RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 25 Juin 2013
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09442
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Août 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS- section industrie RG n° 08/05443
APPELANT
Monsieur [B] [E]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle HELLOT-CINTRACT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551
INTIMEE
SOCIETE VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Joël GRANGÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 et par Me Stéphanie DUMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [B] [E], qui a été engagé par la société DUMEZ AFRIQUE à compter du 20 août 1982, en qualité de chef chaudronnier, a travaillé pendant 12 années pour le compte de diverses sociétés du groupe DUMEZ, avec un statut d'expatrié, jusqu'à son licenciement pour motif économique notifié le 9 décembre 1993 à effet du 10 février 1994.
Faisant valoir qu'il avait appris en juin 2006 au moment où il préparait son départ à la retraite que du 20 août 1982 au 10 février 1994 aucune cotisation n'avait été versée pendant ces 44 trimestres ni au régime général ni à l'AGIRC et qu'il n'avait cotisé qu'au régime de retraite complémentaire de la CRE, devenue depuis membre de l'ARRCO de sorte que n'ayant pu liquider sa retraite à taux plein à l'âge de 60 ans et ayant dû racheter certains trimestres, il avait subissait un double préjudice, M. [E] a, le 6 mai 2008, saisi le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, qui par jugement rendu le 24 août 2011, a :
* prononcé la mise hors de cause de la SAS DUMEZ et de la société GROUPE VINCI,
* débouté M. [E] de l'intégralité de ses demandes,
* débouté la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS de sa demande reconventionnelle.
La cour est saisie de l'appel de cette décision, interjeté le 13 septembre 2011 par M. [B] [E].
Par conclusions développées oralement à l'audience du 21 mai 2013 et visées le jour même par le greffier, M. [B] [E] demande à la cour :
à titre principal,
* de condamner la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS à lui verser :
- la somme de 136 000 € à titre de dommages et intérêts résultant de son absence d'affiliation au régime complémentaire AGIRC,
- celle de 210 000 € à titre de dommages et intérêts résultant de son absence d'affiliation au régime général de la sécurité sociale durant son expatriation et à l'exclusion de l'assiette de cotisations du salaire réel et des avantages en nature soit 130 000 € au titre du préjudice matériel et 80 000 € au titre du préjudice moral,
- 10 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si la cour estime qu'il ne pouvait revendiquer l'affiliation en qualité de cadres,
* de condamner la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS à lui payer la somme
de 117 000 € à titre de dommages-intérêts résultants de son absence d'affiliation au régime général de la sécurité sociale durant son expatriation soit 37 000 € au titre du préjudice matériel et 80 000 € au titre du préjudice moral qui résulte du report de la liquidation des retraites,
à titre infiniment subsidiaire,
* de dire qu'il devait être affilié au régime des cadres AGIRC durant son expatriation,
* de condamner la société VINCI CONTRUCTION GRANDS PROJETS à lui payer une provision de 36 000 € à valoir sur son préjudice correspondant au coût du rachat déjà acquitté,
* de nommer tel expert actuaire ou spécialisé dans le bilan de retraite individuel qu'il plaira à la cour, avec pour mission :
- de se faire remettre par les parties toutes pièces utiles au calcul des salaires et accessoires, aux taux de cotisations,
- d'entendre tout sachant,
- de calculer le préjudice subi par lui du fait de l'absence d'affiliation au régime AGIRC durant son expatriation, après avoir déterminé l'assiette de calcul, avantages en nature inclus,
- de calculer le préjudice subi du fait de l'absence d'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale, déduction faite du surcroît de pension versée à l'ARRCO,
- de dresser un rapport de sa mission.
La société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS a, lors de cette même audience, développé oralement ses conclusions visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle demande à la cour :
- de lui donner acte que la mise hors de cause des sociétés DUMEZ et GROUPE VINCI n'est pas contestée,
- de confirmer le jugement déféré, et en conséquence de débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées.
SUR CE
Sur l'unicité de l'instance et la mise hors de cause des sociétés DUMEZ et GROUPE VINCI
La société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS ne soulevant plus l'irrecevabilité de la demande de M. [E] en vertu du principe de l'unicité de l'instance, le jugement déféré ayant rejeté cette fin de non recevoir sera confirmé.
De la même façon, il convient de confirmer la mise hors de cause de la société GROUPE VINCI et de la société DUMEZ, à l'encontre desquelles M. [E] ne forme plus de demandes compte tenu de l'intervention de la société VINCI CONSTRUCTIONS GRANDS PROJETS;
Sur la carrière de M. [E]
M. [E] été embauché par la société DUMEZ AFRIQUE suivant un contrat de travail du 20 juin 1982 en qualité de chaudronnier coefficient 600 pour effectuer des travaux au Cameroun, un contrat de travail ayant été également conclu avec la société camerounaise DUMEZ CAMEROUN le 15 septembre 1982.
Aux termes d'un contrat de travail du 30 janvier 1987 conclu avec la société ivoirienne DUMEZ AFRIQUE COTE D'IVOIRE en qualité de chef chaudronnier 1er échelon coefficient 600 + 13, il a travaillé en Côte d'Ivoire jusqu'au 30 novembre 1988.
Du 1er décembre 1988 au 31 octobre 1992, il a effectué une mission en Espagne toujours en qualité de chef chaudronnier, son contrat ayant été conclu avec la société DUMEZ INTERNATIONAL.
Par contrat du 9 octobre 1992 conclu avec la société DUMEZ NIGERIA représentée par la société DUMEZ INTERNATIONAL il a exercé les fonctions de chef de chantier, coefficient 665+13 au Nigéria.
Il a été licencié par lettre du 9 décembre 1993 pour motif économique par la société DUMEZ, qui lui a remis le 4 mars 1994 un certificat de travail mentionnant qu'il avait été employé par la société DUMEZ INTERNATIONAL du 20 août 1982 au 31 décembre 1991, puis par la société DUMEZ du 1er janvier 1992 au 10 février 1994, en qualité de chef de chantier 1er échelon coefficient 665 classification retenue par la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des entreprises de travaux publics du 21 juillet 1965.
Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d'affiliation en qualité d'assimilé cadre au régime complémentaire AGIRC
Il convient de rappeler que le régime AGIRC, aux termes des articles 4 et 4 bis de la convention collective nationale du 14 mars 1947, concerne obligatoirement les ingénieurs et cadres, (article 4) et les employés, techniciens et agents de maîtrise, «assimilés cadres» (article 4 bis) tels que définis par la convention collective nationale ou régionale applicable à l'entreprise, étant précisé que seules les classifications agréées par l'AGIRC peuvent être prises en considération, et qu'à défaut de convention, seuls les salariés bénéficiant du coefficient 300 dans les classifications des arrêtés «Parodi» (classification antérieure à 1950) sont concernés.
Par ailleurs, l'article 36 de l'annexe 1 de cette même convention prévoit que peuvent être également affiliés à l'AGIRC, si leur entreprise a souscrit un contrat prévoyant leur affiliation, les employés, techniciens et agents de maîtrise dont le coefficient est compris entre 200 et 299 dans les classifications Parodi ou à un coefficient hiérarchiquement équivalent dans la convention applicable à l'entreprise et agréé par l'AGIRC.
Il doit toutefois être relevé que selon la nouvelle classification, mise en 'uvre par avenant n°6 du 19 décembre 1975 pour les ETAM des travaux publics et avenant n°9 du 19 décembre 1975 pour les ETAM du bâtiment, les ETAM bénéficiaient d'un coefficient allant de 300 à 860, de sorte qu'en l'absence de concordance entre les anciens et les nouveaux coefficients hiérarchiques, il ne peut être retenu qu'après le 1er juillet 1976, les salariés du bâtiment et des travaux publics ayant un coefficient supérieur à 300, seraient assimilés cadres au titre de l'article 4 bis de la convention AGIRC alors même qu'ils avaient tous nécessairement un coefficient supérieur ou égal à 300.
En conséquence, M [E], qui avait été engagé le 20 août 1982 par la société DUMEZ AFRIQUE en qualité de chef chaudronnier coefficient 600, statut ETAM, ne pouvait pas, à cette date, considérer qu'il devait être assimilé cadre «article 4 bis» du seul fait qu'il avait un coefficient supérieur à 300, aucun élément n'établissant qu'il aurait eu alors des fonctions correspondantes à celles d'un salarié relevant de cette classification.
En revanche, il n'est pas contesté que d'autres salariés du groupe DUMEZ et notamment M. [L], également employé en 1982 par la société DUMEZ AFRIQUE sur un chantier au Cameroun, ayant le statut ETAM avec un coefficient similaire, avait pu bénéficier des dispositions de l'article 36 sus visé de 1977 à 1979 au sein de la société DUMEZ BATIMENT.
En effet il résulte des documents produits concernant M. [L] (attestation établie le 5 octobre 2000 par la caisse de retraites PRO BTP ENTREPRISES, relevé de carrière AGIRC (BTP et hors BTP) arrêté au 31 décembre 2010, relevé de carrière ARRCO dans le BTP édité le 4 avril 2011)
que ce salarié dont la situation professionnelle était identique à la sienne avait été affilié au CNRBTPIC et CNPBTPIC :du 1er janvier 1977 au 1er janvier 1979 en qualité de salarié de la société DUMEZ FRANCE soit au titre de l'article 36 soit au titre de l'article 4 bis.
Il sera relevé que selon le dernier relevé de l'organisme de retraite ARRCO, M. [L] était mentionné comme assimilé cadre de 1977 à 1979 de sorte que s'agissant de deux situations identiques, M. [E] a, après avoir dans un premier temps revendiqué le bénéfice de l'article 4 bis de la convention sus visée a invoqué les dispositions de l'article 36 du même texte.
Toutefois, aucune considération ne justifie qu'il ne soit pas recevable à faire valoir sa nouvelle argumentation, les conditions de l'aveu n'étant pas réunies en l'espèce, la référence à l'article 4 bis résultant notamment de l'indication mentionnée dans le document sus visé et aucune incohérence ne pouvant être retenue dès lors que M.[E] est constant dans sa demande d'affiliation à l'AGIRC qu'il fasse à cet effet référence à l'un ou à l'autre des articles pour justifier sa demande.
La société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS soutient que M. [E] n'établit pas que tous ses employeurs auraient fait le choix 'de faire bénéficier, tant en France qu'a fortiori à l'expatriation, ses ETAM relevant d'un certain niveau de coefficient du mécanisme de l' «article 36»'.
S'il est exact que M. [E] est dans l'impossibilité de produire l'accord d'extension géographique du bénéfice de cette article 36 aux salariés expatriés précisant les catégories d'affiliés concernés, signés par chacune des sociétés l'ayant employé pendant son expatriation, il convient cependant de relever :
* que dans une lettre adressée le 28 décembre 1966 à la Caisse de retraite des expatriés, la société DUMEZ, aux droits de laquelle se trouve la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS indique : 'nous vous avons fait part de notre désir d'unifier et de modifier les adhésions que nous vous avons données jusqu'à ce jour pour nos agences et chantiers extra- métropolitains ou pour certaines sociétés du groupe DUMEZ', en rappelant les différentes extensions précédentes pour les chantiers au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Nigéria, en Espagne, au Brésil, au Canada, en Irak, au Pakistan, en Polynésie, en Turquie, au Cambodge, en Australie, au Kenya, au Tanganyka, à Madagascar, au Maroc, en Tunisie et en précisant qu'elle a demandé à la CNPBTP à laquelle elle adhère pour ses activités métropolitaines, l'extension du bénéfice de la Convention collective nationale du 14 mars 1947 pour les ingénieurs et cadres de ses agences, chantiers et filiale d'outre mer ainsi que pour les ouvriers et les ETAM,
* que dans un arrêt rendu le 14 février 2012 par la cour d'appel de Colmar opposant la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS à un ancien salarié ayant été engagé à partir de 1984 en qualité de conducteur de travaux pour travailler en expatriation, il était expressément mentionné dans les conditions générales du contrat de travail de ce salarié, concernant sa retraite complémentaire : 'l'agent est inscrit aux organismes de retraites complémentaires auxquels les agents de même catégorie professionnelle employés en France sont affiliés (2ème tranche). L'agent cadre dont le salaire dépasse le plafond de cotisation à la Caisse des Cadres, bénéficie du régime de retraite complémentaire de la Caisse de Retraite des Expatriés',
ce qui confirme l'existence de l'extension géographique du bénéfice du régime de retraite complémentaire pour l'ensemble des sociétés du groupe, tant en France qu'à l'étranger.
Par ailleurs, si l'option de l'article 36 sus visé est facultative pour l'employeur, elle est irréversible et s'applique à l'ensemble des salariés relevant de la catégorie professionnelle, dès lors que l'option a été faite : 'l'extension du régime a obligatoirement effet pendant toute la durée de la convention', tous les salariés titulaires de postes classés à un niveau au moins égal au niveau retenu, bénéficiant obligatoirement de ce régime.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir que M.[E] aurait dû être affilié durant son expatriation au régime des cadres, en application des dispositions de l'article 36 de la convention sus visée;
Sur le préjudice résultant de l'absence d'affiliation au régime de L'AGIRC
Après avoir tenu compte de la diminution de la rente ARRCO induite du fait de la cotisation en tant qu'assimilé cadre, de l'assiette de cotisation au régime de cadres incluant les avantages en nature, du calcul de la rente AGIRC qu'il aurait acquis et de la capitalisation du manque à percevoir, la cour a les éléments pour fixer à la somme de 80 000 € le montant alloué à M. [E] en réparation du préjudice total résultant de l'absence d'affiliation au régime complémentaire AGIRC pendant la durée de son expatriation.
Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d'affiliation au régime général de la sécurité sociale durant son expatriation
Il n'est pas contesté que M. [E] n'a pas été affilié au régime général de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, pendant la durée de son expatriation du 20 août 1982 au 10 février 1994.
Invoquant les dispositions de l'annexe VIII de la convention collective des Travaux Publics ETAM concernant les 'Déplacements hors de la France métropolitaine' prévoyant en son article 12 que 'Les ETAM déplacés continuent, pendant la durée de leur séjour à l'extérieur, à bénéficier de garanties relatives à la retraite et à la couverture des risques invalidité, décès, accidents du travail, maladie, accidents et perte d'emploi', l'article 13 précisant que 'L'entreprise s'efforcera d'en assurer, dans la mesure du possible, la continuité avec les garanties des régimes métropolitains' et l'article 14 que 'Ces garanties seront, dans l'ensemble et toutes choses égales d'ailleurs, équivalentes à celles dont l'ETAM bénéficiait s'il était resté en Métropole', M [E] soutient que son employeur n'a pas respecté cette obligation en ne l'affiliant pas au régime général pendant son expatriation et le privant ainsi de la possibilité d'acquérir 44 trimestres de base de 1983 à 1993.
Il résulte de ces dispositions conventionnelles que l'employeur doit 's'efforcer' de maintenir des garanties équivalentes et non nécessairement identiques, à celles qu'aurait eu son salarié s'il était resté en France étant précisé que cette obligation concerne le régime de la retraite pris dans son ensemble et rappelé qu'en vertu de l'article L.112-2-2 du code de la sécurité sociale, l'assujettissement au régime général de sécurité sociale français ne s'impose par principe qu'aux personnes exerçant une activité sur le territoire français, sauf à ce le salarié sollicite à son initiative personnelle et individuelle la possibilité de s'assurer de manière volontaire à l'assurance vieillesse conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965.
En l'espèce, M. [E], qui n'a jamais formé cette demande, et qui avait accepté le statut d'expatrié, excluant que s'appliquent les dispositions des articles L. 761-2 du code de la sécurité sociale, prévoyant la possibilité pour les salariés détachés temporairement à l'étranger (pour une durée maximum de trois ans renouvelable au maximum une fois ) de rester soumis à la législation française de sécurité sociale, ne saurait soutenir qu'il ignorait, en acceptant ses différentes missions en Afrique et en Espagne pendant plus de dix ans, qu'il n'était plus affilié au régime général de la CNAV alors même que les différents contrats qu'il a signés ne le prévoyaient pas et qu'aucune retenue n'était faite à ce titre dans l'ensemble des bulletins de salaire de la période.
Ainsi, dès le premier contrat d'expatriation conclu en juin 1982 pour le chantier au Cameroun, il était prévu à l'article XIV intitulé RETRAITE :
'L'Entreprise adhère au Régime de Retraite géré par la Caisse de Retraite des expatriés et y inscrira l'agent.
Les cotisations correspondantes seront retenues sur les salaires de l'Agent, conformément au montant fixé par la Caisse de Expatriés suivant les bases adoptées par l'Entreprise, à savoir 10/16ème à sa charge et 6/16ème à la charge de l'Agent.
En outre, l'Entreprise adhère au profit des Agents IAC, au régime de la Caisse Nationale de Prévoyance du Bâtiment, des Travaux Publics et des Industries connexes, au titre de la Retraite obligatoire, de la retraite facultative et du contrat veuve. (...)',.
les mêmes dispositions ou similaires étant reprises dans les contrats signés postérieurement pour les missions dans d'autres pays.
Conformément à ces dispositions contractuelles, les différentes sociétés ont, pendant toute la durée de son expatriation, cotisé auprès de la Caisse de Retraites des Expatriés (CRE), organisme d'assurance volontaire retraite, créé le 12 octobre 1948 pour gérer à la fois un régime de retraite et un régime de prévoyance dont l'objet affirmé est de permettre 'au personnel expatrié de bénéficier dans les mêmes conditions de sécurité d'avantages de retraites équivalents à ceux dont bénéficient les salariés travaillant en France', M [E] ayant été régulièrement informé du nombre de points dont il bénéficiait
Ainsi que le fait observer la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS, aucune considération ne permet de retenir ' que les entreprises, qui avaient adhéré à des dispositifs collectifs de couverture retraite, tels que la CRE, conformes aux dispositions de la convention collective, auraient eu l'obligation postérieurement de modifier leurs dispositifs, au prétexte que la CFE, mécanisme d'initiative individuelle non prévu par les partenaires sociaux, permettrait ultérieurement de mieux couvrir les salariés et ce, alors même que le demandeur n'en a jamais fait la demande', étant relevé que la création de la CFR n'a pas eu pour effet de modifier les dispositions de la convention collective applicable sur ce point.
Par ailleurs, il résulte des différents documents versés aux débats que M. [E] a bénéficié de points ARRCO unifiés acquis pendant son expatriation d'un montant supérieur à ceux qu'il aurait acquis s'il était resté en France de sorte qu'il a bénéficié d'une hausse globale de sa retraite pour l'ARRCO dont il doit être tenu compte pour apprécier le caractère équivalent des systèmes mis en place.
Enfin, il appartenait à M. [E] de faire valoir ses droits auprès de la CNAV lui permettant de valider en France les périodes d'activité professionnelle effectuées dans le cadre de son expatriation et ayant donné lieu à des versements de cotisations aux différentes caisses similaires à la sécurité sociale dans les différents pays.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et faute par M. [E] d'établir que sa situation au regard de sa retraite serait plus favorable s'il était resté en France, il convient de le débouter de ses demandes liés à l'absence d'affiliation au régime général de la sécurité sociale pendant la durée de son expatriation.
Sur les frais et dépens
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile étant réunies au bénéfice M. [E], il convient de condamner la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS, à lui payer la somme de 2'500 € à ce titre.
La société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS sera déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de M. [E] formée au titre du défaut d'affiliation au régime de retraite complémentaire AGIRC,
Statuant à nouveau,
Dit que M. [E] aurait dû être affilié durant son expatriation au régime des cadres, en application des dispositions de l'article 36 de la convention collective nationale du 14 mars 1947,
Condamne la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS à lui payer la somme de 80 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette absence d'affiliation,
Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS aux dépens aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [E] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT