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26/06/2013 | FRANCE | N°11/09656

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 juin 2013, 11/09656


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 Juin 2013

(n° 5 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09656-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 09/11430





APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc MONTANARO, av

ocat au barreau de MARSEILLE







INTIMÉE

SAS LM FACTORY

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080 substituée ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 Juin 2013

(n° 5 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09656-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mars 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 09/11430

APPELANT

Monsieur [B] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Jean-Marc MONTANARO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

SAS LM FACTORY

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080 substituée par Me Aurélie CORMIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

M [B] [J] a été engagé le 21 juillet 2006 en qualité de chef de projet, organisation d'évènements ou spectacles, pour promotion publicitaire, suivant contrat à durée indéterminée, par la SAS LM Factory.

Le 7 janvier 2009 le salarié recevait une convocation à entretien préalable avec mise à pied immédiate, entretien qui s'est tenu le 15 janvier en présence du délégué du personnel.

Le 20 janvier 2009, une seconde convocation lui était adressée pour un second entretien fixé au 29 janvier.

Par LRAR du 3 février 2009 il était licencié pour faute grave

M [B] [J] saisissait alors le conseil de prud'hommes de Paris le 3 septembre 2009.

Celui-ci par jugement du 16 mars 2011 section activités diverses, chambre 2 , requalifiait le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamnait la SAS LM Factory à régler l'indemnité de préavis avec congés payés et l'indemnité de licenciement.

M [B] [J] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Soutenant que la mise à pied constituait une sanction disciplinaire il plaide qu'il ne pouvait dès lors être sanctionné une seconde fois par le licenciement. Il soutient également qu'il y a eu détournement de la procédure de licenciement tout en contestant les griefs développés à son encontre. Il demande donc à la cour de constater :

-que son licenciement viole les dispositions de la règle d'ordre public « non bis in idem »

- et est procéduralement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite donc la confirmation de la décision des premiers juges, en ce qui concerne le préavis et l'indemnité de licenciement mais demande en outre :

-2432,34 euros de rappel de salaire pour la mise à pied ;

-2432,34 euros de dommages-intérêts pour procédure irrégulière ;

-75 000 € de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire sans cause réelle ni sérieuse;

-5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

La SAS LM Factory a formé appel incident,

En ce qui concerne la première lettre de convocation à entretien préalable, elle soutient qu'il s'agissait d'une mise à pied conservatoire non disciplinaire et que le licenciement prononcé ultérieurement était régulier et fondé. Elle demande à la cour de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes sollicitant 1700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de M [B] [J] est de 2432,34€

La convention collective applicable est celle des entreprises de spectacle.

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la procédure ayant abouti au licenciement

Une lettre de convocation à entretien préalable, du 7 janvier 2009 a d'abord été adressée à M [B] [J], rédigée comme suit : 'nous envisageons de prendre une sanction disciplinaire à votre égard sous la forme d'une mise à pied conservatoire à effet immédiat.

Conformément aux articles' nous aimerions entendre vos explications. C'est la raison pour laquelle nous vous convoquons à un entretien préalable le jeudi 15 janvier 2009 à 9h30 »

Une seconde lettre datée 20 janvier disait : «comme suite à notre entretien du 15 janvier 2009 nous souhaitons vous convoquer pour un deuxième entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement. Par conséquent nous vous demandons de vous présenter le 29 janvier conformément aux articles L 12 32-2 du code du travail, nous aimerions entendre une nouvelle fois vos explications. La mise à pied conservatoire continuera de courir jusqu'à la date du prochain entretien;nous vous rappelons que vous pouvez vous faire accompagner par la personne de votre choix appartenant au personnel de l'entreprise '»

Le 3 février 2009 le salarié recevait une lettre de rupture de son contrat de travail qui débutait ainsi : « nous faisons suite aux deux entretiens préalables en date du jeudi 15 janvier en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire et du 29 janvier 2009 en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, entretien auquel vous vous êtes présenté assisté' Au cours de l'entretien du 29 janvier 2009 nous vous avons exposé les motifs qui nous conduisaient à envisager cette éventuelle mesure et avons pris bonne note des observations que vous nous avez fournies. Malgré les explications que vous nous avez données, nous avons décidé de vous licencier» .

Le salarié soutient que la mise à pied entrée en vigueur le 7 janvier était une sanction disciplinaire qui empêchait dès lors l'employeur de le sanctionner ultérieurement pour les mêmes faits par un licenciement.

L'employeur plaide que la rédaction de la lettre du 7 janvier correspond à une « erreur de plume »qu'il s'agissait bien d'une mise à pied conservatoire et non d'une sanction, que dès lors le licenciement ultérieur était possible.

Conformément aux dispositions de l'article L 1232-2 « l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision à un entretien préalable' Cette lettre indique l'objet de la convocation ».

Or force est de relever, que cette lettre de convocation à entretien préalable ne mentionne à aucun moment la perspective de licenciement, mais invoque toutefois une « sanction disciplinaire sous forme de mise à pied », qualifiée de manière contradictoire de « mise à pied conservatoire  ».

Cette rédaction révèle effectivement manifestement une erreur de la part de l'employeur, qui contraint le juge à rendre aux faits et à la procédure leur qualification exacte.

Il est constant que le salarié a été immédiatement mis à pied par la lettre du 7 janvier, mais que la lettre de convocation à entretien préalable ne mentionne nullement la possibilité d'un licenciement .

Au-delà, le compte rendu de l'entretien préalable du 15 janvier, très complet, dressé par la déléguée du personnel, s'il liste avec précision chacun des griefs formulés par l'employeur et les réponses apportées par le salarié ne mentionne à aucun moment que l'employeur ait informé le salarié de son intention de licencier.

Cette « lecture des événements » est d'ailleurs confirmée par les termes de la lettre de licenciement elle-même qui commence en ces termes « nous faisons suite aux deux entretiens préalables en date du 15 janvier 2009 en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire et du 29 janvier 2009 en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement' »

L'intention de licencier est en revanche exprimée dans la seconde lettre de convocation à entretien préalable daté du 20 janvier, alors que le salarié était toujours mis à pied.

Or, le caractère conservatoire de la mise à pied ne peut être retenu que si elle a été immédiatement suivie de l'engagement d'une procédure de licenciement

Il ressort des éléments ci-dessus, que la « mise à pied à effet immédiat » , présentée comme le prélude à une « sanction disciplinaire », doit effectivement être requalifiée en sanction disciplinaire, puisque l'employeur n'a pas annoncé son intention de licenciement dans la première lettre de convocation du 7 janvier, ni manifestement lors de l'entretien préalable du 15 janvier, mais n'en a informé le salarié que dans un courrier de convocation à un second entretien préalable daté du 20 janvier. Ça n'est donc qu'à cette date là qu'a été engagée la procédure de licenciement.

La cour en déduit,que le courrier adressé au salarié annonçant la mise à pied sans indiquer son intention de mettre en oeuvre la procédure de licenciement et non suivi de l'engagement immédiat d'une procédure de licenciement a, en tout état de cause et nonobstant l'erreur de plume invoquée, fait perdre à cette mise à pied son caractère conservatoire, celle-ci devant, dès lors, être analysée comme une mise à pied disciplinaire.

Il sera également ajouté, que si la rédaction maladroite de la première lettre de licenciement pouvait induire un doute sur la nature de la mise à pied, le doute devant en matière de licenciement profiter au salarié, il doit également s'en déduire que les faits reprochés ont été sanctionnés par la mise à pied.

Par référence au principe « non bis in idem » l'employeur ne pouvait donc pas sanctionner, 25 jours plus tard et alors qu'une mise à pied disciplinaire était entrée en vigueur le 7 janvier, les mêmes faits par un licenciement; l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire avec cette première sanction , étant par ailleurs relevé que plusieurs des griefs retenus dans la lettre de licenciement pour fonder la faute grave apparaissent en outre prescrits le 20 janvier 2009.

Le licenciement de M [B] [J] est donc irrégulier au plan procédural et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières consécutives à la rupture du contrat de travail

La cour confirmera donc les sommes allouées par les premiers juges et justifiées au titre du préavis avec congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.

En revanche, elle ne fera pas droit à la demande de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, non cumulable en l'espèce avec la demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ni à la demande de rappel des salaires retenus au titre de la mise à pied requalifiée.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté du salarié, et du préjudice nécessairement subi à la suite de ce licenciement la cour fixera à la somme de 15 000 € l'indemnité due à M [B] [J] par la SAS LM Factory pour licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [B] [J] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il lui sera donc alloué une somme de 2000 euros, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne, l'indemnité compensatrice de préavis allouée avec congés payés afférents et l'indemnité de licenciement.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS LM Factory à payer à M [B] [J]

- 15 000€, à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Dit que les intérêts sont dus avec capitalisation

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la SAS LM Factory à régler à M [B] [J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC pour l'ensemble de la procédure.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/09656
Date de la décision : 26/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/09656 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-26;11.09656 ?
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