La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2013 | FRANCE | N°11/11334

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 12 juin 2013, 11/11334


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 12 JUIN 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11334



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/13667





APPELANTE



La SCI RB BASTILLE MARAIS, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]r>
[Localité 1]



représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant

assistée de Me Dominique TROUVE, a...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 12 JUIN 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11334

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/13667

APPELANTE

La SCI RB BASTILLE MARAIS, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148, avocat postulant

assistée de Me Dominique TROUVE, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 30, avocat plaidant

INTIMÉE

La SARL ALMB - AU LEVAIN DU MARAIS BEAUMARCHAIS, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090, avocat postulant

assistée de Me Laurent VERDIER de la ASS Gô ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0135, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Madame [S] [V] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente

Madame Odile BLUM, Conseillère

Madame Isabelle REGHI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 5 mars 1997, M. [H] et Mme [Y], aux droits de qui est venu M. [P] [H] ont donné en location à M. [W] et Mme [M], aux droits de qui est venue la société Au levain du Marais Beaumarchais (ci-après la société ALMB), suivant cession du 5 décembre 1998, des locaux à destination de boulangerie, pâtisserie, confiserie, glaces, traiteur, situés [Adresse 1].

Par acte du 24 juin 2004, M. [P] [H] a fait délivrer à la société ALMB un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er janvier 2005.

Le juge des loyers, par jugement avant dire-droit du 7 février 2006, a désigné un expert.

Par acte du 3 avril 2006, M. [P] [H] a vendu les lieux à la société RB Bastille Marais. Celle-ci a, par acte du 4 mai 2006, notifié à la société ALMB son droit d'option, avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte du 22 septembre 2006, la société RB Bastille Marais a fait assigner la société ALMB en résiliation du bail et expulsion devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par acte du 15 mai 2007, la société ALMB a donné le fonds en location-gérance à M. [K].

Par jugement du 23 janvier 2007, le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 18 novembre 2008, confirmé par la cour d'appel le 14 avril 2010, le tribunal a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du bail et avant dire-droit, a désigné un expert sur les montants de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation. L'expert a déposé son rapport le 4 septembre 2009.

Par jugement du 24 mai 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré valable la notification du droit d'option effectuée par la société RB Bastille Marais,

- dit que le bail a pris fin le 1er juillet 2005,

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds,

- fixé à la somme de 563 459 € le montant de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement et de déménagement à payer sur justificatifs,

- dit que la société ALMB est redevable d' une indemnité d'occupation à M. [P] [H] entre le 1er juillet 2005 et le 6 avril 2006 d'un montant annuel de 29 000 € outre taxes et charges,

- condamné en conséquence la société ALMB à payer à M. [P] [H] la somme de 23 580 € arrêtée au 6 avril 2006,

- dit que la société RB Bastille Marais est bénéficiaire d'une indemnité d'occupation à compter du 7 avril 2006 d'un montant annuel de 29 000 € outre les taxes et les charges, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société RB Bastille Marais aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 juin 2011, la société RB Bastille Marais a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions, du 16 juillet 2012, la société RB Bastille Marais demande :

- l'infirmation du jugement,

- de dire forclose toute action en fixation d'une indemnité d'éviction,

subsidiairement :

- de dire nulle la notification du droit d'option et dire ouverte la voie du repentir,

- de fixer l'indemnité d'éviction à 75 485 € et l'indemnité d'occupation à 63 704 € par an,

en tout état de cause :

- la condamnation de la société ALMB au paiement de la somme de 6 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Dans ses dernières conclusions, du 14 septembre 2012, la société ALMB demande :

- la confirmation du jugement, sauf sur le quantum des indemnités, à l'exception des indemnités de licenciement, des frais de déménagement et du trouble commercial, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, et sauf sur le quantum et le point de départ de l'indemnité d'occupation,

- de condamner la société RB Bastille Marais à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

- de fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle à 10 384 € hors taxes, subsidiairement à la somme annuelle de 22 800 € hors taxes et de fixer le point de départ de l'indemnité d'occupation au 4 mai 2006,

- de fixer l'indemnité d'éviction à 615 000 € et les frais de remploi à 87 560 €, subsidiairement à 600 000€ et les frais de remploi à 85 310 €,

subsidiairement :

- la condamnation de la société RB Bastille Marais au paiement de la somme de 702 560 € à titre de dommages et intérêts, majorée des indemnités de licenciement et de déménagement,

- sa condamnation au paiement de la somme de 30 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

CELA EXPOSE,

Considérant que la société RB Bastille Marais critique les premiers juges qui ont rejeté sa demande de nullité de la notification de droit d'option et de forclusion en conséquence de la demande de fixation d' une indemnité d'éviction ; que cette notification est nulle faute de comporter les mentions relatives à l'identité de l'huissier ; que le tribunal ne pouvait pas invoquer l'article 122 du code de procédure civile selon lequel la nullité ne peut être invoquée après des moyens de défense au fond, l'acte en question n'étant pas un acte de procédure ; que si aucune forme n'est prescrite par l'article L145-57 du code de commerce, dès lors qu'est choisi l'acte d'huissier, celui-ci doit respecter les formes légales; que, par ailleurs, que la société ALMB n'a pas saisi le tribunal de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction par voie d'assignation ; que la forclusion, qui s'appliquait alors, qui peut être soulevée en tout état de cause, entraîne la déchéance du droit ; que l'argument avancé par la société ALMB selon lequel le jugement confirmé par la cour d'appel aurait tranché la question du droit à indemnité d'éviction ne peut être retenu dès lors qu'il a statué avant dire-droit sur ce montant, après avoir tranché la question de la résiliation du bail ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société RB Bastille Marais, les premiers juges ont, à bon droit, en application de l'article 649 du code de procédure civile, appliqué les règles gouvernant les actes de procédure à sa demande de nullité de la signification de l'acte par lequel elle exerçait son droit d'option ; qu'à supposer qu'elle soit recevable à invoquer cette nullité, elle ne prouve pas, en effet, le grief que cette irrégularité lui aurait causé ; que c'est donc pertinemment que les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Considérant que le régime de la 'forclusion biennale'applicable avant la loi du 4 août 2008 ne s'appliquait à la demande d'indemnité d'éviction qu'en cas de congé refus de renouvellement et refus de paiement de l'indemnité d'éviction, ce qui n'était le cas de l'acte de refus de renouvellement délivré par la société bailleresse le 4 mai 2006 ; que seul le régime de la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce est donc applicable à la demande en paiement de l'indemnité d'éviction à la suite du refus de renouvellement ; qu'à cet égard, la société AMLB a formé une demande en paiement d'indemnité d'éviction par conclusions du 26 décembre 2006, qui ont interrompu le délai de prescription jusqu'au jugement du 18 novembre 2008, ce délai étant ensuite suspendu par l'effet du jugement qui a ordonné une mesure d'expertise avant dire doit au fond et n'ayant recommencé à courir qu'à compter du dépôt du rapport de l'expert le 4 septembre 2009 ; qu'il n'était pas écoulé lorsque le tribunal a statué au fond le 24 mai 2011 sur l'indemnité d'éviction en ouverture du rapport ; il s'ensuit que l'action en paiement de l'indemnité d'éviction était pas prescrite à la date du jugement.

Sur l'indemnité principale :

Considérant que la société RB Bastille Marais fait valoir que l'expert n'a pas disposé des comptes analytiques 2006-2007, les seuls comptes fiables étant ceux du locataire-gérant pour l'année 2008 ; qu'en prenant les éléments comptables de 2008, l'excédent brut d'exploitation s'élève à 70 970 € ; que s'il convient de faire la moyenne des résultats obtenus par la méthode professionnelle et par la méthode financière, il faut tenir compte du fait que la société ALMB, qui exploitait trois fonds de commerce, ne tenait pas de comptabilité distincte ; que l'expert a refusé de prendre en compte les anomalies tenant au chiffre d'affaires hors normes avancé par la locataire, au regard notamment de la consommation de farine et de la présence de deux personnes à la vente ; que le fonds étant en location-gérance, la société ALMB ne peut pas arguer qu'il s'agit de son outil de travail ; qu'elle s'est séparée, en effet, de ses autres fonds, ce qui constitue un choix purement financier de sa part, ce qui implique que l'indemnisation doit être égale à ce que le fonds lui rapporte ; que l'indemnité d'éviction doit donc être fixée par capitalisation de la redevance annuelle payée par le locataire-gérant, soit 80 000 € ;

Considérant que la société ALMB réplique que l'indemnité doit correspondre à la valeur du fonds de commerce, comprise comme sa valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession ; que l'usage est de déterminer la valeur du fonds sur la base d'un pourcentage de recettes ; que l'expert a considéré que la valeur pouvait être arbitrée à 110 % de la moyenne des trois dernières années de chiffre d'affaires, soit pour 2007-2009, une moyenne de 550 768 € et donc une valeur de 605 845 € ; que l'expert a exactement considéré que les chiffres d'affaires qu'elle avait déclarés étaient tout à fait cohérents avec ceux réalisés par le locataire-gérant ; que le calcul de l'indemnité d'éviction par l'excédent brut d'exploitation doit réintégrer la redevance versée par le locataire-gérant, qui constitue un mode de financement de l'entreprise, ainsi que la rémunération du dirigeant, charge nécessaire à l'exploitation ; que l'argument du placement financier invoqué par la société RB Bastille Marais ne peut être retenu, aucun élément n'étant fourni démontrant que le fonds est un placement financier et non un instrument de travail ;

Considérant qu'aucune des parties ne discute la description faite par le tribunal des lieux, situés dans l'artère importante du [Adresse 3], mais dans sa partie à commercialité moyenne, et de leur bon état d'entretien, ni le fait que l'éviction entraînera la perte du fonds, ni la valeur du droit au bail appréciée à la somme de 270 000 € ;

Considérant que ce n'est que lorsque le fonds de commerce constitue exclusivement un placement financier que l'indemnité d'éviction peut éventuellement être fixée par capitalisation de la redevance annuelle payée par le locataire-gérant ; que la charge de la preuve que le fonds de commerce ne doit plus être considéré comme un instrument de travail pour le commerçant mais comme un placement financier, incombe au bailleur ; qu'en l'espèce, le seul fait que la société ALMB se soit séparée de ses autres fonds et ait mis le fonds en cause en location-gérance n'établit pas la réalité d'un placement financier ;

Considérant que les parties reprennent, devant la cour, chacune, les critiques qu'elles ont exposées en première instance ; que, cependant, elles ne discutent pas utilement les éléments précisément analysés par le tribunal au vu de l'expertise, tant en ce qui concerne les calculs relatifs à la méthode par l'excédent brut d'exploitation, notamment le résultat d'exploitation prenant pour base l'exercice 2008, qu'à ceux relatifs à la méthode du chiffre d'affaires, déterminés après examen détaillé par l'expert des chiffres d'affaires fournis globalement pour les trois sites et isolement pour le fonds considéré, dont les chiffres 2006 et 2007 sont cohérents avec le volume d'affaires certifié de l'année 2008 ; que le tribunal a cependant retenu la seule méthode de l'excédent brut d'exploitation comme conforme à l'usage et à la jurisprudence habituelle ; qu'il a écarté les deux corrections apportées par l'expert tenant à la redevance et à la rémunération du gérant pour s'en tenir au résultat d'exploitation, outre la dotation aux amortissements et déduction faite de la reprise sur amortissements et provisions ;

Considérant pourtant que c'est par une exacte appréciation que l'expert a réintégré le montant de la redevance versée par le locataire-gérant au résultat comptable, opération à même de mesurer la profitabilité globale du fonds, et qu'il a déduit la rémunération du dirigeant ; que les parties ne discutent pas utilement des coefficient et pourcentage proposés par l'expert tant en matière d'excédent brut d'exploitation qu'en matière de chiffre d'affaires ; que la comparaison de la valeur marchande du fond obtenu par la méthode du chiffre d'affaires à celle résultant de la prise en compte de l'excédent brut d'exploitation est pertinente et permet de vérifier que les deux évaluations sont proches, celle résultant de l'application d'un pourcentage du chiffre d'affaires étant de 590 000 €, en retenant un pourcentage de 110 %, et de 640 000 € par l'excédent brut d'exploitation en lui appliquant un coefficient multiplicateur de 6 ; la circonstance que, ainsi que le souligne la société ALMB, le chiffre d'affaires connu de 2009 ait progressé, aboutissant à un chiffre moyen de 605 845 €, n'a pas pour effet de modifier le montant de l'indemnité principale qui doit être fixée à 600 000 € ;

Sur les indemnités accessoires :

Considérant qu'en ce qui concerne les indemnités accessoires, la société RB Bastille Marais soutient que le fonds de commerce étant en location-gérance, il n'y a pas lieu à remploi ni à trouble commercial et réfactions diverses, ni à frais de licenciement, la société n'ayant plus elle-même de salariés ;

Considérant toutefois que c'est exactement que les premiers juges ont rappelé que la mise en location-gérance n'avait pas d'incidence en elle-même et relevé que la bailleresse n'établissait pas que la locataire ne se réinstallerait pas et qu'elle n'avait exposé aucun frais ; que le principe des diverses indemnités allouées n'est pas autrement contesté ; que sur leur montant, en ce qui concerne les frais de remploi, les frais et honoraires juridiques et de transaction doivent être fixés, selon l'usage, à 7 % de la valeur du fonds, outre les droits de mutation, soit un total de 67 000 €, le surplus demandé par la société ALMB à ce titre n'étant pas justifié ; que les montants alloués par le jugement pour le trouble commercial et les réfactions diverses ne sont pas discutés et seront donc confirmés ; que, pour les frais de licenciements, le tribunal a exactement considéré que la société ALMB devrait reprendre les cinq salariés à la fin du contrat de location-gérance et que les indemnités de licenciement devraient donc lui être remboursées sur justificatifs ; que si la société ALMB indique que le calcul de ces indemnités a été effectué à la date du 31 octobre 2010, le calcul ne pourra être définitivement arrêté qu'à la date du départ effectif des salariés, leur remboursement intervenant sur justificatifs ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a exactement estimé les frais de déménagement pour l'ensemble des locaux à la somme de 48 527,70 €, à régler également sur justificatifs ;

Considérant, en conséquence, que l'indemnité d'éviction s'élève à la somme de 600 000 € pour l'indemnité principale, 67 000 € pour les frais de remploi, 27 000 € pour le trouble commercial et 2 500 € pour réfactions diverses, soit un total de 696 500 € ;

Sur l'indemnité d'occupation :

Considérant que les parties reprennent les critiques des calculs faits par l'expert tant sur la surface pondérée que sur les références ainsi que sur le point de départ du paiement de l'indemnité d'occupation ;

Considérant que, pour le calcul des surfaces, la société RB Bastille Marais ne discute pas du coefficient de pondération appliqué pour chaque zone par l'expert mais indique, pour chacune de ces zones, des surfaces différentes en se fondant sur celles établies selon la loi dite Carrez au moment de la vente du bain ; que, toutefois, elle se contente de produire le chiffre global de ces surfaces sans expliquer la distribution entre les zones à laquelle elle procède ; qu'en l'absence d'éléments probants, il y a lieu de confirmer le tribunal qui a retenu la surface pondérée à 63 m2 et à 40 m2 pour le logement ;

Considérant que la société ALMB fait valoir que le tribunal n'a pas tenu compte de l'avis de l'expert qui a, de façon catégorique, estimé que si le bail avait été renouvelé, le loyer aurait été plafonné, en l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité, la clientèle potentielle de résidents du secteur n'ayant connu qu'un accroissement modeste, l'augmentation de la fréquentation d'une des stations de métro n'ayant pas d'influence notable dès lors qu'il existe une concurrence importante susceptible de capter la clientèle et la commercialité des rues Sedaine et Popincourt et l'essor des activités de confection s'étant faite au détriment des commerces de proximité et notamment des commerces de bouche ; que, de son côté, la société RB Bastille Marais soutient que la locataire ne produit aucun élément objectif pour étayer cette affirmation, que l'augmentation des commerces de confection entraîne moins de concurrence pour la boulangerie et une augmentation de clientèle de la part des employés de ces commerces et que le loyer de référence à prendre en compte est celui, d'un montant de 688 € le m2, de la boutique en face qui a la même situation géographique et est de superficie égale ;

Considérant qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L 145-28 du code de commerce, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation ; qu'elle correspond à la valeur locative, non pas de marché mais de renouvellement, dans des conditions exclusives de tout plafonnement ;

Considérant qu'au regard des dispositions de l'article L145-33 du code de commerce, la société RB Bastille Marais ne peut pas prétendre s'en tenir qu'à un seul loyer de référence ni la société ALMB aux seuls renouvellements judiciaires ; que, contrairement à ce que soutient la société ALMB pour la partie habitation, les références ne proviennent pas exclusivement du quartier attractif de la Bastille mais se situent dans le secteur environnant les lieux loués; que l'expert judiciaire a relevé, pour la partie commerciale, des fixations judiciaires à des prix s'élevant de 230 à 450 €, des renouvellements amiables s'élevant de 212 à 500 € et des prix de marché s'élevant de 492 à 749 € s'agissant de la partie commerciale et de 240 à 298 € le m2 s'agissant de la partie appartement ; que l'ensemble des références produites conduisent, eu égard à l'activité exercée, à l'emplacement des locaux, proches de la partie la plus active au plan commercial du [Adresse 3], à leurs caractéristiques et aux obligations respectives des parties, à fixer le montant de la valeur unitaire de l'indemnité d'occupation à la somme de 500 € le m2 pour la boutique, ce qui représente un montant de 31 500 € à laquelle il y a lieu d'appliquer un abattement de précarité de 10 %, compte tenu de l'incidence du refus de renouvellement et de la période d'incertitude qu'il a créée pour le preneur, le montant retenu par le premier juge pour la partie logement occupé par le locataire gérant n'étant pas autrement discutée ; que l'indemnité d'occupation s'élève donc à la somme annuelle de (500 € x 63 m2 = 31500 x 90/100 + 11 200 €) = 39 550 € ;

Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a retenu la date à laquelle le bail a pris fin par l'effet du congé et non celle de la notification de l'option qui est sans effet sur le congé, comme point de départ du paiement de l'indemnité d'occupation ;

Sur la demande de dommages et intérêts de la société ALMB :

Considérant que la société ALMB critique le tribunal qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts au motif que la société RB Bastille Marais n'aurait pas exercé les voies de droit de manière abusive, alors que son préjudice résulte du comportement de la société RB Bastille Marais qui a exercé son droit d'option tout en introduisant une procédure en résiliation de bail et en faisant établir à son insu un constat d'huissier et qui l'a mise dans l'impossibilité, pendant plus de 6 ans, de prendre quelque acte de disposition que ce soit, compte tenu de l'incertitude dans laquelle elle se trouvait ; que toutefois la société ALMB n'établit pas l'existence d'une faute que la société RB Bastille Marais aurait commise dans la présente instance ni l'existence d'un préjudice particulier qui n'aurait pas été réparé par l'octroi d'une indemnité pour trouble commercial ;

Considérant que la société RB Bastille Marais doit être condamnée à payer à la société ALMB la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société RB Bastille Marais doit être condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de l'indemnité d'éviction,

Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe à la somme de 696 500 € le montant de l'indemnité totale d'éviction due par la société RB Bastille Marais à la société AMLB, frais de licenciement et frais de déménagement de 48 527,70 € en sus sur justificatifs ;

Fixe à la somme de 39 550 € le montant annuel de l'indemnité d'occupation due par la société ALMB ;

Condamne la société RB Bastille Marais à payer à la société ALMB la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/11334
Date de la décision : 12/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°11/11334 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-12;11.11334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award