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27/06/2013 | FRANCE | N°10/11365

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 27 juin 2013, 10/11365


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 27 Juin 2013



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11365 LL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Septembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 07-00084





APPELANTE

Société SA INEO venant aux droits de la société GTME

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Loc

alité 4]

représentée par Me Lionel SEBILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035







INTIMES

Monsieur [H] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Isabelle DE BOURBON-BUSSET DE BOISA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 27 Juin 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11365 LL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Septembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 07-00084

APPELANTE

Société SA INEO venant aux droits de la société GTME

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Lionel SEBILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035

INTIMES

Monsieur [H] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Isabelle DE BOURBON-BUSSET DE BOISANGER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Mme [I] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 1], non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

Greffier : Mme Michèle SAGUI, lors des débats.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Inéo d'un jugement rendu le 21 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à M. [K] en présence de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. [K] a travaillé à l'étranger en qualité d'agent technique principal, au cours des années 1984-1986 et 1989-1992, pour le compte de la société GTM Entrepose Electricité, aux droits de laquelle vient la société Inéo ; qu'au moment de la liquidation de ses droits à retraite, la Caisse nationale d'assurance vieillesse n'a pas pris en considération ces périodes d'activité à l'étranger pour le calcul de sa pension de vieillesse ; qu'il a d'abord contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis devant la juridiction des affaires de sécurité sociale ; qu'en cours d'instance, il a ensuite mis en cause la société Inéo à laquelle il reproche de ne pas avoir cotisé à l'assurance vieillesse à l'occasion des différentes missions qui lui étaient confiées à l'étranger ;

Par jugement du 21 septembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun a condamné la société Inéo à payer à M. [K] la somme de 28 099,22 € en réparation de son préjudice et celle de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

La société Inéo fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement et à débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes. Elle demande en conséquence le remboursement de la somme de 28 099,22 versée au titre de l'exécution provisoire de la décision frappée d'appel et la condamnation de M. [K] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que le régime social des travailleurs expatriés dont relève M. [K], pour les périodes d'activité accomplies à l'étranger, emporte perte du bénéfice de l'assurance vieillesse. Elle indique en effet que les différentes missions confiées à l'intéressé d'abord au Niger, puis au Cameroun et enfin au Congo ont fait l'objet d'un contrat de travail international prévoyant l'application de la législation du pays d'accueil, précisant que l'agent bénéficiera des régimes sociaux des travailleurs expatriés et indiquant les conditions auxquelles les couvertures sociales pouvaient être maintenues volontairement et de manière facultative par l'entreprise à son profit. Elle en déduit que l'intéressé avait parfaitement connaissance du fait que sa situation d'expatrié lui faisait perdre son affiliation obligatoire à l'assurance française et fait observer que la durée de chacune des missions est incompatible avec la situation de détachement revendiquée aujourd'hui par M. [K]. Selon elle, aucun des contrats de travail ne l'obligeait à cotiser à l'assurance vieillesse pour le compte de l'intéressé et la convention collective applicable ne prévoyait pas non plus cette obligation. Elle reproche au premier juge d'avoir fait application de la convention collective des ETAM des travaux publics qui n'était pas en vigueur antérieurement au 1er juillet 2007. Elle ajoute que la convention collective antérieure ne visait que la situation de court séjour à l'étranger et non l'expatriation. Elle précise qu'il appartenait au salarié d'adhérer volontairement à la Caisse des français de l'étranger mais qu'il s'agissait d'un système purement optionnel auquel elle a de son côté adhéré à compter du 1er janvier 1992 permettant ainsi à M. [K] de bénéficier de 4 trimestres d'assurance vieillesse pour l'année 1992. Elle en déduit que l'intéressé n'a subi aucun préjudice de son fait et conteste de toute façon ses calculs qui ne tiennent pas compte des indemnités retraite de la CRE qui ne lui auraient pas été servies s'il avait cotisé au régime de base, des charges sociales qui auraient été prélevées sur les cotisations du régime de base et de ce qu'il avait la possibilité de procéder à un rachat de cotisations dans les 10 ans de sa cessation d'activité à l'étranger. Selon elle, la cotisation à la CRE assurée par l'entreprise était plus avantageuse pour le salarié que le maintien du régime de base. Elle précise également qu'il doit aussi être tenu compte du fait que l'intéressé a quitté le régime général des salariés à partir de 1998 pour s'affilier au RSI. Enfin, elle fait observer que le barème de capitalisation des rentes allouées aux victimes d'accidents auquel se réfère l'intéressé est sans rapport avec sa situation.

M. [K] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué sauf à élever à la somme de 111 987,47 € le montant du préjudice résultant de l'absence de cotisations de son employeur à la CFE durant les années litigieuses. Elle demande en outre la condamnation de la société à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Il fait grief à son ancien employeur de ne pas avoir cotiser en sa faveur au régime de retraite de base de la Caisse des français de l'étranger durant les années 1984-1986 et 1989-1991. Il estime en effet que dans le secteur des travaux publics, les ETAM bénéficient, pendant leurs déplacements à l'étranger, de dispositions conventionnelles leur assurant une couverture du risque vieillesse au moins équivalente au régime de retraite de base et précise que l'article 4 de l'annexe VII de la convention collective du 21 juillet 1965 prévoyait les mêmes obligations que celles reprises par la convention de 2006. Elle ajoute que ces dispositions s'appliquent tant aux situations de détachement qu'aux situations d'expatriation proprement dite et que le régime complémentaire auquel la société GTM a cotisé n'est absolument pas équivalent au régime de base dont le bénéfice lui est garanti, dans la mesure où la validation des trimestres accomplis à l'étranger ne s'opère pas dans les mêmes conditions et que seule l'adhésion à la CFE permettait cette validation. Il considère que par la faute de son employeur, il n'a pu valider que 151 trimestres alors qu'il aurait atteint les 160 trimestres nécessaires à un taux plein si ses trimestres accomplies à l'étranger avaient donné lieu à cotisation auprès de la CFE. Il chiffre son préjudice total à 111987,47 € compte tenu du fait que les années accomplies à l'étranger font partie de ses meilleures années et de la durée de vie prévisible à l'âge de 66 ans. Subsidiairement, il se prévaut du contrat conclu le 1er mars 1985 à l'occasion de sa mission au Cameroun qui prévoit expressément qu'il s'agit d'une période de détachement au cours de laquelle l'employeur reste tenu de cotiser en France aux régimes de retraite obligatoires pour le salarié.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse fait observer que M. [K] ne conteste plus aujourd'hui le calcul de sa pension de vieillesse qui a été révisée en tenant compte des 4 trimestres de l'année 1992 où la société GTM a effectivement cotisé auprès de la CFE.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Sur quoi la Cour,

Considérant que l'évolution du litige a conduit M. [K] a abandonné sa contestation relative au montant de sa pension de vieillesse versée par la Caisse nationale vieillesse et a dirigé dorénavant ses demandes d'indemnisation contre son ancien employeur ;

Considérant qu'en l'espèce les différents contrats conclus entre la société GTM Entrepose Electricité et M. [K] pour l'exécution de travaux à l'étranger prévoient expressément que l'agent bénéficiera du régime social des travailleurs expatriés ; qu'en matière de retraite, il est seulement prévu une cotisation auprès de la caisse de retraite des expatriés et l'adhésion au régime de retraite complémentaire auprès de la caisse du bâtiment et des travaux publics ;

Considérant que le contrat du 1er mars 1985 relatif à la mission au Cameroun comporte les mêmes dispositions que celles précitées et renvoie également au régime social des expatriés sans que la mention selon laquelle le présent contrat de travail se substitue aux dispositions contractuelles antérieures pendant la période de détachement en modifie la nature juridique ; qu'il s'agit toujours d'une mission de longue durée de 10 mois et demi et non d'un court séjour ; que cette convention n'assurait donc pas le maintien du régime obligatoire de retraite comme si le salarié avait continué à exercer son activité sur le territoire français ;

Considérant qu'en cas d'expatriation, le salarié est en principe soumis au régime de sécurité sociale du pays où il travaille et l'article L 762-1 du code de la sécurité sociale ne prévoit qu'une souscription facultative à l'assurance vieillesse afin de maintenir au profit du salarié des droits équivalents à ceux dont il aurait bénéficié s'il était resté en France ;

Considérant toutefois qu'en vertu des articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965, applicable aux relations entre la société GTM Entrepose Electricité et M. [K], les ETAM qui sont déplacés par leur employeur pour exercer temporairement une fonction hors de France pendant au moins trois mois, bénéficient d'une couverture retraite 'sécurité sociale ou régime équivalent et régime complémentaire' ; que ces garanties et avantages ne peuvent être inférieurs à ceux contenus dans le titre V de la convention collective nationale qui renvoie au régime obligatoire de l'assurance-vieillesse ;

Considérant que ces dispositions conventionnelles plus favorables s'appliquent à tous les cas de séjour à l'étranger de plus de 3 mois et ne se rapportent pas uniquement à la situation du détachement, comme l'affirme la société Inéo ; qu'au demeurant, à la différence du salarié expatrié, le salarié détaché continuant à bénéficier du régime dont il relevait lorsqu'il était en France n'en aurait pas particulièrement besoin ;

Considérant qu'il s'en déduit qu'aux différentes périodes où M. [K] a été envoyé par son entreprise en mission à l'étranger, la société GTM était tenue de lui garantir le maintien d'une couverture retraite équivalente à celle dont il aurait bénéficié s'il était resté en France;

Considérant qu'en l'espèce, les différents contrats de travail de M. [K] ne lui assuraient que le maintien d'une couverture de retraite complémentaire auprès de la CRE et d'un autre organisme du bâtiment mais ne lui garantissaient rien concernant le régime de base ; qu'à cet égard, les régimes ARRCO et AGIRC auxquels se rattache la CRE ne sont absolument pas équivalents au régime de base auquel donne accès l'affiliation à de la CFE et la société Inéo ne peut donc valablement soutenir s'être libérée de son obligation en versant des cotisations à cet organisme pour le compte de son employé ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société avait commis une faute en s'abstenant de cotiser à la CFE durant les périodes de travail accomplies à l'étranger par son salarié ;

Considérant que de ce fait, M. [K] n'a pu obtenir la liquidation de ses droits à retraite à l'âge où il aurait pu le faire si les 24 trimestres litigieux avaient donné lieu à cotisations ; qu'il a également été privé de six de ses meilleures années pour le calcul de sa pension de retraite ;

Considérant qu'il a ainsi reporté son départ à la retraite le 1er juillet 2010 alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à taux plein dès le 1er janvier 2007, ce qui est à l'origine d'une perte de 16 148,49 € par an pendant trois ans et demi soit la somme de 56 645,71 € à laquelle il n'y a pas lieu d'ajouter la rente ARRCO puisque l'employeur a bien cotisé à la CRE ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu en revanche de lui accorder une réparation pour l'avenir par référence à la méthode applicable à la réparation du préjudice corporel et seul le manque à gagner effectivement enregistré au cours des 3 années écoulées depuis le 1er juillet 2010 sera indemnisé soit 3 363,33 x 3 = 10 089,99 € ;

Considérant qu'ainsi la réparation allouée à l'intéressé sera portée à la somme totale de 66 735,70 € dont 28 099,22 € déjà accordé au titre de l'exécution provisoire ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, la société Inéo sera tenue de verser à M. [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa propre demande à ce titre sera rejetée ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

Par ces motifs

Déclare la société Inéo recevable mais mal fondée en son appel ;

Déclare M. [K] recevable et partiellement bien fondé en son appel incident ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il retient l'existence d'une faute de la société mais l'infirme sur le montant du préjudice ;

Statuant à nouveau sur le montant de l'indemnisation :

Condamne la société Inéo à verser à M. [K] la somme totale de 66 735, 70 € en réparation de son préjudice, sauf à déduire la somme de 28 099,22 € d'ores et déjà versée au titre de l'exécution provisoire ;

La condamne à payer à M. [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa propre demande à ce titre ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 10/11365
Date de la décision : 27/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°10/11365 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-27;10.11365 ?
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