RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 Juin 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09365
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 Mai 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 10/08974
APPELANT
Monsieur [T] [K]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
S.A. DÉFENSE CONSEIL INTERNATIONAL (DCI)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Sébastien RODRIGUEZ, avocat au barreau de PARIS, L0019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [T] [K] a été embauché par contrat à durée déterminée en date du 5 octobre 2007, en qualité de technicien hélicoptère, par la S.A. Défense Conseil International (DCI), dont l'échéance était prévue le 26 janvier 2008.
Ce contrat a été renouvelé une première fois le 8 janvier 2008 prorogeant la fin du contrat au 26 janvier 2009.
Un dernier avenant a été signé le 4 janvier 2009 prorogeant la fin du contrat au 26 janvier 2010 en qualité de chef d'équipe avionique.
L'article 2 de ce contrat de travail prévoyait explicitement que le droit koweïtien lui était exclusivement applicable et qu'il était exclusivement exécuté au Koweït.
L'article 20 du contrat désignait la juridiction prud'homale du siège social de la société soit le conseil de prud'hommes de Paris.
Outre un salaire brut mensuel de base s'élevant à 2.316,62 euros, le salarié percevait, à titre de complément de salaire, une indemnité d'éloignement de 30 %, une indemnité de séjour de 187 dinars koweïtiens, une indemnité de sujétion de 470,46 euros.
Par un courrier daté du 2 décembre 2009, l'employeur l'informait que son contrat ne serait pas reconduit à l'échéance du 26 janvier 2010.
À la suite à cette rupture contractuelle, M. [K] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris afin que son contrat à durée déterminée soit requalifié en contrat à durée indéterminée de droit français par application de la loi française.
Il demandait également que toutes les conséquences soient tirées de cette requalification, notamment en termes de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de licenciement irrégulier.
Par jugement du 23 juillet 2011, les juges de première instance ont débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes en constatant que les parties avaient choisi de soumettre le contrat au droit koweïtien, que ce contrat était exécuté au Koweït et que le contrat présentait des liens plus étroits avec le Koweït qu'avec la France.
Le salarié a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 septembre 2011.
Il sollicite l'infirmation de l'ensemble des dispositions du jugement du conseil de prud'hommes et le rejet des demandes formulées par son ancien employeur.
Il demande en conséquence sa condamnation à lui payer les sommes suivantes:
- 3 900 € à titre d'indemnité de requalification
- 3 900 € à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
- 7 800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 780 € au titre des congés payés afférents
- 1 950 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- 53 240 € au titre des heures supplémentaires et 5324 € au titre des congés payés afférents
- 366 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de respect des dispositions relatives au droit individuel à la formation
- 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile
Pour sa part, la société DCI demande à la cour de confirmer le jugement et en conséquence de débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ainsi que de le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'application de la loi française au contrat de travail
Aux termes de l'article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, qui permet de déterminer la loi applicable à un contrat de travail comportant un élément d'extranéité, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause [']. ».
Néanmoins, l'article 6-1 de la Convention de Rome du 29 juin 1980 prévoit que :
« Nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article. »
Dans cette hypothèse, c'est-à-dire à défaut de choix exprès par les parties, le contrat de travail est régi :
« par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays ».
Cependant, il ressort de l'article 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 in fine que même si un salarié accomplit habituellement son travail dans un pays donné, la loi d'un autre pays est applicable s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec ce pays.
En l'espèce, M. [T] [K] considère que la loi applicable à son contrat de travail est bien la loi française puisqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que celui-ci présentait des liens les plus étroits avec la France.
Il en veut pour preuve les conditions de son recrutement, la nationalité française des contractants, son domicile situé en France, la circonstance qu'il était inscrit sur le registre des Français établis hors de France à l'ambassade de France au Koweït, les liens familiaux permanents qu'il entretenait avec la France, la langue utilisée dans la rédaction du contrat, le fait que l'employeur avait son siège social en France, sa qualité d'expatrié qui figurait sur les bulletins de salaire, la désignation implicite de la convention collective Syntec, le choix de la monnaie en euros pour le versement de son salaire de base, celui de la juridiction prud'homale du siège de la société, c'est-à-dire [Localité 1], en tant que juridiction compétente, sa couverture par la caisse des Français à l'étranger, le bénéfice d'un intéressement qui résultait d'un accord d'entreprise et qui ne figurait ni dans le contrat ni dans la loi koweïtienne et la circonstance que le contrat de travail prévoyait qu'il pouvait exécuter des missions hors du territoire koweïtien.
À titre subsidiaire, quant bien même il serait considéré que la loi applicable est la loi koweïtienne, il revendique l'application des dispositions impératives de la loi française auxquelles il n'est pas possible de déroger en vertu de l'article 6 de la Convention de Rome, c'est-à-dire, dans le cas présent, les dispositions limitant le recours à des contrats à durée déterminée et celles concernant la durée du travail.
Mais, il résulte des dispositions susvisées de la convention de Rome qu'il n'y a pas lieu de procéder d'emblée, ainsi que le fait l'appelant, à l'examen des circonstances qui, dans leur ensemble, permettraient de constater que le contrat de travail présenterait les liens les plus étroits avec un pays donné, en l'espèce la France.
En effet, ces dispositions posent le principe que la loi applicable est celle qui a été choisie expressément par les parties.
Cette loi doit donc s'appliquer, sous la réserve de l'application des dispositions impératives protectrices, plus favorables pour le salarié, qui peuvent être prévues par la loi qui serait applicable si les parties n'avaient pas fait de choix à ce sujet.
Cette loi, dont les dispositions impératives peuvent avoir vocation à s'appliquer, malgré le choix fait par les parties d'une loi déterminée dans le contrat de travail, est définie comme la loi d'exécution habituelle du contrat de travail sauf s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail prévoyait expressément que le droit exclusivement applicable était le droit koweïtien de sorte que le principe est donc l'application de ce dernier.
S'agissant de la détermination de la loi dont les dispositions impératives pouvaient avoir à s'appliquer, le contrat de travail précisait que le salarié était engagé « pour participer exclusivement à la mission d'assistance technique au Koweït » et il n'est au demeurant pas contesté que tout au long de l'exécution du contrat de travail, l'appelant a 'uvré exclusivement sur ce territoire.
S'il est vrai que par exception, la désignation de cette loi peut être celle de la loi du pays dont il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présenterait en réalité des liens plus étroits avec lui, tel n'apparaît pas être le cas ici.
En effet, le contrat mentionne qu'il a été signé à [Localité 3] sans que la preuve contraire puisse en être rapportée, celui-ci est rédigé en langue arabe, même s'il comporte une traduction en français, une partie de la rémunération versée à M. [T] [K] était libellée en monnaie locale koweïtienne et celui-ci ne relevait pas d'un régime obligatoire de sécurité sociale français, ayant adhéré au régime facultatif de la caisse des Français à l'étranger.
Il apparaît également que l'intéressé, qui n'avait pas de domicile en France, vivait à l'étranger depuis de nombreuses années et ce, avant même la conclusion du premier contrat de travail avec la société DCI.
Au contraire, il résulte de la copie de son livret de famille, qu'il avait épousé une ressortissante de l'état des Philippines et que peu de temps avant d'être embauché par la société DCI, avait eu lieu la naissance de sa fille à [Localité 4], où il résidait.
Il résulte donc de tout ceci que le droit koweïtien était intégralement applicable au contrat de travail de sorte que toutes les demandes présentées par M. [T] [K], qui se fondent exclusivement sur l'application du droit français, ne peuvent qu'être rejetées.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé.
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SA DCI les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de [Localité 1] en date du 23 juillet 2011 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [T] [K] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE