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17/09/2013 | FRANCE | N°11/10517

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 17 septembre 2013, 11/10517


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 17 Septembre 2013

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10517



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de CRETEIL section commerce RG n° 10/00981





APPELANTE



SAS PETIT FORESTIER SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Marie

-véronique LE FEVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0353





INTIME



Monsieur [Y] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Cécile BOUCHAUD-SARIHAN, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 17 Septembre 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10517

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de CRETEIL section commerce RG n° 10/00981

APPELANTE

SAS PETIT FORESTIER SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Marie-véronique LE FEVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0353

INTIME

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Cécile BOUCHAUD-SARIHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0752

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la SAS PETIT FORESTIER Services du jugement du Conseil des Prud'hommes de CRETEIL, section Commerce, rendu le 5 Septembre 2011 qui a dit que le licenciement de Monsieur [Y] [C] est sans cause réelle et sérieuse et l' a condamnée à lui payer avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation les sommes de :

859.32€ à titre de rappel sur mise à pied plus congés payés afférents

2364.78€ à titre d' indemnité de préavis plus congés payés afférents

827.64€ à titre d' indemnité de licenciement

ainsi qu' avec intérêts à compter du jugement les sommes de :

14188.68€ à titre de dommages intérêts pour rupture abusive

14888€ à titre de dommages intérêts pour non respect de l'obligation de protection et de sécurité

900€ en application de l' article 700 du Code de procédure civile, a ordonné la remise des documents conformes et a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2364.78€

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [Y] [C] né le [Date naissance 1] 1971 a été engagé par la SAS PETIT FORESTIER Services suivant contrat à durée déterminée en date du 3 Mars 2008 en qualité de frigoriste pour une durée de trois mois, il a été affecté à [Localité 1] ;

A compter du 1er Mai 2008, il a été affecté à l' agence de THIAIS sous la responsabilité de Monsieur [K] [V], chef d' atelier ; le contrat de travail a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er Juin 2008 ;

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport ; l' entreprise emploie plus de 11 salariés ;

Monsieur [Y] [C] a été arrêté en accident de travail du 18 au 25 Juin 2009 prolongé à compter du 26 Juin jusqu' au 10 Juillet 2009 puis toujours en accident de travail du 2 au 27 septembre 2009 ;

Le 18 novembre 2009 Monsieur [Y] [C] a été convoqué à un entretien préalable en vue d' un licenciement fixé au 26 Novembre 2009 avec mise à pied conservatoire ;

A même date, dans la plainte qu' il a déposée contre Monsieur [V], Monsieur [Y] [C] relate qu' à partir du mois de Juin 2008 ce dernier s' était livré sur lui à des attouchements de nature sexuelle pendant qu' il se trouvait dans des positions spéciales nécessitées par le travail qu' il effectuait ( il lui mettait la main aux fesses de façon insistante et mettait le majeur pour essayer de pénétrer l' anus mais il ne l' a jamais fait) , que cela s' est produit à peu près six fois en tout et que cela a duré trois ou quatre mois et que cela fait plus d' un an qu' il ne lui a pas « mis de main aux fesses », qu' il a signalé ces gestes à ses responsables, que plusieurs réunions ont été mises en place pour parler des problèmes mais que rien n' a été fait, que l' un de ses responsables lui a même dit qu' il ne fallait pas qu' il prenne mal les gestes de Monsieur [V] que c' était des gestes amicaux ; il indique que depuis octobre 2008 Monsieur [V] lui fait des gestes obscènes avec sa langue en la tirant environ deux fois par semaine, qu' il n' en peut plus mentalement, qu' il est à bout ; il indique dans cette plainte avoir demandé à Monsieur [V] d' arrêter et que ce dernier lui répondait « mais on rigole », il ajoute, pour lui c' était un geste amical.

Monsieur [Y] [C] mentionne dans cette plainte l' incident du 17 Novembre 2009, indique qu' il s' était blessé, qu' il avait demandé du désinfectant à ses responsables, qu' ils « ont fait semblant de s' inquiéter de ce qui m' arrivait et cela m' a énervé car je sais très bien qu' ils n' en ont rien à faire de moi, la preuve ils n' ont rien fait pour mon problème avec Monsieur [V]. Puis je suis allé vers la pharmacie et ils m' ont suivi. Je leur ai dit de me laisser tranquille, mais ils ont continué. D' énervement, je me suis retourné et j' ai levé la jambe en l' air dans leur direction comme pour mettre un coup de pied mais ce n' était pas pour les frapper, c' était juste pour leur faire comprendre qu' ils devaient me laisser tranquille. Puis ce matin quand je suis arrivé, on m' a dit que j' étais mis à pied et qu' une procédure de licenciement était mise en place. J' ai fait cela car je suis à bout et que j' ai eu beau dire verbalement ce qu' il se passait avec mon chef, mes responsables n' en ont pas tenu compte » ;

Le 30 novembre 2009,Monsieur [Y] [C] a été licencié pour faute grave constituée par une attitude injurieuse et violente à l' égard de Monsieur [U] [I], son chef d' équipe, mettant en danger la sécurité de ses collègues, discréditant l' autorité de son supérieur hiérarchique, détériorant le climat au sein de l' équipe de travail et perturbant le bon fonctionnement de l' atelier auquel il est rattaché et nuisant à l'image et au professionnalisme de la société envers les clients ;

La lettre rapporte l' origine des faits conduisant au licenciement en ces termes:

« Le 17 novembre 2009 vers 14h30, alors que vous vous étiez légèrement blessé au doigt en utilisant une clé à filtres, vous êtes allé demander au chef d' atelier la clé de l' armoire à pharmacie. Ce dernier n'étant pas disponible, votre responsable hiérarchique, monsieur [U] [I], chef d' équipe, s' est immédiatement occupé de vous et vous a demandé de patienter un peu le temps de prendre la clé et se rendre à l' armoire à pharmacie. Or, vous vous êtes soudainement emporté et avez proféré des injures à son encontre et ce en présence de vos collègues de travail et de l' un de nos clients. Vous êtes même allé jusqu' à le menacer avec votre pied qui a manqué de quelques centimètres de percuter sa tête. Vous lui avez dit « tu vois, toi, mon pied, je peux te le mettre là en pleine tête » et vous avez continué à faire des gestes de menace avec vos poings. Interrogé lors de notre entretien préalable du 26 novembre 2009, vous avez reconnu les faits et vous nous avez avoué que vous aviez « pété un plomb, pété une durite »

Le 10 décembre 2009 Monsieur [Y] [C] a écrit à son employeur pour contester son licenciement ; le 10 janvier 2010, il a écrit en demandant sa réintégration à son poste et en joignant le témoignage de cinq collègues de travail ; l employeur a répondu le 27 janvier 2010 qu' il ne pouvait pas faire droit à la demande de réintégration et que suite aux faits qu' il avait rapportés concernant Monsieur [V], son ancien responsable hiérarchique, il a mené une enquête interne et qu' une procédure a été engagée à son encontre afin de prendre une sanction appropriée. Un avertissement simple a été notifié à Monsieur [V] le 5 février 2010 ;

Monsieur [Y] [C] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 25 Mars 2010 ;

La SAS PETIT FORESTIER Services demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu' il a dit que Monsieur [Y] [C] n' a subi aucun agissement constitutif de harcèlement sexuel et de l' infirmer pour le surplus en rejetant l' ensemble de ses demandes et en retenant qu'il n' a subi ni harcèlement sexuel ni harcèlement moral et que son licenciement repose sur une faute grave ; elle sollicite la condamnation de Monsieur [Y] [C] à lui payer la somme de 2000€ en application de l' article 700 du Code de procédure civile .

Monsieur [Y] [C] demande à la Cour d' infirmer le jugement, de constater la nullité de son contrat de travail (sic), d' ordonner sa réintégration au sein de l' agence de THIAIS sous astreinte de 500€ par jour de retard en s' en réservant la liquidation et de condamner la SAS PETIT FORESTIER Services à lui payer la somme de 69391.55€ à titre de rappel de salaire pour la période du 18 novembre 2009 au 31 Mai 2013 plus les congés payés afférents ; subsidiairement, il demande la confirmation du jugement et des condamnations prononcées ainsi que 3000€ au titre des frais irrépétibles.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Monsieur [Y] [C] demande improprement dans le dispositif de ses conclusions la nullité de son contrat de travail ; il convient d' interpréter cette demande au regard de la motivation comme une demande de nullité du licenciement ;

Le salarié considère à tort que c' est sa dénonciation de faits de harcèlement auprès de sa hiérarchie qui a motivé son licenciement ;

En effet, il ressort de la plainte qu' il a déposée le 18 novembre 2009 qu' il a reconnu que le comportement de Monsieur [V] qu' il avait dénoncé à sa hiérarchie laquelle avait provoqué plusieurs réunions , avait cessé et que cela faisait plus d' un an qu' il ne lui avait plus mis de main aux fesses ;

Si dans cette plainte Monsieur [Y] [C] indique que depuis octobre 2008 Monsieur [V] lui fait des gestes obscènes avec la langue en la tirant environ deux fois par semaine, il ne justifie pas s' en être plaint à l' employeur postérieurement aux réunions organisées par ce dernier ;

Il n' est pas établi de lien objectif entre le licenciement prononcé à l' encontre de Monsieur [Y] [C] et la dénonciation de harcèlement qui remontait à plusieurs mois alors même que le comportement de Monsieur [Y] [C] visé comme motif de son licenciement et qu' il ne conteste pas avoir eu, même s' il en minimise la portée et l' intention, est fautif ;

La réaction de Monsieur [Y] [C] ayant conduit à son licenciement a seulement été provoquée par son énervement devant ce qu' il lui a paru être un manque de réactivité de ses collègues à lui porter secours et ce dans un contexte de forte tension relationnelle ;

Il s' ensuit que la Cour considère que s' il est regrettable que l' employeur ait attendu le 5 février 2010 pour adresser un avertissement officiel à Monsieur [Y] [C], il ne s' était pas non plus montré sans réaction puisqu' il avait organisé des réunions qui sont reconnues par le salarié et les témoignages qu' il verse aux débats lesquelles avaient mis un terme aux attouchements sur Monsieur [Y] [C] ;

L' évocation par le salarié de ce que Monsieur [V] a continué à tirer la langue environ deux fois par semaine en le croisant alors qu' ils travaillaient quotidiennement ensemble, procède des seules affirmations de Monsieur [Y] [C] ;

Le comportement répréhensible et déplacé de Monsieur [V] à l' égard de Monsieur [Y] [C] n' avait pas pour but d' obtenir des faveurs sexuelles ; il n' est pas non plus établi au sens juridique du terme de harcèlement moral du salarié même si l'attitude provocante de Monsieur [V] était de nature à susciter l'agacement et l'énervement de Monsieur [Y] [C] ;

En conséquence, Monsieur [Y] [C] doit être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de réintégration ;

Eu égard au contexte et aux circonstances de l'incident reproché à Monsieur [Y] [C] le licenciement, eu égard à l' ancienneté du salarié inférieure à deux ans, doit être qualifié d' abusif l'employeur ne démontrant pas que le geste du salarié qui était blessé le jour de l' incident et qui n' avait aucun antécédent de cette nature, rendait impossible son maintien dans l' entreprise pendant la durée du préavis ;

Il s' ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qui concerne les sommes allouées au salarié comme, vérification faite, le remplissant de ses droits en ce qui concerne le rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents, l' indemnité de préavis et les congés payés afférents, l' indemnité de licenciement et les dommages intérêts pour rupture abusive assortis des intérêts tels que précisés au dispositif du jugement ;

Il est établi que l' employeur a fait preuve d' une grande bienveillance à l' égard du comportement déplacé de Monsieur [V] en ne sanctionnant pas officiellement immédiatement l' attitude et le comportement déplacés sur le lieu de travail et alors même qu' il occupait un poste d' encadrement, qu' en cela il a manqué à son obligation de prévention des risques de harcèlement, son manquement a favorisé la détérioration des relations et a exposé à un risque la santé de Monsieur [Y] [C], le jugement du conseil des prud'hommes sera confirmé en ce qu' il a condamné la SAS PETIT FORESTIER Services à lui payer la somme de 14888€ à titre de dommages intérêts ;

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne la remise des documents conformes ;

La somme de 2000€ sera allouée à Monsieur [Y] [C] au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La SAS PETIT FORESTIER Services conservera à sa charge ses frais irrépétibles .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement par substitution de motifs

Rejette toutes autres demandes des parties.

Condamne la SAS PETIT FORESTIER Services aux dépens et à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles d' appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 11/10517
Date de la décision : 17/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°11/10517 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-17;11.10517 ?
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