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04/07/2013 | FRANCE | N°12/17155

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 04 juillet 2013, 12/17155


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 04 JUILLET 2013



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/17155





Décisions déférées à la Cour : Jugement du 8 Décembre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005004750 & Jugement du 10 Janvier 2008 - Tribunal de Commerce de PARIS





APPELANTE ET INTIMÉE



SA

D'IMPORTATION EDOUARD LECLERC 'SPILEC', agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentant :...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 04 JUILLET 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/17155

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 8 Décembre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005004750 & Jugement du 10 Janvier 2008 - Tribunal de Commerce de PARIS

APPELANTE ET INTIMÉE

SA D'IMPORTATION EDOUARD LECLERC 'SPILEC', agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : la SCP MIREILLE GARNIER (Me Mireille GARNIER), avocat au barreau de PARIS, toque : J136

Assistée de : Me Antoine GILLOT, avocat au barreau de Paris, toque : E 178

INTIMÉE ET APPELANTE

SA CREDIT LYONNAIS 'LCL', agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de : Me Jean François MOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P159

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

***********************

La société d'importation Edouard Leclerc (SIPLEC) exerce, pour le compte du groupement associatif des propriétaires des magasins LECLERC, une double activité, à savoir le négoce de produits pétroliers d'une part, l'importation de marchandises d'autre part.

Le CREDIT LYONNAIS lui a consenti des conditions particulières, qui ont été régulièrement actualisées et qui concernent notamment le fonctionnement de deux comptes, le premier libellé en euros et le second en dollars.

Au cours de l'année 2002, la société SIPLEC a considéré que ces comptes présentaient des anomalies portant d'une part sur le prélèvement de commissions de mouvement, d'autre part sur les marges facturées sur les opérations de change et elle a fait réaliser un audit.

Par acte d'huissier en date du 30 décembre 2004, la société SIPLEC a assigné le CREDIT LYONNAIS pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 209.428 euros au titre des commissions de mouvement abusivement prélevées et au paiement d'une provision de 500.000 euros au titre des opérations de prorogation ou d'anticipation de terme sur les achats de devises, outre une expertise.

Par jugement rendu le 10 janvier 2008, le tribunal de commerce de Paris a:

- s'agissant des commissions de mouvement:

- dit que la société SIPLEC est fondée en son interprétation des conditions que lui a consenties le CREDIT LYONNAIS,

- mais dit la société SIPLEC mal fondée en sa demande de remboursement des commissions prélevées par le CREDIT LYONNAIS entre 1995 et 2002, faute d'avoir présenté cette demande dans le délai contractuel de trente jours à réception des relevés correspondants, et l'a déboutée de cette demande,

- s'agissant des anticipations et prorogations de terme sur achats de devises:

- débouté la société SIPLEC de sa demande de provision,

- fait droit à sa demande d'expertise et avant dire droit désigné Monsieur [L] avec pour mission:

* de décrire la méthode utilisée par le CREDIT LYONNAIS pour déterminer le cours à terme des devises, la comparer avec celle utilisée par la société PAMEXIS et donner son avis sur leur conformité aux usages bancaires ainsi que le cas échéant aux conditions particulières consenties par la banque à son client,

* répertorier les opérations d'achat de devises à terme ayant donné lieu à des demandes de prorogation ou d'anticipation de terme de la part de la société SIPLEC durant la période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2002,

* faire établir par la société SIPLEC les conditions financières de chacune de ces opérations en utilisant la méthode de calcul la plus conforme aux usages et/ou aux conditions particulières consenties par le CREDIT LYONNAIS à son client et donner son avis sur les écarts ainsi déterminés entre ces conditions et celles qui ont été effectivement facturées par le CREDIT LYONNAIS,

- dit n'y avoir lieu en l'état à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 28 avril 2008, la société SIPLEC a interjeté appel de ce jugement.

L'expert a déposé son rapport le 10 novembre 2009.

Par jugement du 8 décembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a:

- donné acte au CREDIT LYONNAIS de ce qu'il a versé à la société SIPLEC la somme de 72.445 euros,

- condamné le CREDIT LYONNAIS à payer à la société SIPLEC:

- la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société SIPLEC pour le surplus des demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le CREDIT LYONNAIS aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 25 janvier 2011, le CREDIT LYONNAIS a interjeté appel des jugements rendus les 10 janvier 2008 et 8 décembre 2010.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 janvier 2012, la société SIPLEC demande à la Cour:

- de dire le CREDIT LYONNAIS mal fondé en son appel à l'encontre du jugement du 8 décembre 2010 et l'en débouter,

- de la dire recevable et fondée en son appel du jugement du 10 janvier 2008,

- d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement des 'commissions de mouvement' abusivement prélevées sur ses comptes par le CREDIT LYONNAIS,

- de condamner le CREDIT LYONNAIS à rembourser à ce titre la somme de 209.428 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2004,

- subsidiairement de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui régler la somme de 242.794,88 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi par suite des manquements commis par le CREDIT LYONNAIS à ses obligations contractuelles,

- de dire qu'elle est recevable en son appel incident à l'encontre du jugement du 8 décembre 2010,

- de réformer le jugement en ce qu'il ne lui a alloué qu'une somme de 200.000 euros,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

- de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer la somme de 507.073 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2004,

- de condamner le CREDIT LYONNAIS à payer la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières écritures signifiées le 24 septembre 2012, le CREDIT LYONNAIS demande à la Cour:

- de dire la société SIPLEC mal fondée en son appel et en son appel incident,

- de l'en débouter,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SIPLEC de sa demande en paiement de la somme de 209.428 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2004, au titre des commissions de mouvement prélevées sur ses comptes au cours de la période 1995/2002,

- de le déclarer bien fondé en ses appels des jugements du chef de la tarification des opérations d'anticipations et prorogations lors des opérations d'achat de devises à terme,

- d'infirmer les jugements,

- statuant à nouveau de débouter la société SIPLEC de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société SIPLEC à payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

SUR CE

- sur les commissions de mouvement:

Considérant que la société SIPLEC expose que les opérations d'achat de dollars au comptant ou à terme se traduisaient par le prélèvement de trois commissions (une commission de change, une commission de transfert et une commission de mouvement), conformes aux conditions particulières, mais qu'en sus le CREDIT LYONNAIS prélevait une commission de mouvement supplémentaire, à l'occasion des achats de devises, lors de mouvements de fonds enregistrés au débit du compte en euros permettant l'achat de dollars, ainsi qu'une autre commission de mouvement sur le compte en dollars, lors de remboursements d'avances dans cette devise et lors du paiement d'intérêts ; qu'elle soutient que ces commissions de mouvement sont illégitimes car elles contreviennent à l'usage bancaire selon lequel la banque ne prélève pas de commissions de mouvement à l'occasion de simples mouvements de fonds de nature purement financière ; qu'elle affirme également que les conditions particulières prévoient expressément une exonération de commissions de mouvement sur les 'virements de trésorerie' et donc sur le simple transfert de fonds d'un compte en euros au compte en dollars, ayant le même titulaire ; qu'elle rappelle aussi que le rapport d'audit révèle d'inexplicables variations dans l'application des commissions de mouvements ; qu'elle invoque en outre l'absence de cause, le CREDIT LYONNAIS ne rapportant pas la preuve des prestations accomplies en contrepartie des commissions de mouvement prélevées ; qu'elle estime que l'argument tiré de l'absence de contestation dans le délai de trente jours est inopérant au motif que la sanction du défaut de cause est la nullité des prélèvements opérés, qu'au surplus le silence à réception des relevés bancaires ne constitue qu'une simple présomption d'approbation des opérations et n'interdit pas de rapporter la preuve contraire résultant de la violation des conditions particulières; qu'à titre subsidiaire elle se prévaut des fautes du CREDIT LYONNAIS dans l'exécution de ses obligations contractuelles et prétend que le CREDIT LYONNAIS a commis des manquements à son devoir de loyauté et d'information;

Considérant qu'en réponse le CREDIT LYONNAIS fait valoir que la société SIPLEC a reçu les relevés de compte ainsi que les décomptes trimestriels des intérêts et commissions, que son silence pendant trente jours à compter de la réception de ces relevés, mentionnant ce délai, établit son acceptation des écritures figurant sur ces relevés et que la société SIPLEC n'a émis aucune protestation de 1995 à mi 2002 ; qu'il prétend que ces commissions sont causées par la rémunération d'un service bancaire, compte tenu des diligences à effectuer pour chaque ordre d'achat de dollars ou de remboursement d'avances en dollars, qu'elles sont conformes aux stipulations contractuelles, qui n'ont jamais prévu une exonération de ces commissions pour les mouvements de débit réalisés lors des achats de devises et des remboursements d'avances en devises ; qu'il allègue encore que le caractère légitime de la commission de mouvement litigieuse ne saurait être remis en cause par les autres commissions non contestées, que les exonérations ponctuelles accordées à la société SIPLEC témoignent du professionnalisme de la banque et de sa volonté de faire bénéficier sa cliente de conditions plus avantageuses que celles appliquées normalement et ne constituent pas des incohérences, qu'il n'existe pas de principe d'unicité des comptes et que les comptes de la société SIPLEC étaient indépendants et avaient une affectation particulière ; qu'il indique enfin que la société SIPLEC ne rapporte pas la preuve d'une faute, ni d'un préjudice;

Considérant qu'il n'est pas contesté par la société SIPLEC qu'elle a reçu d'une part les relevés de ses comptes, d'autre part les décomptes trimestriels des intérêts et commissions sur lesquels figuraient les éléments d'information sur les différentes commissions prélevées par le CREDIT LYONNAIS;

Considérant que sur les relevés de compte, il est également indiqué quelles sont les opérations exonérées de la commission de mouvement, par l'apposition d'un astérisque sur la ligne de l'opération concernée;

Considérant que la société SIPLEC disposait ainsi des éléments nécessaires pour vérifier les commissions prélevées par la banque;

Considérant que les relevés de compte comportent la mention suivante: 'ce relevé sera réputé avoir reçu votre agrément sauf désaccord signalé à votre agence dans les trente jours suivant sa réception';

Considérant que la réception sans protestation des relevés de compte fait présumer l'acceptation par le client des opérations et des écritures figurant sur ces relevés;

Considérant que cette présomption n'interdit pas au client de contester la validité d'une commission mais qu'il lui appartient de rapporter des moyens de preuve de nature à écarter cette présomption;

Considérant que la société SIPLEC reconnaît dans ses écritures que toute prestation réalisée par une banque pour le compte de son client est susceptible de donner lieu à une rémunération et qu'une commission de mouvement a par principe vocation à s'appliquer à tout mouvement de fonds enregistré au débit d'un compte bancaire;

Considérant que les commissions de mouvement litigieuses ont été prélevées à l'occasion des opérations d'achat de devises (dollars US) au comptant ou à terme;

Considérant que la société SIPLEC soutient en premier lieu que les commissions de mouvement sur des mouvements de fonds de nature purement financière sont contraires à l'usage bancaire;

Considérant qu'il est d'usage dans les banques de ne pas prélever de commissions sur des mouvements survenant lors d'un virement de compte à compte par le même titulaire, au sein de la même banque, mais que la société SIPLEC ne rapporte pas la preuve d'un tel usage bancaire concernant les opérations d'achat de devises au comptant ou à terme;

Considérant que la société SIPLEC affirme en second lieu que les conditions particulières prévoient expressément une exonération des commissions de mouvement sur les 'virements de trésorerie';

Considérant que les commissions de mouvement sont régies par les conditions particulières prévues dans les catalogues transmis à la société SIPLEC et applicables à compter de décembre 1990, du 1er février 2000 et du 9 avril 2002;

Considérant que les conditions particulières communiquées par la société SIPLEC mentionnent une commission de mouvement de 1/8 % pour les opérations relatives aux commissions de tenue de compte en euros ou en devises, ainsi qu'une exonération des commissions de mouvement dans le cas de virements de trésorerie;

Considérant que la société SIPLEC affirme que le terme 'virements de trésorerie' doit s'entendre du transfert de fonds d'un compte en euros au compte en dollars, ayant le même titulaire, dans la même agence bancaire;

Considérant qu'il ressort de la lettre adressée le 4 décembre 1998 par la société SIPLEC au CREDIT LYONNAIS qu'elle comporte un document joint intitulé 'procédure d'opération et de validation des paiements et des virements', dans lequel il est indiqué au paragraphe 'opérations de trésorerie' que 'les virements de trésorerie sont des virements de débit d'un compte SIPLEC au crédit d'un compte SIPLEC situé dans le même établissement bancaire ou dans un autre établissement. Les opérations portent sur des francs français ou des devises';

Que le 21 décembre 1999, la société SIPLEC a envoyé une lettre au CREDIT LYONNAIS avec le document 'procédure d'opération et de validation des paiements et des virements' édité à la date du 21 décembre 1999, comportant un paragraphe identique sur les opérations de trésorerie;

Considérant qu'il ressort de ces documents que la société SIPLEC avait connaissance de la définition contractuelle donnée au terme de 'virements de trésorerie' et qu'elle n'a pû se méprendre sur la signification de cette notion dans les conditions tarifaires;

Considérant qu'en l'espèce l'opération d'achat de devises, donnait lieu au paiement du prix d'achat des dollars par le débit du compte en euros, puis à la livraison des devises achetées sur le compte en dollars ; que le versement du prix d'achat en euros constituait un mouvement de débit du compte de la société SIPLEC vers un compte ne lui appartenant pas ; que cette opération ne peut être assimilée à un simple virement de débit d'un compte SIPLEC au crédit d'un compte SIPLEC;

Considérant que la société SIPLEC est dès lors mal fondée à prétendre que les conditions particulières prévoyaient une exonération des commissions de mouvement litigieuses;

Considérant que la société SIPLEC invoque également le principe d'unicité des comptes en euros et en dollars qui ne formeraient en réalité qu'un compte global;

Considérant que la société SIPLEC ne démontre pas l'existence d'un accord sur l'unicité des comptes permettant de déroger au principe d'indépendance des comptes et que cette prétention doit être rejetée;

Considérant que la société SIPLEC fait en outre état d'incohérences dans l'application des commissions, au motif que tous les mouvements de fonds enregistrés lors des opérations d'achat ou d'avance de dollars n'ont pas donné lieu au prélèvement d'une commission de mouvement;

Considérant cependant que des exonérations ponctuelles de ces commissions relèvent de la pratique commerciale de la banque ; que faute de justifier du caractère systématique de ces exonérations, la société SIPLEC n'établit pas l'existence d'un usage constant dont elle serait en droit de se prévaloir;

Considérant que la société SIPLEC prétend enfin que les commissions de mouvement sont dépourvues de cause;

Considérant que les commissions litigieuses sont conformes aux stipulations contractuelles, qui ne prévoient pas d'exonération de ces commissions pour les opérations d'achat de devises ou des remboursements d'avances en devises;

Considérant dans ces conditions que ces commissions ont pour contrepartie les prestations réalisées par la banque lors des opérations de débit du compte en euros de la société SIPLEC, pour l'acquisition ou le remboursement de dollars;

Considérant qu'elle est donc mal fondé à se prévaloir d'une absence de cause de ces commissions;

Considérant en conséquence que la société SIPLEC ne rapporte pas d'éléments de preuve permettant d'écarter la présomption d'acceptation des commissions prélevées;

Considérant qu'elle doit dès lors être déboutée de sa demande de remboursement des commissions perçues par le CREDIT LYONNAIS de 1995 à 2002 et que le jugement doit être confirmé de ce chef;

Considérant que la société SIPLEC sollicite à titre subsidiaire des dommages et intérêts en raison des fautes commises par le CREDIT LYONNAIS dans l'exécution de ses obligations;

Considérant que, contrairement aux affirmations de la société SIPLEC, il résulte de ce qui précède que les commissions prélevées n'étaient pas indûes ; que le CREDIT LYONNAIS n'a donc pas commis de manquement en appliquant les commissions de mouvement litigieuses;

Considérant qu'il a également été établi que la société SIPLEC avait connaissance des opérations financières exonérées de commissions de mouvement et qu'elle ne justifie donc pas un manquement de la banque à son obligation d'information;

Considérant que la société SIPLEC doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre du CREDIT LYONNAIS à ce titre;

II- sur les rémunérations prélevées à l'occasion de prorogations ou d'anticipations de terme lors d'opérations d'achat de devises:

Considérant que le CREDIT LYONNAIS rappelle qu'il a réglé la somme de 72.445 euros représentant le montant du préjudice résultant des 9 erreurs grossières retenues par l'expert; qu'il soutient que la société SIPLEC a accepté la tarification des opérations qu'elle critique aujourd'hui, que les opérations faisaient systématiquement l'objet d'avis d'exécution, que les opérateurs de la société SIPLEC pouvaient effectuer les contrôles pour vérifier les conditions financières et que le silence à réception des relevés d'opération fait présumer l'acceptation par la société SIPLEC du coût des opérations ; qu'à titre subsidiaire, il estime que la tarification n'était pas fautive, que l'expert a conclu qu'il avait globalement consenti des prix avantageux à la société SIPLEC et que cette facturation n'est pas excessive ; qu'il fait encore grief au tribunal d'avoir considéré que les opérateurs de la société SIPLEC, qui sont des professionnels avertis aient pû croire que, même dans le cadre de la procédure 'du cours historique', les conditions financières des opérations de prorogation ou de levée anticipée étaient identiques à celles des opérations initiales, un simple contrôle des avis d'exécution leur permettant de s'en rendre compte ; qu'à titre très subsidiaire, il prétend que la société SIPLEC ne prouve pas que la tarification était excessive et qu'elle a subi un préjudice;

Considérant qu'en réponse la société SIPLEC prétend que tout écart anormal constaté sur une opération est révélateur d'un traitement incorrect de cette opération, que la distinction opérée par l'expert n'est pas justifiée, que le nombre des opérations contenant des erreurs grossières est en fait de 13 et non de 9, que les raisons avancées par l'expert pour refuser la prise en compte des autres écarts ne sont pas pertinentes ; qu'elle indique que les conditions 'avantageuses' étaient contractuelles et s'expliquaient par l'ancienneté des relations et le volume considérable des opérations ; qu'elle précise que les parties fonctionnaient selon le système du 'cours historique' et qu'il n'y avait pas de négociations sur les prorogations de terme ; qu'elle considère qu'elle n'avait pas de raison de faire preuve d'une vigilance particulière compte tenu du mode de fonctionnement choisi à savoir le système du 'cours historique'; qu'elle estime que son préjudice est égal au montant des écarts anormaux correspondant aux rémunérations abusivement prélevées par le CREDIT LYONNAIS;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [L] que le montant total des écarts constatés entre la facturation du CREDIT LYONNAIS et les calculs de reconstitution des opérations litigieuses, est estimé à 579.518 euros, montant qui n'est pas contesté par les parties et que l'expert a relevé neuf opérations ayant fait l'objet d'erreurs grossières pour un montant de 72.445 euros, somme qui a été versée à la société SIPLEC;

Considérant que l'expert précise que le terme 'écart' correspond pour chaque opération, à la différence entre les montants initiaux figurant sur les avis d'exécution et les montants issus des calculs effectués lors de l'expertise, selon la méthodologie arrêtée en accord avec les parties;

Considérant que le CREDIT LYONNAIS prétend que le silence à réception des relevés d'opération fait présumer l'acceptation par la société SIPLEC du coût des opérations;

Considérant que les avis d'exécution concernant les modifications de terme, transmis par le CREDIT LYONNAIS, ne précisent pas le détail du calcul qui a permis à la banque de déterminer les conditions de réalisation de ces modifications;

Considérant que ces avis ne fournissaient pas une information complète sur le contenu de chaque opération et donc sur la rémunération prélevée par la banque ; que les opérateurs de la société SIPLEC, qui pratiquaient ces opérations, ne disposaient donc pas des éléments permettant d'effectuer les contrôles pour vérifier les conditions financières appliquées;

Considérant dans ces condition que la réception sans réserves des relevés d'opération ne peut en l'espèce faire présumer l'accord de la société SIPLEC sur la rémunération appliquée par le CREDIT LYONNAIS;

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise qu'habituellement ce sont les opérations d'ouverture qui enregistrent les taux les plus élevés entre les trois catégories d'opérations et que c'est l'inverse qu'on observe en l'espèce avec une marge très basse constatée pour les ouvertures et des marges supérieures, mais néanmoins modérées, pour les prorogations de terme et les levées anticipées;

Considérant que l'expert indique que les conditions d'ensemble de traitement des opérations de change à terme pratiquées par le CREDIT LYONNAIS étaient favorables à la société SIPLEC, ce qui est logique compte tenu de l'importance et de la qualité du client;

Considérant que l'expert précise que les marges appliquées par le CREDIT LYONNAIS sont les suivantes:

- ouvertures : 0.00605%

- levées anticipées : 0.05380%

- prorogations : 0.10747%;

Considérant que les parties utilisaient le système du 'cours historique', ce qui n'est pas contesté par le CREDIT LYONNAIS;

Considérant que le recours au 'cours historique' également appelé 'cours continu' ne fait que reporter les effets des changements résultant de la prorogation ou de l'anticipation de terme, à la fin des opérations modifiées et que ces opérations de prorogation ou d'anticipation de terme constituent donc bien une nouvelle opération d'achat à terme;

Considérant toutefois qu'il est établi que les demandes de prorogation ou d'anticipation de terme étaient traitée par téléphone, puis confirmées par télécopie et qu'elles ne faisaient pas l'objet d'une nouvelle négociation sur les conditions tarifaires;

Considérant qu'à défaut de toute indication donnée par le CREDIT LYONNAIS sur la rémunération pratiquée dans le cas de prorogation ou d'anticipation de terme, la société SIPLEC a pû légitimement croire que cette rémunération était identique à celle des achats à terme;

Considérant dans ces conditions que le CREDIT LYONNAIS a commis un manquement à ses obligations contractuelles en prélevant des rémunérations non conformes aux conditions portées à la connaissance de la société SIPLEC;

Considérant que le CREDIT LYONNAIS prétend que la tarification était favorable à la société SIPLEC et que cette dernière n'a pas subi de préjudice;

Considérant que l'expert indique dans son rapport que les conditions d'ensemble de traitement des opérations de change à terme, au cours de la période considérée, sont favorables à la société SIPLEC, ce qui est logique compte tenu de l'importance et la qualité du client ; que l'expert précise, sans être contredit, que les ouvertures ont généralement des marges les plus chères;

Considérant que ces conditions favorables résultent des accords contractuels concernant les achats à terme, qu'elles s'expliquent par l'ancienneté des relations et le volume considérable des opérations réalisées par la société SIPLEC et qu'elles n'exonèrent pas le CREDIT LYONNAIS du préjudice causé à sa cliente résultant des rémunérations appliquées sans concertation pour les prorogations et les anticipations à terme;

Considérant que l'argument mentionné par Monsieur [L], tiré d'éventuelles erreurs au profit de la société SIPLEC, amoindrissant la charge des erreurs du CREDIT LYONNAIS, ne peut être retenu, le CREDIT LYONNAIS ne rapportant pas la preuve de l'existence de ces erreurs en faveur de la société SIPLEC;

Considérant par ailleurs que la remarque faite par l'expert, concernant la situation du CREDIT LYONNAIS à l'époque des faits et son incidence sur le traitement des opérations, ne relève que de l'hypothèse et ne peut en tout état de cause justifier le non respect par la banque de ses engagements contractuels;

Considérant en conséquence que la société SIPLEC a subi un préjudice certain résultant de la faute du CREDIT LYONNAIS dont elle est en droit de demander réparation;

Considérant qu'au vu des éléments versés aux débats, ce préjudice doit correspondre aux écarts des rémunérations perçues par le CREDIT LYONNAIS au titre des opérations litigieuses, la banque ne pouvant prétendre à une rémunération en raison de son comportement fautif;

Considérant que ces écarts, chiffrés par l'expert à la somme de 579.518 euros, n'ont pas été critiqués par le CREDIT LYONNAIS et qu'en conséquence la société SIPLEC est fondée à demander le paiement de la somme de 507.073 euros, à titre de dommages et intérêts, déduction étant faite de la somme de 72.445 euros versée par le CREDIT LYONNAIS en cours de procédure, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2004;

Considérant que le CREDIT LYONNAIS, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SIPLEC les frais non compris dans les dépens et qu'il convient de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer la somme de 75.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Confirme, par substitution de motifs, le jugement du 10 janvier 2008 en toutes ses dispositions;

Confirme le jugement du 8 décembre 2010 en toutes ses dispositions, à l'exception du montant des dommages et intérêts alloués à la société SIPLEC.

Statuant du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne le CREDIT LYONNAIS à payer à la société SIPLEC la somme de 507.073 euros, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2004, et celle de 75.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne le CREDIT LYONNAIS aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/17155
Date de la décision : 04/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°12/17155 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-04;12.17155 ?
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