Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRET DU 6 JUIN 2013
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00775
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2010 -Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-10-000069
APPELANT
Madame [Z] [C] veuve de Monsieur [J] [C] décédé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté et assisté de Me Sarah TAIEB du cabinet TAIEB-PIERRON, avocats au barreau de PARIS, toque : D0831.
INTIME
Monsieur [S] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Chantal- Rodene BODIN CASALIS, avocate au barreau de PARIS, toque : L0066
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/039122 du 14/09/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques CHAUVELOT, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jacques CHAUVELOT, président
Madame Michèle TIMBERT, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Amandine CHARRIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques CHAUVELOT, président et par Mme Amandine CHARRIER, greffier présent lors du prononcé.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
M.et Mme [C] ont occupé depuis 1987 un logement situé [Adresse 3].
Cet appartement est la propriété depuis juillet 2004 de M. [X].
Réclamant la délivrance des quittances de loyers et des attestations pour la CAF, M. [C] a saisi le tribunal d'instance du RAINCY qui, par jugement du 6 décembre 2010, sur demandes reconventionnelles de M. [X], a :
- constaté le caractère frauduleux du bail prenant effet le 1er mars 1987, prétendument conclu entre M. [E] [Q] [ précédent propriétaire ] et M. [C],
- constaté que M. [C] est occupant sans droit ni titre,
- dit que celui-ci devra laisser les lieux libres d'occupation dès la signification de la décision,
- à défaut, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, si besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier,à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux,
- dit que les meubles laissés dans les lieux seront transportés dans tel garde meuble qu'il plaira au bailleur, aux frais, risques et périls de l'expulsé, conformément aux dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné M. [C] aux dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
M. [C] a interjeté appel de cette décision.
Les époux [C] ont quitté les lieux le 16 avril 2011.M. [C] est décédé le [Date décès 1] 2012. Mme [Z] [C], sa veuve, a repris l'instance.
Aux termes de ses dernières écritures du 17 janvier 2013, elle demande à la cour:
- d'infirmer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau, de condamner M. [X] à lui remettre les quittances de loyers de la période du 1er juillet 2004 au 16 avril 2011 et à lui délivrer les attestations exigées par la CAF pour l'ouverture des droits au logement des années 2005 à 2011 et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard,
- dans l'hypothèse de la prescription des droits à allocation, condamner M. [X] à payer la somme de 10.000 € en substitution des sommes perdues de son fait,
- le condamner à payer la somme de 16.000 € à titre de dommages et intérêts,
- débouter M. [X] de son appel incident,
- le condamner à payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures du 21 février 2013 M. [X] demande à la cour de :
- débouter l'appelante de toutes ses demandes et prétentions,
- confirmer, par substitution de motifs, l'expulsion prononcée,
- condamner Mme [Z] [C] à lui verser
' les deux mois de loyers restant dus : 899,44 €
' les charges : 4.574,73 €
' le montant des travaux de remise en état : 6.000 €
' pour procédure abusive : 3.000 €
- condamner Mme [Z] [C] aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile la cour renvoie aux dernières écritures des parties en date du 17 janvier et 21 février 2013 pour un plus ample examen de leurs moyens et arguments.
Sur autorisation de la cour, Mme [Z] [C] a fait connaître par courrier en cours de délibéré qu'en raison de la prescription biennale de l'article L 553-1 du code de la sécurité sociale aucun versement de l'aide au logement ne pourra intervenir de façon rétroactive et qu'en conséquence elle sollicite seulement le bénéfice de ses demandes de dommages et intérêts ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
' Sur la résiliation du bail et l'expulsion
En cause d'appel M. [X] admet la validité du bail produit par
Mme [Z] [C] ; pour autant, les époux [C] ont quitté les lieux ; Mme [Z] [C] ne demande pas sa réintégration ; il convient en conséquence de constater que le bail est résilié et que la demande formulée à fin d'expulsion est maintenant sans objet ;
' Sur les sommes restant dues au bailleur au titre des loyers et charges
Le bailleur demande paiement des deux derniers mois de loyers pour 899,44 € ; Mme [Z] [C] ne prouve pas avoir payé cette somme
Il faut en conséquence la condamner à payer 899,44 € au titre des deux derniers mois d'occupation des lieux ;
Le bailleur demande paiement d'une somme de 4.574,73 € au titre des charges ; il produit les relevés de charges du syndic de la co- propriété pour les années 2004-2005, 2005-2006, 2007-2008, 2008-2009, 2010-2011 ; toutefois, comme l'avait déjà retenu le premier juge, M. [X] ne produit pas de décompte explicitant sa réclamation en précisant notamment le montant des provisions versées par les locataires, le bail produit au débat stipulant une provision pour charges ;
Il appartient au bailleur de justifier et d'expliciter suffisamment sa demande, ce qu'il ne fait pas en l'espèce ;
Il faut confirmer le jugement qui a débouté M. [X] de sa demande au titre des charges ;
' Sur les sommes réclamées à titre de dommages et intérêts par Mme [Z] [C]
En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour non remise des quittances et d'attestation CAF :
M. [X] ne justifie pas de l'envoi de quittances à compter de 2004 ;
Les locataires en avaient fait la demande par courrier de leur avocat du 5 juillet 2005 envoyé à une mauvaise adresse ( le courrier a été retourné avec la mention ' n'habite pas à l'adresse indiquée' ) ;
Les locataires ont ensuite saisi le juge des référés du tribunal d'instance du RAINCY qui, par ordonnance du 24 juillet 2006, a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé M. [C] à se pourvoir devant le juge du fond ; le juge des référés a retenu qu'il existait un doute sérieux quant à la validité du contrat de bail dont l'appréciation ne relevait pas de sa compétence ;
M. [C] a assigné M. [X] au fond devant le tribunal d'instance par acte d'huissier du 5 janvier 2010 et le jugement entrepris du 6 décembre 2010, assorti de l'exécution provisoire, a rejeté la demande de délivrance de quittances en retenant le caractère frauduleux du bail ;
La réalité du bail est maintenant admise par M. [X] qui aurait donc dû délivrer des quittances, celui-ci se contentant de soutenir qu'il ne pouvait les délivrer alors que le paiement des charges lui restait dû ;
Cette argumentation n'étant pas retenue, la demande en paiement de charges du bailleur étant rejetée, il faut retenir que M. [X] a bien contrevenu aux termes de l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 ;
Le dernier montant de l'allocation logement versée aux époux [C] était en juin 2005 de 254,87 € ; Mme [Z] [C] ne justifie pas du montant exact susceptible de lui être accordé pour les années ultérieures ; Il convient, à titre forfaitaire, de lui accorder, à titre de dommages et intérêts, la somme de 5.000 € ;
M. [X] doit être condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts à la suite de l'expulsion :
Mme [Z] [C] fait valoir qu'elle avait occupé les lieux pendant 24 ans avec son mari et qu'ils ont dû les quitter pour ne pas subir une expulsion par la force publique, le jugement de première instance ayant ordonné leur expulsion, avec exécution provisoire ;
Aucune condamnation à paiement n'a été prononcée par le premier juge qui a fondé sa décision d'expulsion uniquement sur le caractère prétendument frauduleux du bail ; ce caractère frauduleux n' étant plus avéré, il est certain que le premier juge n'aurait pas dû ordonner expulsion ; la somme restant due au titre des deux derniers mois de loyers est minime et ne saurait justifier une expulsion de locataires qui ont régulièrement payé leurs loyers et charges pendant 24 ans ; il convient d'accorder à Mme [Z] [C], qui a occupé les lieux pendant une longue durée de 24 ans, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, une somme de 3.000 €, étant observé qu'aucun justificatif de préjudice matériel n'est produit au dossier ;
' Sur la demande du bailleur au titre des réparations locatives
M. [X] réclame la somme de 6.000 € à titre de réparations locatives ;
Il fait valoir que l'appartement a été rendu en très mauvais état ; Il produit un état des lieux en date du 15 avril 2011, des factures de la société Lapeyre et un devis de réparation des fenêtres ;
Il appartient au bailleur de faire la preuve des ses prétentions ;
L'état des lieux de sortie n'a pas été signé par les locataires et il n'est pas justifié qu'ils y aient été convoqués ;
Aucun état des lieux d'entrée n'est produit ;
Les locataires ont occupé les lieux pendant 24 ans ;
Compte tenu de ces éléments il faut rejeter la demande formulée par le bailleur à titre de réparations locatives ;
' Sur les autres demandes
Il faut ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d'autre
Il est équitable de condamner M. [X] à payer à Mme [Z] [C] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Compte tenu de la décision rendue il faut débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
M. [X] doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal d'instance du RAINCY du 6 décembre 2010 sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes en paiement au titre d'un arriéré de charges et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
Constate que les époux [C] ont quitté les lieux en avril 2011,
Constate que le bail est résilié et que la demande d'expulsion est maintenant sans objet,
Constate que Mme [Z] [C] ne réclame plus la délivrance des quittances et des attestations pour la CAF,
Y ajoutant,
Condamne Mme [Z] [C] à payer à M. [X] la somme de 899,44 € au titre de l'arriéré locatif,
Condamne M. [X] à payer à Mme [Z] [C] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non remise des quittances et attestations pour la CAF,
Le condamne à payer à Mme [Z] [C] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à la suite de l'expulsion ordonnée,
Déboute M. [X] de sa demande au titre des réparations locatives,
Le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Ordonne la compensation entre les sommes dues de part et d'autre,
Condamne M. [X] à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT