RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 19 Septembre 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11021
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° 08/14537
APPELANTE
Madame [U] [T] [E] née [G]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe TROUCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0084 substitué par Me Bettina BORALEVI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société LE MEURICE SPA (Société de droit Italien)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Frédérique MESLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372 substituée par Me Béatrice BRUGUES-REIX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, Conseiller ayant participé au délibéré, par suite d'un empêchement du Président et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre 2007, Madame [U] [G] a été engagée en qualité de gouvernante générale, statut cadre au forfait jours, par la SPA LE MEURICE. La convention collective applicable aux relations contractuelles est celle des hôtels de tourisme, trois, quatre et quatre étoiles luxe ainsi que la convention collective des hôtels cafés restaurants. La rémunération mensuelle brute était fixée à 4500 € bruts sur 13 mois.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 octobre 2008, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement. L'entretien s'est tenu le 24 octobre 2008.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 octobre 2008, Madame [U] [G] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Contestant son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 5 décembre 2008 afin d'entendre condamner son employeur à lui payer les sommes suivantes:
- dommages et intérêts pour rupture abusive 54 600,00 €
- heures supplémentaires 30 044,62 €
- indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires 3 005,00 €
- article 700 du Code de Procédure Civile 3 000,00 € .
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [U] [G] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 18 octobre 2010 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.
Vu les conclusions en date du 19 juin 2013, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [U] [G] demande à la cour :
- de dire et juger que son licenciement repose sur aucune cause réelle ni sérieuse,
- dire et juger le forfait jours nul,
En conséquence,
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer la somme de 106 000 € au titre du préjudice subi du fait de ce licenciement,
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer la somme 46 786,90 € à titre
de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer a somme de 49 120,12 € à
titre de dommages et intérêts au titre du repos compensateur
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer la somme de 25 266,17 € à titre de rappel de préavis et de congés payés afférents,
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer à madame [E] la somme de 73 238,04 € au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L8223-1 du Code du travail,
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer la somme de 20 080,91€ à titre de dommages et intérêts au titre de la perte d'indemnisation chômage sur la base de l'article 1382 du Code civil ,
ORDONNER la régularisation de la situation de madame [T] [E] auprès des organismes de retraite
- d'ordonner la délivrance de bulletins de salaire conformes sous astreinte définitive ,
- d'ordonner l'anatocisme en vertu de l'article 1154 du Code civil
- de condamner la société LE MEURICE S.P.A. à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du CPC.
Vu les conclusions en date du 19 juin 2013, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SPA LE MEURICE demande à la cour:
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- de débouter Madame [G] de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner Madame [G] à payer à l'Hôtel Le Meurice la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code Procédure Civile ainsi qu'aux entiers
dépens.
SUR CE :
Sur la demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et du coup repos compensateur :
Considérant que, si antérieurement à la loi du 20 août 2008, une convention en forfait jours pouvait être conclue avec un salarié qui avait la qualité de cadre et se trouvant autonome dans l'organisation de son emploi du temps, la possibilité de conclure une telle convention devait être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ;
Considérant que le contrat de travail de la salariée, en son article un, stipule : " Madame [G] ...est engagée en qualité de gouvernante générale au statut de cadre (au forfait jours); que le contrat de travail renvoie aux dispositions conventionnelles fixées par l'accord d'entreprise du 19 mai 2000, révisé en 2006, régulièrement enregistré auprès du conseil de prud'hommes de Paris et auprès de la direction du travail le 16 octobre 2006 et affiché dans les locaux de l'entreprise ; que le niveau de rémunération de la salariée, en rapport avec les sujétions qu'elle avait acceptées, tenait compte d'un nombre de 12 jours de RTT;
Considérant, en conséquence, étant précisé que les premiers juges n'ont pas statué sur ce chef de demande, qu'il convient de débouter l'appelante de ces chef s de demandes ;
Sur le licenciement :
Considérant que la lettre de licenciement qui lie les parties et le juge est ainsi rédigé :
« Depuis plusieurs mois nous nous sommes ouverts à vous pour vous reprocher un trop grand laxisme devant les successions d'erreurs commises dans les étages. Voyant que rien n'était, fait de votre part, nous avons commencé à vous adresser des reproches par écrit.
Comme nous vous l'avons dit lors de l'entretien, cela concerne un grand nombre de plaintes clients. Nous vous avons développé les emails, qui vous ont été envoyés par voire directeur de département,
Pour indiquer Insatisfaction de clients concernant le service des 9-5 ; 12- 9; 24- 9, 27-9 ; 29-9 ; 4-10 ; 5-10 ; 6-10 ; 7-10 ; 8-10 ; 9-10 ; 10-10;
Pour rappeler des consignes à la suite de problèmes 4-7; 25-8; 23-9 ;
Des dysfonctionnement du service 18-9 ; 19- 9 ; 22-9 ; 29-9 ; 30-9 ; 30-9 ; 2-10 ; 7-10 ;
Vos commentaires « je l'ai attrapée » parlant d'une femme de chambre le 12/9. « j'ai attrapées la gouvernante et la femme de chambre)/ le 2/10. Cela n'a en rien changé la succession d'erreurs.
Nous vous recherchons une adjointe efficace, vous hésitez à la prendre, pour finalement la mettre de repos 9 jours sur ses 22 premiers jours de présence, sachant qu'elle a eu dans ce laps de temps un jour de formation. Vous nous écrivez que c'est à sa demande, ce qui nous étonne.
L.'ayant contactée, non seulement elle n'a rien demandé, mais plus encore elle vous a fait part de sa gène d'avoir tant de repos alors qu'elle était en période d'essai et vous a proposé de venir les mercredi et jeudi. Elle attend encore votre réponse.
Un tel comportement de votre part ne peut se justifier que par votre refus concernant ce recrutement et votre désir de ne surtout rien changer.
Lorsque je vous copie d'un email m' étonnant de votre réserve, vous me répondez, « je ne vois pas de quels dysfonctionnement parle M [Z] ' » ce qui est pour le moins surprenant au vu de l 1 importance de l'échange emails de ces derniers mois sur ces thèmes vous concernant.
Il n'y a rien dans votre comportement qui nous permette d'espérer que cette pluie de réclamations va finalement s'arrêter. Vous ne prenez, aucune mesure de votre propre initiative allant dans ce sens, pas de formation, pas de coaching, pas de sanction. Vous semblez avoir renoncé à l'exercice de votre rôle de chef de service ou d'en être totalement incapable. Nous ne voyons donc pas d'autre solution que celle de mettre fin à nos relations contractuelles par un licenciement pour insuffisance professionnelle, qui est justifiée par tous les problèmes soulevés au quotidien pour lesquels vous n'avez apporté aucune solution.
L'envoi de ce courrier marquera votre licenciement, Compte tenu de votre comportement, nous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui vous sera payé. Vous disposez d'un droit au DIF de 12 heures dont vous pouvez disposer..."
Considérant que la salariée a été recrutée au poste de gouvernante générale en raison de ses expériences professionnelles et s'est vu offert un haut niveau de rémunération ; que ses fonctions reprises au descriptif de poste lui faisaient obligation, notamment, de superviser l'organisation du travail de l'équipe en particulier de nettoyage, d'encadrer la gestion du personnel, de veiller au respect des règles d'hygiène et de sécurité et de définir les niveaux de compétences nécessaires aux divers postes supervisés; que cette fonction nécessitait pour le moins, une aptitude à gérer les équipes et à responsabiliser les collaborateurs en se montrant exigeante compte tenu du niveau d'excellence recherché par l'établissement hôtelier;
Considérant que le juge, qui ne saurait substituer son appréciation à celle de l'employeur quant aux capacités professionnelles de la salariée, doit s'assurer que l'incompétence alléguée repose sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur;
Considérant que la société intimée verse aux débats de très nombreux courriels, dont Madame [G] a été destinataire, reprenant les défaillances du personnel placé sous l'autorité de la gouvernante générale ; que cette dernière, qui ne conteste pas la matérialité des faits relatés dans les courriels, a vu son attention appelée par la direction afin de mettre fin à une déficience de la qualité du service rendu engendrant l'in satisfaction de clients exigeants ; que face à cette situation, la salariée ne justifie d'aucune action de nature à renforcer le respect des procédures de " houskeepping" par les gouvernantes et les femmes de chambre ; que les réponses timorées faites à la direction sur ces questions démontrent que la salariée n'avait pas pris la mesure de ses fonctions dans un hôtel de prestige ; que la multiplication des incidents et des défaillances, notamment dans la gestion du planning des femmes de chambre, ont également contribué à avoir des répercussions dans la bonne marche de l'entreprise ; qu'en conséquence l'insuffisance professionnelle étant établie il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [G] de ses demandes au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie concerne la charge de ses frais irrépétibles;
PAR CES MOTIFS
DECLARE l'appel recevable,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT :
DEBOUTE Madame [U] [T] [E] née [G] de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNE Madame [U] [T] [E] aux dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ