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04/07/2013 | FRANCE | N°11/09454

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 04 juillet 2013, 11/09454


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° 2 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09454



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/06298





APPELANT

Monsieur [R] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Aurélien WUL

VERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16







INTIMÉES

SARL SOCIÉTÉ HÔTEL DU JURA

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par M. [Y] [W] (Gérant) en vertu d'un pouv...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 04 Juillet 2013

(n° 2 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09454

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/06298

APPELANT

Monsieur [R] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16

INTIMÉES

SARL SOCIÉTÉ HÔTEL DU JURA

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par M. [Y] [W] (Gérant) en vertu d'un pouvoir général

SOCIÉTÉ SGH

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [Y] [W] (Gérant) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [J] a été embauché par la société L'HÔTEL DU JURA en qualité de responsable de site, suivant contrat à durée indéterminée en date du 25 avril 2005. Son contrat de travail a été transféré à une autre société du groupe, qui gère un hôtel dans la même rue, la société SGH, au mois de décembre 2007.

Au mois de novembre 2008, Monsieur [J] a été élu délégué syndical.

Au début de l'année 2010, la société SGH a tenté de transférer à nouveau Monsieur [J] à la société L'HÔTEL DU JURA, mais elle y a renoncé compte tenu de l'opposition du salarié, et de son statut protecteur.

Monsieur [J] a été en arrêt pour maladie en raison d'un état dépressif à compter du 17 janvier 2010, et il n'a jamais repris son poste depuis cette date. Il a été déclaré inapte définitif à tout poste dans l'entreprise par un avis du médecin du travail en date du 5 avril 2011.

L'employeur lui a fait une proposition de reclassement qui a été refusée, puis a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licencier. Il a alors été informé de ce que Monsieur [J] contestait l'avis du médecin du travail, de sorte que la demande d'autorisation a été bloquée.

Monsieur [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 7 mai 2010, afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que le paiement de différentes indemnités, notamment au titre de la rupture, ainsi que du harcèlement moral et de la discrimination syndicale dont il estimait avoir été victime.

Il a été débouté de toutes ses demandes par jugement en date du 6 septembre 2011.

Monsieur [J] a interjeté appel de cette décision le 14 septembre 2011.

Il a été licencié par courrier du 25 octobre 2011, l'employeur ayant, entre temps, obtenu l'autorisation de l'inspection du travail. Toutefois, il a formé un recours devant le Ministre du travail, lequel a annulé l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Monsieur [J] a demandé sa réintégration dans l'entreprise par courriers des 9 et 14 juin 2012. L'employeur a pris acte de cette demande, et l'a informé qu'une visite médicale de reprise devait avoir lieu le 10 juillet 2012.

Cet visite a été reportée à la demande de Monsieur [J] et un nouvel avis d'inaptitude a été pris le 27 juillet 2012, en une seule visite, avec visa d'un danger immédiat.

Monsieur [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny statuant en référés, d'une demande de paiement de ses salaires, et un chèque de 7.949,05 euros lui a été remis à la barre, correspondant aux salaires dus jusqu'au mois de décembre 2012 inclus.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [J] a, à l'audience du 4 juin 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour de :

- juger que la société SGH a commis de graves fautes dans l'exécution de son contrat de travail justifiant la rupture de celui-ci aux torts de l'employeur.

- infirmer le jugement entrepris.

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

- condamner les société SGH et HÔTEL DU JURA à lui payer les sommes suivantes :

17.095,56 euros à titre d'indemnisation d'octobre 2011 à juin 2012.

18.053,17 euros bruts à titre de rappel de salaire de juin 2012 à mai 2013.

1.805,31 euros au titre des congés payés afférents.

mensuellement la somme de 2.602,76 euros de juin 2013 à la date de la notification de l'arrêt, outre une majoration de 10% au titre des congés payés.

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement et paiement tardif des salaires.

7.808,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

780,72 euros au titre des congés payés afférents.

4.164,41 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

3.000 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement.

10.385 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat suite au licenciement du 25 octobre 2011.

80.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ordonner la remise de documents sociaux conformes sous astreinte.

- ordonner la capitalisation des intérêts.

Il expose qu'à la suite de son élection comme délégué du personnel, l'employeur n'a eu de cesse d'entraver ses fonctions, et a même tenté de le transférer dans une autre société ; que ses fonctions ont été modifiées, l'employeur lui ayant retiré toutes ses prérogatives de responsable, pour le cantonner à des fonctions de réceptionniste ; que ces agissements ont eu de graves répercussions sur sa santé ; que le licenciement ayant été annulé et à la suite du nouvel avis d'inaptitude, l'employeur n'a pas tenté de le reclasser, et n'a pas repris le paiement des salaires.

Représentées par leur Conseil, la SOCIÉTÉ DE GESTION HÔTELIÈRE (SGH) et la SOCIÉTÉ HÔTEL DU JURA ont, à l'audience du 4 juin 2013 développé oralement leurs écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elles demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris.

- mettre hors de cause la société HÔTEL DU JURA.

- dire que la société SGH n'a procédé à aucune modification unilatérale des fonctions de Monsieur [J].

- dire que Monsieur [J] ne justifie d'aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son encontre.

- dire qu'il n'établit aucun ait de nature à démontrer qu'il aurait été victime de harcèlement moral.

- dire que la société SGH n'a commis à l'encontre de son salarié aucun manquement de nature à justifier la rupture de son contrat de travail.

- débouter Monsieur [J] de ses demandes.

- subsidiairement, ramener les demandes à de plus justes proportions.

Elles exposent que les relations entre l'employeur et Monsieur [J] étaient dans un premier temps excellente, et que c'est ainsi qu'un prêt de 10.000 euros avait été accordé au salarié ; que c'est également à la demande de Monsieur [J], et compte tenu de l'embauche de son épouse dans l'hôtel, que ses horaires ont été modifiés, ce qui a pu entraîner une modification des tâches qui lui étaient confiées ; que les relations se sont dégradées lorsqu'un second prêt, cette fois de 18.000 euros a été sollicité, alors que le premier n'était pas remboursé ; que c'est à la suite de ce refus que Monsieur [J] a refusé de voir son contrat transféré à l'Hôtel du Jura, où il lui était proposé un poste de responsable, puis a immédiatement été en arrêt pour maladie, à l'issue duquel il n'a jamais repris le travail.

Elle fait valoir que, contrairement à ce qu'il invoque, Monsieur [J] a toujours été responsable de site, et que les pièces qu'il verse aux débats ne démontrent nullement le contraire ; que le refus d'octroyer au salarié le prêt de 18.000 euros qu'il réclamait ne peut être retenu comme de la discrimination syndicale, pas plus que le projet, auquel l'employeur a renoncé, de transférer une seconde fois son contrat de travail ; qu'aucun élément du dossier ne vient étayer l'allégation de harcèlement moral du salarié, lequel ne peut se déduire de l'inaptitude retenue par la médecine du travail ; que si il a en effet existé un retard de paiement à la suite du second avis d'inaptitude, celui-ci a été totalement régularisé.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.

DISCUSSION

Le contrat de travail ayant été transféré à la société SGH, et le transfert pour la société HÔTEL DU JURA ayant été abandonné, cette dernière société sera mise hors de cause.

- Sur les différentes demandes salariale

Monsieur [J] forme en premier lieu une demande de paiement de salaires pour la période du 25 octobre 2011 au 8 juin 2012, soit entre la date de son licenciement et la date à laquelle l'autorisation de licencier a été annulée par le Ministre du travail.

Aux termes de l'article L 2422-4 du Code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

En l'espèce, il est établi que Monsieur [J] a bien sollicité sa réintégration et le paiement des salaires qui lui étaient dus dans les deux mois de la décision du Ministre, de sorte que l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité correspondant aux salaires bruts dus pour la période du 25 octobre 2011 au 8 juin 2012, sous déduction des indemnités de sécurité sociale et des indemnités journalières perçues pour la même période.

En l'espèce, Monsieur [J] justifie des indemnités journalières perçues entre le 3 décembre 2011 et le 28 janvier 2012, puis des indemnités de chômage perçues jusqu'à sa réintégration. En revanche, il ne verse aux débats aucun élément sur les indemnités qu'il aurait perçues entre le 25 octobre 2011 et le 3 décembre 2011, de sorte que la Cour ne disposant pas des éléments lui permettant de fixer l'indemnité due, il sera déboutée de ses demandes pour cette période.

Il sera donc fait droit à sa demande à hauteur de 11.637,39 euros.

L'employeur avait été destinataire, depuis le 23 octobre 2012, du justificatif des indemnités perçues par le salarié, et il était donc en mesure de calculer le montant de l'indemnité due. Ce retard de paiement a causé à Monsieur [J] dont il sera indemnisé par l'allocation de 200 euros de dommages et intérêts.

Par ailleurs, Monsieur [J] fait valoir qu'il n'a reçu que tardivement ses documents de fin de contrat à la suite de son licenciement. Ce fait est établi par les correspondances produites, mais Monsieur [J] ne justifiant pas de droits qu'il aurait perdus, son indemnisation sera limitée à 100 euros.

Monsieur [J] sollicite en second lieu un rappel de salaire pour la période allant de sa réintégration (juin 2012) au jour de l'audience, sous déduction de un mois correspondant au salaire du mois suivant sa seconde déclaration d'inaptitude.

Toutefois, il ressort des éléments du dossier que l'employeur justifie avoir acquitté les salaires dus jusqu'au mois de décembre 2012 lors de l'audience devant le Conseil de Prud'hommes de Bobigny du 18 janvier 2013, et avoir ensuite repris le paiement des salaires.

Il ne sera donc pas fait droit à ce chef de demande.

- Sur la demande au titre de la discrimination syndicale

Monsieur [J] sollicite le paiement de 60.000 euros de dommages et intérêts en raison de la discrimination syndicale dont il aurait été l'objet.

Il fonde cette demande, en premier lieu, sur un courriel du 29 décembre 2008, adressé par le gérant de la société à Monsieur [Y], dont on ignore quelle est la fonction. Dans ce courriel, l'employeur refuse que les heures de délégation de Monsieur [J] soient utilisées pour organiser une soirée le soir de la Saint Sylvestre. Le ton est certes inapproprié, puisque l'employeur y parle de charlatanisme et conclu 'Arrêtez de vous foutre de la gueule des gens', mais ce mouvement d'humeur isolé n'est pas de nature à caractériser des faits de discrimination syndicale.

Monsieur [J] soutient, par ailleurs, que son employeur aurait tenté de faire pression sur lui, en lui refusant finalement un prêt qu'il s'était engagé à lui accorder, en raison de son activité syndicale.

Toutefois, il ne verse aux débats aucune pièce dont il résulterait que son employeur aurait jamais donné son accord sur ce prêt (alors qu'il en avait accordé un premier peu avant). C'est au contraire Monsieur [J] lui même qui semble mêler les questions liées à ses responsabilités syndicales et sa vie privée, puisque dans un courriel du 3 janvier 2010, adressé à son employeur, il commence par lui exposer le malaise qui règne parmi les salariés, en indiquant 'je n'ai pas encore répondu à toutes leurs questions dont beaucoup sont légitimes', puis, dans le paragraphe suivant, revient sur sa demande de prêt. Compte tenu de ce 'mélange des genres' auquel il se livre lui même, Monsieur [J] est particulièrement mal venu à soutenir que c'est son employeur qui faisait pression sur lui.

Enfin, le projet de transférer Monsieur [J] au sein de la société HÔTEL DU JURA ne peut être constitutif d'une discrimination syndicale, puisque l'employeur y a renoncé compte tenu de l'opposition du salarié.

Ainsi Monsieur [J] ne verse pas aux débats d'éléments laissant supposer qu'il aurait été victime d'une discrimination syndicale.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale.

- Sur la modification des fonctions de Monsieur [J]

Monsieur [J] expose qu'alors qu'il occupait dans un premier temps des taches de responsabilité, dans le cadre desquelles il représentait la société auprès des fournisseurs, signait les bons de commande, et déposait l'argent sur les comptes de la société, il a par la suite été cantonné à des tâches de simple réceptionniste.

L'employeur conteste ces allégations, soutenant que le salarié était toujours responsable de l'hôtel Savoy, comme auparavant.

Au soutien de ses allégations, Monsieur [J] verse aux débats un planning, en faisant valoir que son nom n'y apparaît pas en qualité de responsable. Toutefois, force est de constater qu'aucune mention de responsable n'apparaît sur ce planning, et qu'aucun emplacement n'est réservé à cet effet, de sorte que cette pièce est dépourvue de toute valeur probante.

Pour le reste, il produit deux courriers, qu'il a lui même adressés à son employeur, et qui ne démontrent pas qu'il aurait été rétrogradé, mais au contraire que son employeur le considère comme responsable, puisqu'il le convoque à des réunions des responsables de sites.

Il vise dans ses conclusions un courriel du 19 mars 2009 qui lui aurait été adressé, mais qu'il ne verse pas aux débats.

Monsieur [J] allègue, là encore sans en justifier, qu'il n'aurait reçu le téléphone portable qui lui revenait qu'après les autres responsables. Force est en tout cas de constater que l'employeur l'a bien fait bénéficier de cet avantage, dont il est indiqué qu'il était réservé aux cadres.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que Monsieur [J] ne justifie pas de la modification de ses fonctions qu'il allègue.

- Sur la demande au titre du harcèlement moral

Monsieur [J] sollicite le paiement de 60.000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral dont il aurait été l'objet.

L'article L.1154-1 du même Code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Outre la discrimination syndicale et la modification de ses fonctions, qui ont été écartées, il verse aux débats une attestation d'un salarié dont il était le responsable de mars 2007 à avril 2008, et qui relate que durant cette période, il fallait faire de son mieux avec la manque de moyens, et que la pression était constante, entre la comptabilité qu'il fallait faire et les comptes rendus à plusieurs intervenants qui n'avaient jamais travaillé sur le site. Cette attestation, insuffisamment précise et circonstanciée n'est pas de nature à étayer les allégations de harcèlement moral de Monsieur [J].

Monsieur [J] soutient qu'il a injustement été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire. Il ressort des éléments du dossier qu'il avait refusé d'assister à une réunion à laquelle il avait été convoqué, de sorte qu'il a été convoqué à un entretien auquel aucune suite disciplinaire n'a été donnée. Toutefois, l'unique engagement d'une procédure disciplinaire, non suivie d'une sanction, n'est pas disproportionnée au regard des faits reprochés.

Le salarié fait également état de tracasseries administratives dont il aurait fait l'objet, et justifie d'un volet employeur adressé avec retard pour la période du 9 au 17 février 2010, d'une erreur de date sur une attestation de salaire (il est mentionné que le dernier jour travaillé est le 17 janvier 2009 au lieu du 17 janvier 2010), et d'un retard dans l'envoi de la fiche de paie de novembre 2010.

Ces erreurs restent très occasionnelles, et sont intervenues dans un contexte où la situation juridique de Monsieur [J] n'a cessé de changer, rendant particulièrement complexe le suivi de sa situation administrative.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.

- Sur la demande de résiliation du contrat de travail

Les griefs de modification des fonctions, de harcèlement moral et de discrimination syndicale ont été écartés.

Reste qu'il est établi que l'employeur n'a pas payé d'indemnité pour la période postérieure au licenciement et jusqu'à la réintégration, bien qu'il ait reçu les justificatifs relatifs aux indemnités perçues par le salarié par courrier recommandé du 23 octobre 2012.

Les salaires postérieurs à la réintégrations, dus depuis le mois de septembre 2012, n'ont été régularisés que devant le Conseil de Prud'hommes, que le salarié avait dû saisir en référé.

Le paiement des salaires constitue la principale obligation de l'employeur, de sorte que ces retards justifient la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, et qui sera prononcée à la date du présent jugement.

Cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la société SGH sera condamnée au paiement des sommes suivantes :

7.808,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

780,72 euros au titre des congés payés afférents.

4.164,41 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Monsieur [J] a plus de deux ans d'ancienneté dans un entreprise comptant plus de 10 salariés, de sorte que par application des dispositions de l'article L1235-3 du Code du travail, il a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. Il a également subi un préjudice résultant de l'absence de procédure de licenciement, et qui doit être également indemnisé.

Il est âgé de 52 ans, et son ancienneté totale est de huit années. Il a été déclaré inapte par le médecin du travail, étant rappelé que la Cour a écarté l'ensemble des griefs dont il pourrait se déduire que cette inaptitude serait la conséquence du comportement de l'employeur. Ce dernier aurait donc dû, à défaut de résiliation, rechercher une solution de reclassement, et à défaut le licenciement aurait pu être prononcé.

Compte tenu du salaire de Monsieur [J] (environ 2.600) euros, il lui sera alloué une indemnité de 20.000 euros, indemnisant tant l'absence de cause réelle et sérieux de son licenciement que l'absence de procédure.

*

Les conditions de l'article 1154 du Code civil étant remplies à cette date, la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonné à compter du 4 juin 2013.

*

La remise de documents sociaux conformes sera ordonnée, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

*

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [J] la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

Il lui sera alloué 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale.

Statuant à nouveau sur le surplus,

Met hors de cause la société HÔTEL DU JURA.

Prononce la résiliation du contrat de travail de Monsieur [J].

Condamne la société SGH à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

7.808,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

780,72 euros au titre des congés payés afférents.

4.164,41 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

200 euros à titre de dommages et intérêts pour non paiement et paiement tardif des salaires.

100 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat suite au licenciement du 25 octobre 2011.

20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 4 juin 2013.

Ordonne la remise de documents sociaux conformes.

Condamne la société SGH aux dépens de première instance.

Y ajoutant,

Condamne la société SGH à payer à Monsieur [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la société SGH aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/09454
Date de la décision : 04/07/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/09454 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-04;11.09454 ?
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