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27/06/2013 | FRANCE | N°11/08464

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 27 juin 2013, 11/08464


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 27 Juin 2013

(n° 9 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08464



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Février 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/00196





APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine CORNEC, avocat au barreau

de PARIS, toque : R111



INTIMEE

SOCIETE MURINVEST

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Franck RADUSZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1032





COMPOSIT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 27 Juin 2013

(n° 9 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08464

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Février 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/00196

APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine CORNEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R111

INTIMEE

SOCIETE MURINVEST

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Franck RADUSZYNSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1032

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Renaud BLANQUART, président, et Anne MÉNARD, Conseillère , chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [P] a été engagée par la société MURINVEST en qualité de secrétaire-assistance de direction, en vertu d'un contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2007 à effet au 2 juillet 2007. A la date de la rupture du contrat de travail, elle percevait un salarie de 4.334,14 euros.

Le 18 novembre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 novembre 2009. Elle a été licenciée pour motif économique le 15 décembre 2009.

Elle a contesté son licenciement et saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 8 janvier 2010, lequel l'a déboutée de ses demandes par jugement du 28 février 2011, et l'a condamnée aux dépens.

Elle a interjeté appel de cette décision le 29 juillet 2011.

Réprésentée par son Conseil, Madame [P] a, à l'audience du 30 mai 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société MURINVEST à lui payer les sommes suivantes :

104.019,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1 euro au titre des agressions dont elle a été victime durant l'exécution de son contrat de travail.

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que la société MURINVEST exerce une activité de marchand de biens ; que c'est une grosse société, qui génère un chiffre d'affaires important avec une masse salariale très limitée, et qui a toujours été bénéficiaire ; qu'elle occupe des locaux prestigieux dans la capitale, et a toujours été prospère ; que dans ces conditions, le licenciement économique prononcé n'est pas légitime ; qu'il s'agissait en réalité de la remplacer par une autre salariée, embauchée comme 'responsable contrôle de gestion' mais qui, en réalité, a repris ses fonctions ; que son remplacement est en réalité la conséquence de sa mésentente avec Madame [E], attachée commerciale la plus ancienne, qui a profité d'une hospitalisation du Président de la société, Monsieur [T], pour augmenter son emprise ; que son licenciement est également en lien avec les problèmes de santé important qu'elle a rencontrés durant l'exécution de son contrat de travail.

Réprésentée par son Conseil, la société MURINVEST a, à l'audience du 30 mai 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

- débouter Madame [P] de ses demandes.

- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que la société a effectivement connu d'importantes difficultés financières, caractérisées par une baisse importante de son chiffre d'affaires, et que dans ce contexte son Président Monsieur [T], a souffert de graves problèmes de santé, qui l'ont décidé à se retirer progressivement des affaires, à supprimer un poste, en l'espèce celui de Madame [P], et à embaucher une personne à même de le suppléer, et pas seulement de l'assister ; que Madame [Y] qui a été recrutée avait des fonctions de gestion des dossiers immobiliers, et non de secrétariat ; que la mésentente alléguée avec Madame [E] est sans incidence, dès lors que les deux femmes n'étaient pas appelées à travailler ensemble. Elle souligne que compte tenu du stress généré par son activité professionnelle, Madame [P] aurait dû l'aviser dès son embauche de ce qu'elle souffrait de problèmes de santé sérieux.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.

DISCUSSION

Aux termes de l'article L.1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

'La société rencontre d'importantes difficultés économiques, et notre situation à fin septembre est préoccupante.

Nous n'avons réalisé aucune vente depuis le début de l'exercice et consenti seulement quatre contrats de location.

Ceci est très insuffisant pour couvrir les charges de copropriété de tous les locaux encore vacants.

En outre, la situation de nos filiales n'est pas bonne, notamment la SNC TOULOUSE COMPANS, propriétaire du centre commercial COMPANS à [Localité 2], qui génère des pertes très importantes.

En outre, mes problèmes de santé récurrents m'obligent à limiter mon activité.

Je dois réduire les frais de structure.

Je suis en conséquence contraint de supprimer un poste et en l'occurrence le poste de secrétaire assistance que vous occupez à mes côtés.

Comme je vous l'indiquais dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée au sein du groupe auquel appartient la société.

Si vous refusez la convention, votre période de préavis d'une durée de trois mois court à compter de la première présentation de la présente lettre'.

Il ressort des éléments du dossier qu'au cours de l'année 2009, compte tenu notamment de la crise économique qui sévissait dans le secteur immobilier, le chiffre d'affaires de la société, qui a une activité de marchand de biens, a considérablement chuté, puisqu'il est passé de 18 millions à 2 millions. Pour autant, s'agissant d'une activité de marchandage de biens, cette baisse du chiffre d'affaire a été pour la plus grande partie compensée par une variation de stock, de sorte que le résultat d'exploitation, quoi qu'en baisse entre 2008 et 2009, est resté bénéficiaire passant de 4.400.279 à 2.034.166 euros. Par ailleurs, toujours en raison de la spécificité de l'activité, force est de constater que le poids de la masse salariale est très limité dans les charges de l'entreprise, puisqu'elle ne représente que 280.000 euros. En outre, les capitaux propres de la société qui étaient de 29.000 KF en 2008 sont passés à 34.000 KF en 2011, ce qui atteste que la valeur des capitaux immobiliers qu'elle possède n'a pas été dépréciée sur la période, et que l'endettement de la société a légèrement diminué sur la période. Un dividende de 50.000 euros par an a ainsi pu être distribué aux actionnaires durant toute la période en question.

La société expose que compte tenu de la diminution de son chiffre d'affaires, consécutif à l'absence de réalisation de ventes, elle a été conduite à diminuer sa masse salariale, en supprimant le poste de Madame [P] afin de limiter ses charges dans l'attente d'une reprise lui permettant de vendre ses stocks, lesquels représentaient un actif important.

Toutefois, il apparaît que la diminution de la masse salariale n'était pas l'objectif recherché par l'employeur, dès lors que concomitamment au licenciement de Madame [P], il a embauché Madame [Y], en qualité de 'Responsable contrôle gestion'. Il s'agissait d'engager une personne susceptible de décharger Monsieur [T] d'une partie de ses tâches de gestion immobilière, compte tenu des difficultés de santé qu'il rencontrait.

Il convient de relever qu'il ne s'agit pas de l'embauche d'un commercial, qui aurait été destinée à relancer l'activité, mais de la création d'un poste de gestion immobilière, dans un contexte où il est soutenu que l'activité avait diminué de manière drastique, et où l'employeur soutient qu'il ne percevait pas encore les prémices de la reprise. Ce recrutement atteste pourtant de ce que l'employeur considérait que l'activité pour l'année 2010 serait suffisante pour justifier de l'embauche d'un poste de gestionnaire.

L'employeur ne s'explique pas par ailleurs sur la manière dont les tâches d'assistante de direction, jusqu'ici confiées à Madame [P], ont été assurées, alors même qu'il est constant que si le poste a été supprimé, les fonctions, elles, ont nécessairement subsisté, au moins pour la plus grande partie. Il n'apporte pas non plus de réponse à la question posée de la salariée sur les tâches effectivement confiées à madame [Y], recrutée dès son licenciement sur un autre intitulé de poste.

Ces éléments sont à analyser dans un contexte où il est constant d'une part que les relations de la salariée avec Madame [E] qui gérait de fait l'entreprise en l'absence de Monsieur [T] étaient difficiles, et d'autre part que l'employeur avait découvert peu de temps auparavant que Madame [P] souffrait de problèmes de santé sérieux, et où il n'hésite pas à lui reprocher dans ses conclusions de ne pas en avoir fait état à l'occasion de son embauche.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Cour retient que le motif économique ayant fondé le licenciement n'est pas établi, et qu'ainsi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société comptant moins de 11 salariés, Madame [P] a droit, par application des dispositions de l'article L1235-5 du Code du travail, à une indemnisation en fonction du préjudice subi. Compte tenu de son ancienneté à la date de son licenciement (deux ans), de son âge (45 ans), de son salaire, d'environ 4.300 euros, et des difficultés importantes qu'elle justifie avoir rencontrées pour retrouver un travail, il lui sera alloué une somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts.

*

Madame [P] sollicite le paiement de un euro de dommages et intérêts au titre des agressions dont elle aurait été victime durant l'exécution de travail.

S'il est constant que ses relations avec Madame [E] étaient mauvaises, Madame [P] ne rapporte nullement la preuve de comportement fautif de l'employeur qui serait de nature à engager la responsabilité de l'employeur, de sorte qu'elle sera déboutée de ce chef de demande.

*

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [P] la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

Il lui sera alloué 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société MURINVEST à payer à Madame [P] les sommes suivantes :

35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la société MURINVEST aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Condamne la société MURINVEST à payer à Madame [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne la société MURINVEST aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/08464
Date de la décision : 27/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/08464 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-27;11.08464 ?
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