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04/07/2013 | FRANCE | N°11/23215

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 04 juillet 2013, 11/23215


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 04 JUILLET 2013



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23215



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 novembre 2011 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère CHAMBRE - RG n° 2009F00513





APPELANTE



SARL AMELISTE représentée par son gérant y domicilié

Ayant son siège social
r>[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER(avocats au barreau de PARIS, toque : L0029)



Assistée de Me Didier SEPHO (avocat au ba...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 04 JUILLET 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23215

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 novembre 2011 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - 1ère CHAMBRE - RG n° 2009F00513

APPELANTE

SARL AMELISTE représentée par son gérant y domicilié

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER(avocats au barreau de PARIS, toque : L0029)

Assistée de Me Didier SEPHO (avocat au barreau de PARIS, toque : C0251)

INTIMÉE

Société ZANKYOU VENTURES SL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 2]

ESPAGNE

Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistée de Me Stéphane COLOMBET de la AARPI VIVIEN & Associés (avocats au barreau de PARIS, toque : R210)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Ameliste a mis en ligne sur un site web une liste de mariage universelle permettant aux futurs époux, non seulement de choisir leurs cadeaux sur des enseignes multiples, mais également de se faire rembourser la totalité des montants. Elle a conclu, pour la réalisation de ces remboursements, un accord financier avec la société Boursorama Banque (la société Boursorama) aux termes duquel les futurs époux, pour pouvoir recevoir le remboursement des cadeaux ouvriraient un compte auprès de Boursorama, qui rémunèrerait la société Ameliste.

Estimant être victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la société de droit espagnol Zankyou Ventures (la société Zankyou) qui, par l'intermédiaire de M. [Y], ancien directeur commercial de la société Boursorama Banque, aurait fait usage d'informations confidentielles issues du dossier qu'elle avait présenté à cette banque, la société Ameliste, par acte d'huissier du 23 avril 2009, a fait assigner la société Zankyou devant le tribunal de commerce de Créteil afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 1 900 000 euros à titre de dommages-intérêts. La société Zankyou, reprochant à la société Ameliste de l'avoir dénigrée et d'avoir utilisé des slogans repris de son site a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 29 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Créteil a :

- débouté l'une et l'autre partie de l'ensemble de leurs demandes directes ou reconventionnelles,

- dit qu'il n'y a pas lieu à statuer sur l'exécution provisoire du jugement,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties de leurs demandes formées de ce chef.

Vu l'appel interjeté le 28 décembre 2011 par la société Ameliste contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 24 juillet 2012, par la société Ameliste par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- constater la concurrence parasitaire de la société de droit espagnol Zankyou,

- ordonner la cessation de la concurrence parasitaire de la société Zankyou

- condamner la société Zankyou au paiement de la somme de 2.000.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société Zankyou de sa demande reconventionnelle de concurrence déloyale,

- débouter la société Zankyou de sa demande reconventionnelle d'indemnisation pour abus d'agir en justice,

- condamner la société Zankyou au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte portée à la réputation de la société Ameliste,

- condamner la société Zankyou au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ameliste fait valoir que M. [Y], l'un des cofondateurs de la société Zankyou, a purement et simplement repris les innovations dont elle était l'auteur pour le compte de sa société. Elle fait valoir que M. [Y] a, non seulement eu accès aux informations confidentielles et privilégiées la concernant, dans le cadre de ses fonctions auprès de la société Boursorama, mais qu'il a également espionné son fonctionnement en ayant recours à ses services pour son propre mariage.

Elle ajoute que le parasitisme ainsi mis en 'uvre lui a causé un dommage dont elle demande réparation.

Enfin, elle objecte que la demande reconventionnelle de la société Zankyou relative à des actes de concurrence déloyale qu'elle lui impute n'est pas fondée tant en ce qui concerne le dénigrement que s'agissant de l'imitation dont elle se prévaut.

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2012 par lesquelles la société Zankyou demande à la Cour de :

A titre principal: sur les actes de concurrence parasitaire allégués

- constater l'absence de concurrence parasitaire prétendument exercée par la société Zankyou à l'encontre de la société Ameliste,

- confirmer que l'action engagée par la société Ameliste est donc manifestement sans objet,

En conséquence,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 29 novembre 2011 en ce qu'il a débouté la société Ameliste de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire: sur l'absence de preuve du préjudice et sur le caractère injustifié des demandes indemnitaires de la société Ameliste

- constater que la société Ameliste n'apporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque et - constater le caractère injustifié et excessif de ses demandes indemnitaires,

En conséquence,

- débouter la société Ameliste de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

Sur le caractère abusif de l'action engagée par la société Ameliste,

- constater que l'action engagée par la société Ameliste est abusive,

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 29 novembre 2011 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Zankyou pour procédure abusive,

- condamner la société Ameliste à verser à la société Zankyou la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts,

A titre reconventionnel: sur les actes de concurrence déloyale commis par la société Ameliste,

- constater que la société Ameliste a commis des actes de concurrence déloyale, notamment par dénigrement et par imitation de l'identité visuelle de Zankyou,

En conséquence,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 29 novembre 2011 en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Zankyou,

- condamner la société Ameliste à verser à la société Zankyou la somme de 300.000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

En toute hypothèse,

- autoriser la société Zankyou à faire publier, en intégralité ou par extraits, la décision à intervenir et/ou sa traduction en toutes langues, dans cinq journaux, magazines ou périodiques de son choix spécialisés dans le domaine du mariage, ainsi que sur la page d'accueil du site Internet http://www.ameliste.fr, pendant une durée ininterrompue de six mois à compter de la signification de la décision à intervenir et aux frais de la société Ameliste, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 5.000 euros,

- condamner la société Ameliste à verser à la société Zankyou une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Zankyou oppose que la société Ameliste n'est pas fondée à agir sur le fondement de la concurrence parasitaire en l'absence de droits privatifs. Elle rappelle, à ce titre, le principe selon lequel une prestation qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle peut être librement reprise. Elle ajoute que la société Ameliste n'apporte pas la preuve d'un effort créatif et d'investissements particuliers. Elle précise que ni le comportement de M. [Y], ni la réalité des efforts intellectuels et des investissements financiers qu'elle a mis en 'uvre ne sont fautifs et qu'en tout état de cause, la société Ameliste n'a pas subi de dommage à la suite des actes de concurrence parasitaire qu'elle invoque.

Elle fait valoir, par ailleurs, que la société Ameliste elle-même a commis des actes de concurrence déloyale en la dénigrant directement et indirectement et en imitant les slogans, formules publicitaires, et illustrations de son site internet.

Elle ajoute que l'action de la société Ameliste est abusive car elle savait parfaitement que son concept n'était pas innovant et qu'elle l'a dénigrée sur internet. Elle demande réparation du préjudice que lui a causé ce comportement, ainsi que d'être autorisée à publier l'arrêt ou des extraits de celui-ci.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la concurrence parasitaire invoquée par la société Ameliste

La liste de mariage proposée par la société Ameliste sur son site internet existe depuis 2006, sans qu'elle précise exactement la date à laquelle elle a lancé cette activité. Elle consiste à permettre aux futurs mariés d'établir une liste qui n'est affiliée à aucune enseigne commerciale et de choisir entre l'acquisition des biens figurant sur la liste ou de récupérer tout ou partie des dons en argent liquide.

La société Ameliste expose qu'elle a ainsi créé un concept original en ce que, d'une part, elle a été la première à permettre la substitution d'argent liquide aux cadeaux choisis par les mariés, et que, d'autre part, sa principale source de rémunération provient du partenariat avec l'établissement bancaire qui rémunère les ouvertures de comptes effectuées par les futurs époux.

Il convient cependant de rappeler qu'en application des principes de liberté du commerce et de l'industrie ainsi que de la libre concurrence qui en découle, un opérateur économique peut, sans commettre une faute de concurrence déloyale, s'inspirer d'une offre de service ainsi que des modalités d'offre de service d'un concurrent, dès lors que celles-ci ne sont pas protégées par des droits de propriété intellectuelle et qu'il respecte les usages loyaux du commerce.

Dès lors, quand bien même la proposition de constituer une liste de mariage sur internet, de pouvoir substituer une somme d'argent liquide aux cadeaux choisis par les donateurs, ou encore de faire financer l'exploitation du service rendu par le partenariat avec un établissement bancaire auraient été des innovations, le fait de copier ou de reprendre ces offres et façons de procéder ne constituerait un acte de concurrence déloyale de la part de la société Zankyou que si celle-ci a mis en 'uvre des procédés déloyaux pour aboutir à ce résultat et notamment si elle s'est placée dans le sillage de la société Ameliste pour, sans rien débourser, profiter de ses investissements, de ses efforts et de son savoir faire.

En tout état de cause, il résulte des documents produits par la société Zankyou que, dès 2003, il existait sur internet un site français intitulé « millemercismariage.com », ainsi qu'un autre intitulé « Smartweddinglists.com » en langue anglaise, qui proposaient déjà la possibilité de récupérer directement sur le compte bancaire des donataires, les sommes versées sur la liste. Par ailleurs, le financement du service offert par la société Zankyou ne repose pas sur un partenariat avec une banque, mais sur la publicité et, dès lors, il ne peut lui être reproché d'avoir repris, s'agissant de son mode de financement, le concept de la société Ameliste.

La société appelante soutient que M. [Y], fondateur et dirigeant de la société Zankyou aurait détourné des informations confidentielles et privilégiées la concernant, lorsqu'elle a présenté ses propositions de partenariat à la société Boursorama, au sein de laquelle il occupait les fonctions de directeur de réseau.

Cependant, il convient de relever qu'elle ne précise, et encore moins ne démontre, quelles étaient les informations confidentielles et privilégiées auxquelles M. [Y] aurait eu accès et qu'il aurait détournées. On relèvera à ce sujet, qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, le modèle économique sur lequel repose l'offre de la société Zankyou est différent de celui de la société Ameliste.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites que M. [Y] occupait, en 2006, le poste de directeur du « Réseau d'agences » rattaché à la direction commerciale et qu'il exerçait ses fonctions dans des locaux différents de ceux du service marketing avec lequel la société Ameliste a été en relation pour le montage de son projet. Si les prospects devaient ouvrir un compte auprès de la société Boursorama pour pouvoir bénéficier des services de la liste Ameliste et devenaient alors clients de celle-ci, cet état de fait ne démontre pas comment M. [Y] aurait pu avoir accès à des informations privilégiées, ainsi que le soutient la société Ameliste. On relèvera encore à cet égard que l'attestation de la société Boursorama, qui apparaît essentiellement préoccupée par la volonté de montrer que, ni elle, ni son fonctionnement ne sauraient être mis en cause dans le litige entre les sociétés Ameliste et Zankiou, n'apporte aucun élément qui attesterait que M. [Y] aurait pu avoir accès aux informations transmises par la société Ameliste.

Enfin, le fait que M. [Y] ait eu recours aux services de la société Ameliste pour la liste de cadeaux de son propre mariage ne saurait, faute d'autres éléments, permettre de considérer qu'il aurait ainsi espionné la société et procédé au détournement d'informations ou d'un savoir faire particulier.

Enfin, et en tout état de cause, la Cour relève que la société Zankyou justifie avoir investi des sommes importantes dans le développement de son site, notamment, plus de 73 000 euros dans la conception du site web, 100 000 euros pour le développement informatique et la programmation de son site internet. Ceci, ainsi que les documents relatifs à l'offre qu'elle a mise en ligne, démontrent qu'elle ne s'est pas contentée de copier l'idée et le site de la société Ameliste mais a mis en 'uvre un travail de développement pour exploiter un ensemble d'offres de prestations en ligne, liées à l'évènement du mariage.

Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que la société Ameliste ne rapporte pas la preuve de ce que la société Zankyou aurait, par des moyens déloyaux, lancé et mis en 'uvre une offre de service de liste de mariage en ligne imitant la sienne, ni qu'elle se serait placée dans son sillage pour recueillir, sans rien débourser, le fruit de ses efforts et de ses investissements. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté sa demande de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Ameliste

Sur les actes de dénigrement

Les pièces du dossier permettent de constater qu'en septembre 2008, la société Zankyou répondant à une question posée par un internaute sur le forum de discussion « Auféminin.com », a vanté les mérites et la fiabilité de son offre en signant le message sous l'identité personnelle de sa directrice pour la France, Mme [F] [E], laissant penser que la réponse était celle d'une internaute objective. Cette supercherie étant découverte et dénoncée, sur le même site quelques jours plus tard, par un internaute, Mme [E] a posté un message d'excuses, le 11 septembre 2008, par lequel elle indiquait qu'elle avait testé personnellement le site avant de travailler pour la société Zankyou. Revenant sur l'échange de ces messages le 7 janvier 2009, la société Ameliste a posté sur le même site un nouveau message intitulé « Mise au point Ameliste » et illustré par trois « smileys » réprobateurs. Ce message après avoir critiqué le comportement consistant à « mentir aux internautes en postant des messages sous de fausses identités » énonce une mise en garde sur les risques du « devenir de leurs fonds » et précise sur ce point « Il est aussi interdit d'abuser de la crédulité des personnes. L'abus de confiance est aussi sanctionné et relève du pénal. La création d'une structure en France ne change rien au problème sauf que de permettre aux autorités françaises d'intervenir.

Principe directeur : soyez très prudents, Ne vous laissez pas abuser, Ne prenez aucun risque ! ».

Le message poursuit « Nous ne sommes pas les confrères d'une entreprise qui ne cesse de tromper son monde en proférant des mensonges sur le net, en faisant prendre des risques aux autres et en prétendant que les autres font de même pour justifier leurs actions. Les récents posts d'internautes en font la démonstration évidente. (') Ameliste est fière de ne jamais avoir recours à de tels procédés choquants et nous refusons d'être associés à votre méthode de travail. Nous garantissons nos méthodes, elles ont été validées par les autorités françaises ce qui est loin d'être votre cas. Pour finir vous n'avez rien inventé et votre offre est loin d'être unique. Bien des entreprises, notamment Ameliste, proposent depuis très longtemps les mêmes services : Un mensonge de plus. (...) ».

La société Ameliste soutient que la production de ce message contrevient aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et qu'il ne peut dès lors être retenu. Cependant, cette disposition qui concerne les attestations, produites en justice à l'appui de la démonstration d'un fait, ne s'appliquent pas à la copie de messages issus d'un forum de discussion sur internet ouvert au public qui atteste par elle-même de ce que ces messages ont bien été échangés. La société Ameliste ajoute que les propos qui lui sont reprochés sont justifiés par le fait que la société Zankyou a posté un message sous une fausse identité, ce qui démontre qu'elle aurait « fait du mensonge un art dont elle semble maîtriser les codes ».

La cour relèvera sur ce point que le fait que la société Zankyou ait ainsi posté une réponse sur un forum de discussion sous l'identité personnelle de sa chargée de sa directrice France, pour lui donner une apparence d'objectivité, quelle que soit la réprobation qu'un tel comportement puisse susciter, ne saurait justifier un comportement dénigrant de l'ensemble des offres et services de cette société de la part d'un concurrent. Or, au delà de dénoncer la pratique consistant à poster un message faussement objectif et de critiquer cette pratique comme elle aurait pu le faire en termes proportionnés à la faute ainsi commise, la société Ameliste a, en indiquant au sujet des fonds qui pouvaient être adressés à sa concurrente que « l'abus de confiance est aussi sanctionné et relève du pénal (...) », en appelant les internautes à être « très prudents », à ne pas se laisser « abuser » et à ne prendre « aucun risque ! », et en affirmant que les méthodes de la société Ameliste étaient « validées par les autorités françaises, ce qui était loin d'être [le] cas [de la société Zankyou] », clairement insinué que sa concurrente détournait les fonds qui lui étaient confiés et ainsi jeté le discrédit sur la probité de la société Zankyou. Ce dénigrement est constitutif d'un acte de concurrence déloyale.

À ce sujet, la Cour précise que la lettre par laquelle la société Zankyou a interrogé la société exploitante du site « Auféminin.com » sur l'identité de la personne lui ayant demandé de retirer le message de la société Ameliste ci dessus mentionné et faisant état du litige qui les opposait n'a fait qu'user de ses droits de se défendre sans porter atteinte à l'image de la société Ameliste.

Le jugement devra donc être réformé à ce sujet.

Sur les actes de dénigrement indirects

Le site de la société Ameliste comporte une rubrique intitulée « Ma liste de mariage/ Les pièges à éviter » qui comporte les mentions suivantes « En faisant le choix d'une entreprise française, soumise à des contrôles réglementés, garantissant la crédibilité et le sérieux de votre fournisseur de service, vous faites le choix le plus sur ['] Ces derniers mois ont vu l'émergence de faussaires imitant les sociétés existantes, présentant de faux témoignages sur leurs pages d'accueil et sur les forums dédiés au mariage afin de mettre en confiance les mariés sur la solidité de leur entreprise. Il faut donc redoubler de vigilance. Ne confiez pas votre argent à n'importe qui ». La société Zankyou ne saurait reprocher à ce message de dénoncer la possibilité de « faux témoignages » publiés sur des forums, alors qu'elle s'est risquée à cette pratique. En outre, le fait que le site de la société Zankyou serait le seul à faire figurer des témoignages sur sa page d'accueil n'est pas démontré et elle n'est, par ailleurs, pas visée, ni directement, ni indirectement, par ces termes qui ne renvoient à aucune société en particulier et ne font qu'alerter les internautes sur les risques qu'ils peuvent courir en s'adressant à des sites qui ne seraient pas éprouvés, ainsi qu'à se méfier, à juste titre, des témoignages de particuliers. Enfin, la mise en avant du fait que la société Ameliste soit française et soumise à « des contrôles » est admissible pour une société qui intervient sur internet, où peuvent se développer toutes sortes d'offres et ne saurait jeter le discrédit par voie d'interprétation a contrario, sur la société Zankyou en raison de ses origines espagnoles. Il en va de même des messages postés au début de l'année 2009 sur le site « Auféminin.com » qui sont clairement identifiés comme provenant de la société Ameliste et qui, pour le public qui n'est pas initié au litige entre les deux sociétés, ne visent pas la société Zankyou et ne font qu'alerter les internautes sur les risques de fraude.

Sur les actes de concurrence déloyale par imitation reprochés à la société Ameliste

S'agissant d'offres de liste de cadeau de mariage universelle sur internet avec la possibilité de récupérer les fonds adressés par les donateurs, la reprise par la société Ameliste du slogan « la liste de mariage nouvelle génération », déjà utilisée par la société Zankyou ne peut, en raison de son caractère banal, constituer un acte de concurrence déloyale. Il en va de même de la formule « déposez la liste de vos rêves et récupérez 100 % de vos dons » ressemblant à celle de la société Zankyou « Créez la liste de vos rêves et récupérez 100 % de vos dons » qui ne comporte aucune originalité et n'est pas susceptible d'identifier spécifiquement la société Zankyou au regard des offres proposées par les deux sociétés. Le parasitisme de la part de la société Ameliste, dénoncé sur ces points par la société Zankyou, n'est donc pas constitué.

Enfin, le fait pour la société Ameliste de faire figurer sur son site une illustration représentant un couple de jeunes mariés sur un triporteur ne saurait non plus constituer un acte de concurrence parasitaire. Compte tenu de l'offre des deux sociétés, il ne saurait être reproché à la société Ameliste d'avoir utilisé une telle illustration qui comporte une inspiration similaire de celle de la société Zankyou représentant un couple de mariés sur un scooter, mais avec sa propre originalité liée à un autre mode de transport, à la présence d'enfants, de cadeaux, de pétales de fleurs renvoyant à un cortège nuptial. De plus ce dessin ne figure pas sur la page d'accueil de la société Ameliste, alors qu'il illustre celle de la société Zankyou et que s'agissant de cette dernière, il renvoie au film « Vacances Romaines » dont une photo figure sur plusieurs des pages suivantes, donnant ainsi une unité entre les pages. Le fait que la société Ameliste ait introduit ce dessin après l'introduction de la présente instance, alors qu'elle n'avait aucun intérêt à se rendre responsable d'actes de concurrence déloyale envers la société Zankyou, n'est donc pas de nature à démontrer l'intention malveillante de l'appelante. Enfin, le fait que les autres sites d'offres de listes de mariage ne soient pas de la sorte illustrés ne démontre pas qu'en adoptant cette illustration, la société Ameliste se serait placée dans le sillage de la société Zankyou pour créer une confusion avec elle, alors d'ailleurs qu'il résulte des éléments relevés ci-dessus, qu'elle cherchait justement à s'en distinguer.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Zankyou

S'il résulte d'une jurisprudence constante qu'un préjudice s'infère nécessairement d'actes de concurrence déloyale et notamment d'actes de dénigrement, ce principe ne dispense toutefois pas la partie victime de tels actes de démontrer l'étendue de son préjudice. En l'espèce, les faits de dénigrement retenus ci-dessus datent de janvier 2009 et le message a été retiré le 30 novembre de la même année par la société Au féminin.com. La société Zankyou ne démontre pas que ce site connaît, ainsi qu'elle le prétend, un succès important tant en termes de fréquentation que de mariages organisés par les services auxquels il renvoie. Elle ne démontre pas non plus avoir enregistré une baisse de fréquentation de son site à la suite de la pratique dénoncée, ni que son développement ou l'évolution de son chiffre d'affaires auraient été freinés par le dénigrement dont elle a été l'objet. À ce sujet la Cour relève qu'elle a, ainsi qu'elle s'en prévaut par ailleurs, bénéficié d'un reportage en juin 2009 diffusé par la chaîne France 2 dans l'émission télématin, au cours de laquelle elle a été qualifiée de « facebook » du mariage ; ce qui démontre son développement et le reconnaissance dont elle bénéficie auprès du public. Il ressort aussi des captures d'écran produites, que sur une recherche intitulée « liste de mariage » effectuée sur le moteur Google, elle se trouve en deuxième place, juste derrière Ameliste, alors qu'elle est entrée sur le marché plus de deux années après celle-ci. Compte tenu de ce constat et des éléments du dossier le préjudice que lui a causé le dénigrement de la société Ameliste sera chiffré à la somme de 5 000 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Zankyou pour procédure abusive

La société Zankyou ne démontre pas que la société Ameliste aurait diligentée la présente action de manière abusive. En effet, le fait qu'elle se soit méprise sur l'étendue de ses droits ne constitue pas un abus de procédure dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait agit de mauvaise foi et dans une intention malveillante. Par ailleurs, le fait qu'elle a dénigré la société Zankyou relève d'une faute et d'un préjudice distincts dont elle doit la réparation fixée ci-dessus, mais qui ne démontre pas qu'elle aurait attrait la société Zankyou en concurrence déloyale de manière abusive. En conséquence, sa demande de condamnation de la société Ameliste pour procédure abusive doit être rejetée et ce, d'autant plus qu'elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé au titre des frais irrépétibles.

Sur la demande de publication de l'arrêt

Ni la nécessité, ni l'opportunité de faire publier le présent arrêt dans la presse généraliste ou spécialisée ne sont démontrées par la société Zankyou, de sorte que sa demande doit être rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Zankyou l'intégralité des frais qu'elle a exposés pour faire valoir sa défense, de sorte que la société Ameliste sera condamnée à lui verser 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REFORME le jugement rendu entre les parties le 29 novembre 2011 par le TGI de Créteil, mais seulement en ce qu'il a rejeté la reconventionnelle de demande dommages-intérêts de la société Zankyou ;

Statuant à nouveau

DIT que la société Ameliste a mis en 'uvre une pratique de concurrence déloyale en dénigrant de la société Zankyou ;

CONDAMNE la société Ameliste à payer à la société Zankyou la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société Ameliste à payer à la société Zankyou la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraire des parties ;

CONDAMNE la société Zankyou aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/23215
Date de la décision : 04/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/23215 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-04;11.23215 ?
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