel il peut être reproché

- d'avoir détourné tout ou partie de l'actif de la personne morale

- d' avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers

- d' avoir omis de demander l`ouverture d`une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements et que ces comportements sont suffisamment établis par les fautes ci-dessus rappelées. .

Il est ainsi demandé à la Cour de confirmer la décision dont appel au titre de la sanction personnelle prononcée et, en cas d'annulation du jugement, d`apprécier s'il y a lieu à faillite personnelle ou à interdiction de gérer contre Monsieur [C].

Monsieur l'avocat général sollicite devant la Cour la confirmation du jugement sur la sanction personnelle, s'en rapportant à la sagesse de la cour sur la sanction patrimoniale.

MOTIFS :

SUR CE,

Sur la nullité de l'assignation délivrée le 16 mars 201 1 par la SCP [D] et du jugement au motif que n'auraient pas été respectées les dispositions de l'article R.662-12 du code de commerce

La Cour observe que par son précédent arrêt, elle a tranché la question de la recevabilité du moyen et celle de la nullité et qu'il n'y a lieu d'y revenir, l'audience du 28 juin 2013 ayant pour objet d'aborder le fond de l'action.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

Il résulte des dispositions de l'article L 651-2 du Code de Commerce que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, ce qui est le cas, le Tribunal peut décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté en tout ou en partie par les dirigeants de droit ou de fait, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif.

Elle relève que la SCP [O], à l'appui d'un rapport conséquent sur lequel Monsieur [C] a eu le temps de se pencher au regard des errements de la procédure, articule un certain nombre de fautes de gestion sur lesquelles Monsieur [C] n'apporte aucune réponse concrète se contentant de mettre en cause la crise économique, ses ennuis de santé et la démission d'un salarié d'un côté et de l'autre ses efforts pour rechercher des fonds pour permettre la poursuite de l'exploitation alors qu'il est établi que les conditions de ces financements étaient anormales et que l'insuffisance d'actif nait pour l'essentiel de cette période de poursuite d'exploitation déficitiaire (perte d`exploitation de 418.685 € au cours des dix premiers mois de l'exercice 2008) au point que la date réelle de cessation des paiements est bien antérieure à celle retenue par le jugement d'ouverture de la procédure.

Et les fautes retenues sont d'autant plus en relation avec l'insuffisance d'actif créée que contre un apport - dont il ne justifie pas l'origine - de 257 063€, il a par ses actes de gestion directement diminué l'actif de 295 110.50€ au moyen de détournements d'actif, perte ou cession d'actifs et plus généralement un détournement du fonds de commerce de la société TRP TRANSPORTS au profit d`une société TRANSPORTS LAURENT NOIRET. EURL constituée le 26 octobre 2008 et immatriculée le 24 novembre 2008 avec le transfert des contrats de travail, de la clientèle et des moyens de production.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la sanction personnelle :

Il résulte des dispositions combinées des articles L 653-4 alinéa 5, L 653-5 alinéa 4 et L 653-8 alinéa 3 du Code de Commerce que le Tribunal peut prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de diriger contre tout dirigeant d`une personne morale auquel il peut être reproché :

$gt; d'avoir détourné tout ou partie de l'actif de la personne morale (article L 653-4 alinéa 5), ce qui est le cas en l'espèce ainsi que le rappellent les écritures de la SCP [O],

$gt; d'avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers (article L 653-5 alinéa 4), ce qui est le cas en l'espèce ainsi que le rappellent les écritures de la SCP [O],.

$gt; d' avoir omis de demander l`ouverture d`une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements (article L 653-8 alinéa 3), ce qui est le cas en l'espèce ainsi que le rappellent les écritures de la SCP [O],.

La cour observe que sans dénier les actes de gestion correspondant à ces qualifications juridiques, Monsieur [C] se contente d'affirmer que:

- il a tout fait pour tenter de maintenir l'activité de son entreprise et les contrats de travail alors que le contraire est démontré dans le rapport OCA,

- il n'a tiré aucun profit à titre personnel alors qu'il est établi par le même document que les détournements d'actifs était à son bénéfice,

- il a même contribué directement ou par ses cautions, à garantir les engagements de la société alors qu'il ressort de l'analyse des bilans qu'il a abusivement poursuivi une exploitation manifestement déficitaire l'obligeant à recourir à des moyens de financer l'exploitation de façon externe irrégulière lui donnant le temps d'organiser le détournement du fonds de commerce.

La décision du premier juge sera donc également confirmée sur ce point.

Il ne parait pas opportun de faire droit aux demandes d'article 700 Code de Procédure Civile et les dépens seront mis à la charge de Monsieur [C] qui succombe en son appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Meaux en date du 23 janvier 2012 en toutes ses dispositions

Condamne Monsieur [P] [C] aux dépens, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile

Rejette toutes autres fins, moyens ou conclusions

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

V.PERRET F. FRANCHI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/02253
Date de la décision : 19/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°12/02253 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-19;12.02253 ?
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