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06/06/2013 | FRANCE | N°11/08162

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 06 juin 2013, 11/08162


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 06 Juin 2013

(n°10, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08162

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2011 par Conseil de prud'hommes de CRETEIL - RG n° 09/00300





APPELANTE

SARL COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie PATUREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0658

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INTIMEE

Madame [Q] [Y] [N]

[Adresse 2]

comparant en personne, assistée de M. [O] [S] (Délégué syndical ouvrier)







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 06 Juin 2013

(n°10, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08162

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2011 par Conseil de prud'hommes de CRETEIL - RG n° 09/00300

APPELANTE

SARL COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie PATUREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0658

INTIMEE

Madame [Q] [Y] [N]

[Adresse 2]

comparant en personne, assistée de M. [O] [S] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la société COMPAGNIE TRANCILIENNE DE NETTOYAGE (CFN) à l'encontre d'un jugement prononcé le 16 juin 2011 par le conseil de prud'hommes de Créteil (formation de départage) ayant statué sur le litige qui l'oppose à Mme [Q] [Y] [N] sur les demandes de cette dernière relatives à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a jugé que le licenciement de Mme [N], fondé sur une faute grave, ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

- a condamné la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

- avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation :

- 2 768,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- les congés payés de 1/10ème afférents à cette somme,

- 7 021,17 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- 18 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a débouté les parties de leurs autres demandes,

- a condamné la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGEaux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

La société COMPAGNIE TRANCILIENNE DE NETTOYAGE, appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour

- à titre principal : de juger que le licenciement repose sur une faute grave,

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait que le licenciement n'est pas justifié par une faute grave : de réduire à de plus justes proportions les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

- à titre encore plus subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse : de réduire à de plus justes proportions la demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, de condamner Mme [N] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Q] [Y] [N], intimée, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Mme [N] a été embauchée en qualité d'agent de propreté le 24 décembre 1989 par la société ARCADE. Son contrat de travail a été transféré à compter du 23 avril 2005 à la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE.

La convention collective nationale des entreprises de propreté est applicable.

En dernier lieu, Mme [N] était affectée sur le chantier du site de la cité universitaire de [Localité 1].

Le 18 décembre 2008, la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE convoquait Mme [N] pour le 6 janvier 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette mesure était prononcée par lettre du 14 janvier 2009 pour faute grave dans les termes suivants : "Suite à un contrat de location que vous aviez conclu vous-mêmes avec notre client pour occuper une salle (pour un nombre limité à 80 personnes) sur le site de la MAISON DU CAMBODGE en date du 13.12.2008, et vous n'avez pas respecté cet engagement personnel, puisque le groupe qui s'est introduit sur le site était d'une très grande importance bien au-delà du quota fixé, et ce au mépris total des consignes élémentaires de sécurité. Or, les autres résidents de la cité et le directeur Mr [B] lui-même, ont été importunés par la tapage nocturne et l'agitation particulière de ce groupe trop nombreux, et le Directeur a dû intervenir personnellement très tôt le lendemain matin. D'autre part, le dimanche 14.12.2008 vous vous êtes introduite, en dehors des heures de travail autorisées sur ce site, sans aucunement en avoir eu l'accord et l'autorisation de vos supérieurs hiérarchiques, pour y effectuer le nettoyage de la salle louée. Vous n'avez donc fait aucune application des règles de discipline élémentaires et de sécurité obligatoires sur ce site.

Suite à ces incidents dont vous êtes fautive, notre client nous a manifesté lui-même son vif mécontentement et nous a fait part de sa totale désapprobation en remettant en cause le sérieux de notre société.

Vous avez donc par vos agissements gravement trompé la confiance de notre client, par une attitude totalement indisciplinée et incontrôlée, en méprisant toutes vos obligations contractuelles de respect des règlements établis.

Votre conduite irresponsable, manifestant une absence totale de conscience et de probité professionnelle, a porté un grave préjudice certain à l'image de marque de notre société auprès de notre client, et mettant en péril notre contrat commercial sur ce site.

Vous avez reconnu les faits lors de cet entretien, et n'avez fourni aucune explication pouvant justifier un tel comportement et pouvant nous satisfaire. En effet, cette attitude est absolument inacceptable pour notre société et ne peut être tolérée, compte tenu des importantes conséquences négatives qu'elle engendre. Nous sommes donc contraints de vous notifier (...) votre licenciement pour faute grave.

Devenant impossible de poursuivre votre activité au service de notre société même pendant un préavis, votre licenciement (...) prend donc effet à compter de la date de notification de la présente lettre, date de rupture de votre contrat de travail où vous cessez de faire partie de notre personnel".

Le 10 février 2009, Mme [N] saisissait le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.

SUR CE

Sur la qualification du licenciement

Pour soutenir que le licenciement repose sur une faute grave, la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE fait valoir que Mme [N] a bénéficié, à titre exceptionnel, de la mise à disposition du grand salon de réception de la Maison du Cambodge, ayant une capacité d'accueil de 80 personnes, moyennant un prix très attractif de 360 € TTC, prestation de ménage inclue ; que la réception organisée par Mme [N] s'est tenue le 13 décembre 2008 ; que le 15 décembre 2008, elle a été destinataire de deux courriers émanant, l'un de la direction de la Cité universitaire de [Localité 1] (CIUP), Maison du Cambodge, et l'autre du chef adjoint de la sécurité de la CIUP, tous deux faisant état du comportement inacceptable de Mme [N] (non respect du règlement intérieur et des consignes de sécurité du fait de l'entrée sur le site de près de 200 personnes et une quarantaine de véhicules, nuisances sonores, dérangement du directeur de la Maison du Cambodge, licenciement de l'agent de sécurité en poste ce soir là suite à ces débordements), la CIUP Maison du Cambodge demandant le retrait de la salariée de son établissement dans les plus brefs délais ; que le 16 décembre 2008, la responsable des achats de la Cité universitaire l'informait de ce que Mme [N] s'était, en outre, introduite dans les lieux le lendemain de la fête pour y effectuer un nettoyage sans prévenir quiconque ;

que ses correspondants ont remis en question la poursuite de la relation commerciale en raison du comportement de la salariée ; que confrontée aux risques de perdre un client et de voir sa responsabilité contractuelle mise en cause, elle a engagé la procédure de licenciement ; que si Mme [N] a bénéficié de la location du salon de réception de la Maison du Cambodge, c'est en considération de sa situation de salariée de la société CFN et du fait qu'elle intervenait régulièrement sur le site depuis plus de trois ans ; que par conséquent, si les faits relèvent de la vie privée de la salariée, ils ont créé, en raison des fonctions occupées par cette dernière et de la finalité propre de l'entreprise, un trouble caractérisé au sein de cette dernière rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant le licenciement ; que le trouble est amplement établi puisque Mme [N] a généré une perte de confiance du client et l'a contrainte à réorganiser la répartition de ses salariés afin de la remplacer sur le site ; qu'au demeurant, Mme [N] a manqué à plusieurs de ses obligations découlant du contrat de travail (obligation de loyauté, de sécurité, de discrétion...) ; que la nature des fautes imputables à Mme [N] ayant eu un retentissement sur le crédit et la réputation de l'entreprise et rendu impossible son maintien à son poste, il n'incombait nullement à l'employeur de tenter de la muter sur un autre site.

Mme [N] objecte, pour l'essentiel, que la location de la salle a été effectuée à titre privé de sorte que les éventuelles difficultés résultant du contrat de location ne pouvaient être réglées qu'entre la CIUP Maison du Cambodge et elle-même ; qu'aucun reproche ne lui a été adressé au cours de la relation de travail ; qu'une mutation sur un autre site aurait pu être envisagée. Elle ajoute à l'audience de la cour que les désordres invoqués ne sont pas établis ; que l'agent de sécurité a laissé entrer tous les véhicules des invités ; qu'elle ne peut être tenue responsable du comportement de ses invités.

Si le vif mécontentement de la Cité universitaire de [Localité 1] Maison du Cambodge est avéré au vu des courriers qui ont été adressés à l'employeur, qui déplorent essentiellement l'entrée sur le site d'une quarantaine de véhicules et d'un nombre d'invités ("environ 200 personnes") excédant le nombre visé au contrat de mise à disposition du grand salon de réception de la Maison du Cambodge (80 personnes), ainsi que les nuisances sonores qui s'en sont suivies, il reste que ces "débordements" n'ont pas entraîné de dégradations et que les risques pour la sécurité du site qui sont invoqués dans les courriers du client ne sont ni explicités ni caractérisés.

Par ailleurs, doit être pris en compte le fait que les manquements reprochés n'ont pas été commis dans le cadre de l'exécution des prestations de travail et que Mme [N] ne peut être tenue pour entièrement responsable du comportement de ses invités.

Enfin, eu égard à l'importante ancienneté de Mme [N], exempte de tout incident, le premier juge ne peut qu'être suivi quand il estime que l'employeur pouvait envisager une mutation, laquelle aurait suffi à satisfaire les demandes des responsables du site concerné qui n'exigeaient pas le congédiement de la salariée mais seulement son "retrait".

Dans ces conditions, il sera retenu que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, ni même sur une faute sérieuse justifiant pour la salariée la perte de son emploi. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le montant des indemnités

Sur la détermination du salaire

La moyenne des 3 derniers mois salaires bruts sera retenue comme le salaire de référence, soit la somme de 1 365,78 €.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Mme [N] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de 2 731,56 €, outre les congés payés afférents. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur l'indemnité de licenciement

Compte tenu de son ancienneté, Mme [N] peut prétendre à une indemnité de licenciement, non contestée dans son quantum, de 7 021,17 €. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de Mme [N] au moment de la rupture (19 ans), de son âge à ce même moment (50 ans), de sa rémunération, des circonstances de la rupture et de ses conséquences, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies révélant notamment que Mme [N] a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage pendant plusieurs mois, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 18 000 € sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Succombant au principal en son recours, la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme [N] peut être équitablement fixée à 800 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE à payer à Mme [N] la somme de 2 731,56 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 273,15 € pour les congés payés afférents,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société COMPAGNIE FRANCILIENNE DE NETTOYAGE aux dépens d'appel et au paiement à Mme [N] de la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/08162
Date de la décision : 06/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/08162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-06;11.08162 ?
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