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14/06/2013 | FRANCE | N°11/17585

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 14 juin 2013, 11/17585


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 14 JUIN 2013



(n°191, 5 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17585





Décision déférée à la Cour : jugement du 6 septembre 2011 - Tribunal de commerce d'EPINAL - RG n°20100839







APPELANTE





S.A. FIVES CRY

O, anciennement FIVES CRYOGENIE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL (Me Belgin PELIT-JUMEL), avocat...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 14 JUIN 2013

(n°191, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17585

Décision déférée à la Cour : jugement du 6 septembre 2011 - Tribunal de commerce d'EPINAL - RG n°20100839

APPELANTE

S.A. FIVES CRYO, anciennement FIVES CRYOGENIE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL (Me Belgin PELIT-JUMEL), avocat au barreau de PARIS, toque K 111

Assistée de Me Chantal CORDIER-VASSEUR plaidant pour la SELARL LATOURNERIE - WOLFROM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 199

INTIME

Me [O] [H], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. [G] [K]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS, toque P 0020

Assisté de Me Hervé BROSSEAU, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sonia LION, Vice-Président Placé, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller

Mmes Sonia LION et Dominique SAINT-SCHROEDER ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président

Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller

Mme Sonia LION, Vice-Président Placé

Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société Fives Cryo fabrique des échangeurs thermiques à plaques brasées et des pompes cryogéniques.

Depuis le quatrième trimestre 2003, elle confiait des travaux de soudure à M. [G] [K], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne 'HB Soudure'.

Exposant que la rupture, sans préavis, de ces relations commerciales aurait entraîné la déconfiture de l'entreprise de M. [K], Maître [O] [H], nommé mandataire liquidateur par jugement du tribunal de commerce d'Epinal en date du 15 septembre 2009, a engagé la présente procédure par exploit du 4 janvier 2010.

Par jugement du 6 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Epinal a condamné la société Fives Cryo au paiement des sommes de :

- 670.879 € de dommages-intérêts,

- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 septembre 2011, la société Fives Cryo a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 20 septembre 2012, la société Fives Cryo demande principalement à la Cour de :

- annuler le jugement,

- débouter Maître [H] de ses demandes,

- condamner Maître [H] à lui verser 13.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 29 février 2012 Maître [H] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner la société Fives Cryo au paiement d'une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur l'annulation du jugement

Considérant que la société Fives Cryo sollicite l'annulation du jugement sur le fondement de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) ;

Considérant que ce texte pose le principe selon lequel tout justiciable a le droit de voir sa cause jugée par un tribunal indépendant et impartial ;

Considérant qu'il doit recevoir application lorsque les circonstances entourant la prise de décision sont de nature à faire naître chez une des parties au procès une crainte légitime de ne pas avoir pu bénéficier de la neutralité nécessaire du juge ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Fives Cryo démontre que la décision critiquée a été rendue sous la présidence de M. [P] ;

Que ce même magistrat présidait également la formation de la juridiction consulaire qui a prononcé, le 15 septembre 2009, la liquidation judiciaire de M. [K], le désignant juge-commissaire et Maître [H], liquidateur ;

Considérant qu'au regard des dispositions légales régissant les rapports entre le juge commissaire et le liquidateur, M. [P] avait nécessairement une connaissance précise de la situation de l'entreprise de M. [K] permettant à la société Fives Cryo de craindre que sa conviction sur les raisons de sa déconfiture ne soit forgée avant même qu'elle ne soit en mesure de présenter son argumentation ;

Considérant que si ce seul soupçon permet de retenir la violation des disposition de l'article 6 de la CESDH, il doit encore être observé que dans la partie de sa motivation consacrée à la rupture des relations commerciales, le tribunal précise : ' lorsque M. [G] [K] s'est présenté devant le tribunal de commerce d'Epinal en septembre 2009, il n'avait plus aucun carnet de commandes et a donc demandé la liquidation' alors même que les conclusions récapitulatives prises par Maître [H] se bornaient à mentionner l'existence d'un dépôt de bilan sans préciser la nature de la demande de l'entrepreneur ni davantage faire allusion à son carnet de commande de sorte que cette précision ne résulte que de la connaissance du dossier par le Président de la juridiction dans le cadre de la procédure de liquidation ;

Considérant qu'il convient en conséquence d'accueillir la demande d'annulation du jugement ;

Sur le fond

Considérant qu'aux termes de l'article L442.6 1 5° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels...' ;

Considérant que la société Fives Cryo, qui reconnaît passer des commandes régulières à M. [K] depuis le 4ème trimestre 2003, ne saurait contester l'existence d'une relation commerciale répondant à la définition de ce texte aux motifs :

- qu'elle passait systématiquement un appel d'offres pour chacune de ses commandes auprès, d'une part de cet entrepreneur, d'autre part d'une société soeur, Fives Norton,

- que les parties n'étaient pas liées par un contrat-cadre,

- qu'elle n'avait jamais garanti à M. [K] un chiffre d'affaires minimum ;

Considérant en effet que par la généralité de ses termes la disposition précitée s'applique à toute relation suivie, stable et habituelle ;

Considérant que la société Fives Cryo ne contestant pas que le chiffre d'affaires de M. [K] était réalisé, pour plus de 95%, par ses commandes et atteignait, pour les années 2007 et 2008, les sommes respectives de 1.385.784 € et 1.377.732 €, autorisant l'entrepreneur à anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires, la première condition posée est remplie ;

Considérant que bien que la société Fives Cryo conclut à l'absence de rupture au motif qu'elle n'a jamais indiqué à M. [K] qu'elle souhaitait mettre un terme à ses relations, il résulte de sa pièce n°1, un tableau des commandes passées à nos sous traitants entre 2007 et 2009, qu'elle a cessé de s'approvisionner auprès de cet entrepreneur à compter du mois de juillet 2009 ;

Considérant encore que ce n'est pas, comme elle le soutient, la baisse des volumes de commandes qui caractérise la rupture mais leur arrêt total en juin alors que le niveau de celles passées aux deux autres sous-traitants s'est maintenu à un niveau élevé en juillet, avant de connaître un net fléchissement, en raison des circonstances économiques, au cours de l'automne 2009 ;

Considérant qu'elle ne saurait davantage soutenir que M. [K] ne lui aurait fait aucun reproche à l'envoi des dernières factures, en août 2009 ou que l'instance n'aurait été engagée qu'en janvier 2010 par le liquidateur, en l'absence de renonciation formelle à l'action ou de prescription ;

Considérant enfin que l'imprudence alléguée de M. [K] qui, en ne cherchant pas une nouvelle clientèle, a créé l'état de dépendance économique qu'il invoque aujourd'hui ne peut être prise en compte pour apprécier la réalité de la rupture, dont elle n'est pas un élément constitutif au sens du texte précité ;

Considérant ainsi que tenant compte de la durée et de l'importance des relations, mais également de l'absence d'exclusivité, de droit ou de fait, imposée à M. [K], qui n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires pour diversifier sa clientèle malgré les risques liés à toute situation de dépendance, la Cour estime qu'il était fondé à bénéficier d'un préavis de six mois ;

Considérant, sur le quantum de l'indemnité due, que le préjudice correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires escompté, qu'il convient de calculer à partir de la moyenne des deux exercices complets précédant la rupture, soit 1.380.000 € ;

Qu'en l'absence de tout élément produit par Maître [H] pour la déterminer, il convient de retenir le taux de 15% suggéré par la société Fives Cryo et de la condamner en conséquence au paiement de la somme de 15%x1.380.000/2 soit 103.500 € ;

Considérant que l'équité commande encore d'allouer à Maître [H] ès qualités une indemnité de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Annule le jugement entrepris ;

Condamne la société Fives Cryo à payer à Maître [H], ès qualités, la somme de 103.500 € ;

Condamne la société Fives Cryo à payer à Maître [H], ès qualités, une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fives Cryo aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Conseiller, Faisant Fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/17585
Date de la décision : 14/06/2013
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°11/17585 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-14;11.17585 ?
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