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13/06/2013 | FRANCE | N°10/09390

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 13 juin 2013, 10/09390


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 13 Juin 2013

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09390

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Janvier 2010 par Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - RG n° 08/02182





APPELANTE

SARL AGENCEMENT CLIMATISATION REFRIGERATION

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1613







INTIME

Monsieur [L] [M]

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, représenté par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095 substitué par Me Mic...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 13 Juin 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09390

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Janvier 2010 par Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - RG n° 08/02182

APPELANTE

SARL AGENCEMENT CLIMATISATION REFRIGERATION

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1613

INTIME

Monsieur [L] [M]

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, représenté par Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095 substitué par Me Michael GABAY, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : 95

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société AGENCEMENT CLIMATISATION REFRIGERATION, ci-après la société ACR, à l'encontre d'un jugement prononcé le 20 janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Créteil ayant statué sur le litige qui l'oppose à M. [L] [M] sur les demandes de ce dernier relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a requalifié le licenciement de M. [M], prononcé pour faute grave, en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- a condamné la société ACR à payer à M. [M] les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du jugement :

- 1 573,93 € à titre de rappel de salaires pour la période du 1er au 18 décembre 2006,

- 4 480 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- les congés payés de 1/10ème afférents à ces sommes,

- 1 409 € au titre des congés payés acquis au licenciement

- 13 440 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- a ordonné la remise sous astreinte d'une attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et des bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2006 et janvier 2007, conformes à la décision,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a mis les dépens à la charge de la société ACR.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

La société AGENCEMENT CLIMATISATION REFRIGERATION (ACR), appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour

- de débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner à lui payer :

- 25 000 à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1222-1 du code du travail, 1134 et 1382 du code civil,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de loyauté,

- au titre du remboursement des prêts accordés au salarié :

- 1 355 € au titre de la caution de l'appartement dans le cadre du bail contracté par M. [M],

- 2 800 € au titre du prêt consenti à M. [M] pour le financement de son mariage,

- 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [L] [M], intimé, concluant à l'infirmation du jugement si ce n'est en ses dispositions relatives au rappel de salaire, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et dommages et intérêts pour travail dissimulé, demande à la cour :

- de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- de condamner l'ACR à lui payer :

1409,77 € au titre des congés payés acquis au jour du licenciement,

- 1 941,33 € au titre du rappel de salaire durant la mise à pied, outre les congés payés afférents,

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1 666,11 € au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

- 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner la remise sous astreinte d'une attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et des bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2006 et janvier 2007, conformes à la décision,

- de fixer les intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2007 pour les créances salariales et accessoires et à compter de la saisine pour le surplus et d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de débouter la société ACR de ses demandes reconventionnelles.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 15 mars 2005, à effet du 23 février 2005, M. [M] a été engagé par la société ACR en qualité de frigoriste.

La société ACR a pour activité la réfrigération. Elle compte moins de 10 salariés.

La moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 2 240 €.

Le 19 décembre 2006, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes pour réclamer le paiement d'une somme de 12 000 € au titre d'heures supplémentaires.

Par lettre recommandée AR non datée, distribuée à M. [M] le 26 décembre 2006, la société ACR le convoquait pour le 27 décembre 2006 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire. L'entretien était reporté au 3 puis au 12 janvier 2007.

Le licenciement était prononcé par lettre du 4 janvier 2007 pour faute grave, motifs pris de : injures et menaces envers le personnel et les clients, absences injustifiées, abus de confiance et vols de matériels, concurrence déloyale, utilisation abusive à des fins personnelles des moyens matériels mis à la disposition du salarié et ce, y compris pendant le temps de travail (téléphone portable, véhicule de service).

Le 16 octobre 2008, M. [M] saisissait le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.

SUR CE

Sur les heures supplémentaires

Pour réclamer le paiement de 90,15 heures supplémentaires impayées, M. [M] fait valoir que l'entreprise était ouverte 7 jours sur 7 pour effectuer des dépannages de supermarchés ou de restaurants ; qu'il a, comme ses collègues, effectué de nombreuses interventions se terminant parfois en soirée qui ont donné lieu à l'établissement de bons d'intervention ; que l'employeur qui facturait les clients en fonction de la durée de l'intervention ne pouvait ignorer ses horaires réels de travail.

Le salarié verse :

- un décompte manuscrit,

- des copies de bons d'intervention,

- les attestations de

- deux anciens collègues, MM. [A] et [K], qui indiquent qu'ils effectuaient des heures supplémentaires en soirée et qu'ils se partageaient les samedis, M. [I] les joignant sur leurs téléphones portables ce jour là,

- de trois clients de la société ACR, MM. [V], [S] et [W], qui témoignent que M. [M] a effectué des interventions chez eux en soirée et le samedi.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui sont de nature à étayer sa demande et qui peuvent être discutés par l'employeur.

La société ACR répond notamment que les décomptes établis par M. [M] ne sont pas conformes au décompte des heures supplémentaires, ne tenant pas compte des jours de récupération ; que M. [M] bénéficiait, comme l'ensemble des salariés, d'une grande liberté dans l'organisation de son temps ; qu'il a récupéré 150 heures au cours de la relation contractuelle ; que des bons d'intervention ont été volés à la société ; qu'une plainte avec constitution de partie civile a été déposée mais n'a pas reçu de suite en raison du montant élevé de la consignation fixée ; que M. [M] a procédé à des falsifications des bons d'intervention dont elle possède les doubles, lesquels ne correspondent pas à ceux fournis par le salarié.

De fait, de nombreuses distorsions apparaissent entre les copies des bons d'intervention produits par le salarié et celles produites par l'employeur, les premières faisant apparaître des heures d'arrivée et de départ ne figurant pas sur les secondes ou ne comportant pas le cachet du client (pièces 20, 27...) ou comportant des cachets apposés à l'envers (pièces 13), ou encore des signatures manifestement imitées (pièce 14).

Par ailleurs, M. [M] indique qu'il a été rémunéré, 'hors fiches de paie', pour des interventions effectuées le samedi.

Dans ces conditions, au vu des éléments produits de part et d'autres, la cour a la conviction que M. [M] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées. Sa demande sera par conséquent rejetée étant relevé que le jugement de première instance a omis de statuer sur ce point.

Sur le licenciement

La société ACR soutient que les fautes commises par M. [M] justifient le licenciement prononcé pour faute grave.

M. [M] répond que le 19 décembre 2006, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d' heures supplémentaires ; qu'à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant la juridiction prud'homale, il a été "accusé de tous les maux" alors que la relation contractuelle se déroulait jusque là sans difficulté.

Sur la qualification

La lettre de licenciement fait état de cinq griefs.

' Les injures et menaces envers le personnel et les clients

La lettre de licenciement indique que

- le 18 décembre 2006, M. [M] a insulté le personnel de l'entreprise, en particulier Mme [F] et le gérant, M. [I] ; qu'il a lancé une agrafeuse en direction de Mme [F] ; qu'il a en outre menacé de porter atteinte à l'entreprise,

- que le 29 novembre 2006, il a été à l'origine d'une altercation avec un autre salarié, M. [Y], nécessitant l'intervention d"un autre salarié "pour calmer le jeu",

- qu'il a tenu des "propos déplacés" à Mme [B], directrice du magasin SHOPI de SEVRES, et agressé physiquement le directeur de la société DESCARTES DISTRIBUTION.

M. [M] fait valoir que ce grief n'est pas établi par les pièces versées au dossier.

Mais l'employeur verse

- l'attestation de Mme [F], secrétaire, qui relate que le 18 décembre 2006, M. [M] est arrivé énervé au bureau après avoir eu une contravention pour un excès de vitesse et qu'il lui a jeté une agrafeuse à la figure qu'elle a réussi à attraper au vol ; que perturbée par cette agression, elle est rentrée chez elle ; que c'est sa collègue, Mme [H], qui est allée porter plainte en son nom et au nom de la société,

- celle de Mme [H], assistante commerciale, qui confirme les déclarations de Mme [F],

- la déclaration de main courante de Mme [H] déposée le 18 décembre 2006 dans laquelle cette dernière relate l'incident avec Mme [F], ajoutant que M. [M] a tenu les propos suivants : "Je vais vous cramer la gueule, je vais vous envoyer aux prud'hommes" puis, à l'adresse de M. [I] qui tentait de le calmer au téléphone : "ton camion je le fous en miette et je te le crame. Ta gueule avec".

Les faits, seulement en ce qu'ils concernent Mme [F] faute de tout élément probant quant à l'incident avec M. [Y] et de tout élément concernant l'agressivité de M. [M] à l'encontre des clients, apparaissent établis au vu des témoignages concordants des deux salariées. Les éléments fournis par l'employeur ne sont pas utilement contrebattus par la déclaration de main courante déposée par le salarié le 21 décembre 2006 donnant une version différente de l'incident (le gérant, M. [I], lui aurait injustement reproché de ne pas vouloir effectuer un dépannage et l'aurait menacé de licenciement, de sorte qu'il était arrivé au bureau "traumatisé" et avait déposé une feuille sur le bureau de la secrétaire en posant "fortement une agrafeuse dessus afin qu'elle ne s'envole pas") ni par l'attestation de Mme [Z], qui l'assistait lors de l'entretien préalable, qui relate qu'elle n'a senti aucune agressivité de M. [M] à l'égard de Mme [F] qui leur avait servi un café et avec laquelle le salarié avait longuement discuté, Mme [F] ayant précisé qu'elle n'avait le jour de l'entretien préalable aucune raison de craindre l'agressivité de M. [M] en présence de tiers.

' Les absences injustifiées

La lettre de licenciement indique que M. [M] s'absente fréquemment de l'entreprise sans autorisation et que ces absences - une vingtaine de jours entre novembre 2005 et décembre 2006, listés dans la lettre de licenciement - n'ont pas été, la plupart du temps, déduites de sa paie car il avait promis de récupérer les heures non effectuées.

Mais il résulte de la lettre de licenciement et des pièces et explications fournies que les absences reprochées, la plupart étant anciennes de plus de deux mois, étaient tolérées par l'employeur qui en connaissait parfois les motifs (ex. absence du 25 au 28 novembre 2005 pour 'décès famille', 3 demi-journées en janvier 2006 'rendez vous banque + signature achat perso', du 11 décembre 2006 'après midi pour aller chercher sa voiture (accompagné par le personnel jusqu'à [Localité 3])') et qui ne justifie pas que M. [M] s'était engagé à les "récupérer".

Le grief ne peut donc être retenu.

' L'abus de confiance et les vols de matériel

Il est reproché à M. [M] d'avoir conservé la totalité de l'outillage à main qui lui avait été remis - "tournevis, pince coupante etc..." ; qu'une plainte a été déposée pour ces faits.

M. [M] prétend avoir restitué une clef [D].

L'employeur verse en tout et pour tout le procès-verbal d'audition par la police de sa secrétaire, Mme [H], qui a déposé plainte le 15 janvier 2007 en indiquant que M. [M] avait refusé de restituer pendant sa mise à pied conservatoire divers matériels d'outillage (métrix, pompe à huile, boîte de visserie, trois cintreuses...) ainsi qu'un carnet de bons d'intervention.

Cet élément ne suffit pas à établir la réalité du grief dès lors qu'aucune information précise n'est donnée quant aux outils prétendument non restitués - ceux mentionnés dans la plainte ne correspondant d'ailleurs pas à ceux qui sont visés dans la lettre de licenciement - et quant la suite qui a été réservée à la plainte.

' Sur la concurrence déloyale

La lettre de licenciement indique que l'employeur a retrouvé, dans le véhicule de fonctions restitué par M. [M] pendant sa mise à pied conservatoire, une carte de visite d'une entreprise AB REFRIGERATION ayant pour activité le dépannage, l'installation et la réfrigération portant un numéro de portable auquel M. [M] répond quand on l'appelle. La lettre de licenciement ajoute qu'après enquête auprès des fournisseurs de la société ACR, il est apparu que M. [M] avait acquis et réglé en espèces du matériel nécessaire à l'activité visé sur la carte pendant ses heures de travail en utilisant le camion de l'entreprise.

M. [M] prétend ne pas connaître la société AB REFRIGERATION. Il fait valoir notamment que l'employeur a pu faire imprimer une carte de visite pour 'monter son grief' ; que le numéro figurant sur la carte de visite est celui de son épouse, ce qui explique les appels téléphoniques qu'il a passés vers ce numéro.

La société ACR produit l'attestation dactylographiée de M. [G], technicien frigoriste, qui indique avoir averti lui-même le gérant que M. [M] lui avait remis une carte de visite au nom de AB REFRIGERATION. Cependant M. [M] fournit une autre attestation, manuscrite celle-là, de M. [G] qui certifie que la première est une fausse déclaration qu'il n'a ni rédigée ni signée et les signatures figurant sur les deux documents sont sensiblement différentes. L'employeur verse également les attestations de MM. [O] et [U], respectivement apprenti de la société ACR et employé de la société FRITEC, qui indiquent, l'un avoir vu M. [M] remettre une carte de visite AB Réfrigération dans un restaurant grec pour 'une chambre froide à bagnolet' et l'autre avoir vu M. [M] dans les locaux de la société FRITEC acheter du matériel frigorifique et payer en espèces. Ces deux attestations ne répondent pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et sont peu circonstanciées. L'employeur verse également des copies de deux factures du 11 juillet 2006 de la société FRITEC établies au nom de '[L]' et laissant apparaître une partie d'adresse '[Adresse 3]'. M. [M] se prénomme [L] et habitait avenue du Président [Adresse 4] jusque fin 2006 mais la signature figurant sur les copies de factures n'est pas celle apposée au bas de plusieurs documents signés par le salarié (lettre de motivation, déclaration de main courante...). Pour tenter d'établir que M. [M] a fréquemment appelé le numéro de téléphone portable figurant sur la carte de visite de la société AB REFRIGERATION avec le téléphone portable mis à sa disposition, l'employeur verse des relevés téléphoniques qui font apparaître que le nom de l'utilisateur est 'MR [Q] [L]'.

Au final, les éléments versés par l'employeur sont troublants mais laissent subsister un doute sur la réalité du grief. Ce doute doit profiter au salarié en application de l'article L. 1235-1 du code du travail. Le grief ne sera donc pas retenu.

' Sur l'utilisation à des fins personnelles des moyens matériels mis à la disposition du salarié par l'entreprise

Il est reproché au salarié un usage abusif de son téléphone portable professionnel à des fins personnelles (298 € d'appels personnels pour les seuls mois de novembre et décembre 2006) et la restitution en mauvais état du véhicule de fonctions.

M. [M] fait valoir qu'il existait une tolérance pour un dépassement du forfait ; qu'aucune remarque ne lui a été faite et que ses collègues, dans la même situation, n'ont jamais été sanctionnés ; qu'un de ses collègues - M. [G] - atteste du bon état du véhicule lors de sa restitution.

Les montants des factures téléphoniques ne sont pas contestés par le salarié qui objecte à juste raison qu'il y avait une tolérance.

Cette tolérance est en effet attestée par le fait que l'employeur qui argue du montant excessif de factures remontant à février 2006 ne justifie pas avoir adressé la moindre remarque à M. [M] avant le licenciement.

En ce qui concerne le véhicule, la société ACR verse des copies de photographies faisant apparaître des éraflures et ces chocs. Selon le compte rendu qui a été dressé de l'entretien opréalble, M. [M] a admis que les déplacements à [Localité 2] pour des dépannages avaient exposé le véhicule à des dommages.

L'état du véhicule ne traduit pas son utilisation abusive par le salarié, incompatible avec une utilisation professionnelle pendant près de deux années. Ce dernier grief ne peut être retenu.

En définitive, seul les faits de violence sur la personne de Mme [F] le 18 décembre 2006 peuvent être retenus. Ils ne constituent pas une faute grave en raison de leur caractère isolé mais, comme l'ont retenu les premiers juges, une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement sera confirmé sur ce premier point.

Sur les indemnités

'le rappel de salaire au titre de la période du 1er au 18 décembre 2006

L'employeur fait valoir à juste raison que les bulletins de salaire montrent que M. [M] a été rémunéré pour la période considérée. La demande sera par conséquent rejetée et le jugement de première instance infirmé sur ce point.

' les congés payés acquis au jour du licenciement

Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance de ce chef, la somme réclamée étant justifiée et nullement contestée dans leur quantum.

' le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents

Il n'est pas contesté que M. [M] n'a pas été rémunéré au titre de la mise à pied à titre conservatoire. Il peut prétendre à ce titre à la somme réclamée de 1 941,33 €, justifiée et non contestée dans son quantum, outre les congés payés afférents. Le jugement de première instance sera réformé sur ce point.

' l'indemnité de préavis

M. [M] peut prétendre au paiement de la somme de 1409,77 € de ce chef. Le jugement de première instance sera réformé en ce sens.

' l'indemnité pour licenciement abusif

L'existence d'un motif réel et sérieux justifiant le licenciement prive de fondement la demande qui sera rejetée. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

M. [M] fait valoir que l'employeur lui a versé tous les mois des 'gratifications', hors fiches de paie, correspondant à des interventions effectuées le samedi lors de permanences ou d'astreintes.

La société ACR répond que son intention de dissimulation n'est pas démontrée ; que les sommes invoquées correspondent à des remboursements de frais professionnels exposés par M. [M] et à des astreintes effectuées par ce dernier ; que jusqu'à un contrôle de l'URSSAF, elle ignorait que les astreintes devaient apparaître sur les bulletins de salaire.

Les récépissés de remise de chèques de la banque de M. [M] ainsi que les décomptes remis par l'employeur attestent que ce dernier a versé au salarié, entre mars 2005 et décembre 2006, au titre d' 'astreintes', une somme d'environ 2 790 € en six versements de 300 à 692 €.

La cour estime que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé n'est en l'espèce pas démontré eu égard au nombre de versements et du mode de paiement par chèques.

Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point et M. [M] débouté de sa demande.

Sur les demandes reconventionnelles

Au titre de la concurrence déloyale et de la violation par M. [M] de son obligation de loyauté résultant de l'abus des moyens matériels mis à sa disposition

Les développements qui précèdent relatifs aux motifs du licenciement conduisent à rejeter les demandes de l'employeur.

Au titre du remboursement de prêts consentis à M. [M] à l'occasion de son mariage et d'un cautionnement locatif

La société ACR argue qu'elle a remis à M. [M] un chèque de 1 355 € et un autre de 2 800 € pour permettre le financement, respectivement, d'une caution et d'un mariage.

La cour n'est toutefois pas compétente pour statuer sur ces demandes qui ne sont pas liées directement au contrat de travail. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts et la capitalisation

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société ACR de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Sur la demande de M. [M], et en l'absence de toute cause de retard de paiement due à son fait, il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.

Sur la remise des documents sociaux

Il y a lieu d'ordonner à la société ACR de remettre à M. [M] les documents sociaux demandés conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'ordonner d'astreinte à ce titre.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Restant débitrice du salarié, la société ACR sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il paraît équitable de condamner l'employeur à payer à M. [M] la somme de 700 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en appel, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [M] de sa demande de rappel de salaire au titre de la période du 1er au 18 décembre 2006,

Déboute M. [M] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

Condamne la société ACR à payer à M. [M] les sommes de :

- 1 941,33 € au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, outre 194,13 pour les congés payés afférents,

- 1409,77 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 140,97 € pour les congés payés afférents,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute M. [M] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société ACR de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les intérêts échus sur le capital pour une année entière produiront eux- mêmes des intérêts,

Dit que la société ACR remettra à M. [M] une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifié conformes au présent arrêt,

Condamne la société ACR aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. [M] de la somme de 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 10/09390
Date de la décision : 13/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°10/09390 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-13;10.09390 ?
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