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25/06/2013 | FRANCE | N°10/09050

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 25 juin 2013, 10/09050


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 25 Juin 2013



(n° 01 , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09050



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par Conseil de Prud'hommes d'AUXERRE section RG n° 09/00162









APPELANT

Monsieur [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien KOVAC, avocat au barreau de DIJ

ON substitué par Me Bérengère VAILLAU, avocat au barreau d'AUXERRE







INTIMEE

SA MADEA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Gilles BONLARRON, avocat au barreau de PARIS, toque : L0303...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 25 Juin 2013

(n° 01 , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09050

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Septembre 2010 par Conseil de Prud'hommes d'AUXERRE section RG n° 09/00162

APPELANT

Monsieur [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien KOVAC, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Bérengère VAILLAU, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIMEE

SA MADEA

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Gilles BONLARRON, avocat au barreau de PARIS, toque : L0303,

En présence de M. [T] [H], Président

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Mademoiselle Caroline CHAKELIAN, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

[V] [O] a été engagé par la société MADEA SA, le 2 mai 2006, en qualité de chef du service après-vente, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, avec une reprise d'ancienneté de 18 ans et six mois auprès d'une société SAJA, appartenant au même groupe, dans laquelle il exerçait la fonction de chef d'atelier.

Il est destinataire de deux avertissements disciplinaires des 20 juin et du 15 octobre 2008.

Il estime avoir fait l'objet de mise à l'écart et réagit, par lettre du 4 février 2009 destinée à M. [I] , directeur du service après-vente, dans laquelle il rappelle que ses dates de congés-critiquées- ont fait l'objet d'un accord qui ne saurait être remis en question.

Le 5 février 2009, M. [H], président de la société, adresse une lettre à tous les salariés en les appelant à privilégier les intérêts collectifs de l'entreprise. [V] [O] va répondre à cette lettre, à titre personnel, par courriel du 13 février 2009.

Par lettre du même jour, soit du 13 février 2009, il est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 24 février 2009, avec mise à pied conservatoire.

Suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 4 mars 2009, la société MADEA a licencié [V] [O] pour faute grave avec des motifs ainsi énoncés :

' ( ...) Malgré les moyens ainsi engagés à votre profit, nous avons été contraints de vous demander de remédier sans délai aux performances inacceptables de votre service en matière de :

* gestion de la garantie (cf courriel [I] du 13 février 2008 et lettre RAR du 15 octobre 2008) ;

* gestion des encours clients non facturés (cf courrier du 13 mars 2008 et courriels [I] des 25,26 juin, 26 juillet et 10 septembre 2008)

* d'insatisfaction clients et aux problèmes d'accueil (cf courrier MADEA RAR du 20 juin 2008, courriers clients du 5 juin, 17 juin, 26 août 2008, 14, 15,19 janvier 2009 et pour finir le 9 février 2009)

Ces priorités vous ont été également rappelées par un avertissement solennel le 20 juin 2008 et des objectifs clairs vous ont été alors fixés, notamment en matière d'écoute clients et de résolution des problèmes.

Vous avez par conséquent débuté l'année 2009 en étant parfaitement conscient des dysfonctionnements de votre service et des attentes non seulement de votre employeur mais encore des marques prestigieuses que vous représentez.

Malgré cet état de fait, les persistances des dysfonctionnements affectant votre service , ses résultats récents quantitatifs et qualitatifs nettement insuffisants et certains faits fautifs inadmissibles et incompatibles avec les responsabilités qui sont les vôtres, nous conduisent à rompre immédiatement votre contrat de travail pour les motifs suivants.

Malgré les observations adressées et les objectifs qui vous ont été fixés, vous n'avez pas remédié aux graves dysfonctionnements de votre service ni veillé au respect des conditions d'accueil du client, de sort que l'insatisfaction de la clientèle , bien loin d'être enrayée, est allée crescendo au cours des dernières semaines.

Ainsi, parmi toutes les concessions sous marque MERCEDES-BENZ, nous avons terminé à la dernière place du classement de notre zone de référence (39 points de vente), de l'indice satisfaction clientèle 2008.

Les nombreuses réclamations adressées à nouveau depuis le début d'année par les clients du service après-vente que vous dirigez démontrent non seulement votre manque total d'implication et de professionnalisme ainsi mais encore l'absence d'encadrement de vos collaborateurs. Les faits qui y sont décrits depuis le début de l'année 2009 sont particulièrement édifiants :

* erreurs de diagnostic à répétition entraînant pour le client des coûts inutile et un lourd désagrément (dossier [D] [U])

* restitution d'un véhicule sans que l'intégralité des travaux soient effectués malgré une longue anticipation d'un rendez-vous et la facturation de ceux-ci (dossier [J] [N])

* non traitement d'un problème de tenues de route sur un Mercedes ML 400 entraînant un risque et une perte de confiance du client dans sa voiture et nos services (dossier [G]),

* de façon plus grave encore, sur le VIANO (9 places) de M. [B], père de 6 enfants, vous avez procédé à un changement de pneus contraire aux règles du code de la route, aux instructions des manufacturiers de pneumatiques, ou encore aux règles de déontologie de votre profession.

En montant un pneu de structure et de marque différentes de celui déjà monté, sur le train arrière dudit véhicule, vous avez mis en péril l'équilibre du véhicule et, partant, la sécurité de cette famille nombreuse et d'autrui, empruntant le même trajet.

* vous avez enfin accepté que vous soient confiés des travaux touchant à la sécurité à un apprenti de la concession, M. [P] [M], dont vous étiez également le tuteur.

Vous ne vous êtes en aucune manière assuré, ni en cours d'intervention , ni préalablement à la livraison du véhicule réparé à son propriétaire, M. [K], de la conformité de l'intervention de votre apprenti aux règles de l'art.

Pr, en remontant l'amortisseur du véhicule, notre apprenti a purement et simplement omis de fixer l'amortisseur.

Le véhicule de M. [K] s'est ainsi trouvé, dès la sortie de notre concession et le premier dos d'âne, avec une ' roue pendante'.

Les conséquences de la déficience d'exécution de notre apprenti, dont vous êtes entièrement responsable en cos qualités cumulées de chef d'atelier et de tuteur, auraient pu être dramatiques.

Votre carence, votre négligence et votre manque de professionnalisme sont directement à l'origine de cet état de fait.

D'une façon générale, nous regrettons qu'en dépit de nos observations, vous n'ayez pas cru bon d'apporter à l'exécution de votre mission tout le soin et l'attention qu'elle requiert, adoptant en outre un comportement fautif et irresponsable totalement incompatible avec les responsabilités et la mission qui vous incombe.

En effet, aux manquements précités s'ajoute votre propre comportement qui s'est très nettement dégradé vis à vis de nos clients depuis un an comme en témoignent les nombreuses réclamations reçues et qui font été notamment de :

* vos remarques totalement déplacées dans le contexte de notre marque,

* votre manque de prise en compte des remarques de nos clients,

* votre attitude nonchalante et insouciante face à la gravité des problèmes encourue et de leurs conséquences.

Nos clients vous reprochent votre attitude désinvolte et un grand manque d'implication dans le traitement de leur dossier.

La plupart d'entre eux nous ont très clairement indiqué ne plus vouloir avoir recours au service après-vente de notre société. Certains d'entre eux ont même adressé copie de leur courrier à notre constructeur et aux associations de consommateurs.

(...)

Ces agissements nuisent au bon fonctionnement de la concession, portent atteinte à l'image de marque MERCEDES-BENZ et contreviennent enfin aux exigences de qualité et de résultats que nous impose le constructeur.

Ils sont particulièrement indignes d'un cadre de votre niveau qui se doit de montrer l'exemple aux autres collaborateurs.

Leur gravité ne nous permet pas de vous conserver parmi nous, même pendant la période de préavis.'

Contestant le bien-fondé de ce licenciement, [V] [O] va saisir la juridiction prud'homale, le 23 juin 2009, de diverses demandes.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2010, le conseil de prud'hommes d'Auxerre a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes.

Appel de cette décision a été interjeté par [V] [O], suivant une lettre recommandée adressée au greffe de cette cour le 12 octobre 2010.

Par des conclusions visées le 26 février 2013 puis soutenues oralement lors de l'audience, [V] [O] demande à la cour de réformer la décision entreprise et de statuer à nouveau ; à titre principal, de dire et juger que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse ; en conséquence, de condamner la société MADEA à lui payer :

* 1 282,79 € rappel de salaire mise à pied,

* 128,28 € congés-payés afférents,

* 6 928 € préavis,

* 692,80 € congés-payés afférents,

* 18 352,20 € indemnité légale de licenciement,

* 1 835,92 € ( sic) congés-payés afférents,

* 83 136 € nets de CSG et RDS dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 464 € nets de CSG et RDS pour non-respect du DIF.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le licenciement devrait être requalifié par la cour en licenciement pour faute simple, de condamner la société MADEA SA à payer les sommes mentionnées plus haut à l'exception des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il est demandé de condamner la société MADEA SA à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner à la société MADEA SA de lui remettre une attestation Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de dire que dans l'hypothèse où l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par ce dernier en application de l'article 10 du décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, sera à la charge du débiteur.

Par des conclusions visées le 26 février 2013 puis soutenues oralement lors de l'audience, la société MADEA SA demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et de débouter [V] [O] de toutes ses demandes, outre l'octroi de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement du 4 mars 2009 fixe les limites de ce litige. La rupture ayant été placée sous le régime de la faute grave , il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de celle-ci. Après le premier juge, il convient de procéder à l'examen des griefs énoncés dans la lettre de rupture pour en vérifier s'ils relèvent de la faute grave ; à défaut, de vérifier s'il s'agit ou non d'un licenciement fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Au titre d'un premier grief, il est reproché à [V] [O] d'être le responsable du mauvais placement de la société MADEA SA à 'l'indice de satisfaction-clientèle' de la marque MERCEDES-BENZ dont elle est concessionnaire. La cour constate que l'indice ainsi pris pour référence de l'activité du salarié qui certes est chef du service après-vente mais n'en est pas le directeur, est externe à l'organisation propre de l'entreprise et calculé suivant des critères qui ne sont pas exposés dans la procédure. Néanmoins, l'appelant fait valoir que, justement, au niveau de l'entreprise, l'indice de satisfaction obtenu en 2008 était de 749 points pour être de 790,33 points en 2009 et revenir en 2010 à 748,5 points (postérieurement à la rupture). Ces critiques excluent en outre le fait que le niveau de l'indice ne saurait relever que de l'activité propre à [V] [O] dans l'entreprise, alors qu'il a par ailleurs perdu une partie de son entourage technique de haut niveau en juillet 2008 (MM. [A] et [C]) et ne peut donc constituer une faute exclusivement imputable au salarié.

Il est reproché, en deuxième lieu, à [V] [O] , depuis le début de l'année 2009, des manques d'implication et de professionnalisme dans l'accomplissement de ses fonctions au service après-vente de la société MADEA SA . Il convient d'examiner successivement les cas cités dans la lettre de licenciement. S'agissant du dossier [U], il repose sur une lettre non signée (pièce 12) à l'en-tête de cette personne et qui décrit des difficultés récurrentes de diagnostic sur un véhicule Chrysler avec des prêts intermittents de véhicule pendant les réparations ; il n'est fait état cependant, à aucun moment, du chef de service [O] . Ce cas [U] est insuffisamment documenté pour être imputé à l'appelant. Pour ce qui est du dossier [N], il repose sur une lettre du 14 janvier 2008 et vise des faits qui remontent à plus de deux mois au regard de la date du licenciement , lesquels sont prescrits en application des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail. S'agissant du dossier [G], il est dépourvu de matérialité. Le cas [K] n'est pas sérieusement renseigné par l'employeur, [V] [O] faisant remarquer qu'il aurait pris place pendant la mise à pied conservatoire qui a précédé le licenciement litigieux et ne pouvait donc entrer dans le champ de sa responsabilité. Le dossier relatif à un client [B] constitue l'articulation principale de la lettre de licenciement pour faute grave, au sens de l'employeur. Comme pour les autres griefs, il doit être remarqué que la société MADEA est peu attachée aux dates précises et à la chronologie, pourtant essentielle en matière disciplinaire, des interventions effectuées sur le véhicule de cette personne. En effet, il importe de rappeler que c'est [V] [O] , en qualité de chef du service après-vente, qui a attiré l'attention sur le fait qu'un pneumatique arrière droit du véhicule de M. [B] était déformé et qu'il ne pouvait laisser partir ce client, pour des raisons de sécurité évidentes, sans opérer le changement de ce pneumatique. L'expert sollicité par [V] [O] (M. [L] avis technique ; pièce 11) mentionne une 'bande de roulement déformée présentant un risque de ' déchappage'. La thèse du salarié est simple, bien que contredite par le client qui a pu bénéficier, après coup, d'une offre commerciale consistante de la société MADEA (paiement de la réparation confiée à une société tierce, à hauteur de 400 €), en ce qu'il explique avoir été contraint de ne changer qu'un pneumatique en raison de la demande de M. [B] qui ne voulait pas investir dans un train complet de pneumatiques arrières neufs. Il est donc reproché au salarié d'avoir agi en s'adaptant à la volonté du client, tout en préservant les règles de l'art et de sécurité générale. En effet, les éléments versés aux débats permettent de constater que [V] [O] a posé un pneu conforme aux préconisations de la marque et compatible structurellement avec le pneu maintenu à l'arrière gauche en invitant le client à revenir après l'accomplissement de 1 000 km (voir mention exprès sur la facture ; pièce 35) qu'il envisageait d'effectuer dans l'immédiat. Les éléments du dossier montrent que M. [B] est revenu au garage après avoir effectué près de 4 000 km et que c'est à ce moment qu'une négociation commerciale est intervenue en dehors du chef de service après-vente, le client exigeant des contre-parties (pose d'une galerie et paiement des pneus remplacés) qui lui ont été accordées . L'attestation de M. [B], établie le 21 janvier 2010, ne saurait emporter la conviction de la cour en ce qu'elle intervient longtemps après des faits qui ont été repris en mains commercialement par la société MADEA en défaveur de l'explication très étayée de [V] [O] pour ce qui est de son intervention matérialisée par des pièces indiscutables et notamment la facture détaillée (pièce 35) dont le contenu n'est pas discuté et l'avis technique rappelant les règles de base des adaptations de pneumatiques à la situation particulière devant laquelle il se trouvait. Ce deuxième volet de la lettre de licenciement et l'analyse des griefs avancés par la société MADEA, relatifs aux critiques d' interventions techniques réalisées sous la responsabilité du salarié, ne matérialise pas la faute grave retenue et ne constitue pas non plus l'énoncé d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En ce qui concerne, en troisième et dernier lieu, le reproche tenant au comportement du salarié vis à vis de la clientèle ' dégradé' depuis un an, force est de constater qu'il se présente comme une redondance au regard des dossiers qui viennent d'être examinés, l'employeur recherchant visiblement à conforter un édifice probatoire fragile dont les éléments viennent, d'ailleurs, d'être rejetés par la cour. La faute grave, qui doit impérativement être prouvée, ne peut reposer sur des affirmations généralisant un comportement estimé critiquable sur 'une année' alors que des mesures se seraient, dans un tel cas, immédiatement imposées, au-delà de simples avertissements . L'entreprise a manifestement souffert d'un déficit d'organisation relevé par [V] [O] en réponse à un courriel empreint d'agressivité à l'encontre de tout le personnel de M.[H], président de la société MADEA (pièce n°6) dont la réception a été suivie, le même jour, d'une convocation à l'entretien préalable au licenciement, ici examiné, avec mise à pied conservatoire. Dans ce courrier, le salarié rappelait son attachement à l'entreprise et son ancienneté depuis 1989 en soulignant qu'il avait fréquemment renoncé à tout intérêt personnel pour satisfaire aux objectifs de l'entreprise. Ce climat subjectif repris en forme de reproche dans la lettre de rupture ne saurait constituer ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement. C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la rupture était fondée sur une faute grave, la cour déclarant le licenciement dépourvu non seulement de fondement sur la faute grave mais également de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est infirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :

Il est demandé par [V] [O], à ce titre, une somme de 83 136 € de dommages et intérêts, correspondant à 24 mois de salaire. Cette somme est réclamée 'nette de CSG et RDS'.

La société MADEA SA conclut au débouté de cette réclamation, sans faire d'offres subsidiaires.

La cour relève que [V] [O] présentait, lors de son licenciement, une ancienneté de près de vingt ans et était âgé de 48 ans. Il est établi par le dossier que son cursus professionnel s'est déroulé sans aucune critique et en progression quant aux responsabilités jusqu'à l'année précédant la rupture qui a vu l'employeur mettre en oeuvre brutalement une sorte d'éviction. L'appelant a dû changer de profession et s'est retrouvé dans une certaine précarité (CDD à temps partiel à compter de septembre 2009) en qualité d'enseignant vacataire dans le domaine technique pour être intégré dans un Lycée professionnel en tant qu'enseignant de la maintenance automobile avec des appréciations très positives de ses employeurs qui vantent ses capacités d'adaptation (est devenu professeur principal) . Il est cependant redevenu vacataire en 2012 puis a suivi des formations tout en demeurant dans la précarité puisque ses contrats de travail avec les Lycées Professionnels sont toujours à durée déterminée. En conséquence, il y a lieu de condamner la société MADEA SA à payer à [V] [O] la somme de 70 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, étant observé que la juridiction sociale n'a pas à se prononcer sur les dispositions fiscales éventuellement relatives à cette somme de nature indemnitaire.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés-payés afférents:

Les sommes réclamées à ces titres ne font l'objet d'aucune contestation de la part de l'employeur et il y a lieu, en conséquence, de condamner la société MADEA SA à payer à [V] [O] les sommes de 6 928 € pour l'indemnité compensatrice de préavis et de 692,80 € pour les congés-payés afférents.

Sur le rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied :

Le licenciement ayant été déclaré illégitime, la période de mise à pied instituée par l'employeur qui avait retenu la faute grave est désormais non avenue. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande à hauteur de 1 282,79 € , outre la somme de 128,28 € au titre des congés-payés afférents.

Sur l'indemnisation de l'absence de notification du droit individuel à la formation (DIF) :

Il est constant que la société MADEA SA n'a pas mentionné ce droit dans la lettre de licenciement adressée à [V] [O], ce manquement causant nécessairement à celui-ci un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts, la cour ne statuant pas sur l'application de la fiscalité sur cette somme qui a le caractère de dommages et intérêts.

Sur l'indemnité légale de licenciement et les congés-payés afférents :

Le montant de cette indemnité n'est pas contesté par la partie intimée et la cour souscrit au calcul présenté dans les conclusions de l'appelant qu'elle fait sien pour accorder à [V] [O] la somme de 18 359,20 € à ce titre, en application de l'article L.1234-9 du code du travail. Il n'est pas dû d'indemnité de congés-payés sur l'indemnité de licenciement qui n'a pas de caractère salarial, la demande en est rejetée.

Il y a lieu de faire droit à la demande de remise de l'attestation Pôle Emploi conforme mais sans l'assortir d'une astreinte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

Condamne la société MADEA SA à payer à [V] [O] les sommes suivantes :

- 70 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 6 928 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 692,80 € au titre des congés-payés afférents,

- 18 359,20 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 282,79 € à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied,

- 128,28 € au titre des congés-payés afférents,

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de notification du droit individuel à la formation (D.I.F),

Ordonne la remise par la société MADEA SA à [V] [O] de l'attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision,

Déboute [V] [O] du surplus de ses demandes,

Ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société MADEA SA à Pôle Emploi des sommes versées par cet organisme à [V] [O] au titre du chômage depuis la rupture et dans la limite de six mois, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société MADEA SA à payer à [V] [O] la somme de 1 500 €,

Laisse les dépens de la procédure à la charge de la société MADEA SA et dit n'y avoir lieu à application ici des dispositions de l'article 10 du décret 2011-212 du 8 mars 2001.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/09050
Date de la décision : 25/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°10/09050 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-25;10.09050 ?
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