Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 JUILLET 2013
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06613
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/12545
APPELANTE
La SARL KAMEZ, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant
assistée de Me Farid BOUZIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1097, avocat plaidant
INTIMÉE
La SOCIETE SAMRIF, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant
assistée de Me Thierry DOUËB, avocat au barreau de PARIS, toque : C1272, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Odile BLUM a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
Par acte du 23 juin 2000, la s.n.c. [B] a donné à bail commercial à la s.a.r.l. [P], pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2000, le lot n° 1 du centre commercial [Adresse 4] situé [Adresse 2], à usage exclusif de bar-brasserie, moyennant un loyer annuel indexé de 150.000 francs (22.867,35 €) en principal.
Se plaignant d'odeurs nauséabondes, d'infiltrations et plus généralement du mauvais état général du centre commercial, la société [P] a assigné son bailleur en référé expertise le 2 septembre 2008. La société [B] lui a alors délivré le 22 septembre suivant un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un arriéré locatif de 39.216,76 € au 12 septembre 2008.
Le 20 octobre 2008, la société [P] a assigné la société [B] devant le juge des référés en opposition à ce commandement. La société [B] lui a alors délivré le 13 novembre suivant un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire pour un arriéré locatif de 49.691,20 € au 7 novembre 2008.
Sur la première assignation, le juge des référés a désigné en qualité d'expert M. [G] qui a déposé son rapport le 7 janvier 2010.
Sur la seconde assignation, le juge des référés, a, par ordonnance du 26 février 2009, entre autres dispositions, condamné la société [P] au paiement d'une provision de 51.072,05 € 4ème trimestre 2008 inclus et suspendu les effets de la clause résolutoire visée au commandement du 13 novembre 2008 en accordant au preneur des délais de paiement avec déchéance du terme en cas de non-respect.
Les délais n'ayant pas été respectés, la société [B] a délivré des commandements aux fins de saisie-vente puis de quitter les lieux à la société [P] qui a été expulsée des locaux loués le 11 février 2010.
Entre temps, le 9 juillet 2009, la société [P] avait assigné la société [B], au fond, en résolution du bail.
Par jugement rendu le 29 mars 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné la société [B] à payer à la société [P] la somme de 27.806,70 € à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel pour trouble de jouissance ainsi qu'à lui verser la somme de 1.854,22 € en remboursement des frais d'huissiers par elle exposés ;
- ordonné la restitution du dépôt de garantie par la [B] à la société [P] outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 5 avril 2009,
- condamné la société [P] à payer à la société [B] la somme de 99.632,66 € au titre des loyers et indemnités d'occupation irrégulière dues au 11 février 2010 outre les intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2008 sur la somme de 39.216,76 € et à compter du 11 octobre 2010 pour le surplus,
- fixé à un euro le montant de la clause pénale due par la société [P] et l'a condamnée à payer ladite somme,
- ordonné une compensation entre les créances réciproques,
- condamné la société [B] à payer la somme de 2.000 € à la société [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes autres demandes des parties,
- condamné la société [B] aux dépens.
La s.a.r.l. [P] a relevé appel de cette décision le 6 avril 2011. Par ses dernières conclusions du 6 mars 2013, elle demande à la cour d'infirmer le jugement sauf sur la condamnation de la société [B] à lui payer la somme de 1.854,22 € en remboursement des frais d'huissier et sur la restitution du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et de :
- "homologuer" le rapport de l'expert sur certains points,
- prononcer la résolution du bail commercial aux torts exclusifs de la [B], avec toutes les conséquences de droit notamment la répétition des loyers encaissés,
- dire que la clause résolutoire a été actionnée de mauvaise foi et la priver d'effet,
- condamner la [B] à lui verser tous préjudices confondus la somme de 561.198,41 €,
- dire qu'elle est fondée à imputer sur la somme réclamée par la [B], la somme de 66.000 €,
- dire que cette somme sera compensée avec toute créance éventuelle de la [B],
- à titre subsidiaire dire que les commandements délivrés sont nuls ; condamner la [B] à lui payer, tous préjudices confondus, la somme de 561.198,41 € ; dire que la dette locative est de 92.117,94 € au 11/02/2010, que les charges demandées ne sont pas justifiées dans leur appel et dans leur affectation, que pour les charges appelées, elle est fondée à imputer sur la somme réclamée par la [B] la somme de 66.000 €, qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle et que cette somme sera compensée avec toute créance éventuelle de la [B] sur la [P],
- débouter la [B] de sa demande au titre de la clause pénale,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la [B] à lui verser la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser les frais d'expertise ainsi qu'aux dépens.
La s.n.c. [B], par ses dernières conclusions du 13 mars 2013, demande à la cour de :
- confirmer le jugement sur l'acquisition de la clause résolutoire, la condamnation de la société [P] au paiement de la somme de 99.632,66 € outre les intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2008 sur la somme de 39.216,76 € et à compter du 11 octobre 2010 pour le surplus et le débouté de la société [P] de ses demandes au titre de l'obligation de délivrance du bailleur, de la résiliation du bail et du préjudice moral,
- l'infirmer pour le surplus,
- condamner la société [P] au paiement de la somme de 9.963,26 € à titre de clause pénale et de la somme de 30.000 € pour procédure abusive,
- débouter la société [P] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société [P] au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
SUR CE,
Considérant que la société [P] critique le jugement en ce que les premiers juges bien que constatant le défaut d'entretien général de la galerie, ont estimé que le bailleur n'a pas manqué à son obligation de délivrance au motif, d'une part, que la locataire a exploité jusqu'en février 2010 et a disposé d'un accès direct indépendant de la galerie, d'autre part qu'il n'est pas établi que ce défaut général d'entretien de la galerie a eu un effet sur l'exploitation du fonds de commerce ; qu'elle reproche également aux premiers juges qui ont relevé qu'elle n'avait pu jouir paisiblement des locaux pris à bail, de n'avoir pas tiré les conséquences de leurs constatations et de ne l'avoir indemnisée que très partiellement de ses préjudices ;
Qu'elle fait valoir que la société [B] a manqué de manière déloyale, délibérée et répétée à ses obligations de bailleresse n'ayant jamais eu l'intention de réaliser le moindre investissement dans le centre commercial du [Adresse 4] qu'elle a maintenu sans entretien et à l'abandon, que la société [B] a manqué à son obligation de délivrance, obligation essentielle dont elle ne pouvait s'affranchir, et n'a pas rempli son obligation de jouissance paisible, que l'emplacement dans la galerie commerciale de son fonds de commerce de brasserie et l'existence d'un accès direct et indépendant sont indifférents, l'entrée se faisant par la copropriété du [Adresse 3] aux charges de laquelle elle participe, qu'en outre, les locaux loués étaient affectés d'infiltrations et d'odeurs nauséabondes qui ont eu une influence néfaste sur la fréquentation de l'établissement ; qu'elle soutient que les manquements de la bailleresse à ses obligations et leurs conséquences sont à l'origine du non-paiement des loyers qu'elle a cependant réglés régulièrement jusqu'au 4ème trimestre 2008 et non l'inverse ; qu'elle demande la résolution du contrat de bail aux torts de la société [B] ainsi que la condamnation de celle-ci à lui rembourser les loyers payés et en tout état de cause la constatation de l'absence de contrepartie aux sommes qu'elle a réglées ; qu'elle fait état pour le préjudice en lien de causalité, selon elle, avec les manquements reprochés, outre de la résiliation le 31 octobre 2007 de l'agrément que lui avait donné la Française des jeux pour la commercialisation du Rapido, au titre d'un préjudice matériel, d'un manque à gagner dû à l'état général de la galerie de 182.791,43 €, d'une perte d'exploitation due aux odeurs nauséabondes de 73.022,76 €, de la perte de son fonds de commerce à réparer par l'allocation de la somme de 223.530 € et des frais d'huissier de justice qu'elle a exposés à hauteur de 1.854,22 € ; qu'elle fait également état d'un préjudice moral à réparer par l'allocation de la somme de 80.000 € ; qu'elle ajoute que la clause résolutoire a été actionnée de mauvaise foi par la bailleresse pour faire échec aux procédures qu'elle avait engagées ;
Considérant que la société [B] réplique que la société [P] n'a pas respecté les délais qui lui ont été accordés en référé, que la clause résolutoire est acquise et le bail résilié au 5 avril 2009 ce qui ne peut plus être contesté, qu'en tout état de cause, la société [P] qui n'a jamais prétendu que les lieux étaient inexploités, ne fait pas la preuve de difficultés l'empêchant d'exploiter les locaux dans leur totalité, qu'elle ne pouvait donc se dispenser de tout paiement, qu'au surplus compte tenu de son expulsion, la société [P] ne justifie d'aucun intérêt né et actuel à demander la résolution du bail ;
Que la société [B] soutient à titre subsidiaire qu'elle a satisfait à son obligation de délivrance, qu'en effet, aux termes de l'article 6 du contrat, le preneur prenait les lieux en l'état et la société [P], qui avait parfaite connaissance des lieux loués et du centre commercial à sa prise de possession en 2000, a même bénéficié d'une réduction de loyer durant la première période triennale, qu'aucune promesse ni aucune assurance de chiffre d'affaires ne lui ont été faites à la signature du bail et le centre commercial n'a subi aucune modification, que par ailleurs l'accès à sa brasserie est indépendant de la galerie marchande et l'état de celle-ci indifférente, que la société [P] ne peut valablement lui imputer un défaut d'entretien des parties communes et justifier ainsi son arrêt total des paiements depuis le 4ème trimestre 2007, que l'avis de l'expert qui ne cesse de se contredire sur l'état de la galerie marchande doit être écarté sur ce point ; qu'elle conteste également avoir manqué à son obligation de jouissance et soutient que les mauvaises odeurs invoquées tardivement étaient ponctuelles et aléatoires, n'affectaient pas la salle de restaurant et qu'elles étaient exclusivement imputables à la société [P] qui n'a pas respecté les prescriptions légales et contractuelles lui incombant et aurait dû installer un bac à graisse et condamner l'extraction mécanique dans son faux plafond en réalisant un mur coupe-feu 3 heures qui aurait empêché la diffusion d'odeurs entre le local du gardien et les locaux loués, que par ailleurs les infiltrations étaient limitées au local de réserve qui n'était pas utilisé ;
Qu'elle fait ensuite valoir que la société [P] ne peut prétendre être indemnisée d'un préjudice de jouissance tenant à un défaut d'entretien alors qu'elle ne paye pas les loyers et charges ce qui explique le délabrement du centre commercial, qu'il n'existe aucun lien de causalité avec la perte d'exploitation alléguée liée à l'état du centre commercial ni de préjudice justifié, que le préjudice lié aux odeurs nauséabondes et infiltrations n'est pas plus justifié, que l'indemnisation de la perte du fonds de commerce ferait double voire triple emploi avec les pertes d'exploitation alléguées par ailleurs contestées, qu'en tout état de cause l'expert qui n'est pas un expert financier mais un architecte, est sorti de sa mission en évaluant les chefs de préjudice financiers, que par ailleurs, la demande de la société [P] au titre des charges, outre qu'elle n'est pas fondée, est nouvelle en cause d'appel donc irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, que la société [P] a pris seule l'initiative de multiplier les constats d'huissier dont le coût doit rester à sa charge, enfin que le préjudice moral allégué est fantaisiste, ce d'autant qu'il n'est pas celui de la société [P] mais de ses gérants ;
Considérant, cela étant posé, que la société [B] n'est pas fondée à soutenir que la société [P] n'a pas d'intérêt à demander la résolution du bail ; que la résolution demandée conduit en effet à la remise des parties à l'état antérieur au bail et au mal fondé de ses propres demandes ; que par ailleurs la décision de référé sur la clause résolutoire ne préjudicie pas au principal et ne peut faire échec à la demande, au fond, de nullité des commandements la visant ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites par la société [P] elle-même, notamment du rapport clôturant les opérations d'expertise menées courant 1999 et 2000 par M. [N] désigné comme expert pour le prix du bail de la pharmacie installée dans la galerie, que le centre commercial du [Adresse 4], construit dans les années 1960, était, déjà à l'époque, d'une conception "aujourd'hui dépassée", que six seulement de ses 22 boutiques étaient alors ouvertes et que la galerie commerciale avait "perdu toute sa commercialité" ; que la société [P] a cependant fait choix de s'y installer en 2000, faisant le pari de "voir revivre" le centre commercial grâce au "flux de clients supplémentaires" drainé par sa brasserie vers "les commerçants présents dans le Centre" ; qu'aucun engagement n'avait cependant été pris à cet égard par le bailleur dont la société [P] n'établit pas le comportement déloyal lors de la conclusion du bail ; qu'au surplus, si l'adresse postale de la brasserie de la société [P] est celle de l'entrée principale du centre commercial tombé de longue date en sommeil, les locaux loués, qui ne sont pas à l'intérieur de la galerie mais en périphérie, donnent directement sur rue avec l'enseigne "Le Melville" visible uniquement de celle-ci et l'entrée dans l'établissement se fait à l'air libre, deux escaliers y menant depuis la voie publique ; que la société [P] n'est donc pas fondée à se plaindre, au regard de l'obligation de délivrance et de jouissance paisible pesant sur son bailleur, de l'état, au surplus préexistant, du centre commercial, étant relevé que la galerie commerciale est maintenue propre et accessible au public ;
Considérant que pour le surplus, la société [P] établit s'être plainte à son bailleur d'odeurs nauséabondes perceptibles dans ses locaux et l'avoir mis en demeure, à partir de janvier 2008, d'y remédier ce qu'il n'a pas fait ; que la réalité de ces nuisances ainsi que des infiltrations affectant le local de réserve est prouvée, la société [P] ayant fait dresser le constat par huissier de justice, non seulement en 2002 mais encore courant 2007, 2008 et 2009, d'odeurs pestilentielles au sous-sol de son établissement se diffusant dans la salle du rez-de-chaussée ce qui a été attesté par de nombreux clients ; que l'expert judiciaire a pu déterminer que les infiltrations en plancher haut du local de réserve se trouvant au sous-sol de la brasserie provenaient de la dégradation donc de la vétusté de la dalle extérieure ; qu'il a pu également déterminer que les odeurs nauséabondes étaient des remontées d'égouts, aléatoires et d'intensité variable en fonction notamment des conditions climatiques, qu'elles avaient pour origine le mauvais état des canalisations des eaux usées du local du gardien mitoyen, la transmission se faisant par le moteur de ventilation hors d'usage se trouvant dans ce local et sa gaine abandonnée dans le mur séparatif et que le curage des canalisations ne pouvait y remédier, même s'il pouvait en réduire l'intensité et la fréquence, le désordre étant dû au mauvais état des canalisations et des siphons ;
Considérant que devant les conclusions techniques de l'expert judiciaire qui doivent être retenues, la société [B] invoque vainement l'absence de bac à graisse ou d'un mur coupe-feu 3 heures entre les locaux qu'elle a donnés à bail et le local mitoyen laissé sans entretien de son fait ; que la société [B] qui a validé les travaux que la locataire justifie avoir réalisé à son entrée dans les lieux en 2000 pour répondre à ses engagements contractuels n'est pas fondée à prendre prétexte de ce que le mur coupe-feu installé par sa locataire ne serait pas coupe-feu 3 heures mais 1/2 heure, pour tenter de s'exonérer d'un désordre qui lui est imputable du fait de la présence dans le local du gardien d'une ventilation hors d'usage qu'il lui revenait de faire reboucher et de canalisations vétustes qu'elle avait la charge de faire remplacer ;
Considérant que les manquements du bailleur à son obligation de jouissance paisible sont établis ; que les infiltrations dans le local de réserve n'ont causé qu'une gêne modérée compte tenu de la localisation du désordre ; qu'il n'en est pas de même des nuisances olfactives imprévisibles qui, même légères et localisées principalement au sous-sol, se répandent et conduisent à ne pas pouvoir fidéliser la clientèle d'une brasserie ; que les odeurs nauséabondes n'ont cependant été qu'intermittentes et la société [P] a pu exploiter son fonds jusqu'au 11 février 2010, date de son expulsion, réalisant un chiffre d'affaires net qui après s'être élevé à 150.972 € en 2001, s'est maintenu à un niveau inférieur pour s'établir, de 2006 à 2008, à un chiffre moyen de l'ordre de 121.000 € par an ; qu'il sera relevé que la progression de 33 % du chiffre d'affaires projetée par l'expert-comptable de la société [P] ne repose sur aucune étude de marché et la pertinence du chiffre d'affaires de 207.187 € espéré en 2008 n'est nullement démontré ; qu'il demeure que la société [P] est en droit de voir réparer le trouble de jouissance qu'elle a subi par l'allocation à titre de dommages et intérêts de la somme de 30.500 € correspondant en chiffre arrondi à une réfaction de 15 % du montant des loyers hors taxes ; que par ailleurs, pour les motifs des premiers juges, le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 1.854,22 € au titre des frais d'huissier qu'elle s'est trouvée contrainte d'exposer ; que ne justifiant pas du préjudice moral qu'elle allègue ni du lien de causalité entre le trouble de jouissance et la perte de son fonds de commerce dont elle a été expulsée pour non-paiement, la société [P] sera déboutée du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que la société [P] n'était pas fondée à s'abstenir comme elle l'a fait du paiement de tout loyer à compter du 4ème trimestre 2007 ; que sa demande de résolution d'un contrat de bail pour des locaux qui lui ont été délivrés et dans lesquels elle a pu exploiter son fonds de commerce de 2000 à 2010 n'est pas fondée ; que la clause résolutoire du contrat de bail n'a pas été mise en oeuvre de mauvaise foi par le bailleur qui était effectivement créancier d'une importante dette locative, quand bien même le juge des référés avait été préalablement saisi par la locataire ; que les commandements qui lui ont été délivrés ne sont pas nuls et la clause résolutoire s'est trouvée régulièrement acquise le 5 avril 2009 en vertu de l'ordonnance de référé accordant des délais de paiement qui n'ont pas été respectés ;
Considérant, s'agissant des comptes entre les parties, que la société [B] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société [P] à lui payer la somme de 99.632,66 € arrêtée au 11 février 2010, outre les intérêts au taux légal et son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de la clause pénale contractuelle qu'elle entend voir fixer à 9.963,26 € soit 10 % des sommes dues ; qu'elle soulève l'irrecevabilité de la demande de la société [P] au titre des charges par application de l'article 564 du code de procédure civile en faisant valoir que la société [P] ne soulève ce point qu'en cause d'appel, que l'expert judiciaire a constaté qu'aucune difficulté n'apparaissait sur les charges et que la société [P] n'apporte aucun élément probant au soutien de cette demande ;
Considérant que la société [P] conteste les chiffres avancés par la société [B] au titre de la dette locative qui ne s'élevait selon elle qu'à 86.661,62 € au 31 décembre 2009 et à 92.117,94 € au 11 février 2010 ; qu'elle sollicite le rejet de la demande au titre de la clause pénale ; qu'elle demande par ailleurs le remboursement de la provision sur charges de 1.600 € par trimestre qui a été appelée depuis son entrée dans les lieux, les charges n'ayant été ni régularisées ni justifiées en dépit de ses réclamations ;
Considérant que la société [P], qui avait précédemment un arriéré locatif, est débitrice depuis la résiliation du contrat de bail, le 5 avril 2009, d'indemnités d'occupation exactement fixées par les premiers juges au montant du loyer contractuel augmenté des charges ; que la société [B] verse aux débats un état du compte de la société [P] débiteur de 99.632,66 € au 31 décembre 2010 ; que la société [P] ne justifie pas des règlements qu'elle aurait pu faire en déduction de ce montant ;
Considérant que la demande nouvelle de la société [P] au titre des charges tend à opposer compensation avec la dette locative et est comme telle recevable en appel ;
Considérant que le contrat de bail prévoit, s'agissant des charges, que "le preneur remboursera au prorata des locaux loués les prestations communes, les assurances de l'immeuble, l'impôt fonciers, taxes sur les bureaux, fournitures individuelles, dépenses nécessaires au fonctionnement, à la propreté, à l'entretien ... Le preneur remboursera de même la quote-part des salaires, de toutes charges concernant tout le personnel affecté à l'immeuble ... le tout de telle sorte que le loyer ci-après stipulé soit net de toutes charges pour le bailleur ... Ce remboursement s'effectuera par appel d'une provision trimestrielle et civile versée par le preneur avec chaque terme ... À la clôture de chaque exercice de charges, le montant des provisions versées sera régularisé en fonction de l'arrêté de comptes de charges annuelle ... " ;
Considérant que la société [P] prouve avoir réclamé à tout le moins courant 2006 et 2007 la régularisation des charges depuis 2001 ce qui n'a été fait que pour les années 2005 et 2006 mais sans les justificatifs à l'appui pourtant réclamés ; que la société [B] verse à présent aux débats les seuls justificatifs de répartition des charges 2006 et 2007 ; qu'elle ne conteste par ailleurs pas le montant de 1.600 € pour la provision trimestrielle sur charges qu'elle a appelée ; que ne justifiant pas du montant des charges des exercices 2001 à 2005 inclus, 2008 à 2010 inclus, elle doit à la société [P] remboursement des provisions versées sans justificatifs soit pour les huit exercices concernés la somme de 51.200 € ;
Considérant que la société [P] reste donc devoir à la société [B] au 31 décembre 2010, au titre de l'arriéré locatif et d'indemnité d'occupation, la somme de 48.432,66 € (99.632,66 € - 51.200 € = 48.432,66 €) au paiement de laquelle elle sera condamnée avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2008 sur la somme de 39.216,76 € et à compter du 11 octobre 2010 pour le surplus ;
Considérant que la clause pénale du contrat de bail n'a pas vocation à s'appliquer pour la dette d'indemnité d'occupation ; que pour le surplus, les premiers juges en ont à juste titre relevé le caractère manifestement excessif en la réduisant à la somme 1 € ; que le jugement sera confirmé sur ce chef ; que le jugement sera également confirmé sur la restitution du dépôt de garantie que la société [B] ne prouve pas devoir conserver ;
Considérant que la société [B] qui ne démontre pas que le droit d'agir en justice de la société [P] puis de faire appel procède d'un abus sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que la société [B] qui succombe partiellement supportera les dépens de première instance qui incluront les frais de l'expertise de M. [G] ainsi qu'aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées et la somme supplémentaire de 2.000 € sera allouée à la société [P], toute autre demande étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués ainsi que sur le montant de l'arriéré locatif et d'indemnité d'occupation ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,
Condamne la société [B] à payer à la société [P] la somme de 30.500 € à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société [P] à payer à la société [B] la somme de 48.432,66 € au titre de l'arriéré locatif et d'indemnité d'occupation arrêtée au 11 février 2010 avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2008 sur la somme de 39.216,76 € et à compter du 11 octobre 2010 pour le surplus ;
Dit que la compensation s'opérera de plein droit entre les dettes réciproques ;
Condamne la société [B] à payer à la société [P] la somme supplémentaire de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société [B] aux dépens de première instance qui incluront le coût de l'expertise de M. [G] ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE