Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2013
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11893
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS 4ème CHAMBRE - RG n° 2009049557
APPELANTS
Monsieur [O] [S]
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 1]
SA HELVETIA ASSURANCES venant aux droits de la SA GROUPAMA TRANSPORTS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Frédérique ETEVENARD (avocat au barreau de PARIS, toque : K0065)
Assistés de Me Henri JEANNIN (avocat au barreau de PARIS, toque : C0480)
INTIMES
Etablissement Public PORT AUTONOME DE [Localité 7] agissant en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Patrick BETTAN de la SELARL DES DEUX PALAIS (avocats au barreau de PARIS, toque : L0078)
Assisté de Me Luc MICHEL de la SELARL CIID (avocat au barreau de PARIS, toque : P73)
SAS ETABLISSEMENTS BOUILLET
Ayant son siège social
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Bernard DUMONT de la SCP DUMONT-BORTOLOTTI-COMBES & ASS (avocats au barreau de FONTAINEBLEAU)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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'''''''''''''''''''''''''''''''''''' FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Monsieur [S], qui exerce la profession d'artisan-batelier, exploite une péniche de 49,16 m de long et d'un tonnage de 481,16 tonnes dénommée «'Pueblo'».
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Il a souscrit auprès de la société Groupama Transports une police d'assurance fluviale n° 2171028 couvrant notamment les dommages matériels susceptibles d'être occasionnés à son bateau et garantissant sa responsabilité civile vis à vis des tiers à l'occasion des accidents de navigation.
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Le 17 janvier 2008, il a décidé d'avitailler aux Etablissements Bouillet. Il y a subi une avarie. Un enrochement venant du quai a provoqué la cassure de l'hélice et une déchirure dans la coque.
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La société Groupama Transport a indemnisé son assuré à hauteur de 34.455,02 euros sous déduction de la franchise contractuelle de 500 euros pour un sinistre global de 38.338,27 euros.
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Monsieur [S]' a subi une perte d'exploitation de 1.191 euros par suite de l'immobilisation d'une durée de 5 jours du bateau.
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C'est dans ce contexte que, par acte du 3 juillet 2009, la société Groupama Transports et M. [S] ont assigné la société Bouillet et le Port Autonome de [Localité 7] (ci-après dénommé PAP) devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner au paiement des sommes susvisées.
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Par un jugement en date du 15 avril 2010, le Tribunal de commerce de Paris :
- s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu l'appel interjeté le 9 juin 2010 par la société Groupama Transports et M. [S] contre cette décision.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 5 août 2010 par la société Groupama Transports et M. [S] par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 avril 2010,
- dire et juger que le tribunal de commerce de Paris est matériellement compétent pour connaître et juger du litige opposant la société Groupama Transport et M. [S] à la société Bouillet ainsi qu'à l'établissement public PAP,
- condamner le PAP à la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- condamner in solidum la société Bouillet et le PAP à payer à la société Groupama Transport :
. la somme de 34.455,02 euros outre les intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance du 6 juillet 2009,
. ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
. la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société Bouillet et le PAP' à payer à M. [S] :
. la somme de 1691 euros au titre des pertes d'exploitation et de la franchise contractuelle outre intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance du 6 juillet 2009,
. ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
. la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Les appelants soutiennent que le tribunal de commerce de Paris était parfaitement compétent pour connaître du litige opposant la société Groupama Transport et le Batelier Deperriaux à la société Bouillet, dès lors que cette dernière est une SAS dont l'activité est purement commerciale, que la société Groupama Transports est également une société commerciale et que son assuré est un transporteur fluvial.
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Ils affirment aussi que la société Bouillet a mal dragué la zone dont elle a la responsabilité et a laissé s'échapper du bas du quai un enrochement important qui est directement à l'origine des dommages qu'ont subis la coque et l'arbre porte-hélice du bateau de M. [S].
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Ils estiment que l'incompétence relevée par le PAP ne résiste pas à l'analyse en ce que celui-ci présente un caractère mixte et assume à la fois une mission administrative et une mission à caractère industriel et commercial et que M. [S] est un usager de la voie navigable et du domaine public fluvial de la région parisienne dont le PAP s'est vu confier la gestion par l'Etat.
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Ainsi, ils considèrent, au regard de la jurisprudence du Tribunal des conflits, que le contentieux à caractère extra-contractuel entre un usager et un établissement public industriel et commercial, qu'il tienne ou non cette qualification de la loi, relève des juridictions judiciaires, même s'il est fondé sur un défaut d'entretien de l'ouvrage public qui est à l'origine des dommages au bateau d'un usager.
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Ils ajoutent que le PAP ne saurait sérieusement soutenir ne pas avoir d'activité industrielle et commerciale, alors que c'est précisément dans ce cadre qu'il a sous-loué à la société Bouillet une partie d'un quai et un terrain à [Localité 5].
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Vu les dernières conclusions signifiées le 10 février 2011 par le PAP par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- dire et juger que les juridictions judiciaires sont incompétentes pour statuer sur les demandes de la société Groupama Transports et de M. [S] en tant que dirigées contre le PAP et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris sur ce chef,
- condamner en toute hypothèse la société Groupama Transports et M. [S] à verser au PAP la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Le PAP estime que les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour se prononcer sur la responsabilité extracontractuelle de l'établissement, notamment en vertu de l'article 4 de la loi du 29 pluviôse an VIII de la République relatif à la responsabilité née des ouvrages publics dans leur fonctionnement et leur exploitation quotidienne.
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Il précise qu'il est un établissement public non qualifié par la loi qui l'a créé et qu'il est exclusivement chargé d'une mission de service public administratif.
Il ajoute qu'il n'est pas, à la différence de Voies Navigables de France, un établissement public à caractère industriel et commercial par détermination de la loi, qu'il ne gère pas la voie navigable, mais seulement des terrains ou des plans d'eaux, sur lesquels les marchandises peuvent être chargées et déchargées.
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Il affirme' n'avoir strictement rien à voir avec «'tous les ports autonomes'» car tous ceux-ci sont des ports maritimes, qui relèvent spécifiquement du code des ports maritimes, alors que lui-même relève du code des marchés publics. De plus, il souligne que la circonstance qu'il exploite les terrains du domaine public dont il est en charge et en fasse la publicité ne donne absolument pas à sa mission le caractère de service public à caractère industriel et commercial.
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Il soutient enfin qu'il a été radié du registre du commerce et des sociétés depuis plus de 7 ans.
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Vu les dernières conclusions signifiées le 10 février 2010 par la société Bouillet par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- déclarer la société Groupama Transports et M. [S] mal fondés en leur appel,
- les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- recevoir la société Bouillet en ses présentes écritures et en son appel incident,
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions s'étant déclaré incompétent à l'égard de la société Bouillet au profit du Tribunal Administratif de Paris,
- dire et juger que seules les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour statuer sur les demandes dirigées à l'encontre de la société Bouillet,
- déclarer la société Groupama Transports et M. [S] mal fondés en leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Bouillet et les en débouter,
- condamner la société Groupama Transports et M. [S] à verser à la société Bouillet la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société Bouillet affirme qu'elle est une société commerciale, de sorte que l'affaire relève incontestablement de la compétence de la seule juridiction consulaire.
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Elle ajoute que la Cour ne pourra que constater que la déclaration de sinistre de M. [S] ne prouve rien, dès lors qu'il s'agit d'un acte unilatéral de ce dernier, qui ne revêt aucun caractère probant, puisque nul ne peut se constituer de preuve à soi même. De plus, selon elle, le rapport d'expertise établi par l'expert missionné par la société Groupama est sujet à caution et ne saurait justifier à lui seul un recours contre elle, en raison de son caractère unilatéral et non contradictoire.
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Elle constate également que l'expert souligne fort opportunément qu'à aucun moment le tonnage de sablage à bord du Pueblo n'est mentionné dans le rapport alors que cette information permettrait de déterminer, selon les informations éventuellement reprises en lettre de voiture couvrant l'expédition, les enfoncements constatés sur l'automoteur à l'issue du chargement. Elle ajoute que l'expertise subaquatique conduite le 7 février 2008 par la société Sun Plongée Service sur les lieux présumés de l'incident, sur la foi des informations communiquées par M. [S], a été réalisée hors sa présence et donc de façon totalement non contradictoire.
Enfin, elle soutient que la société Groupama Transports et M. [S] passent sous silence la cause exacte de l'incident, dû selon elle à une erreur humaine, la manoeuvre de départ ayant été effectuée de façon anormale.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
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'''''''''''''''''''' '''''''''''''''''''''''''''''''''' MOTIFS
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Dans les rapports de la société Groupama et M. [S] avec l'établissement public PAP :
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La société Groupama Transport et M. [O] [S] ont entendu mettre en jeu la responsabilité extra-contractuelle du PAP, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en sa qualité de gestionnaire du domaine public fluvial qui, à ce titre, loue depuis de nombreuses années le quai et les installations portuaires à la société Bouillet, devant le tribunal de commerce de Paris.'
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Le PAP soutient cependant, à juste titre, que les juridictions judiciaires sont incompétentes pour se prononcer sur sa responsabilité extra-contractuelle car ce contentieux relève de la compétence exclusive du juge administratif, en vertu de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII de la République, relatif à la responsabilité née des ouvrages publics, notamment de leur fonctionnement et de leur exploitation quotidienne.
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En effet, le PAP est un établissement public de l'Etat chargé d'une mission à caractère strictement administratif, de gestion et d'exploitation du domaine public, aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 selon lequel :
'Il est créé, sous le nom de Port Autonome de [Localité 7], un établissement public de l'Etat, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre de l'équipement et du logement et soumis au contrôle économique et financier de l'Etat.
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Sous réserve des dispositions de l'article 3 ci-après, le port autonome de [Localité 7] est chargé, à l'intérieur des limites de sa circonscription et dans les conditions définies par la présente loi, de l'exploitation et de l'entretien ainsi que de la police au sens des dispositions du titre III du livre 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, de toutes les installations portuaires publiques utilisées par la navigation de commerce, des travaux d'extension, d'amélioration, de renouvellement et de reconstruction desdites installations ainsi que de la création d'installations nouvelles.
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Il peut, en outre, après accord des collectivités locales intéressées, participer à toutes activités ayant pour objet l'utilisation ou la mise en valeur des voies navigables dans le périmètre de sa circonscription.
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Il est également chargé de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté.'''
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Le PAP, qui exerce uniquement des pouvoirs de gestion du domaine public de l'Etat, agit dans' le cadre d'une activité de service public administratif.
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La société Groupama et M. [S] ne peuvent se prévaloir de ce que le PAP serait un établissement public à caractère industriel et commercial alors qu'il ne tient pas une telle qualité de la loi.'
Dès lors, la jurisprudence du Tribunal des conflits aux termes de laquelle 'lorsqu'un établissement public tient de le loi la qualité d'établissement public à caractère industriel et commercial, les litiges nés de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux relatif à celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique'.
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Le PAP ne fait que gérer les installations domaniales de l'Etat, soit les terrains ou plans d'eau sur lesquels les marchandises peuvent être chargées et déchargées.
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Par ailleurs, la société Groupama et M. [S] ne peuvent assimiler le PAP à 'tous les ports autonomes' car tous ceux-ci sont des ports maritimes, qui relèvent spécifiquement du code des ports maritimes, qui se sont vus reconnaître l'exercice, à la fois d'une activité de service public à caractère administratif et d'une activité de service public à caractère industriel et commercial, cette dernière qualité étant liée à l'exploitation de l'outillage du port. Or, précisément, le PAP ne fait que gérer et exploiter le domaine public fluvial et n'exploite pas d'outillage. Au demeurant, la responsabilité extra-contractuelle des ports autonomes maritimes est appréciée par les seules juridictions administratives.
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La mise en valeur du domaine public, qui est la seule activité du PAP, est de nature strictement administrative. En effet, il a pour mission l'exploitation et l'entretien des installations portuaires et la gestion du domaine public qui lui est affecté. Cette activité de gestion se confond avec les autorisations d'occupations domaniales, le fait que le domaine public ait une valeur monnayable importante ne faisant pas changer de nature le contentieux, qui reste de la compétence' exclusive du juge administratif.
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Enfin, comme tous les établissements publics nationaux à caractère administratif , le PAP est soumis au code des marchés publics.
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D'ailleurs, il a été expressément reconnu que le PAP était un établissement public de l'Etat chargé d'une mission à caractère strictement administratif par la décision du juge du tribunal de commerce de Paris commis à la surveillance du RCS en date du 24 avril 2003 qui a jugé que 'le Port Autonome de [Localité 7] est un Etablissement Public à caractère uniquement administratif, qu'il n'a aucune activité commerciale et industrielle' et, qu'en conséquence, il devait être radié du RCS de Paris, auquel il avait été immatriculé à tort.'
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En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a décidé que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour statuer sur les demandes de la société Groupama et M. [S] dirigées contre le PAP et les a renvoyés à mieux se pourvoir.
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Sur les rapports entre la société Groupama et M. [S] avec la société Etablissement Bouillet :
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Il est par contre évident que la société Bouillet ne peut, quant à elle, relever de la juridiction administrative, le litige opposant la société Groupama et M. [S], respectivement société commerciale et commerçant, à cette société, qui est une société' commerciale, ne pouvant relever que de la juridiction consulaire. Les parties sont d'ailleurs d'accord sur cette compétence. Le jugement dont appel doit donc être infirmé dans les rapports entre la société Groupama et M. [S] avec la société Etablissement Bouillet.
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Il appartient donc à la Cour de céans d'évoquer le fond du litige entre ces parties, en application de l'article 89 du code de procédure civile.
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La société Groupama et M. [S] réclament la condamnation de l'intimée au remboursement des sommes réglées par la société Groupama à son assuré M. [S] et au paiement à ce dernier des pertes d'exploitation et de la franchise qu'il a dû supporter, en soutenant que la péniche litigieuse aurait heurté un enrochement à proximité d'un duc d'albe équipant le quai de la société Bouillet, alors que le bateau venait d'avitailler et de manoeuvrer pour quitter le quai. Ils ont en effet fait valoir que la société Bouillet, qui gère le port fluvial et les installations du quai, lui permettant d'accueillir des bateaux en vue de leur avitaillement, a le devoir de s'assurer que ceux-ci peuvent évoluer en sécurité et d'opérer un dragage régulier afin d'éviter ce genre d'accident et, qu'en ne le faisant pas, elle engageait à l'égard du batelier sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
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La société Bouillet ne conteste pas la subrogation dont bénéficie la société Groupama, les appelants ayant produit la police d'assurance du bateau 'Pueblo' souscrite par M. [S], ainsi que les quittances subrogatives.''
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Les appelants fondent leur demande sur le rapport d'expertise de M. [Q], l'expert fluvial désigné par la compagnie d'assurance.
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La société Bouillet ne saurait se prévaloir de l'absence de caractère contradictoire de cette expertise alors qu'elle s'est déroulée sur son site et que deux plongeurs, sans rapport avec l'expert, sont intervenus pour procéder aux constatations.
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Les plongeurs ont constaté à proximité d'un duc d'albe équipant le quai de la société Bouillet, la présence d'un enrochement de 2 mètres de long, venant manifestement du quai. Il est précisé que les palplanches, destinées à empêcher le type d'accident dont a été victime le bateau 'Pueblo', ne reposaient pas toutes sur le fond et que l'espace libre sous les palplanches avait permis à cet enrochement de se détacher du quai et de glisser sur le fond.
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Pour s'opposer à la mise en jeu de sa responsabilité, la société Bouillet fait état du rapport d'expertise de M. [M], du cabinet ICE, qui considère que le rapport de l'expert [Q] présente de nombreux points obscurs.
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Il ne saurait cependant être soutenu que le tonnage de sablage, non mentionné dans la lettre de voiture, aurait dû être pris en compte par M. [Q], alors qu'au moment de l'expertise, le bateau était déchargé et qu'il n'existait plus aucun moyen d'en apprécier le contenu lors de l'accident. Au demeurant, le fait que le bateau, malgré l'avarie, et après une réparation de fortune, ait pu livrer son chargement au réceptionnaire à [Localité 6], s'oppose à sa surcharge alléguée et non prouvée.'''''
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Par ailleurs, la société Bouillet se contente de relever l'approximation de l'expertise 'subaquatique', sans produire le moindre élément de nature à démontrer que les constatations des plongeurs seraient inexactes. Elle affirme qu'il apparaît impossible qu'un bloc' de pierre de 190 cm de long sur plusieurs dizaines de centimètres de hauteur puisse avoir glissé sous une palplanche par un trou de renard, mais elle ne démontre pas en quoi consiste cette impossibilité. De même, elle ne prouve absolument pas, comme elle le soutient, que l'accident serait dû à une erreur humaine liée à la manoeuvre de départ qui aurait été effectuée de façon anormale, les déclarations qui auraient été faites à ce sujet par un employé de la société Bouillet, rapportées par M. [M], outre le fait qu'elles seraient sujettes à caution compte tenu de l'existence d'un lien de subordination, ne sont même pas confortées par une attestation dudit employé.
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La société Bouillet reconnaît par ailleurs, qu'un accident du même type s'est bien produit antérieurement, puisqu'elle relève qu'il s'est produit 25 mètres en amont du duc d'albe et non au niveau du duc d'albe lui-même. Il s'en déduit que la société Bouillet ne procède pas régulièrement au dragage qui lui incombe afin de permettre aux bateaux d'évoluer en toute sécurité et d'éviter ce genre d'accident.
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La société Bouillet a donc engagé à l'égard du batelier sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Elle doit, en conséquence, réparer le préjudice qui est résulté de l'accident.
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L'expert [Q] a évalué le montant des dommages et des frais de réparation définitive du bateau à la somme totale de 38.338,27€. La société Groupama a indemnisé M. [S] de son préjudice matériel à hauteur de 34.455,02€, de sorte que, c'est à juste titre, qu'elle réclame la condamnation de la société Bouillet à lui payer ce montant, outre les intérêts légaux à compter de la demande du 6 juillet 2009, et avec capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
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M. [S] justifie, quant à lui, de ses pertes d'exploitation par une attestation de la société KPMG, son expert comptable, qui les fixe à hauteur de 1.191€. Il a également dû supporter la franchise contractuelle de 500€. Il convient donc de condamner la société Bouillet à lui payer la somme de 1.691€, outre les intérêts légaux à compter de la demande du 6 juillet 2009, et avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.'
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L'équité commande d'allouer au PAP une indemnité de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Il doit également être alloué à la société Groupama une indemnité de 3.000€ et à M. [S] une indemnité de 500€ au titre des frais irrépétibles.
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''''''''''''''''''''''''''''''''''''' ''''' PAR CES MOTIFS
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Et, adoptant ceux non contraires des premiers juges,
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LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
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INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a décidé que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient incompétentes pour statuer sur les demandes de la société Groupama et de M. [S] dirigées contre le PAP et les a renvoyés à mieux se pourvoir,
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Statuant à nouveau pour le surplus,
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CONDAMNE la société Etablissements Bouillet à payer à la société Groupama Transports la somme de 34.455,02€ et à M. [S] celle 1.691€, ces montants étant assortis des intérêts légaux à compter du 6 juillet 2009,
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ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
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REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
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CONDAMNE la société Groupama et M. [S] à payer au Port Autonome de [Localité 7] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
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CONDAMNE la société Etablissements Bouillet à payer à la société Groupama la somme de 3.000€ et à M. [S] celle de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
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CONDAMNE la société Etablissements Bouillet aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
E.DAMAREYC.PERRIN