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04/07/2013 | FRANCE | N°11/09571

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 04 juillet 2013, 11/09571


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09571

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Août 2011 par Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 09/08879



APPELANT

Monsieur [K] [T]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Abdelfattah BENSOUDA, avocat au barreau de PARIS, toque : L232






r>INTIMEE

BANQUE CENTRALE POPULAIRE (MAROC)

attention changement d'adresse

représentée par Me Jilali MAAZOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0062







COMPOSITION DE LA COUR ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09571

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Août 2011 par Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 09/08879

APPELANT

Monsieur [K] [T]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Abdelfattah BENSOUDA, avocat au barreau de PARIS, toque : L232

INTIMEE

BANQUE CENTRALE POPULAIRE (MAROC)

attention changement d'adresse

représentée par Me Jilali MAAZOUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0062

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du 3 août 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris :

- s'est déclaré compétent,

- a débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes,

- a débouté la Banque Centrale Populaire de sa demande reconventionnelle,

- a condamné Monsieur [T] aux dépens,

Monsieur [T] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Vu les conclusions du 21 mai 2013, au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, déclarer bien fondé l'appel interjeté par Monsieur [T],

En y faisant droit, constater que Monsieur [T] a bel et bien été mis d'office à la retraite conformément aux termes clairs et précis de la pièce n°2.1,

- dire et juger qu'une telle mise à la retraite d'office de Monsieur [T] en raison de son âge par la Banque Centrale Populaire, alors qu'il ne remplissait pas les deux conditions cumulatives requises par les textes, constitue un licenciement entaché de nullité et en conséquence sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Banque Centrale Populaire à lui verser les sommes suivantes :

* 11 067 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1 106,70 € à titre de congés payés sur indemnité de préavis,

* 110 252 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 44 268 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 221 340 € à titre d'indemnité de mise d'office à la retraite,

* 335 237,28 € à titre d'indemnité de complément de retraite,

* 34 920,72 € à titre d'indemnité pour couverture d'assurance maladie,

avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2009, date de la saisine du Conseil de prud'hommes de Paris,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la Banque Centrale Populaire au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 21 mai 2013, au soutien de ses observations orales par lesquelles la Banque Centrale Populaire demande à la cour de :

A titre principal, in limine litis,

- dire et juger que la juridiction prud'homale française est territorialement incompétente et en conséquence, réformer le jugement entrepris et renvoyer Monsieur [T] à mieux se pourvoir devant le Tribunal de Première Instance de [Localité 1]-Anfa à [Localité 1] au Maroc,

- dire et juger que le Conseil de prud'hommes de Paris est matériellement incompétent,

- dire et juger que la loi applicable au contrat de travail entre Monsieur [T] et la BCP est le droit marocain,

- dire et juger que Monsieur [T] ne relève pas du régime général de sécurité sociale,

- dire et juger irrecevable l'action de Monsieur [T] en ce qu'elle tend à mettre rétroactivement à néant les droits et obligations nés d'une affiliation antérieure,

- dire et juger que Monsieur [T] n'a subi aucun préjudice,

A titre subsidiaire, au fond,

- confirmer le jugement entrepris,

En tout état de cause et à titre reconventionnel,

- dire et juger que la BCP a son siège social au [Adresse 2],

- dire et juger que la BCP n'est nullement établie au [Adresse 4],

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] aux dépens,

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

***

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :

Par lettre d'engagement en date du 2 janvier 1969, Monsieur [K] [T] a été embauché, en qualité d'attaché commercial, par la Banque Centrale Populaire (ci-après BCP) et a été envoyé en France à compter du 18 février 1969, pour remplir ses fonctions, où il a accompli le reste de sa carrière jusqu'à son départ à la retraite le 30 juin 2004.

MOTIVATION

Sur l'exception d'incompétence territoriale

La BCP soutient que Monsieur [T] a été détaché au sein des Services Financiers de l'Ambassade du Maroc à [Localité 2] ; que le territoire situé dans l'enceinte d'une représentation diplomatique étrangère est considéré comme le territoire national du pays de la représentation diplomatique en question, conformément au droit français international. En vertu de ce principe d'extra-territorialité, Monsieur [T] a exercé ses fonctions entre le 18 février 1969 et le 30 juin 2004 sur le territoire marocain et non sur le territoire français.

La BCP ne produit aux débats aucun élément probant permettant d'établir que les services dans lesquels travaillait Monsieur [T] faisaient partie intégrante des services de l'ambassade du Maroc dans laquelle la BCP serait installée. En effet, le fait que la BCP disposait d'un bureau de représentation au [Adresse 3], selon les indications portées sur un agenda 2005 de la BCP et que les locaux de la représentation diplomatique du Maroc en France soient situés à la même adresse ne saurait en soi suffire à considérer que la BCP justifie du principe d'extraterritorialité applicable au même ensemble immobilier.

De plus, par courrier en date du 22 juillet 2005, le Ministère des Affaires Etrangères (sous-direction des privilèges et immunités consulaires) a souligné que la BCP du Maroc n'était pas connue du Protocole, ajoutant dans un second courrier du 23 mars 2006 que 'les deux Conventions de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, ne sont pas pertinentes au regard de la question de l'immunité de juridiction de ladite banque'.

De surcroît, la BCP procède par affirmation en indiquant que l'appelant avait été détaché au sein des Services Financiers de l'Ambassade du Maroc à [Localité 2], les courriers adressés à Monsieur [T] sur papiers à en-tête étant insuffisants pour considérer qu'il dépendait effectivement du service financier de l'Ambassade.

Enfin, aux termes d'un courrier en date du 10 janvier 2006, la Banque de France a indiqué qu'elle avait enregistré l'ouverture au 1er janvier 1972 d'un bureau de représentation au nom de la Banque Centrale Populaire du Maroc, établissement de crédit de droit privé, conformément aux dispositions de l'article L 511-19 du code monétaire et financier.

Il s'en suit que la BCP ne peut valablement exciper d'une incompétence territoriale au motif que ses services seraient situés en territoire marocain.

Il n'est pas contesté que le contrat de travail de Monsieur [T] a été exécuté dans les locaux parisiens de la BCP. Il s'évince des dispositions de l'article R 1412-1 du code du travail que le Conseil de prud'hommes de Paris était territorialement compétent pour connaître de ce litige. Le jugement déféré sur ce chef sera donc confirmé.

Sur l'exception d'incompétence matérielle

La BCP fait valoir que les demandes de Monsieur [T] posent en réalité une question préjudicielle spéciale qui est celle de son affiliation ou non au régime général de la sécurité sociale française. En effet, l'appelant affirme qu'il aurait dû être affilié au régime général français et partant de cette constatation, il réclame une indemnisation au titre de cette non-affiliation considérée comme fautive.

A titre liminaire, il convient de rappeler que la Cour a compétence pour connaître des litiges relevant aussi bien du Conseil de prud'hommes que du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Au surplus, les prétentions de Monsieur [T] sont formées dans le cadre d'un litige relatif à une contestation des conditions de rupture de son contrat de travail. En conséquence, elles relèvent de la compétence du Conseil de prud'hommes au sens des articles L 1411-1 et suivants du code du travail.

Dans ces conditions, cette exception sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur la loi applicable à la relation de travail

La BCP expose que les références à la loi marocaine sont abondantes en l'espèce : la domiciliation des bulletins de paye au Maroc, la rémunération libellée en dirhams marocains, le paiement des cotisations à des organismes marocains. Le contrat de travail de Monsieur [T] est donc, selon l'établissement bancaire, soumis au droit marocain et non au droit français, comme ce dernier le prétend.

Monsieur [T] a été engagé par la BCP, personne morale de droit marocain, aux termes d'une lettre d'engagement en date du 6 février 1969 avec prise d'effet au 2 janvier 1969, en qualité de 'personnel stagiaire'. Dans cette lettre d'engagement, les parties sont restées muettes sur la loi à laquelle était soumis le contrat de travail signé à [Localité 1] (Maroc), étant précisé qu'il n'était même pas mentionné le montant de la rémunération du salarié. Il était uniquement indiqué que les 'appointements seront décomptés sur la base mensuelle brute de ......impôts, cotisations CNSS et CIMR à votre charge'.

Lorsque Monsieur [T], qui dispose de la double nationalité franco-marocaine, a été muté en France, le 18 février 1969, aucun avenant n'a été signé, la lettre d'engagement du 6 février 1969 prévoyant une clause de mobilité.

Il a réalisé l'intégralité de sa carrière professionnelle en France, soit 35 ans, celle-ci prenant fin à la date de son départ en retraite, le 30 juin 2004. Il a exercé notamment les fonctions de chef de service et de responsable régional adjoint.

L'examen des bulletins de salaire permet de relever qu'effectivement, Monsieur [T] a été rémunéré en dirhams marocains avec une domiciliation à [Localité 1] (Maroc), ladite somme faisant l'objet d'une conversion en euros sur la base d'un taux privilégié. Les bulletins de salaire étaient également libellés en langue arabe avec traduction en français. En outre, l'employeur et le salarié cotisaient aux organismes sociaux marocains: caisse nationale de sécurité sociale, caisses de retraite. Monsieur [T] bénéficiait également d'une indemnité mensuelle d'expatriation.

Il importe peu que Monsieur [T] ait fixé le centre de ses intérêts de manière stable, depuis plus de 35 ans, en France (mariage avec une personne de nationalité française et naissance de trois enfants sur le territoire national) dès lors qu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail, qui a commencé à s'exécuter au Maroc, présente des liens plus étroits avec ce pays qu'avec la France.

De surcroît, il ressort du document intitulé 'demande de liquidation (RCPCPM)' établie par Monsieur [T] que la liquidation de ses droits pour le régime complémentaire de prévoyance du CPM sous forme de capital a été versée sur un compte bancaire situé au Maroc.

Surabondamment, Monsieur [T] ne rapporte pas la preuve qu'il aurait contesté, durant l'exécution de son contrat de travail en France, son affiliation aux organismes sociaux marocains.

Contrairement aux dires de Monsieur [T], la BCP n'a pas commis d'agissements relevant du travail dissimulé dès lors qu'elle a régulièrement acquitté les cotisations auprès des organismes sociaux marocains, le relevé de carrière du salarié ne comportant aucune année non cotisée.

S'agissant de l'application de la Convention générale de sécurité sociale en date du 9 juillet 1965 signée entre la France et le Maroc, il n'y a pas lieu de l'appliquer dès lors que l'employeur a entendu soumettre le contrat de travail au droit marocain et conférer à Monsieur [T] la qualité d'expatrié. Par conséquent, Monsieur [T] ne peut valablement se prévaloir des dispositions, notamment de l'article 3, de la convention internationale susmentionnée.

Le contrat de travail litigieux de Monsieur [T] étant soumis au droit marocain, les demandes de ce dernier articulées sur l'application des droits du travail et de la sécurité sociale français seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

Monsieur [T] sera condamné à l'ensemble des dépens exposés en cause d'appel et à la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [T] à payer à la Banque Centrale Populaire la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE Monsieur [T] aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/09571
Date de la décision : 04/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/09571 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-04;11.09571 ?
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