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06/06/2013 | FRANCE | N°12/05808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 06 juin 2013, 12/05808


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 06 JUIN 2013



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/05808



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14995





APPELANT



Monsieur [X] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Nicolas LEMIERE (avocat

au barreau de PARIS, toque : C0791)





INTIMEE



CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANÇAIS (CNBF)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Danielle SALLES (avocat au barreau de PARIS, toqu...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 06 JUIN 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/05808

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14995

APPELANT

Monsieur [X] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Nicolas LEMIERE (avocat au barreau de PARIS, toque : C0791)

INTIMEE

CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANÇAIS (CNBF)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Danielle SALLES (avocat au barreau de PARIS, toque : C2119)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2013 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant

Madame Irène LEBÉ, Président

Madame Catherine BEZIO, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LEBÉ, Président

Madame Catherine BEZIO, Conseiller

Madame Martine CANTAT, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président ,

- signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.

Statuant sur l'appel formé par M.[X] [G] à l'encontre du jugement en date du 24 janvier 2012 aux termes duquel le tribunal de grande instance de Paris a déclaré M.[G] irrecevable à agir en ses demandes dirigées contre la Caisse Nationale des Barreaux Français'(CNBF)';

Vu les dernières conclusions de M.[G], signifiées le 19 février 2012, tendant à ce que la cour, infirmant le jugement entrepris,

-constate que les dispositions de l'article 65 titre IX de la loi du 24 décembre 2009 sont contraires aux dispositions de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales';

-écarte en conséquence les dispositions litigieuses

-dise que les dispositions de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale lui sont applicables

-annule la décision de la commission de recours amiable de la CNBF du 21 juillet 2011

-au regard de l'accord passé avec son épouse, dise qu'il bénéficiera d'une majoration de durée d'assurance de trimestres, à raison respectivement de l'adoption et de l'éducation de chacun de ses enfants, [P] et [D]';

-étant précisé qu'à titre subsidiaire, M.[G] sollicite, à tout le moins, que la cour annule la décision de la commission de recours amiable du 21 juillet 2001 et dise qu'il devra bénéficier d'une majoration de durée d'assurance, égale à trois trimestres à raison de l'adoption de son fils [D] en application de l'article L 351-4 III du code de la sécurité sociale et à trois trimestres à raison de l'éducation de cet enfant, conformément aux dispositions de l'article L 351-4 II du même code';

Vu les dernières écritures de la CNBF en dates du 18 juin 2012, tendant à ce que la cour confirme l'irrecevabilité des demandes de M.[G], prononcée par les premiers juges, subsidiairement, déboute M.[G] et, très subsidiairement, dise que l'appelant peut, tout au plus, bénéficier d'une majoration d'assurance de trois trimestres au titre de l'éducation de son fils [D], par application de l'article 65-IX de la loi du 24 décembre 2009 -l'intimée requérant, en outre, l'allocation de la somme de 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que M.[G] et son épouse, [J] [Y] ont adopté deux enfants, [P], née le [Date naissance 2] 1986 -selon jugement du 5 novembre 1986- et [D], né le [Date naissance 1] 1989, en vertu d'un jugement en date du 26 septembre 1990';

que le 23 avril 1991 -alors que les enfants étaient donc respectivement âgés de 6 et 2 ans- Mme [G] a été victime d'un grave accident vasculaire qui l'a laissée paralysée des membres droits et dont les séquelles l'ont conduite à un état d' invalidité de deuxième catégorie';

que par lettre recommandée du 24 décembre 2010', M.[G] a sollicité de la CNBF une majoration de durée de cotisation de 8 trimestres à raison de l'adoption et de l'éducation de ses deux enfants, en exposant qu'il s'occupait, seul, depuis avril 1991, de leur éducation et que sa demande était dès lors fondée, en application des dispositions des articles L 723-10-1-1 et L L 351-4 du code de la sécurité sociale';

que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 31 mai 2011, la CNBF a notifié à M.[G] le rejet de sa demande au motif qu'il n'avait pas élevé, seul sa fille, et qu'il ne justifiait pas avoir élevé son fils, sans la présence de sa mère';

que, sur recours de M.[G], la commission de recours amiable de la CNBF a rendu le 21 juillet 2011 une décision, déclarant l'intéressé recevable en sa demande , annulant celle du 31 mai précédent de la CNBF et accordant à M.[G] une majoration de durée d'assurance de 3 trimestres', au titre de l'enfant [D], en vertu de l'article 65-IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009';

que M.[G] a formé un recours contre cette dernière décision devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement du 24 janvier 2012, présentement entrepris, a déclaré le demandeur, irrecevable à agir, au motif qu'à la date de son assignation, le 21 septembre 2011, l'article R 173-15 du code de sécurité sociale désignait le régime général comme compétent pour accorder les majorations de durée d'assurance, lorsque l'assuré avait été affilié successivement, alternativement ou simultanément audit régime général -comme M.[G] qui, bien que devenu avocat, avait cotisé pendant 18 ans au régime général';

que M.[G], désireux de se voir reconnaître le bénéfice de 8 trimestres de majoration a interjeté appel de ce jugement';

MOTIVATION

Considérant que la CNBF soutient que M.[G] est irrecevable en sa demande au motif que, selon l'article R 173-15 du code de la sécurité sociale modifié par le décret du 27 mai 2011, seul, le régime général est compétent pour accorder les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L 351-4 du même code';

Mais considérant que M.[G] objecte à juste titre que le décret précité n'a pas d'effet rétroactif et que sa demande de majoration, formulée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à la CNBF le 24 décembre 2010 relevait, alors, de cette dernière, en application de l'article R 173-15 pris en sa rédaction de l'époque, ce ne conteste d'ailleurs pas la CNBF';

Considérant qu'en outre, l'intérêt à agir de M.[G] n'est pas contestable, dès lors que l'appelant justifie, en tout état de cause, avoir saisi l'intimée d'une demande de liquidation de sa retraite, selon lettre recommandée reçue par la CNBF le 23 mars 2012';

Considérant qu'il n'est pas discuté que la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 a modifié les dispositions de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale relatives aux majorations de durée d'assurance en raison de la présence d'enfant au foyer de l'assuré';

qu'en vertu des modifications intervenues cet article énonce désormais dans son paragraphe II':

«'Il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption .

Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de cet avantage(...).'»

et dans son paragraphe III':

«'Une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres est attribuée, pour chaque enfant adopté durant sa minorité, à ses parents au titre de l'incidence ,sur leur vie professionnelle, de l'accueil de l'enfant et des démarches préalables à celui-ci.

Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration (...)'»

que l'article 65 IX de la loi précitée comporte des dispositions transitoires, applicables aux parents d' «'enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010'» dont la situation, en ce qui concerne les majorations de durée d'assurance, est ainsi réglée':

«'Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues aux II et III de l'article L 351-4 du code de la sécurité sociale sont attribuées à la mère, sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le père de l'enfant apporte la preuve auprès de la caisse d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année.'»

Considérant que M.[G] soutient que ces dernières dispositions revêtent un caractère discriminatoire entre les hommes et les femmes, exclusivement fondé sur leur différence de sexe, puisqu'elles imposent au père de l'enfant, pour bénéficier de la majoration prévue par ce texte, d'administrer une preuve dont la mère de l'enfant n'a, elle, pas la charge'et profite, du seul fait de sa qualité de mère';

Considérant que la CNBF se borne à affirmer que le texte critiqué n'est pas discriminatoire car «'il constitue une amélioration dont profitent les pères'»'; qu'en effet, «' le régime antérieur à la loi précitée prévoyait que, seules, les femmes assurées sociales pouvaient bénéficier d'une majoration de la durée d'assurance'»'; qu'en fonction des dispositions transitoires de la loi nouvelle, M.[G] ne peut prétendre bénéficier que de trois trimestres de majoration, pour avoir élevé seul son fils à compter du 23 avril 1991, date de l'accident cérébral de la mère de l'enfant, épouse de l'appelant'- la CNBF précisant que le partage des trimestres entre parents, permis par la loi aux termes de l' articles L 354-1 précité II et III n'est, en revanche, pas possible pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010';

Considérant que la loi du 24 décembre 2009 institue dans les dispositions ci-dessus de l' article L 354-1 II et III, une égalité entre le père et la mère , quant à l'obtention des majorations de durée d'assurance auxquelles donne droit, pour les intéressés, le fait d'avoir eu ou adopté un enfant'-soit, une majoration de quatre trimestre par enfant eu ou adopté et une majoration de quatre trimestres par enfant adopté, au titre de l''incidence sur la vie professionnelle de l'accueil de l'enfant';

que si les dispositions transitoires de la loi, présentement critiquées par M.[G], énoncent, pour les parents d'enfants, nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, un dispositif, certes, différent de celui antérieur à la loi du 24 décembre 2009, le traitement réservé au père par ce nouveau texte n'en demeure pas moins discriminant, par rapport à celui dont jouit la mère'; qu'en effet, le père doit démontrer qu'il a élevé, seul, l'enfant pour bénéficier d'un trimestre de majoration par année d'éducation de l'enfant, alors que la mère se voit reconnaître ce même droit sans avoir à faire la moindre preuve';

Considérant que M.[G] soutient donc à bon droit que les dispositions transitoires, rappelées ci-dessus, que lui oppose la CNBF, sont contraires à celles de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit notamment la discrimination fondée sur le sexe'-étant rappelé que l'attribution d'une retraite engendre un intérêt patrimonial et relève donc du champ d'application de la convention, en vertu de l'article 1er du protocole additionnel n°1 qui protège la propriété';

Considérant qu'il convient donc d'écarter les dispositions transitoires dont se prévaut la CNBF , de faire application à M.[G] des dispositions de l'article L 351-4 II et II et de dire, en conséquence, que M.[G] -qui justifie de l'accord de la mère de ses deux enfants pour répartir, par moitié, entre elle et lui, les majorations litigieuses- bénéficiera d'une majoration totale d'assurance de 8 trimestres, ainsi détaillée':

-de 2 trimestres à raison de l'adoption de sa fille [P], en application de l'article L 351-4 II

-de 2 trimestres à raison de l'adoption de son fils [D], en application de l'article L 351-4 II

-de 2 trimestres, pour sa fille [P] en application de l'article L 351-4 III

-de 2 trimestres, pour son fils [D] en application de l'article L 351-4 III

Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé, la décision de la commission de recours amiable, annulée, en tant que de besoin, et la CNBF, condamnée aux entiers dépens';

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris et, en tant que de besoin, annule la décision de la commission de recours amiable de la CNBF en date du 21 juillet 2011';

Statuant à nouveau,

Dit que M.[G] bénéficie de huit trimestres de majoration de durée d'assurance';

Condamne la Caisse Nationale des Barreaux Français'aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/05808
Date de la décision : 06/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°12/05808 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-06;12.05808 ?
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