Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 26 JUIN 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15966
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 10/01734
APPELANTE
La SARL ARNAUD TLM, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant
assistée de Me Valérie PANEPINTO de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0102, avocat plaidant
INTIMÉE
La SA CHAUFFAGE DECOR, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant
assistée de Me Nicolas VENNER de H&P ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J109, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseillère
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 20 juin 1994, la société Arnaud TLM a donné à bail à la société Chauffage Décor des locaux situés à [Adresse 1] pour une durée de 23 mois à effet du 15 juillet 1994 désignés comme suit : « local d'entrepôts, d'une surface de 500 m² pour les entrepôts et 42 m² pour les bureaux».
Les parties sont convenues que loyer fixé initialement à la somme de 26 709 €, payable trimestriellement et d'avance, sera soumis annuellement à indexation en fonction de la variation à la hausse et à la baisse de l'indice Insee du coût de la construction ;
A l'issue de la période de 23 mois, la locataire a été laissée en possession des lieux, et un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux a pris effet le 15 juin 1996.
Suivant acte sous seing privé du 8 juillet 1998, la société Arnaud TLM a également donné à bail à la société Chauffage Décor des locaux situés à [Adresse 1] pour une durée de 23 mois à effet du 1er juillet 1998, portant sur «un local à usage d'entrepôts, d'une surface de 400 m², pour une activité d'achat et de revente de matériel de chauffage et d'une façon générale, toutes les activités s'y rapportant».
Le loyer a été initialement fixé à la somme de 10 977 € payable trimestriellement et d'avance, et indexé annuellement sur la base de l'indice Insee du coût de la construction, la clause d'indexation étant rédigée de la même manière que celle du bail susvisé.
A l'issue de la période de 23 mois, la locataire a été laissée en possession et un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux a pris effet le 1er juin 2000.
La bailleresse a fait délivrer à la locataire le 24 décembre 2009, deux commandements de payer les loyers en exécution des deux baux, visant chacun la clause résolutoire, pour obtenir paiement, dans le premier de la somme de 46 517 €, dans le second de la somme de 15 514,74 €, correspondant aux rappels d'indexation pour les périodes non prescrites de janvier 2005 à décembre 2009.
Par acte du 22 janvier 2010, la société Chauffage Décor a fait assigner la société Arnaud TLM aux fins de nullité des deux commandements de payer.
La société Arnaud TLM a saisi entre temps le juge des référés qui, par deux ordonnances du 10 avril 2010, a dit que la demande d'acquisition de la clause résolutoire se heurtait à une difficulté sérieuse, mais a condamné la société Chauffage Decor à payer par provision à la société Arnaud TLM la somme de 20 000 € à valoir sur l'arriéré de loyers dans le cadre du bail de juin 1994 et de 6 000 € dans le cadre du bail de juillet 1998, lui accordant un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette, assortissant la condamnation de la déchéance du terme en cas de défaut de paiement à échéance.
Par jugement du 24 mai 2011, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bobigny a :
- dit que les clauses d'indexation insérées dans chacun des deux baux commerciaux ayant pris effet les 15 juin 1996 et 1er juin 2000 entre les sociétés Arnaud TLM et Chauffage Décor sont réputées non écrites,
- débouté la société Arnaud TLM de toutes ses demandes,
- condamné la société Arnaud TLM à rembourser à la société Chauffage Décor toutes les sommes versées à titre de loyers indexés sur la base des clauses non écrites, en particulier en exécution des ordonnances de référé du 12 avril 2010,
- condamné la société Arnaud TLM à payer à la société Chauffage Décor la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Arnaud TLM aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Arnaud TLM, a relevé appel de ce jugement et par ses conclusions en date du 22 février 2013, demande à la Cour de :
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 24 mai 2011,
Et statuant à nouveau,
Dire valables, en la forme et au fond, les sommations du 24 décembre 2009,
Dire les clauses d'indexation insérées dans les deux baux conformes aux dispositions de l'article L. 112-1 du Code de commerce, tant dans leur rédaction, l'article L. 112-1 ne prohibant nullement la référence à un indice de base fixe - que dans leur application, en recherchant au besoin la commune intention des parties,
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour considérait qu'il existe une ambiguïté dans les conditions d'application des dispositions de l'article L. 112-1 du Code de commerce,
Dire valide les clauses contractuelles aux termes desquelles les parties ont prévu le principe d'une indexation annuelle, d'une part, en fonction de la variation des indices du coût de la construction publiés par l'Insee, d'autre part,
Dire en conséquence que ces clauses contractuelles ne peuvent être déclarées non écrites, faute de méconnaître les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de commerce, le caractère réputé non écrit étant limité aux clauses faisant référence aux indices de base et de comparaison,
Dire que l'indice de départ sera celui publié à la date du 15 juin 1996, pour le premier bail et celui publié à la date du 1er juillet 2000, pour le second bail, sans qu'il puisse être reproché aux parties l'indication dans une clause insérée dans les baux dérogatoires à ce jour expirés, de trimestres ne correspondant plus à la prise d'effet des nouveaux baux.
En toute hypothèse,
Condamner la société Chauffage Décor à payer à la société Arnaud TLM la somme de 81.780,11 €, et subsidiairement la somme de 77.515,12 €, en deniers ou quittance, correspondant à l'arriéré de loyers indexés non prescrits arrêtés à la date du 29 mars 2011, outre intérêts contractuels de retard
Infirmer le jugement déféré à la Cour en ce qu'il a condamné la société Arnaud TLM à payer à la société Chauffage Decor la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, d'une part et aux entiers dépens, d'autre part,
Condamner la société Chauffage décor à payer à la société Arnaud TLM la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Chauffage Decor aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels dépens d'appel seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Chauffage décor, par ses dernières conclusions en date du 8 mars 2013, demande à la Cour de :
Dire et juger la société Arnaud TLM irrecevable et mal fondée en son appel,
Débouter la société Arnaud TLM de toutes ses demandes, fins, et conclusions,
Dire et juger recevable et bien fondé la Société Chauffage Decor en ses demandes, fins et conclusions
En conséquence,
Confirmer le jugement du 25 mai 2011 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dire les commandements de payer délivrés de mauvaise foi par la société Arnaud TLM et par conséquent nul et de nul effet,
En tout état de cause,
Condamner la société Arnaud TLM à payer à la société Chauffage Decor la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la société Arnaud TLM aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE,
La société Arnaud TLM fait valoir que la nullité des commandements n'a pas été prononcée par le tribunal dans le dispositif de la décision déférée, que les commandements demeurent donc valables à hauteur des sommes dues par la société locataire, aucune mauvaise foi ne pouvant être relevée à son encontre en ce qu'elle a demandé le paiement de l'indexation prévue par le bail et alors que la société locataire a demandé un délai de paiement, que l'article L 112-1 du code monétaire et financier n'interdit pas la référence à un indice de base fixe, dès lors que la corrélation entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre chaque révision est respectée, ce qui est le cas en l'espèce, que le jugement de première instance doit donc être infirmé en ce qu'il en a jugé que la clause d'indexation insérée dans chacun des deux baux devait être réputée non écrite, que les baux ne contiennent d'ailleurs aucune mention d'une obligation de se référer à l'indice du 4ème trimestre 1993 pour le bail de juin 1994 et à l'indice du 4ème trimestre 1997 pour le bail de juillet 1998, que l'article L 112-1 est d'ailleurs muet quant aux modalités du calcul de l'indexation, que l'article 1156 du code civil impose de rechercher la commune intention des parties, qui a été de pratiquer une indexation annuelle du loyer en fonction de l'indice légal du coût de la construction publié par l'insee, que les calculs détaillés prouvent qu'il n'a pas été pratiqué une indexation contraire à l'article L 112-1 du code monétaire et financier, qu'à supposer que la cour retienne comme non écrites les clauses d'indexation visées à la clause 7-1 des baux, il reste que le principe de l'indexation du loyer prévu à l'article VII -loyers et charges, voulu par les parties, demeure et doit recevoir application, l'indice de référence n'étant que l'illustration de la volonté des parties de procéder à l'indexation annuelle et la cour devra préciser que l'indice de départ est celui publié à la date du 15 juin 1996 pour le premier bail et celui publié à la date du 1er juillet 2000 pour le second bail, les références à des indices ne correspondant pas à la prise d'effet des baux ayant succédé aux baux dérogatoires étant sans portée, que pour le «1er bail », les compléments de loyers indexés non prescrits s'élèvent à la somme de 60.564,68 € et pour le « 2ème bail », à la somme de 21.215,43 €.
Les parties ne contestent pas qu'à l'échéance des deux baux dérogatoires en date des 20 juin 1994 et 8 juillet 1998, les relations des parties soumises désormais au statut des baux commerciaux sont demeurées régies en ce qui concerne le paiement des loyers et charges par les dispositions non contraires des deux baux dérogatoires qualifiées de conventions temporaires et qui prévoient à l'article VII- Loyers et charges et 7-1 indexation, que le loyer de base sera soumis à indexation en fonction de la variation de l'indice officiel du coût de la construction tel que publié trimestriellement par l'insee, que l'indice national sera celui du 4ème trimestre 1993 soit l'indice 1016 (1er bail) celui du 4ème trimestre 1997 soit l'indice 1068 (2ème bail), que cette indexation sera appliquée annuellement, à la date anniversaire du bail et pour la première fois le 1er juillet 1995 (1er bail), le 1er juillet 1999 (2ème bail), que l'indice de base sera constitué par l'indice du troisième trimestre précédant le trimestre en cours lors de l'entrée en vigueur du bail et l'indice de comparaison applicable à chacune de ces variations annuelles sera l'indice du troisième trimestre précédant le trimestre au cours duquel se situera la date anniversaire du bail ;
Par deux commandement de payer en date du 24 décembre 2009, la société Arnaud TLM a sommé la société Chauffage Décor de payer les sommes résultant de l'indexation en procédant aux calculs suivants :
Pour le premier bail :
Loyer au 1er juillet 2004 : 26 709 € x 1214 (4ème trim 2003) = 31 914,10 €
1016( 4ème trim 1993)
Loyer au 1er juillet 2005 : 31 914,10 x 1269 (4ème trim 2004) = 33 359,96 €
1214 ( 4ème trim 2003)
prenant ensuite, de la même façon, pour les indexations de 2006, 2007, 2008 et 2009 comme indice de comparaison celui du 4ème trimestre de l'année précédent l'indexation et comme indice de base l'indice de comparaison précédent,
Pour le second bail :
Loyer du 1er juillet 2004 : 10 977 € x 1214( 4ème trim 2003) = 12 477,60 €
1016 ( 4ème trim 1997)
Loyer du 1er juillet 2005 : 12 477,60 € x 1269 ( 4ème trim 2004) = 13 042,90 €
1214 ( 4ème trim 2003)
procédant ensuite de la même façon que pour le bail de 1994, pour les indexations de 2006, 2007, 2008 et 2009 ;
Si les dispositions d'ordre public de l'article L 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier qui réputent non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, n'interdisent pas la prise en considération d'un indice de base fixe, elles prohibent l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions quand la première est supérieure à la seconde ;
Or, les clauses d'indexation contenues dans les deux baux organisent une telle distorsion en prévoyant que l'indice de référence sera celui du 4ème trimestre 1993 pour le bail à effet du 1er juillet 1994, celui du 4ème trimestre 1997 pour le bail à effet du 1er juillet 1998, la première variation devant intervenir le 1er juillet 1995 pour le premier bail et le 1er juillet 1999 pour le second bail, ce qui implique une période de variation de l'indice supérieur à la période de variation annuelle ;
L'application des dispositions contractuelles relatives à l'indexation prévoyant en outre la prise en compte d'un indice de base et d'un indice de comparaison, à savoir celui du troisième trimestre précédent d'une part la date d'entrée en vigueur des baux, et d'autre part la date anniversaire des baux, au demeurant contradictoire avec l'indication d'un indice de référence fixe, n'est pas revendiquée par la société bailleresse et n'a d'ailleurs pas été mise en oeuvre par celle-ci dans les sommations adressées à la locataire.
Ainsi, les deux clauses d'indexation en ce qu'elles organisent une période de variation de l'indice supérieure à la période de révision annuelle, en violation de l'article L112-1 précité doivent être réputées non écrites et il n'appartient pas au juge de substituer aux indices contenus dans ces clauses d'autres indices à la seule fin de respecter, selon la bailleresse, la commune intention des parties de pratiquer une indexation annuelle, l'intervention du juge ne pouvant avoir pour effet de modifier l'économie du contrat ;
En ce que les commandements n'ont été délivrés le 24 décembre 2009 que pour obtenir le recouvrement de rappels de loyers résultant de l'application des clauses d'indexation, ils ne peuvent produire effet, sans qu'il y ait lieu d'apprécier la mauvaise foi de la bailleresse, étant observé que la société Arnaud TLM qui a cédé les locaux ne poursuit plus devant la cour l'acquisition de la clause résolutoire ; elle devra rembourser à la société Chauffage Décor les sommes versées par celles-ci à titre de provisions sur les rappels de loyers, ainsi qu'il a été jugé ;
La société Arnaud TLM supportera l'intégralité des dépens et paiera à la société Chauffage Décor la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
A ajoutant,
Dit que les commandements des 24 décembre 2009 sont de nul effet,
Déboute la société Arnaud TLM de ses demandes,
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Chauffage Décor la somme de 3 000 € en cause d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE