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06/06/2013 | FRANCE | N°11/19133

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 06 juin 2013, 11/19133


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 06 JUIN 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19133



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07509





APPELANT



Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentant : la SCP

GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Belgin PELIT-JUMEL), avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté de : Me Mario-Pierre STASI de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986







INT...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 06 JUIN 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19133

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07509

APPELANT

Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Belgin PELIT-JUMEL), avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté de : Me Mario-Pierre STASI de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986

INTIMÉES

SA W FINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant: Me Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151)

Assistée de : Me Catherine BOURSIER-TAFFIGNON, plaidant pour l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

SA W FINANCE CONSEIL, prise en la personne de ses représentans légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : Me Edmond FROMANTIN (avocat au barreau de PARIS, toque : J151)

Assistée de : Me Catherine BOURSIER-TAFFIGNON, , plaidant pour l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [C] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée par : Me Jean-Jacques LETU, plaidant pour la SCP LETU ITTAH PIGNOT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

******************

Monsieur [Y], client de la société W FINANCE de 1980 à 2002, était titulaire d'un compte dans les livres de cette société, anciennement dénommée WORMS GESTION, et il était conseillé par Monsieur [W], salarié de la société W FINANCE CONSEIL.

En 2002, il a été découvert que Monsieur [W] avait commis des détournements au préjudice de 27 clients. Une information a été ouverte et, par jugement du 17 novembre 2007, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré Monsieur [W] coupable des faits d'abus de confiance, faux et usage de faux et l'a condamné à payer aux sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL diverses sommes en réparation de leur préjudice. Le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile de Monsieur [Y] et lui a donné acte de ce qu'il renonçait à demander toute réparation dans le cadre de la procédure.

Par acte d'huissier en date du 23 mai 2008, Monsieur [Y] a assigné les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour obtenir réparation de son préjudice.

Par acte d'huissier du 18 février 2009, les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL ont assigné en garantie Monsieur [W].

Par jugement rendu le 13 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a:

- débouté Monsieur [Y] de ses demandes en réparation de son préjudice matériel,

- condamné in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à payer à Monsieur [Y] la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- débouté les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL de leurs demandes de dommages et intérêts,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à payer à Monsieur [Y] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 25 octobre 2011, Monsieur [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 mars 2013, Monsieur [Y] demande à la Cour:

- à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL, du fait des agissements de leur préposé, Monsieur [W], ont engagé leur responsabilité délictuelle,

- à titre subsidiaire, de dire que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL, du fait des agissements de leur préposé, Monsieur [W], ont engagé leur responsabilité contractuelle,

- sur le préjudice matériel:

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré qu'il ne justifiait pas avoir subi un préjudice matériel,

- statuant à nouveau, de condamner in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à réparer son entier préjudice,

- de condamner à titre principal les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à lui verser la somme de 8.094.560,41 euros ou à tout le moins la somme de 2.528.746,82 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation,

- à titre subsidiaire, de désigner un expert pour indiquer quelles sommes il aurait pû retirer de ces investissements chez W FINANCE, si Monsieur [W] avait exercé ses missions de conseiller en placements financiers conformément aux usages du secteur, et ce pour la période 1990/2002, ainsi que le montant du manque à gagner sur cette période, aux frais avancés de la société W FINANCE,

- sur le préjudice moral:

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a fixé la condamnation des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL au titre du préjudice moral à 8.000 euros,

- statuant à nouveau, de condamner in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à lui verser la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- en tout état de cause:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL pour procédure abusive,

- d'ordonner la publication de la décision dans trois revues spécialisées en finance aux frais exclusifs des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL,

- de condamner in solidum les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL à payer la somme de 70.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 25 mars 2012, les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL demandent à la Cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a:

- rejeté la demande tendant à juger qu'elles ont engagé leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de Monsieur [Y],

- débouté Monsieur [Y] de ses demandes en réparation du préjudice matériel,

- rejeté la demande d'expertise, la demande subsidiaire en condamnation de la somme de 1.531.549 euros et la demande de publication de la décision,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé:

- qu'elles avaient engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil,

- que Monsieur [Y] justifiait avoir subi un préjudice moral,

- qu'il les a condamnées à payer à Monsieur [Y] la somme de 8.000 euros,

- qu'il les a condamnées au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- statuant à nouveau:

- de débouter Monsieur [Y] de toutes ses demandes,

- de condamner Monsieur [Y] au paiement de la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de débouter Monsieur [Y] de ses demandes,

- à titre infiniment subsidiaire:

- de condamner Monsieur [W] à les garantir de toutes éventuelles condamnations,

- de condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1ER juin 2012, Monsieur [W] demande à la Cour:

- de dire que Monsieur [Y] est mal fondé en ses demandes à l'encontre des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL et de l'en débouter,

- de dire qu'il n'aura pas à garantir les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL dès lors qu'aucune condamnation ne sera prononcée à leur encontre,

- de condamner Monsieur [Y] aux dépens.

SUR CE

Considérant que Monsieur [Y] rappelle que pendant une période de 10 ans, de 1992 à 2002, de faux relevés d'actifs sous gestion ont été adressés à une trentaine de clients gérés par Monsieur [W] ; qu'il soutient que Monsieur [W] a employé les moyens mis à sa disposition par la société W FINANCE pour effectuer les opérations illicites et qu'il a agi dans le cadre de ses fonctions ; qu'il indique qu'il n'est pas un spécialiste de la finance, qu'il est pharmacien de formation, qu'il a choisi de recueillir les conseils d'une société d'investissement pour faire fructifier son argent et qu'il n'avait pas les compétences pour se rendre compte des agissements de Monsieur [W] ; qu'il précise qu'il n'a jamais reçu la valorisation de ses actifs au 31 décembre de chaque année à son domicile, les seuls documents reçus ayant été remis par Monsieur [W] au siège de la société W FINANCE ; qu'il fait valoir, sur le préjudice, que Monsieur [K], expert nommé dans le cadre de l'information, a reconnu qu'il aurait pû espérer un gain très supérieur à celui réalisé, si ses comptes avaient été normalement gérés et qu'il a subi une perte de chance d'obtenir un rendement supérieur ; qu'il prétend que son portefeuille aurait du s'élever en 2002 au moins à 1.247.866 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de 2003, soit au total 1.531.149 euros au 30 juin 2010 et que l'indice SBF 250 reflète l'évolution des valeurs boursières les plus connues ; qu'il estime que les chiffres retenus par l'expert sont criticables, notamment en ce qu'il a pris en compte des chèques qui n'ont pas été encaissés sur ses comptes bancaires et le paiement d'une indemnité de divorce en octobre 2002;

Considérant qu'en réponse, les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL indiquent qu'elles pratiquent le conseil en investissement et ne font pas signer de mandat de gestion de portefeuille à leurs clients, qui choisissent d'effectuer les opérations avec l'assistance de leur conseiller financier ; qu'elles mentionnent que Monsieur [Y] s'est adressé à elles en raison de ses liens d'amitié préexistants avec Monsieur [W] ; qu'elles allèguent que l'expertise a montré que Monsieur [Y] avait été un bénéficiaire important des malversations et qu'il a été le seul à n'avoir subi aucune perte en capital et à avoir réalisé une plus value ; qu'elles affirment encore que les conditions de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil ne sont pas remplies, que Monsieur [W] a agi à des fins étrangères à ses attributions et hors de ses fonctions, en gérant le portefeuille de Monsieur [Y] et que ce dernier ne pouvait ignorer le caractère anormal des agissements de Monsieur [W], en raison de ses connaissances, ayant acquis une expérience des produits financiers pendant plus de 10 ans, avant les agissements de Monsieur [W] ; qu'elles prétendent qu'en raison des informations reçues, notamment des relevés de situation annuelle, Monsieur [Y] ne pouvait croire en une rentabilité annuelle garantie de 12% sur la remise en espèces de la somme de 720.000 francs, alors qu'aucun compte espèces n'existait et qu'en outre des chèques lui ont été remis, tirés sur le compte personnel de Monsieur [W] ; qu'elles contestent également la responsabilité contractuelle du fait d'autrui invoquée à titre subsidiaire par Monsieur [Y], en faisant valoir qu'il n'y ni mandat de gestion, ni engagement de rendement garanti, que la quasi totalité des placements effectués par Monsieur [Y] était soumise aux aléas de la bourse et qu'elles n'avaient aucun moyen de déceler les manoeuvres frauduleuses; que sur le préjudice, elles considèrent que Monsieur [Y] ne démontre pas avoir subi une perte de chance de réaliser une meilleure plus value ; qu'elles indiquent aussi que Monsieur [Y] n'a pas demandé de complément d'expertise au cours de l'information, que l'objet de l'expertise est techniquement irréalisable et ne constitue pas une mesure d'instruction admissible ; qu'elles ajoutent que Monsieur [Y], qui n'a pas demandé réparation de son préjudice devant le tribunal correctionnel et a choisi d'engager une action civile six mois plus tard, n'a subi aucun préjudice moral;

Considérant que Monsieur [W] fait sienne l'argumentation sur l'absence de responsabilité délictuelle des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL, en indiquant qu'il s'est comporté comme un gestionnaire en portefeuille et non comme un conseiller financier et que ses agissements ne peuvent se rattacher à l'exercice normal de ses fonctions, ce que Monsieur [Y] ne pouvait ignorer;

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure pénale que Monsieur [W] a été salarié de la société W FINANCE CONSEIL à compter de 1978, puis directeur de développement de la région Ouest à compter de 1995, et qu'il a conservé la gestion directe d'une trentaine de clients de la société W FINANCE, qu'il connaissait de longue date; qu'à compter du début des années 1990, il a pris des fonds dans les actifs de certains comptes, qu'il a fait de faux actes de rachat sur les comptes clients, de faux ordres de vente de titres, sur lesquels il imitait la signature des clients, de faux relevés d'opération et de faux état d'actifs;

Considérant que dans son jugement du 17 novembre 2007, le tribunal correctionnel de Paris a reçu la constitution de partie civile des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL et a condamné Monsieur [W] à leur payer la somme de 1.990.016,58 euros au titre du préjudice matériel, correspondant aux détournements concernant les comptes titres des clients, autres que Monsieur [Y];

Considérant qu'il est établi par les pièces mises au dossier que Monsieur [W] a utilisé les moyens mis à sa disposition par son employeur pour procéder aux détournements réalisés, qu'il a agi sur son lieu de travail et qu'il a commis les détournements dans le cadre de l'exercice de ses fonctions;

Considérant que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL prétendent que Monsieur [Y] ne pouvait légitiment croire que Monsieur [W] agissait dans le cadre de ses fonctions;

Considérant que l'expérience des produits financiers de Monsieur [Y] depuis 1980 ou les informations qui lui auraient été adressées directement, ce que ce dernier conteste, ne constituaient pas des éléments susceptibles d'éclairer Monsieur [Y] sur les agissements frauduleux de Monsieur [W];

Considérant que l'envoi des imprimés fiscaux, au début de chaque année, ne peut également être pris en considération, dans la mesure où ces documents ne mentionnent que les cessions de titres et les plus values réalisées à déclarer à l'administration fiscale;

Considérant que les sociétés W FINANCE et Monsieur [W] sont par ailleurs mal fondées à se prévaloir du caractère grossier des faux documents remis par Monsieur [W], les faux n'ayant pû être découverts pour l'ensemble des clients, qu'à l'occasion de la réclamation de l'un d'eux, Monsieur [J] en 2002;

Considérant, enfin, s'agissant des huit chèques tirés directement du compte personnel de Monsieur [W], que Monsieur [Y] a affirmé n'avoir jamais eu ces chèques entre ses mains et que Monsieur [W] a indiqué, dans un procès-verbal de confrontation en date du 21 février 2006, avoir procédé lui-même à la remise de ces chèques sur le compte de Monsieur [Y] ; que les sociétés W FINANCE et Monsieur [W] ne peuvent donc tirer argument de l'existence de ces chèques;

Considérant que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL n'apportent dans ces conditions aucun élément sérieux à l'appui de leurs allégations et que rien ne permet de démontrer que Monsieur [Y] aurait pû avoir connaissance du fait que Monsieur [W] outrepassait ses fonctions;

Considérant qu'il convient de souligner que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL n'ont pas contesté leur responsabilité pour les actes commis par leur préposé, Monsieur [W], à l'égard des autres clients victimes des détournements;

Considérant en conséquence que les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL doivent être déclarées responsables des agissements de Monsieur [W], sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil à l'égard de Monsieur [Y] ; que le jugement sera confirmé de ce chef;

Considérant que Monsieur [Y] reproche au tribunal de ne pas avoir retenu son préjudice matériel et qu'il verse aux débats un rapport d'expertise établi le 5 mars 2013 par Monsieur [F], qui conclut que la société W FINANCE reste devoir à Monsieur [Y] la somme de 410.322,85 euros, que le rendement sur 20 ans selon l'indice boursier du CAC 40 aurait dû être de 1.177.892,45 euros et que Monsieur [Y] devrait prétendre obtenir la somme de 1.588.215,30 euros;

Considérant que pour calculer le solde du compte de Monsieur [Y], Monsieur [F] n'a pas repris l'ensemble des opérations avec les tiers, tant au niveau des versements que des sorties 'afin de ne pas polluer le solde', alors que l'expert judiciaire avait notamment évalué à 564.679 euros les encaissements perçus par Monsieur [Y], issus des comptes tiers;

Considérant dans ces conditions que ce rapport non contradictoire est dénué de toute valeur probante;

Considérant qu'il convient dès lors de se référer au rapport d'expertise judiciaire, qui a été diligentée à la demande de Monsieur [Y], dans le cadre de l'information;

Considérant qu'il ressort du rapport de Monsieur [K] que la somme de 501.854 euros aurait dû être versée à Monsieur [Y] et l'a été à des tiers, que la somme de 564.679 euros devant revenir à des tiers a été encaissée par Monsieur [Y], que Monsieur [Y] a investi un montant total de 1.080.904 euros et qu'il a perçu la somme de 1.495.876 euros, soit un solde final positif de 436.463 euros;

Considérant que les contestations de Monsieur [Y] sur le rapport d'expertise judiciaire ne sont justifiées par aucun élément sérieux et qu'il convient donc de considérer que c'est à bon droit que le tribunal a retenu les chiffres ainsi arrêtés par Monsieur [K];

Considérant que Monsieur [Y], qui n'a subi aucune perte en capital, critique en fait l'absence d'évaluation par l'expert du préjudice résultant du profit qu'il pouvait espérer;

Considérant que la valorisation des actifs de Monsieur [Y] n'entrait pas dans la mission de l'expert, qui a simplement mentionné que Monsieur [Y] n'ayant pas signé de mandat, la société W FINANCE n'avait pris aucun engagement de rendement et que si une comparaison avec des indices devait être faite, le rendement de 436.463 euros ne serait pas satisfaisant;

Considérant qu'il appartient à Monsieur [Y] de rapporter la preuve de la perte de chance qu'il invoque;

Considérant qu'il convient de rappeler que Monsieur [Y] a ouvert un compte auprès de la société W FINANCE en 1980, que les détournements de Monsieur [W] ont débuté en 1990 et qu'ils ont été découverts en 2002;

Considérant que les placements de Monsieur [Y] ont été faits progressivement au cours des années et que dans le procès-verbal de confrontation du 26 février 2006, Monsieur [K] a précisé qu'il était difficile de calculer un taux de rentabilité, car le compte a fonctionné davantage comme un compte de trésorerie que comme un compte de gestion;

Considérant que Monsieur [Y] n'avait pas donné de mandat de gestion à la société W FINANCE et qu'en outre, dans le cadre de la gestion de fait exercée par Monsieur [W], rien n'établit qu'une performance lui aurait été garantie pour l'ensemble des placements;

Considérant par ailleurs qu'il est établi que Monsieur [Y] a effectivement perçu une plus value de 436.463 euros et que les sommes mentionnées dans ses conclusions relèvent d'un rendement purement hypothétique, au regard des aléas de la conjoncture boursière;

Considérant dans ces conditions que c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, que le tribunal a estimé que Monsieur [Y] ne rapportait pas la preuve de ce qu'il aurait pû obtenir un rendement plus favorable;

Considérant par ailleurs qu'une mesure d'instruction ne peut avoir pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve;

Considérant qu'au cours de l'information, Monsieur [Y] n'a pas sollicité de complément d'expertise dans le délai octroyé par le juge d'instruction et qu'au stade de l'appel, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise, sollicitée à titre subsidiaire;

Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel;

Considérant que Monsieur [Y] soutient que son préjudice moral ne peut être inférieur à la somme de 100.000 euros, les agissements fautifs de Monsieur [W] ayant duré plus de 12 ans;

Considérant que, si le préjudice moral de Monsieur [Y] a pour origine les 12 années au cours desquelles des détournements ont été opérés par Monsieur [W], ce préjudice n'a en revanche été subi par Monsieur [Y] qu'au cours des années postérieures, en raison des tracas occasionnés par les procédures pénale et civile;

Considérant qu'à défaut pour Monsieur [Y] de justifier de tout autre élément concernant l'importance de son préjudice, il convient de considérer que le tribunal a justement fixé à la somme de 8.000 euros le montant des dommages et intérêts dûs en réparation de ce préjudice moral;

Considérant que la demande de publication de la décision n'est pas justifiée en l'espèce et doit être rejetée;

Considérant que la responsabilité des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL est retenue en application des dispositions de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil et que ces dernières sont dès lors fondées à demander la condamnation de leur préposé, Monsieur [W], à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre;

Considérant que le jugement sera enfin confirmé en ses dispositions concernant l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens;

Considérant que Monsieur [Y], qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel;

Considérant que l'équité n'impose pas de faire application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [W] à garantir les sociétés W FINANCE et W FINANCE CONSEIL de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne Monsieur [Y] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/19133
Date de la décision : 06/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°11/19133 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-06;11.19133 ?
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