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18/09/2013 | FRANCE | N°11/11120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 18 septembre 2013, 11/11120


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 Septembre 2013

(n° 12 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11120-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/01385





APPELANTE

SARL TIRUPPUR TRADING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée

par Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL, substituée par Me Philippe BAYLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0728







INTIMÉ

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 Septembre 2013

(n° 12 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11120-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 09/01385

APPELANTE

SARL TIRUPPUR TRADING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL, substituée par Me Philippe BAYLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0728

INTIMÉ

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

Le 21 septembre 2006, M [Z] [X] était engagé par la société EURAC, par contrat à durée déterminée, puis à compter du 23 mars 2007 par contrat à durée indéterminée

À la suite d'un transfert des activités de cette société à la Sarl TIRUPPUR Trading, le contrat de travail de M [Z] [X] était également transféré, le contrat du salarié avec la Sarl EURAC se trouvant rompu d'un commun accord. M [Z] [X] était engagé, le 1er octobre 2007, en qualité d'acheteur chargé de rechercher des fournisseurs en Inde, Bangladesh, et Pakistan, catégorie cadre, suivant contrat à durée indéterminée, par la Sarl TIRUPPUR Trading, pour une rémunération brute forfaitaire mensuelle de 4270 €.

Une disposition portant paiement d'une clause pénale était annexée au contrat, prévoyant une éventuelle contestation du salarié relativement à l'exécution ou la rupture de son travail et s'élevant à 430 € par mois à compter du 1er octobre 2007 sous forme d'avance sur d'éventuels dommages et intérêts « en réparation de l'ensemble des préjudices qui pourraient résulter de l'exécution et de la rupture du contrat de travail que M [Z] [X] pourrait obtenir suite à une décision d'ordre conventionnel ou judiciaire ».

Par LRAR du14 novembre 2008 M [Z] [X] était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 novembre, une mise à pied conservatoire lui étant également notifiée.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 décembre 2008 la Sarl TIRUPPUR Trading notifiait à M [Z] [X] son licenciement pour faute grave.

M [Z] [X] saisissait alors le conseil de prud'hommes de Paris le 4 février 2009 , :

- sollicitant la requalification de son contrat de travail dès l'origine de son embauche par la Sarl EURAC

-contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant diverses indemnités en conséquence ainsi que le paiement du salaire de la mise à pied ;

-sollicitant également une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé .

Celui-ci par jugement du 18 juillet 2011,

-requalifiait le contrat de travail de M [Z] [X] en contrat à durée indéterminée depuis le 21 septembre 2006, celui-ci ayant toujours exercé les mêmes fonctions, successivement au sein des deux sociétés, présentant entre elles des liens étroits.

-disait que la faute grave n'était pas établie

-relevait qu'il « n'était pas contesté que la somme versée mensuellement au titre de la clause pénale n'avait pas été assujettie aux déclarations sociales obligatoires en vigueur ». Le conseil de prud'hommes condamnait la Sarl TIRUPPUR Trading à payer à M [Z] [X] les sommes suivantes :

-3133 € de salaire de mise à pied, congés payés de 10 % en sus ;

-12 810 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus ;

-2063 € d'indemnité de licenciement ;

-20 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

-500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

La Sarl TIRUPPUR Trading a régulièrement formé le présent appel contre cette décision .

Contestant notamment l'absence de motifs de la décision des premiers juges en ce qui concerne la qualification de la rupture du contrat de travail, elle demande à la cour de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [Z] [X] a formé appel incident. Il demande à la cour de confirmer partiellement la décision du conseil de prud'hommes en ce qui concerne les sommes allouées au titre du préavis, de l'indemnité de licenciement, et du salaire de mise à pied.

Il demande infirmation du surplus sollicitant la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 21 septembre 2006 en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la Sarl TIRUPPUR Trading à lui payer :

-4270 € d'indemnité de requalification,

-35 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

-25 620 € de dommages-intérêts pour travail dissimulé

-4500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés avant l'ensemble de la procédure.

L'entreprise compte moins de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de M [Z] [X], forfaitaire dans la limite de 39 heures par semaine, était de 4270 €.

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée avec Eurac en contrat à durée indéterminée

L'employeur soutient que lors du transfert entre Eurac et la Sarl TIRUPPUR Trading, il a été convenu d'un commun accord avec le salarié que le contrat à durée indéterminée conclu entre Eurac et M [Z] [X] serait rompu pour laisser la place à un nouveau contrat établi entre la Sarl TIRUPPUR Trading et le même salarié.

Aussi selon lui, quels que soient les liens existant en réalité entre les deux sociétés successives employeurs de M [Z] [X], celui-ci n'est pas recevable à demander contre la Sarl TIRUPPUR Trading la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée signé avec l'entreprise EURAC.

La cour relève toutefois, que l'employeur ne conteste pas sérieusement les dires du salarié quand il affirme que la SARL Eurac et la Sarl TIRUPPUR Trading, appartiennent à un même groupe, auquel appartient d'ailleurs également l'entreprise Futura Finances, mentionnée ci-après comme, in fine, acheteur des marchandises.

Elle relèvera également , non sans s'interroger, les termes de l' « accord de transfert » du 1er octobre 2007 signé par le salarié et les deux entreprises Eurac et TIRUPPUR Trading: « par les présentes, M [Z] [X] et la SARL Eurac rompent d'un commun accord leur contrat à durée indéterminée en cours. En effet, M [Z] [X] engagé par la Sarl TIRUPPUR Trading en qualité d'acheteur Inde, Bangladesh, Pakistan et autres pays (en)accord avec la direction, depuis le 21 septembre 2006, accepte à compter du 1er octobre 2007 d'occuper le poste d'acheteur Inde, Bangladesh, Pakistan et autre pays, en accord avec la direction au sein de la Sarl TIRUPPUR Trading pour une rémunération mensuelle de 4270 € '»

Cet accord de transfert, qui comporte à tout le moins un lapsus révélateur, en ce qu'il dit transférer M [Z] [X] de la Sarl TIRUPPUR Trading à la Sarl TIRUPPUR Trading, comporte en outre mention de ce que « la Sarl TIRUPPUR Trading reprendra l'ancienneté de M [Z] [X] ainsi que ses droits à congés payés acquis à la date du transfert dans la SARL Eurac... »

Cet accord de transfert est doublé d'un contrat de travail signé le même jour entre la Sarl TIRUPPUR Trading et le salarié, qui prévoit tout à la fois une reprise des mêmes fonctions, sur la même zone géographique et pour le même salaire

Dès lors, la cour considère au vu de ces différents éléments, qu'aux termes du contrat qui la lie à M [Z] [X], la Sarl TIRUPPUR Trading, qui succède à la SARL EURAC, peut se voir valablement opposer la demande de requalification du contrat de travail initial en contrat à durée indéterminée.

Le salarié est donc recevable en cette demande.

Au-delà, si M [Z] [X] a manifestement occupé depuis l'origine, c'est-à-dire le 21 septembre 2006, les mêmes fonctions, ce dont il déduit qu'il a en réalité occupé un poste permanent, la cour, dira cependant que le recours à un contrat à durée déterminée était légalement justifié la Sarl EURAC précisant : « le présent contrat de travail est conclu en vue de faire face à un accroissement temporaire de l'activité habituelle de la Sarl EURAC. Cet accroissement temporaire découle de la mise en place d'un test sur l'opportunité de développer des achats en Inde, Bangladesh, Pakistan, et autres pays en accord avec la direction », test dont la réalité n'est pas contestée par le salarié, qui a vu ensuite son contrat transformé en contrat à durée indéterminée.

Il sera donc débouté de sa demande de requalification en CDI à compter du 21 septembre 2006.

Sur la rupture du contrat de travail de M [Z] [X]

Dans la lettre de licenciement pour faute grave adressée par la Sarl TIRUPPUR Trading à M [Z] [X] le 5 décembre 2008 celle-ci indique :

« deux caisses maritimes en provenance d'Inde , expédiées par le fournisseur société Eason Buying Services ont été réceptionnées le 16 octobre, ainsi qu'une troisième caisse maritime le 27 octobre 2008. Il a alors été constaté que les marchandises livrées ne correspondaient aucunement aux échantillons validés antérieurement par les chefs produits de notre cliente en effet :

-des produits commandés n'ont pas été réceptionnés ; (pour un montant total de 9177 €).....

-à l'inverse des produits de marque ont été réceptionnés malgré un refus de commande.....(ces produits ne pouvant être commercialisés en France faute d'autorisation des titulaires de la marque)

-un grand nombre de non-conformités ont été décelées lors du contrôle des marchandises à la réception (problème d'impression, de finitions, de coût , articles sans composition textile indiquée, qualité du tissu ne correspondant pas à l'échantillon validé)

-des produits ont été reçus en quantité différente de celle commandée et payée......

en qualité d'acheteur vous aviez les missions suivantes :

-rechercher des fournisseurs capables de satisfaire les conditions de prix, de qualité et de délais d'approvisionnement

-envoyer les échantillons et les détails nécessaires à leur évaluation par les chefs de produits de notre cliente

-négocier les prix et les quantités décidés par les chefs de produits de notre cliente

-gérer le transit time

-suivre l'expédition des commandes et contrôler les produits avant leur expédition

-gérer les litiges avec les fournisseurs.

Vous aviez donc pour obligation de contrôler les trois caisses maritimes avant expédition de la marchandise. Pour ce faire, 21 juillet 2008, vous avez reçu pour directives de vous rendre à Tiruppur, afin de procéder au contrôle de ces marchandises, divers litiges étant en cours avec le fournisseur société Eason Buying Services .

Cependant, vous n'avez en aucun cas respecté ces dernières, n'ayant procédé à aucun contrôle quantitatif ni qualitatif des produits contenus dans ces trois caisses maritimes. En effet, avant votre départ à Tiruppur, vous n'avez emmené aucun des échantillons et les bons de commande pour procéder à ce contrôle. Vous auriez pourtant dû contrôler les commandes, à savoir le type de produits, la quantité, les coloris, la qualité, la présence de la composition textile et du type de conditionnement.

Les produits réceptionnés en France courant octobre 2008 sont invendables dans le réseau de magasins de notre client. Ces fautes inacceptables ont engendré de graves conséquences, notamment une importante perte financière, et auraient pu engager la responsabilité pénale de la Sarl TIRUPPUR Trading.' Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, licenciement qui prend effet le 5 décembre 2008' »

L'employeur pour fonder le licenciement pour faute grave, reproche donc au salarié une exécution critiquable des missions qui étaient les siennes en tant qu'acheteur international.

Le salarié conteste notamment les termes de la lettre de licenciement en faisant valoir qu'il n'était pas en charge de la passation des commandes et ne pouvait intervenir pour le suivi des clients que s'il était effectivement informé des difficultés rencontrées lors des livraisons.

La cour relèvera tout d'abord que si dans le contrat de travail signé avec l'EURL Eurac le 16 mars 2007 les fonctions du salarié étaient relativement précises (rechercher,évaluer, sélectionner les fournisseurs capables de satisfaire les conditions de prix qualité et délai d'approvisionnement ; lancer les appels d'offres et analyser les propositions ; négocier,rédiger et suivre les contrats; passer les commandes aux fournisseurs, suivre l'exécution des commandes, contrôler les livraisons et les factures», en revanche, le « nouveau »contrat de travail du 1er octobre 2007 se borne au sujet des « fonctions et attributions » à dire :

« le salarié accepte que les fonctions qui lui sont confiées pourront être modifiées par la Sarl TIRUPPUR Trading en fonction des nécessités d'administration et de gestion ».

Une telle formulation permet difficilement de caractériser les manquements invoqués au regard d'obligations contractuelles de l'intéressé particulièrement floues.

Il est toutefois constant que pour rechercher ses fournisseurs, M [Z] [X], acheteur international, avait mis en relation son employeur avec une autre entreprise EASON Buyng Services,société de droit indien qui avait son siège social à Tiruppur en Inde.

Il n'est pas discuté que cette dernière envoyait à la Sarl TIRUPPUR Trading par l'intermédiaire de M [Z] [X] des échantillons de produits de différents fournisseurs de sa connaissance ; la Sarl TIRUPPUR Trading les transmettait aux chefs de produits de son client Futura Finances, qui procédait à la sélection et transmettait alors à la Sarl TIRUPPUR Trading à l'attention de M [Z] [X] les produits retenus avec quantités et prix à négocier.

Une fois la négociation conclue, la société Eason Buying Services faisait parvenir un accord de principe sur les prix et quantités convenus, accord validé par la Sarl TIRUPPUR Trading à laquelle la société Eason Buying Services adressait une facture pro forma.

La Sarl TIRUPPUR Trading effectuait le paiement à réception de la facture pour déclencher l'envoi de la marchandise à partir de l'Inde.

À partir de ce moment M [Z] [X] avait pour mission de suivre l'évolution des commandes et leur livraison.

Cependant, l'articulation de ses compétences et de ses missions en particulier avec celles de Mme [P] de l'entreprise Futura était manifestement complexe et mal définie.

Dès le 10 décembre 2008, et en réponse à cette lettre de licenciement, M [Z] [X] adressait à son employeur la Sarl TIRUPPUR Trading un courrier par lequel il réfutait les griefs formulés à son égard indiquant : « vous savez que toutes vos allégations sont mensongères».

Dans cette lettre, il précisait d'une part qu'il travaillait à [Localité 3] avant d'indiquer ses différentes tâches dans le cadre de ses fonctions:

-négociations avec les fournisseurs situés en Asie pour l'acquisition de produits textiles

à réception des échantillons qu'il sélectionnait en fonction du marché français au regard de la qualité du produit et de sa tendance,

-transmission de ceux-ci à la Sarl TIRUPPUR Trading.

- réception du prix à négocier et des quantités pour les produits retenus par le chef produit situé à Loiron, informations transmises par l'intermédiaire de Mme [P].

-prise de contact avec le fournisseur pour convenir du prix et des quantités

-en cas de négociation positive, transmission de la proposition faite par le fournisseur à Mme [P] qui devait alors confirmer la commande à réaliser;

-Transmission par ses soins de la commande au fournisseur, le site de Loiron prenant en main le paiement et les livraisons.

Dans cette lettre, M [Z] [X] précisait, que si d'éventuels problèmes apparaissaient à la livraison il arrivait alors qu'il soit contacté par Mme [P] pour faire établir par le fournisseur des avoirs, précisant que d'ailleurs à sa connaissance dans de tels cas les produits n'avaient jamais été retournés aux fournisseurs.

Dans cette lettre, le salarié rappelle aussi, éléments non discutés par l'employeur, que depuis son embauche en 2006, sa sélection avait donné lieu à réception de près de 100 caisses maritimes correspondant à plus de 500 commandes, sans que jamais aucun reproche ne lui ait été fait sur ses méthodes de travail.

Il assure toutefois que « il est mensonger de prétendre que j'étais chargé de passer des commandes fournisseurs puisque je transférais simplement les commandes validées par Mme [P]. J'assurais le suivi téléphonique de la commande étant physiquement rattaché à Mogador, je n'étais même pas contacté pour assurer physiquement la réception des marchandises, mon travail étant un travail de sélection de produits de fournisseurs et de négociations. Que dire alors de votre affirmation selon laquelle je devais assurer le contrôle des produits avant leur expédition ! ' »

Le salarié soutenait ensuite, qu'il n'avait pas été informé du fait que certains produits commandés n'avaient pas été réceptionnés par le client, qu'il n'avait pas commandé de produit de la marque Betty Boop, ces produits ayant été sélectionnés directement par Mme [P] et M.[F] en Inde fin octobre 2007, que si des problèmes de conformité lui avaient été soumis il n'aurait pas manqué d'intervenir comme d'habitude pour les régler.

Il précisait enfin qu'en ce qui concerne les trois containers de 40 pieds chacun, il « avait procédé au contrôle prévu par sondage seul, étant entendu que les marchandises commandées étaient « mix » et que « s'il est vrai que pour sa part il n'aurait pas passé commande de ces produits pour le marché français, cette commande a été transmise sur vos instructions », précisant toutefois que la qualité des produits était convenable ce dont il a informé Mme [P].

M [Z] [X] indique enfin que le fournisseur aurait accepté de restituer 25 000 €, ce qui est discuté.

Pour qu'un licenciement soit fondé il doit reposer sur un ou plusieurs griefs, imputables au salarié, qui doivent être objectifs, c'est-à-dire matériellement vérifiables, établis et exacts c'est-à-dire constituant effectivement la cause réelle de ce licenciement.

La cause doit également être sérieuse, en ce sens que les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour fonder le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend immédiatement impossible le maintien dans l'entreprise .

La preuve doit en être rapportée par l'employeur; la lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

En résumé, et rappelant que M [Z] [X] n'avait effectivement pas la responsabilité de passer commande, à la lecture de la lettre de licenciement, qui limite le cadre du litige, l'employeur reproche au salarié un grief principal : dans l'exécution de ses fonctions, il devait contrôler les produits avant leur expédition, ce qu'il n'aurait pas fait en l'espèce laissant les fournisseurs expédier en Europe des containers contenant des produits non conformes aux commandes.

Dans ses conclusions, l'employeur évoque un autre reproche : le salarié devait gérer les litiges avec les fournisseurs, ce qu'il n'aurait pas fait correctement, mais ce reproche qui n'est pas visé par la lettre de licenciement ne fait pas partie du débat.

De même, quand l'employeur soutient que depuis M [Z] [X] s'est associé avec le dirigeant de société Eason Buying Services dans le cadre d'une nouvelle société dénommée Eason Exim Entreprises, ou qu'il aurait appris ensuite que M [Z] [X] aurait donné à un certain nombre de fournisseurs des conseils susceptibles à nuire à la qualité des produits vendus par la Sarl TIRUPPUR Trading, ces faits ne seront pas examinés dans la mesure où ils ne participent pas au débat tel que circonscrit par la lettre de licenciement.

La cour relèvera tout d'abord que le contrat de travail du 1er octobre 2007 se borne au sujet des « fonctions et attributions » à dire : « le salarié accepte que les fonctions qui lui sont confiées pourront être modifiées par la Sarl TIRUPPUR Trading en fonction des nécessités d'administration et de gestion », ce qui permet difficilement de caractériser les manquements invoqués au regard des obligations contractuelles de l'intéressé.

S'agissant du contrôle des produits avant leur expédition, l'employeur affirme que le salarié avait reçu pour directives de se rendre à Tiruppur afin de procéder au contrôle des marchandises, divers litiges étant en cours avec le fournisseur société Eason Buying Services.

S'il rapporte la preuve de ce que M [Z] [X] a effectivement fait un voyage en Inde fin juillet, il n'établit pas que la mission qui lui était confiée alors consistait à procéder au contrôle de marchandises qui devaient parvenir en France, en containers, courant octobre soit quasiment deux mois plus tard, étant par ailleurs relevé qu'une partie des produits dont la livraison a été ensuite contestée par l'employeur aurait été commandée plusieurs mois auparavant par Mme [P] et un autre salarié. Aussi, si des reproches concernent la livraison de cette partie des commandes, (produits Betty BOOP) ils ne peuvent être dirigés contre M [Z] [X] .

Aussi, le contenu réel de la mission donnée à M [Z] [X] à l'occasion de son voyage en Inde fin juillet étant mal établi, de même que les conditions dans lesquelles il devait procéder à la vérification des importants containers qui devaient être expédiés et les moyens dont il disposait à cet effet, ainsi enfin que sa part de responsabilité personnelle dans les livraisons défectueuses, la cour, rappelant que le doute en matière de licenciement doit profiter au salarié, dira que les reproches formulés à l'encontre de M [Z] [X] sont insuffisamment précis et établis pour fonder un licenciement pour faute grave

La cour dira ce licenciement pour faute grave abusif au visa de l'article L 1235-5 du code du travail

Sur les conséquences de la rupture abusive du contrat de travail

Compte tenu de ces circonstances, de l'ancienneté du salarié dans son emploi, et du préjudice dont il justifie du fait de la rupture de son contrat de travail, la cour confirmera la somme de 20 000 € allouée par les premiers juges pour rupture abusive.

Par ailleurs, l'indemnité de préavis avec congés payés afférents et l'indemnité de licenciement ainsi que le salaire de mise à pied avec congés payés afférents octroyées par les premiers juges seront retenus et confirmés dans les mêmes termes par la cour.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Aux termes de l'article L. 8221 '5 du code du travail dernier alinéa « est réputé travail dissimulé le fait pour tout employeur' de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives au salaire, aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale »

Les parties ayant décidé de fixer forfaitairement une clause pénale de 430 € par mois de travail, l'employeur soutient qu'il s'agit de dommages et intérêts pour l'hypothèse d'une contestation par le salarié de l'exécution de la rupture de son contrat.

Toutefois, le caractère fixe mensuel et définitivement acquis de cette somme allouée à M [Z] [X], la rend assimilable à un salaire.

Or, il n'est pas sérieusement discuté que cette somme n'a pas été soumise à cotisations sociales.

Le travail dissimulé est donc établi et le contrat de travail de M [Z] [X] étant rompu celui-ci peut prétendre à l'indemnisation forfaitaire de six mois prévue par l'article 8223-1 du code du travail

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [Z] [X] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 2000 euros, à ce titre pour la procédure d'appel

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes, sauf en ce qui concerne la requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 21 septembre 2006, et la demande de dommages et intérêts travail dissimulé.

statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déboute le salarié de sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée du 21 septembre 2006 en contrat à durée indéterminée

- Condamne la Sarl TIRUPPUR Trading à payer à M [Z] [X] la somme de 25 620 € de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la Sarl TIRUPPUR Trading à régler à M [Z] [X] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/11120
Date de la décision : 18/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/11120 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-18;11.11120 ?
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