Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 21 JUIN 2013
(n°199, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12372
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 mai 2011 - Tribunal de commerce de PARIS - 16ème chambre - RG n°2010008578
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A. DSO INTERACTIVE, venant aux droits de la S.C.S. GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151
Assistée de Me Guillaume METZ plaidant pour la SCPA PIRIOU - METZ - NICOLAS, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS
S.N.C. PHARMACIE [N] - [J] - [P], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
M. [W] [P]
[Adresse 4]
[Localité 2]
M. [Q] [N]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Mlle [I] [E]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentés par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B 753
Assistés de Me Elisabeth DOUY-MERCIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Françoise CHANDELON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président
Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller
Mme Sonia LION, Vice-Président Placé
Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
MM. [W] [P], [Q] [N] et Mlle [I] [E] sont les associés d'une société en nom collectif (la SNC) exploitant une pharmacie à [Localité 2].
Le 4 octobre 2005, la SNC a commandé à la société Jidéa une animation publicitaire s'accompagnant de la mise à disposition du matériel adéquat et de la fourniture régulière de CD-Rom contenant les messages à diffuser.
A la même date elle a rempli un formulaire à en-tête de la société GE Capital Equipement Finance (GE Capital) pour solliciter le financement du matériel, acquis par cette société selon facture du 27 octobre 2005, le matériel ayant été réceptionné le 25 octobre précédent, jour de la signature du contrat de location, d'une durée de 5 ans, moyennant un loyer de 447,97 € toutes taxes comprises.
La locataire ayant cessé de s'acquitter de ses loyers à compter du 1er mai 2008 au motif que la société Jidéa, admise le 11 juillet 2006 au bénéfice du redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Romans, converti le 25 janvier 2007, en liquidation, ne lui fournissait plus les CD-Rom mensuels promis, la société GE Capital s'est prévalue de l'acquisition de la clause résolutoire par courrier du 30 décembre 2008.
Elle a cédé sa créance à la société DSO Interactive (DSO) par contrat du 18 juin 2009.
Cette cession a été signifiée à la SNC le 29 janvier 2010.
Après avoir vainement mis en demeure la SNC de lui régler sa créance, la société DSO a engagé la présente procédure par exploit du 29 janvier 2010.
Par jugement du 27 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- constaté la caducité du contrat de location financière à la date du 27 septembre 2006,
- débouté la société DSO de ses demandes de résiliation et de paiement,
- condamné la société DSO à rembourser à la SNC la somme de 8.511,43 €, montant des échéances réglées, avec intérêts de droit à compter du 11 avril 2008,
- condamné la SNC à restituer le matériel pris à bail,
- condamné la société DSO à verser à la SNC, à MM. [P] et [N] et à Mlle [E] une indemnité de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 1er juillet 2011, la société DSO a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 6 février 2012, la société DSO demande principalement à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution du matériel, l'infirmer pour le surplus,
- constater la résiliation du contrat,
- condamner solidairement la SNC, MM. [P] et [N] et Mlle [E] à lui verser,
* la somme principale de 14.656,05 € portant intérêts au taux contractuel à
compter du 30 décembre 2008,
* une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du
code de procédure civile,
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 5 décembre 2011, la SNC, MM. [P] et [N] et Mlle [E] demandent principalement à la Cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qui concerne la prise d'effet de la résolution ou caducité du contrat qu'ils souhaitent voir fixer au 10 juillet 2006 pour obtenir la restitution de la somme de 9.407,25 €,
- condamner la société DSO à verser à chaque appelant la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur les prétentions des intimés
Considérant que les intimés soutiennent que les contrats conclus d'une part avec la société Jidéa, d'autre part avec la société GE Capital, étaient indivisibles de sorte que la résiliation du contrat de prestation, qu'ils fixent à la date de l'ouverture de la procédure collective, à partir de laquelle la société Jidéa s'est révélée défaillante, justifiait la résiliation du bail qu'ils ont notifié à la société GE Capital par courrier de leur avocat en date du 10 avril 2008 ;
Mais considérant que si la SNC a associé économiquement les contrats signés, la société Jidéa lui ayant promis la fourniture régulière de messages publicitaires, diffusés grâce à un logiciel créé par ses soins, le contrat de location exclut expressément toute indivisibilité des contrats participant à cette finalité ;
Que l'article 1.4 des conditions générales dispose ainsi :
' Lorsque le locataire a recours à un prestataire assurant une maintenance et /ou tout autre service, celle ci est librement déterminée avec le prestataire de services qu'il a choisi. Le locataire fait son affaire exclusive de toute action utile à l'égard du prestataire de services pour obtenir l'exécution de la maintenance convenue entre eux sans l'intervention du bailleur et renonce à tout recours contre ce dernier en cas de défaillance quelconque du prestataire de services s'interdisant notamment tout refus de paiement des loyers à ce titre' ;
Considérant encore que la première page du contrat signé précise clairement, sous la rubrique 'CONDITIONS DE LOCATION', 'Contrat sans maintenance intégrée' ;
Considérant ainsi que les intimés ne sauraient se prévaloir de la seule circonstance qu'ils ne rémunéraient pas la société Jidéa pour la fourniture de CD-Rom pour en déduire qu'elle était comprise dans le loyer fixé contrairement, non seulement aux termes de la convention les liant à la société GE Capital, mais également à la facture réglée par l'établissement financier qui ne porte que sur du matériel, le système d'animation dénommée MédiaPack, six écrans et un jeu de câbles et fixations, ainsi qu'à sa propre demande de financement qui ne se réfère qu'à ces mêmes éléments ;
Considérant qu'en l'absence de disposition impérative dans le régime commun du bail les parties sont libres de fixer leurs droits et obligations et que l'article 1218 du code civil, qui pose les critères de l'indivisibilité, n'est pas d'ordre public, de sorte que cette clause s'impose à la SNC qui l'a acceptée en signant le contrat ;
Mais considérant encore que ce texte qui permet, dans le silence des parties, de retenir l'indivisibilité de certains contrats, ne concerne que ceux qui n'auraient aucun sens indépendamment les uns des autres, particularité qui ne se retrouve pas en l'espèce ;
Que le matériel loué, une dalle holographique pilotée par un vidéo projecteur, programmable à distance via Internet sur une unité centrale équipée d'un logiciel spécifique avec fourniture de CD-Rom de mises à jour, autorisait l'installation d'un autre logiciel que celui fourni par la société Jidéa et la diffusion des CD-Rom de tout prestataire en publicité ;
Qu'il sera d'ailleurs observé que c'est presque deux ans après la cessation d'activité de la société Jidéa que la SNC a fait part de son impossibilité d'utilisation du matériel permettant de supposer que ses diffusions ne se sont pas interrompues en 2006 ;
Considérant que pour accueillir l'argumentation des intimés, le tribunal de commerce a considéré à tort que la cause du contrat de location financière était constituée par la prestation de fourniture mensuelle d'image alors que la cause d'un contrat de bail est la mise à disposition au locataire du bien loué ;
Qu'il ne pouvait davantage soutenir que le montant des échéances ne distinguait pas le montant de la location et le coût de la maintenance alors que la société GE Capital s'est borné à fournir du matériel dont elle a fait l'acquisition sans prendre en compte un éventuel contrat de maintenance conclu entre le preneur et la société Jidéa ;
Que le fait pour le représentant de la société Jidéa de gérer une demande de financement pour le matériel qu'elle fournit ne lui permettait pas davantage de retenir l'existence d'un mandat apparent ni d'en déduire que l'établissement financier savait que des CD-Rom devaient être fournis chaque mois ;
Que l'ouverture d'une procédure collective n'entraîne pas la caducité des contrats en cours et que la résiliation du contrat de maintenance ne pouvait être prononcée qu'au contradictoire de la société Jidéa que la SNC n'a pas appelé en la cause ;
Qu'enfin le tribunal ne pouvait, au motif que le contrat de location a été conclu postérieurement à la demande, en déduire que la mention sans maintenance intégrée a été portée tardivement à la connaissance de la SNC alors que le contrat de location intervient toujours après la livraison du matériel, pour permettre aux organismes de location financière de s'assurer de la conformité de la commande à l'attente de leur client et du bon état de marche du matériel qu'ils acquièrent et que quelque soit la date à laquelle le contrat lui est soumis le bailleur a le devoir d'en prendre connaissance avant d'y apposer sa signature ;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la restitution du matériel pris à bail ;
Sur les demandes de la société DSO
Considérant que le courrier de mise en demeure du 30 décembre 2008 visant la clause résolutoire à défaut de paiement sous huitaine, il convient de constater la résiliation du contrat à la date du 7 janvier 2009 ;
Considérant que la somme réclamée correspond d'une part aux loyers impayés à la date de la résiliation du contrat, d'autre part à une indemnité de résiliation d'un montant égal aux loyers à échoir majorés d'une clause pénale de 10% ;
Considérant que les intimés ne contestent pas le quantum réclamé mais sollicitent l'application des dispositions de l'article 1152 du code civil ;
Mais considérant que l'indemnité contractuelle précitée, prévue aussi bien pour contraindre le preneur à exécuter ses engagements, que pour évaluer avant toute difficulté le préjudice subi par le bailleur à cause de l'interruption des versements convenus, destinés à couvrir le montant acquitté pour acquérir le matériel, majoré du bénéfice qu'il entendait légitimement retirer de l'opération n'est manifestement pas excessive au regard de ces objectifs ;
Considérant que la somme due produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, la société DSO ne pouvant solliciter un intérêt contractuel sans en préciser le taux ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné la restitution du matériel pris à bail ;
Condamne solidairement la SNC Pharmacie [N] - [J] - [P], MM. [P] et [N] et Mlle [E] à verser la société DSO Interactive la somme principale de 14.656,05 € portant intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2008,
Condamne solidairement la SNC Pharmacie [N] - [J] - [P], MM. [P] et [N] et Mlle [E] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Conseiller, Faisant Fonction de Président