La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/09/2013 | FRANCE | N°11/04816

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 05 septembre 2013, 11/04816


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 05 septembre 2013

(n° 4 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/04816



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 09/07402





APPELANTE

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, toque : E0329
<

br>



INTIME

Monsieur [G] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Raphaël NACCACH, avocat au barreau de PARIS, toque : R058





COMPOSITION DE LA CO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 05 septembre 2013

(n° 4 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/04816

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 09/07402

APPELANTE

SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, toque : E0329

INTIME

Monsieur [G] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Raphaël NACCACH, avocat au barreau de PARIS, toque : R058

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le15 janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Renaud BLANQUART, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

En vertu d'un contrat d'exclusivité, contrat de travail à durée déterminée d'usage, en 14 octobre 2003, Monsieur [B] a concédé à la SAS UNIVERSAL MUSIC France (plus loin'la SAS') l'exclusivité de la fixation de ses interprétations en vue de la réalisation de 4 albums phonographiques, LP1, LP2, LP3 et LP4 en contrepartie, notamment, d'un salaire de 100 € par enregistrement, de redevances assises sur le produit de la vente de ces enregistrements et d'avances sur redevances d'au moins 20.000 € par album.

Monsieur [B] a enregistré les deux premiers albums, 'EVER EVEREST', diffusé en septembre 2004 et 'COMME UN SEUL HOMME', diffusé en septembre 2006.

La SAS, estimant que les ventes de ces deux premiers albums étaient trop faibles, a mis fin au contrat de travail à durée déterminée par lettre du 27 janvier 2009.

Le 23 janvier 2009, en application de l'article L 1243-4 du Code du travail, elle a versé à Monsieur [B] une indemnité de 42.200 €, soit 2.400 €, à titre de salaires et

40.000 €, à titre d'avance sur redevances devant être perçues, pour les albums LP3 et LP4.

Le 4 juin 2009, Monsieur [B], estimant cette indemnisation insuffisante, a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris, aux fins de percevoir une indemnisation plus importante.

Par jugement en date du 8 avril 2011, le Conseil de Prud'hommes de Paris, en formation de départage, a :

- condamné la SAS à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes :

- 96.600 € à titre de dommages et intérêts pour pertes et avantages financiers perdus,

- 3.000 €, au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté Monsieur [B] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS aux dépens.

Le 13 mai 2011, la SAS a interjeté appel de cette décision.

Représentée par son Conseil, la SAS a, à l'audience du 18 janvier 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de dire Monsieur [B] irrecevable en ses demandes et mal fondé en ses demandes, de l'en débouter,

- de condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner Monsieur [B] aux dépens,

Subsidiairement,

- d'ordonner la compensation entre l'indemnité qui pourrait être allouée à Monsieur [B] et le solde débiteur de son compte de redevances s'élevant à 35.970, 13 €.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [B] a, à l'audience du 18 janvier 2013, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour,

- de 'réformer partiellement'le jugement entrepris,

- de dire qu'en rompant de manière anticipée le contrat qui la liait à lui, sans arguer d'une faute grave ou d'une force majeure, la SAS a violé ses obligations contractuelles et engagé sa responsabilité contractuelle envers lui,

- de dire que l'obligation de produire et promouvoir la vente des 3ème et 4ème albums, prévue dans le contrat d'exclusivité du 14 octobre 2003, selon notamment les budgets minimum de production ou de promotion qu'il prévoyait, s'analyse en une obligation de résultat,

- de dire que la mise à disposition de ces moyens, en amont et en aval de la fixation/captation de l'enregistrement de ses interprétations, était la contrepartie de son engagement contractuel,

- de dire que, hors toute exploitation des enregistrements qui devaient être inclus dans les LP 3 et LP 4, il a subi une perte de revenus, en qualité d'artiste interprète et en qualité d'auteur, directement causée par la rupture du contrat qui le liait à la SAS,

- de dire qu'il a subi un préjudice d'image et de carrière,

- de condamner la SAS à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

- 37.000 €, au titre de sa perte de revenus, en tant qu'artiste,

- 43.000 €, au titre de sa perte de revenus, en tant qu'auteur,

- 216.000 €, au titre de la privation des budgets minimum de production et de promotion,

- 80.000 €, au titre de son préjudice moral,

- de débouter la SAS de ses demandes reconventionnelles,

- de dire que les avances versées pour les albums LP1 et LP2 étaient des salaires en ce que leur paiement, d'une part, impliquait sa présence physique, et d'autre part, n'était absolument pas fonction des produits d'exploitation des 2 albums,

- de dire que la SAS est infondée à prétendre récupérer une partie des salaires qui lui ont été versés et infondée, donc, à demander une quelconque compensation entre les sommes qui lui seront allouées et une créance qu'elle n'a pas contre lui,

- de condamner la SAS à lui verser la somme de 10.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 15 janvier 2003, et réitérées oralement à l'audience.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 7121-3 du Code du travail, tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail, dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ;

Que, le 14 octobre 2003, Monsieur [B] a conclu avec la SAS un 'contrat d'exclusivité' qui constitue, de ce fait, un contrat de travail ; qu'en vertu des dispositions de ce contrat, l'artiste a concédé à la SAS l'exclusivité de la fixation de ses interprétations en qualité de chanteur, de la reproduction sur tous supports, de la communication au public et la mise à disposition au public par tous moyens, de ses enregistrements d'oeuvres musicales avec paroles interprétées en toutes langues ou sans paroles, pour le monde entier ;

Que la durée de ce contrat, prenant effet à sa date de signature, a été définie comme étant celle nécessaire à la réalisation et à la promotion d'un minimum de 4 enregistrements d'albums inédits, dénommés contractuellement 'LP1', 'LP2', 'LP3', 'LP4', ces enregistrements devant intervenir, pour le premier album, dans un délai maximum de 9 mois et, pour chacun des trois suivants, dans un délai compris entre 12 et 24 mois suivant la date de sortie commerciale de l'album précédent ;

Que ce contrat étant, donc, un contrat de travail à durée déterminée, l'appelant indique expressément qu'indépendamment de la forme de ce contrat, il n'en demande pas la requalification en contrat de travail à durée indéterminée ;

Qu'il est constant que, par lettre du 27 janvier 2009, la SAS, après que deux albums de Monsieur [B] aient été commercialisés, a mis un terme, par anticipation, au contrat d'exclusivité litigieux ;

Qu'elle a, alors, précisé que, du fait de cette résiliation anticipée du contrat considéré, elle verserait à l'artiste, conformément aux dispositions de l'article L 1243-4 du Code du travail, une indemnité d'un montant égal aux rémunérations qu'il aurait perçues si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, ajoutant : 'pour l'appréciation du montant de cette indemnité, nous devons prendre en considération les rémunérations versées au titre des deux albums que nous avons commercialisés, soit le montant des salaires payés et de l'avance contractuelle due pour l'enregistrement d'un album contractuel, multiplié par le nombre d'albums contractuels restant à enregistrer, c'est à dire une somme de 42.000 €, étant précisé que ce n'est pas le montant des redevances générées par les ventes de vos deux premiers albums qui est pris en considération, puisqu'il est très inférieur au montant des avances.' ;

Que dès lors que la SAS n'invoque aucune faute grave, force majeure ou inaptitude imputables à Monsieur [B] et qu'aucun employeur ne peut demander la résiliation judiciaire d'un contrat de travail, la rupture, par l'appelante, du contrat considéré est une rupture anticipée et abusive, nécessitant, de sa part, réparation ;

Sur l'indemnisation de Monsieur [B]

Considérant que la SAS ne conteste pas devoir réparer le préjudice subi par Monsieur [B], le litige soumis à la Cour ne portant que sur l'étendue de la réparation à laquelle ce dernier a droit ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 1243-4 du Code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L 1243-8 du même code ;

Qu'il en résulte que le salarié victime d'une telle rupture doit voir réparer l'entier préjudice résultant de ladite rupture et que le montant des dommages et intérêts susceptibles de lui être alloués, à ce titre, ne doit pas, en tout état de cause, être inférieur au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir si le contrat de travail s'était poursuivi jusqu'à son terme ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L 7121-8 du Code du travail, la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès lors que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement ;

Que, selon les termes du contrat d'exclusivité considéré, la SAS :

- au titre des budgets d'enregistrement,

a pris en charge les coûts d'enregistrement de chaque album,

- au titre des redevances audio,

a dit qu'elle verserait à l'artiste, en fonction des ventes, des redevances calculées sur le prix de vente des albums, selon des pourcentages, par fractions de nombres de ventes et selon différents mode de vente,

- au titre de la rémunération équitable/ copie privée,

a dit qu'elle exercerait ses droits, pour toute utilisation des oeuvres, autre que l'usage privé, la rémunération due à l'artiste, à ce titre, étant versée directement, par la ou les sociétés civiles d'artistes interprète,

- au titre des enregistrements audiovisuels et multimédia,

a dit que l'artiste recevrait un 'salaire brut' égal à 100 € par service d'enregistrement, comprenant sa rémunération au titre des éventuelles séances de répétition,

- au titre des redevances vidéo et multimédia,

a dit qu'elle verserait à l'artiste,

- en cas de mise à disposition, une redevance calculée selon des pourcentages sur le prix de vente, de mise à disposition et de location des supports vidéo et multimédia,

- en cas de communication au public, par télédiffusion ou autres, une redevance calculée selon un pourcentage des recettes d'exploitation ou un pourcentage des sommes nettes encaissées,

- en cas d'utilisation secondaire, une redevance en cas de synchronisation ou d'incorporation d'extraits de vidéogrammes, selon un pourcentage des sommes nettes encaissées,

- au titre de la promotion et de la publicité,

a engagé une enveloppe budgétaire forfaitaire de participation aux représentations publiques de l'artiste,

- au titre des 'avances',

selon les dispositions de l'article 21 de ce contrat, a indiqué :

'A titre d'avance récupérable sur toutes les sommes que la société sera amenée à devoir à l'artiste, celle-ci lui versera, lors de la signature des présentes, une somme de 20.000 € HT, correspondant à l'enregistrement du LP1;

Il est expressément prévu qu'au jour de chaque entrée en studio en vue de réaliser les enregistrements des albums inédits suivants ( LP2, LP3 et LP4 ), objet des présentes, la société s'engage à verser au bénéfice de l'artiste une avance d'un montant égal à 50% des redevances générées par les ventes de l'album précédemment publié par la société et, ce, dans les 12 mois suivant sa date de sortie commerciale en France, étant précisé qu'en tous cas, le montant de cette avance sera au minimum de 20.000 € HT et sera au maximum d'un montant de 76.000 € HT.

Le paiement interviendra selon les modalités ci-après définies :

- 50% lors de l'entrée de l'artiste en studio.

- 50% lors de l'achèvement de l'enregistrement de l'album considéré.

Toutes les avances payées à l'artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues et/ou à devoir à quel que titre que ce soit par la société à l'artiste, étant précisé que leur paiement interviendra conformément aux stipulations de l'article 8.19 ci-avant.';

Considérant que Monsieur [B] estime qu'il doit percevoir, en réparation de la rupture anticipée de son contrat de travail, diverses indemnités, au titre :

- de sa perte de revenus, en tant qu'artiste, en excluant de ces revenus, les redevances fonction de la vente des enregistrements, mais en y incluant :

- les salaires, cachets de 100 € par service d'enregistrement,

- les avances, qu'il assimile à des salaires,

- les budgets de promotion,

-de sa perte de revenus, en tant qu'auteur, en y incluant :

- les droits d'auteurs,

- de son préjudice moral ;

Qu'il réclame, ainsi, le paiement, à titre de dommages et intérêts, des sommes suivantes :

- 37.000 €, au titre de sa perte de revenus, en tant qu'artiste,

- 43.000 €, au titre de sa perte de revenus, en tant qu'auteur,

- 216.000 €, au titre de la privation des budgets minimum de production et de promotion,

- 80.000 €, au titre de son préjudice moral ;

Que la SAS, qui a versé à Monsieur [B], au titre de la rupture considérée, 2.400 €, au titre des salaires dont il a été privé pour les deux albums non enregistrés, et 40.000 €, au titre des avances qu'il aurait dû recevoir, pour ces deux albums, fait valoir, pour sa part, à titre principal, que ne peuvent être retenus, dans l'appréciation de l'indemnisation de l'artiste, les redevances, avances, droits d'auteurs, manque à gagner sur les cachets non perçus pour une participation à des émissions et concerts et les budgets d'enregistrement et de promotion; qu'elle ajoute que le préjudice moral invoqué n'est pas démontré ;

Qu'elle ajoute, à titre subsidiaire,

- que les premiers juges ayant estimé que Monsieur [B] avait perçu 10.789 €, en participant à des émissions et à des concerts, après la commercialisation de l'album LP1, c'est à tort qu'ils avaient multiplié cette somme par 2, alors que les cachets perçus étaient le résultat de la vente de deux albums, puisqu'une partie de ces cachets avait été perçue à l'époque de la commercialisation de l'album LP2 ;

- que le manque à gagner de Monsieur [B], sur la rémunération équitable et la rémunération pour copie privée avait été justement évalué par les premiers juges à 10.000 €,

- que le manque à gagner sur les droits d'auteurs ne pouvait être évalué à 65.000 €, ainsi que l'avaient fait les premiers juges, puisque Monsieur [B] n'évaluait plus celui-ci qu'à 43.000€, que ces droits d'auteur ne pourraient être évalués, au mieux, qu'à une dizaine de milliers d'euros,

- qu'ainsi, les revenus et droits d'auteurs dont Monsieur [B] prétend avoir été privé ne sauraient excéder, au total, une trentaine de milliers d'euros,

- que le préjudice moral subi ne pourrait donner lieu qu'à une réparation de principe ;

Que la SAS fait, aussi, valoir qu'à supposer qu'elle soit condamnée, une compensation, prévue contractuellement, devrait être ordonnée, entre les montants de ses condamnations et le solde débiteur du compte de redevances de Monsieur [B], correspondant à des avances relatives aux albums LP1 et LP2 non récupérées, dont le montant s'élève à 35.970, 13 €, alors surtout qu'elle a versé une indemnité de 40.000 € correspondant aux avances 'sur redevances', alors que la jurisprudence la refuse désormais aux artistes ; que les sommes allouées en exécution de l'article L 7121-8 du Code du travail ne constituent pas, en effet, des salaires ;

Considérant que les sommes allouées par application de l'article L 1243-4 du Code du travail sont des dommages et intérêts, tendant à réparer le préjudice subi par le salarié, dont, seul, le seuil minimum est décrit, comme devant être, au moins, égal aux 'rémunérations', et non aux 'salaires', qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat ;

Que la rémunération qu'aurait dû percevoir Monsieur [B] est composée, pour les deux albums qu'il devait, encore, enregistrer, selon les termes de son contrat de travail, de son salaire, constitué de cachets, et, selon les dispositions de l'article L 7121-8 du Code du travail, de tout autre élément de salaire qui peut être ainsi qualifié, dès lors que sa présence physique est requise pour un enregistrement et que cet élément de salaire n'est pas fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement ;

Que c'est, donc, à juste titre que Monsieur [B] convient du fait que les diverses redevances qu'il devait percevoir, dès lors que leur versement est conditionné par les ventes, résultats d'exploitation, ou sommes nettes encaissées, ne peuvent constituer des éléments de rémunération déterminant le seuil de son indemnisation ;

Que, s'agissant des avances, leur versement, tel que prévu contractuellement est conditionné par la présence physique de l'artiste, nécessairement présent lors de son entrée en studio et lors de l'achèvement de l'enregistrement d'un album, qu'il n'est fonction ni du produit de la vente, ni du produit de l'exploitation de cet enregistrement, qu'il n'est fonction d'aucun aléa économique, ne suppose pas une perception différée, et constitue un mécanisme de paiement forfaitaire ; que si ces avances sont expressément qualifiées de récupérables, elles sont non remboursables, dans le silence du contrat, sur ce point, au sens où l'artiste ne devra pas les rembourser au producteur si le montant de ses avances est insuffisant ; qu'en outre, la SAS ne peut se prévaloir du caractère récupérable de ces avances, alors qu'elle s'est engagée à les payer, lors de la rupture du contrat de travail, les a assimilées elle-même à des salaires, a exécuté son engagement en les payant et ne s'est jamais prévalue, alors, du caractère récupérable des avances considérées, qui répondent à la définition de salaire au vu des termes de l'article L 7121-8 du Code du travail ;

Que si la SAS remet en cause, devant la Cour, l'engagement qu'elle a pris et exécuté, c'est à raison, en premier lieu, de la saisine, par Monsieur [B], des premiers juges et à raison, ensuite, du prononcé d'une décision de justice, par la Cour de cassation, le 1er juillet 2009, dont l'intimé estime qu'elle fait une interprétation abusive ;

Considérant que la validité d'un engagement pris et exécuté ne peut être légitimement remise en cause par la saisine, par le bénéficiaire de cet engagement, d'une juridiction, ni par l'évolution de l'état du droit, résultant d'une décision de justice, invoquée par la SAS ; que ces éléments ne sauraient remettre en cause l'interprétation qu'a faite, elle-même, la SAS, du contrat la liant à l'intimé ;

Qu'il n'est pas d'arrêt de règlement ; que la jurisprudence pouvant, en outre, être changeante, force est de constater que la juridiction dont la décision est invoquée par la SAS, a pu estimer ultérieurement que des avances pouvaient être qualifiées de salaires, alors que, comme en l'espèce présente, leur versement n'était lié à aucun aléa économique, qu'il ne supposait pas une perception différée de rémunération, que ces avances avaient un caractère forfaitaire et qu'elles étaient non récupérables ou récupérables mais non remboursables ;

Qu'en tout état de cause, la SAS ne saurait présenter la décision de la Cour de cassation, rendue le 1er juillet 2009, comme imposant, désormais, aux juridictions du fond, de considérer que n'est pas un élément de la rémunération constituant le minimum de l'indemnité susceptible d'être allouée à un salarié, en vertu de l'article L 1243-4 du Code du travail, une somme dont il peut être constatée qu'elle a les caractéristiques d'un salaire dû à l'artiste, au sens de l'article L 1721-8 du Code du travail ;

Considérant que Monsieur [B] ne peut réclamer, comme devant être intégrée aux éléments de sa rémunération définissant le minimum de l'indemnité à laquelle il a droit, une somme équivalente aux droits d'auteur qu'il aurait pu percevoir de la SACEM, pour les albums LP3 et LP4, alors que le contrat considéré le liait à l'appelante en qualité d'interprète et non d'auteur ; que les albums LP3 et LP4 pouvaient comprendre, en effet, des enregistrements d'oeuvres dont l'intimé n'était pas nécessairement l'auteur ; que, surtout, la perception des droits considérés était conditionnée à un aléa économique, puisque c'est la diffusion des oeuvres dont Monsieur [B] était l'auteur qui conditionnait la perception, par lui, de ces droits d'auteur ;

Que, de la même façon, Monsieur [B] ne peut prétendre que les sommes qui devaient être versées, par la SAS, sous forme de budgets, constituaient des éléments de sa rémunération définissant ce minimum, alors que ces sommes n'étaient pas destinées à lui être versées, à titre de rémunération, mais constituaient des investissements, destinés à être amortis par la vente et la diffusion d'oeuvres dont l'enregistrement était prévu ;

Qu'il y a lieu d'exclure, en conséquence, les budgets et droits d'auteur de la définition du minimum de l'indemnisation à laquelle Monsieur [B] peut prétendre, ce qui ne signifie,

- ni que ce minimum, composé de ses salaires et des avances, devrait constituer la réparation de son entier préjudice,

- ni que son préjudice matériel se limiterait à la perte de son salaire constitué par ses cachet et ses avances, pour les deux albums non diffusés,

- ni qu'il n'aurait pas subi de préjudice moral ;

Considérant que c'est à juste titre que Monsieur [B] fait valoir que le fait qu'il n'ait pas enregistré deux albums s'ajoutant aux deux premiers diffusés par la SAS, connue pour être leader du marché français du disque et l'un des leaders du marché mondial, en ce domaine, l'a nécessairement privé des éléments de salaire, précédemment énoncés, mais également :

- de la chance de percevoir des cachets consécutifs à des représentations publiques, contribuant au développement de sa promotion,

- de la chance de percevoir des paiements au titre de la copie privée,

- de la chance de percevoir des droits d'auteur, pour celles des oeuvres qu'il aurait pu enregistrer, alors qu'il en était l'auteur,

- de la chance de bénéficier de la production et de la promotion qui devaient être associées à la parution de ses deux albums suivants, susceptibles de développer sa carrière et sa notoriété ; qu'il doit, sur ce point, être tenu compte du fait que les deux premiers albums de Monsieur [B] ont reçu un accueil particulièrement favorable de la critique : 'artiste particulièrement talentueux', 'l'artiste qui monte', 'son album fait l'unanimité des critiques', 'artiste à découvrir absolument', 'un disque visionnaire et habité', 'un album superbe', 'un disque excellent', 'ce qui est arrivé de mieux à la chanson française ces deux dernières années', 'tous les atouts pour se faire accepter du grand public'; qu'il doit être également tenu compte du fait que le premier de ces albums n'a donné lieu qu'à une vente limitée, en dépit du fait que l'intimé admet qu'il avait fait l'objet d'une promotion satisfaisante, au contraire, selon lui, de l'album suivant ;

Que ce défaut d'enregistrement a causé, à Monsieur [B], un préjudice moral évident, alors qu'ayant entamé une carrière d'artiste interprète à l'âge de 30 ans, en concluant le contrat litigieux avec la SAS, il pouvait espérer une grande influence de cette société dans le développement de cette carrière, compte tenu de la puissance et de la notoriété de cette dernière et qu'il a vu cette carrière s'interrompre, à peine ébauchée, alors qu'il en avait 35, après avoir été chaleureusement salué par la critique et associé à des concerts d'artistes renommés, comme [L] [H] ou [E] [Z] ;

Que le minimum de l'indemnité susceptible d'être versée à Monsieur [B] étant, donc, de 42.000 €, montant que lui a versé la SAS lors de la rupture anticipée, l'intimé démontre le caractère manifeste du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il a subis et qui ne sont pas réparés par cette seule somme, qui ne constitue qu'un indicateur minimum ; que la réparation de cet entier préjudice ne devant pas être confondue avec l'allocation de la rémunération perdue, qui ne définit que la limite minimum de cette réparation, c'est par une appréciation globale que la réparation du préjudice matériel et du préjudice moral de Monsieur [B] sera fixée ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'allouer à Monsieur [B], déduction étant faite des sommes déjà allouées, les sommes de :

- 108.000 €, en réparation de son préjudice matériel, toutes causes de préjudice matériel confondues,

- 30.000 €, en réparation de son préjudice moral ;

Considérant que c'est à juste titre que la SAS fait valoir qu'indépendamment de la définition du minimum d'indemnité prévu par ce texte, les sommes susceptibles d'être allouées à Monsieur [B] sur le fondement de l'article L 1243-4 du Code du travail constituent des dommages et intérêts et non des salaires et qu'à ce titre, ils sont susceptibles de compensation ; que, selon les dispositions de l'article 21.3 du contrat de travail litigieux, 'toutes les avances payées à l'artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues et/ou à devoir à quelque titre que ce soit par la société à l'artiste' ; que la compensation sollicitée par la SAS doit, donc, s'opérer, dès lors qu'elle est ainsi prévue contractuellement et que la créance de la SAS, dont il n'est pas contesté qu'elle s'élève à 35.970, 73 €, et celle de Monsieur [B], répondent aux conditions de la compensation conventionnelle prévue entre les parties ;

Considérant qu'il n'y a lieu à d'autres constatations ou déclarations que celles qui figurent au présent arrêt ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [B] les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel ;

Que la SAS, qui succombe, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la SAS UNIVERSAL MUSIC France à verser à Monsieur [B] la somme de :

- 3.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- débouté la SAS UNIVERSAL MUSIC France de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS UNIVERSAL MUSIC France aux dépens de première instance,

L'infirme, pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS UNIVERSAL MUSIC France à payer à Monsieur [B], déduction faite des sommes déjà allouées par cette société :

- la somme de 108.000 €, en réparation de son préjudice matériel, toutes causes de préjudice matériel confondues,

- la somme de 30.000 €, en réparation de son préjudice moral,

Ordonne, en exécution du contrat liant les parties, la compensation entre les indemnités allouées à Monsieur [B] et le solde débiteur de son compte de redevances s'élevant à 35.970, 13 €,

Condamne la SAS UNIVERSAL MUSIC France à payer à Monsieur [B] la somme de 5.000 €, sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Condamne la SAS UNIVERSAL MUSIC France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/04816
Date de la décision : 05/09/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/04816 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-05;11.04816 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award