Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 7 JUIN 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08475
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Février 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08302
APPELANTS
Monsieur [P] [S]
Domicilié
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par : Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT , avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
SELARL [P] [S] ARCHITECTURE agissant en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par : Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
INTIMES
Monsieur [E] [K]
Domicilié
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par : Me Bruno NUT , avocat au barreau de PARIS, toque : C0351
Assisté par : Me Pascale GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : G537
Madame [R] [O] divorcée [K]
Domiciliée
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par : Me Bruno NUT , avocat au barreau de PARIS, toque : C0351
Assisté par : Me Pascale GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : G537
Société ALVAPI CONSEILS prise en la personne de ses représentants légaux, LA SELARL DUTOUR, es qualité de liquidateur judiciaire
Dont le siège social
[Adresse 2]
[Localité 2]
Défaillante
PARTIE INTERVENANTE
LA SELARL DUTOUR, es qualité de liquidateur judiciaire de la Société ALVAPI CONSEILS
Dont le siège social est
[Adresse 4]
[Localité 4]
Assignée et défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
Madame Valérie GERARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les époux [K] ont acheté le 31 décembre 2003 un appartement situé dans un immeuble conçu par l'architecte [B] [Q], dit [Adresse 5] et situé à [Localité 5] , et à ce titre classé à l'inventaire des monuments historiques pour ses façades.
Ils font valoir qu'ils ont payé cet appartement pour 29.856,58€, prix de vente, et ont emprunté la somme de 127.283€ .
Ils expliquent qu'ils avaient été tenté par une brochure de la société ALVIPI CONSEIL, en liquidation, qui leur avaient présenté cette affaire comme une belle opération fiscale leur permettant de déduire diverses sommes de leurs impôts.
Or ils n'auraient pu obtenir de la société ALVIPI, qui s'était pourtant engagée à assurer le 'suivi fiscal' de l'opération, les documents nécessaires à leur permettre d'obtenir la réduction attendue et se sont vu opérer un redressement de 54.796€. Il convient de préciser que ce redressement leur a été opéré parce qu'ils n'avaient pas justifié que le montant total des travaux qu'ils avaient fait réaliser concernait les travaux effectués sur les parties classées de l'iimmeubles. Ils avaient en effet fait réaliser par le même architecte des travaux dans les parties privatives de leur appartement, qui ne sont plas classées.
Ils ont engagé une procédure fiscale devant les juridictions administratives qui s'est soldée par un échec faute de pouvoir fournir les documents nécessaires à la déduction de la somme de 127.283€ correspondant à l'intégralité des travaux qu'ils avaient fait effectuer, à savoir les parties classées, correspondant aux charges collectives et relevant de la copropriété, et les parties non classées concernant leurs parties privatives.
Les 9 et 15 mai 2007, les époux [K], suite à l'échec des procédures fiscales menées devant les juridictiuons administratives, ont saisi le Tribunal de grande instance de PARIS d'une demande en indemnisation contre la société ALVIPI et M. [S].
Par jugement entrepris du 9 février 2009 auquel il convient de se référer, le Tribunal de grande instance a ainsi statué :
'-Condamne in solidum la SAS ALVIPI CONSEILS et M. [P] [S] à verser à aux époux [K] :
- la somme de 54 796 € au titre du préjudice résultant du redressement fiscal ;
- la somme de 8 000 € au titre du préjudice moral ;
- la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Déboute M. et Mme [K] du surplus de leurs demandes;
-Condamne la s6ciété ALVIPI CONSEILS à relever M. [P] [S] à hauteur des trois quart des condamnations prononcées à son encontre;
-Déboute M. et Mme [K] du surplus de leurs demandes;
-Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, hormis ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
-Fait masse des dépens qui seront supportés pour les trois quarts par la société ALVIPI CONSEILS et pou un quart par M. [P] [S] ;
-Autorise Me Pascale GUEDJ, avocat, à recouvrer directement contre la société ALVIPI CONSEILS et M. [S], dans les proportions indiquées, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sauf avoir reçu provision'.
Vu les dernières écritures des parties auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit ;
Monsieur [P] [S], appelant, et la SELARL [P] [S], intervenante volontaire, demandent à la Cour de :
-Dire l'appel interjeté par Monsieur [S] recevable et bien fondé Réformer -le Jugement rendu par le T.G.I. de PARIS le 09 février 2009
-Dire que Monsieur [S] n'a commis aucune faute au sens de l'article 1382 du Code Civil
-Débouter par conséquent les-époux [K] de toute condamnation à son égard
A titre infiniment subsidiaire,
-Dire que Monsieur [S] devra être relevé et garanti par la Société ALVIPI CONSEIL de toute éventuelle condamnation mises sa charge.
-Condamner les époux [K] à payer à Monsieur [S] la somme de-10 000 Euros pour procédure abusive.
-Les condamner également à lui régler la somme de 7 000-Euros-en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
- Autoriser la SCP OUDINOT-FLAURAUD, Avoué, à se prévaloir de l'article 699 du CPC.
Les époux [K], intimés, demandent à la Cour de :
-DLRE la Société [P] [S] ARCHITECTURE recevable en son intervention volontaire.
-REJETER la demande de mise hors de cause de Monsieur [P] [S].
-CONFIRMER le jugement du 9 février 2009 pris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
-DIRE que la Société [P] [S] ARCHITECTURE est solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [P] [S].
-CONDAMNER la Société [P] [S] ARCHITECTURE et Monsieur [P] [S], in solidum, au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, et mettre à leur charge les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, par maître Bruno NUT, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Par conclusions du 20 mars 2013, Madame [O] épouse [K] a fait valoir qu'elle étaient désormais divorcée. Elle n'en a pas justifié.A l'audience, leur conseil commun a cependant déclmaré qu'ils habitaienty toujours à la même adresse.
La société ALVIPI et la SELARL DUTOUR, ès qualité de liquidateur judiciaire, de la société ALVIPI, régulièrement intimés, n'ont pas constitué avocat.
SUR CE ;
Sur la nature de la responsabilité éventuelle de l'architecte ;
Considérant que l'architecte a eu pour cocontractant, le seul syndicat des copropriétaires de l'immeuble concerné pour les parties de l'iommeuble classées, à savoir les façades ;
Considérant que c'est directement la société ALVIPI, marchand de biens ayant fait valoir les intérêts fiscaux de l'opération, qui a eu affaire avec les consorts [K] pour ces travaux ;
Considérant que c'est donc à cette dernière, qui s'était d'ailleurs engagée à assurer le suivi de l'opération fiscale, que les consorts [K] devaient s'adresser ;
Considérant que la responsabilité de l'architecte ne peut en conséquence que s'analyser sur le plan délictuel ;
Sur l'existence d'une faute délictuelle ;
Considérant que la mission de l'architecte était une mission de maîtrise d'oeuvre classique et ne comportait aucune mission de conseil fiscal ou autre ;
Considérant qu'il n'est pas allégué que l'architecte ait failli à sa mission ;
Considérant que le fait qu'il soit techniquement spécialisé en réhabilitation d'immeubles classés n'est pas de nature à lui créer des obligations fiscales ;
Considérant que le fait que l'architecte n'aît pas dressé de plan spécifique pour l'appartement des consorts [K] ne saurait lui être reproché, un plan commun à tous les appartements étant seul suffisant, étant observé que les appartements, qui sont au nombre de soixante dix-huit, sont exactement les mêmes ;
Considérant que sur le montant des charges afférentes aux travaux de restauration, il restait loisible aux consorts [K], en cas de défaillance de la société ALVIPI, de s'adresser au syndicat des copropriétaires, qui disposait de tous les plans et calculs de charges, pour satisfaire aux demandes de l'Administration ; qu'il ressort des pièces du dossier que le redressement provient en fait de ce que seule la façade était classée, et non l'intérieur des appartements pour lesquels aucune mesure fiscale ne pouvait être obtenue ;
Considérant qu'en l'espèce les époux [K] ont fait le choix de faire assurer la maîtrise d'oeuvre des travaux intérieur d'aménagement de leur appartement par le même architecte que celui chargé des parties communes par la copropriété, à savoir principalement les façades, qui seules, ainsi qu'il l'a été rappelé ci-dessus, faisaient l'objet d'un classement ouvrant droit à un avoir fiscal ; que pour les parties privatives pour lesquelles ils étaient maîtres de l'ouvrage, aucune faveur fiscale de ce type n'était ouverte ; que c'est ce qui ressort expressément des courriers de l'Administration fiscale qui demandaient aux époux [K] des détails, alors qu'ils avaient fait une déclaration globale pour tous les travaux, à savoir ceux concernant les travaux intérieurs de leurs parties privatives non classées et ceux concernant l'aspect extérieur du bâtiment ; qu'ils ont été déboutés de leurs recours pour ce motif devant les juridictions administratives ; que précisément le courrier de l'Administration du 12 mai 2005 leur indiquait : 'Vous devez nous fournir le détail de l'ensemble des travaux réalisés dans votre appartement et dans les parties communes et mentionner précisément ce qui concerne les parties classées monuments historiques';
Considérant que l'attestation de Monsieur [S] du 24 juillet 2004 adressée au Cabinet ALVIPI, et non aux époux [K], concerne l'ensemble des travaux réalisés sur la copropriété pour les parties communes et dont la société ALVIPI était maître de l'ouvrage, et ne concerne pas les réparations effectuées dans les parties privatives des consorts [K], dont le nom ne figure d'ailleurs pas sur ce document ; que cette attestation était destinée à permettre aux copropiétaires de pouvoir déduire fiscalement la part afférentes de leurs charges de coporopriétés relative à ces travaux collectifs concernant les parties classées ; que les époux [K], qui n'ont fait l'objet que d'un redressement partiel, ont d'ailleurs bénéficié de cette déduction ; que cette attestation rédigée en termes généraux indique 'l'ensemble des dépenses engagées pour la réhabilitation de l'Unité d'Habitation 'Le Corbusier' classé 'monument historique' se rapportent à des travaux de réparation ou d'amélioration', 'à l'exclusion de tous travaux de construction incompatibles avec le caractère de l'immeuble et les strictes directives de Monsieur le Conservateur Régional des Monuments Historiques ' ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que les directives des Monuments Historiques concernaient l'intérieur et les parties privatives des appartements, et encore moins spécialement celui des consorts [K] ; que dès lors la rédaction de ce document, qui concerne les travaux portant sur les parties communes, ne constitue pas une faute délictuelle commise par l'architecte pouvant ouvrir droit aux époux [K] à se faire rembourser leurs contributions fiscales par Monsieur [S] pour des travaux qu'ils lui ont eux-même personnellement demandé d'effectuer dans leur propre appartement ;
Considérant que de même ils ne sauraient expliquer avoir été trompés par ce document qui les aurait déterminés à effectuer ces travaux puisqu'il a été rédigé après la réalisation de ceux-ci ;
Considérant qu'ils ne sauraient dès lors s'en prendre à l'architecte, qui a correctement réalisé ses travaux de maîtrise d'oeuvre, pour lui faire supporter le redressement fiscal qu'ils ont dû légitimement payer puisqu'ils avaient tenté à tort d'obtenir une déduction pour la totalité des travaux ;
Considérant qu'il y a dès lors lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné [P] [S] in solidum avec la société ALVIPI à payer les conséquences des faits en question ;
Considérant que Monsieur [S] ne justifie pas d'un préjudice autre que celui résultant du simple recouvrement qui sera compensé par l'intérêt légal ;
Considérant que l'équité commande que les consorts [K] soient condamnés solidaitrement à payer à [P] [S] la somme de 5000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
-infirme le jugement entrepris en ce qu'il a mis des condamnation à la charge de Monsieur [S], seul appelant ;
-en conséquence, met ce dernier hors de cause et ordonne solidairement par les consorts [K]-[O] toutes restitutions des sommes réglées par lui, et éventuellement par la société [P] [S] ARCHITECTURE ;
-rejette toutes autres demandes ;
-condamne les consorts [K] à payer à [P] [S] et à la société [P] [S] ARCHITECTURE la somme de 5000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-les condamne aux entiers dépens de première instance de d'appel, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT