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05/06/2013 | FRANCE | N°10/18348

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 05 juin 2013, 10/18348


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 05 JUIN 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18348



Sur renvoi après cassation du 13 Juillet 2010 d'un arrêt rendu le 25 mars 2009 par la Cour d'Appel de PARIS (4ème CH. A) RG : 07-20165 sur appel d'un jugement rendu le 27 novembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG : 07-12334



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DEMANDERESSE A LA SAISINE



SAS THIERRY MUGLER

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Olivier BERNABE...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 05 JUIN 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18348

Sur renvoi après cassation du 13 Juillet 2010 d'un arrêt rendu le 25 mars 2009 par la Cour d'Appel de PARIS (4ème CH. A) RG : 07-20165 sur appel d'un jugement rendu le 27 novembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG : 07-12334

DEMANDERESSE A LA SAISINE

SAS THIERRY MUGLER

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753)

assistée de Me Patrick DE LA GRANGE (avocat au barreau de PARIS, toque : R112)

DEFENDERESSES A LA SAISINE

SAS PROMOCEAN FRANCE anciennement dénommée PRODIMPOR

prise en la personne de son Président

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)

assistée de Me Muriel ANTOINE LALANCE (avocat au barreau de PARIS, toque : R064)

SOCIÉTÉ PROMOCEAN THE NETHERLANDS BV

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2] (PAYS BAS)

Représentée par la SCP MIREILLE GARNIER (Me Mireille GARNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : J136)

assistée de Me Nathalie MOREL (avocat au barreau de PARIS, toque : E2074)

(SELAS MAYER BROWN)

SOCIÉTÉ BP EUROPA venant aux droits de la SOCIÉTÉ DEUTSCHE BP

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 1] - ALLEMAGNE

Représentée et assistée de Me Helga PERNEZ (avocat au barreau de PARIS, toque : D0355)

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 09 avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, chargé d'instruire l'affaire, et Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président,

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Madame Sylvie NEROT, Conseillère, appelée d'une autre Chambre pour compléter la Cour

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement rendu contradictoirement le 27 novembre 2007 par le tribunal de grande instance de Paris.

Vu l'appel interjeté le 30 novembre 2007 par la SAS Thierry Mügler.

Vu l'arrêt rendu le 25 mars 2009 par la cour de céans.

Vu l'arrêt rendu le 13 juillet 2010 par la chambre commerciale, financière et économique de la cour de cassation, cassant partiellement l'arrêt rendu le 25 mars 2009 et renvoyant l'affaire devant la cour d'appel de céans, autrement composée.

Vu la déclaration de saisine de la cour après renvoi de cassation, remise au greffe le 16 août 2010 par la SAS Thierry Mügler.

Vu les dernières conclusions de la SAS Thierry Mügler, signifiées le 26 mars 2013.

Vu les dernières conclusions de la SAS Promocean France, signifiées le 04 septembre 2012.

Vu les dernières conclusions de la société BP Europa SE, signifiées le 01 février 2013.

Vu les dernières conclusions de la société Promocean The Netherlands BV, signifiées le 18 mars 2013.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 02 avril 2013.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il suffit de rappeler que la société de droit allemand Deutsche BP, aujourd'hui dénommée BP Europa SE, a pour activité l'exploitation en Allemagne d'un réseau de stations service sous l'enseigne ARAL ;

Que la société de droit néerlandais Promocean The Netherlands BV (ci-après Promocean BV) a pour activité le commerce et la distribution d'objets promotionnels et cadeaux d'affaires élaborés en partenariat avec des marques connues ; que cette société possède deux filiales : la SAS Promocean France (anciennement dénommée Prodimpor) en France et la société Promocean GmbH en Allemagne ;

Que dans le cadre d'une opération promotionnelle organisée sur le territoire allemand, la SAS Thierry Mügler a, par trois contrats de licence des 06 octobre 2005 (modifié par avenant du 08 novembre 2005) et 23 mars 2006 (modifié par avenant du 23 mai 2006), concédé à la société Promocean BV le droit de fabriquer ou de faire fabriquer et de vendre à la société BP Europa SE des cartables et portefeuilles dans les stations service implantées en Allemagne et en Suisse et des parures de stylos et des stations météorologiques dans les stations service implantées en Allemagne, Autriche, Pologne, Pays-Bas et Suisse, sous la marque 'Thierry Mügler visée en annexe 2', pour une durée de trois mois (d'août à octobre 2006 pour le premier contrat et d'octobre à décembre 2006 pour les deuxième et troisième contrats), avec faculté d'écouler les stocks résiduels pendant une durée de trente jours, en Allemagne et en Suisse en contrepartie du paiement d'une redevance ;

Qu'il était stipulé aux contrats que la société Prodimpor (aujourd'hui dénommée Promocean France) serait l'interlocuteur opérationnel du concédant pour l'opération promotionnelle ;

Que les 16/19 septembre 2005 et 09/10 mars 2006, la société Deutsche BP et la société Promocean GmbH ont signé deux contrats aux termes desquels la seconde s'engageait à fabriquer et à approvisionner la première en une certaine quantité de produits de maroquinerie, parures de stylos et stations météorologiques comportant la marque 'Thierry Mügler' pour un prix fixé dans les annexes ;

Que la SAS Thierry Mügler, reprochant aux sociétés Promocean BV et Prodimpor d'avoir manqué à leurs engagements a, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 janvier 2007, résilié avec effet immédiat l'ensemble des accords et les a mis en demeure de cesser sur le champ l'ensemble des opérations entreprises par la société Deutsche BP dans ses stations service en Allemagne et de retirer tout produit portant la marque 'Thierry Mügler' :

Que constatant que les produits étaient toujours proposés à ses clients par la société Deutsche BP, la SAS Thierry Mügler a assigné en contrefaçon les 11 et 13 septembre 2006 les sociétés Prodimpor, Promocean BV et Deutsche BP ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

- déclaré mal fondées l'ensemble des demandes de la SAS Thierry Mügler et l'en a débouté,

- débouté la société Prodimpor de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la société Deutsche BP de ses demandes d'indemnisation pour dol incident formées à l'encontre des sociétés Promocean BV et Prodimpor,

- condamné la SAS Thierry Mügler à payer aux sociétés Promocean BV et Prodimpor la somme de 5.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de sa décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la SAS Thierry Mügler aux dépens ;

Considérant que ce jugement a été confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 25 mars 2009 ;

Considérant que cet arrêt a été cassé par arrêt de la cour de cassation en date du 13 juillet 2010 sauf en ce qu'il a débouté la SAS Thierry Mügler de sa demande formée à l'encontre de la société Prodimpor au titre de la responsabilité contractuelle ; que ce chef du dispositif de l'arrêt du 25 mars 2009, non atteint par la cassation, est donc définitif ;

I : SUR LA MARQUE FRANÇAISE INVOQUÉE PAR LA SAS THIERRY MÜGLER :

Considérant que la SAS Thierry Mügler fonde son action en contrefaçon non seulement sur des marques communautaires mais également sur la marque française semi-figurative 'Thierry Mügler' dans une représentation stylisée sous forme de signature, déposée à l'INPI le 13 avril 1992 sous le numéro 92414802, renouvelée le 28 mars 2002, dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28 et 34, dont notamment les 'instruments chronométriques, articles de bureau (à l'exception des meubles), cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes, articles de maroquinerie' ;

Considérant que la société BP Europa SE fait valoir que le territoire concerné par les actes incriminés est d'une part l'Allemagne où elle a distribué les produits sous la marque 'Thierry Mügler' et d'autre part la république Tchèque où ces articles étaient entreposés et qu'il ne peut lui être reproché aucun acte de contrefaçon de la marque française 'Thierry Mügler' sur le territoire français ;

Considérant que la société Promocean BV fait également valoir que la marque française est inapplicable en l'espèce, aucun acte de contrefaçon de la marque française sur le territoire français ne pouvant lui être reproché ;

Considérant que la marque française ne peut effectivement être invoquée à l'appui d'actes de contrefaçon commis hors du territoire national alors qu'il est constant que pour l'essentiel, les actes argués de contrefaçon concernent l'Allemagne (où les produits litigieux ont été distribués) et la République Tchèque (où ces produits ont été entreposés) ;

Considérant cependant que la SAS Thierry Mügler invoque également sa marque française au motif que la société BP Europa SE distribuerait les produits qu'elle détenait encore en stock (stylos et produits de maroquinerie) sur le territoire français, au travers de différentes filières de commercialisation, en particulier de solderies et des sites Internet ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats dont l'authenticité n'est pas contestée que les produits argués de contrefaçon sont proposés depuis 2009 à la vente en ligne sur Internet à destination du public français non seulement sur des sites d'annonces de particuliers (tels que , ou ), mais également sur des sites dits de 'hard discount' tels que proposant des produits en 'destockage discount de grossistes, fournisseurs et liquidation', en l'espèce des cartables portant la marque 'Thierry Mügler' entreposés en Allemagne, ou encore les sites proposant des serviettes avec stylos portefeuille et porte document de marque 'Thierry Mügler' (selon procès-verbal de constat d'huissier du 17 décembre 2009 suivi d'un constat d'achat du 19 janvier 2010), proposant des articles de maroquinerie portant la marque 'Thierry Mügler' (selon procès-verbal de constat d'huissier du 22 décembre 2009), proposant un set maroquinerie 'Thierry Mügler' (selon procès-verbal de constat d'huissier du 11 décembre 2009), proposant un ensemble 'Thierry Mügler' serviette, portefeuille, parure de stylos (selon procès-verbal de constat d'huissier du 11 décembre 2009), proposant le même ensemble, proposant une sacoche homme 'Thierry Mügler' et ses accessoires (selon procès-verbal de constat d'huissier du 11 décembre 2009), proposant le même ensemble (selon procès-verbal de constat d'huissier du 11 décembre 2009), proposant le même ensemble (selon procès-verbal de constat d'huissier du 06 février 2012), , , , , proposant tous le même ensemble ;

Considérant qu'il est également justifié que ces produits sont proposés à la vente en France depuis 2009 dans des boutiques de solderie telles que Colruyt ou la société MGR 26 (selon procès-verbal de constat d'huissier du 20 novembre 2009) ou encore dans des commerces de grande surface tels que Carrefour, Leader Price ou Auchan (selon procès-verbal de constat d'huissier du 14 décembre 2012) ;

Considérant dès lors que la SAS Thierry Mügler est bien recevable à invoquer non seulement ses marques communautaires mais également sa marque nationale à l'appui de son action en contrefaçon ;

II : SUR LA PREUVE DE LA TITULARITÉ DES DROITS DE LA SAS THIERRY MÜGLER SUR LES MARQUES COMMUNAUTAIRES :

Considérant que la SAS Thierry Mügler fonde également son action en contrefaçon sur les marques communautaires suivantes :

- marque communautaire semi-figurative 'Thierry Mügler' dans une représentation identique à la marque française ci-dessus évoquée, enregistrée le 02 octobre 2001 sous le numéro 001760370, dans les classes 8, 16, 20, 21 et 27, dont notamment les 'stylos, porte-mines, étuis à crayons et à stylos',

- marque communautaire figurative 'Thierry Mügler' dans une représentation identique, déposée le 01 avril 1996 et enregistrée sous le numéro 000188979 (régulièrement renouvelée), dans les classes 3, 9, 14, 18, 24, 25 et 34, dont notamment les 'instruments chronométriques, cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d'autres classes, articles de maroquinerie', régulièrement renouvelée ;

Considérant que les premiers juges ont débouté la SAS Thierry Mügler de ses demandes en contrefaçon de marque communautaire au motif qu'elle ne versait pas aux débats les certificats d'enregistrement de sa marque ;

Considérant que la SAS Thierry Mügler fait valoir qu'elle apporte la preuve de ses droits sur sa marque ;

Considérant que la société Promocean BV soutient au contraire que la SAS Thierry Mügler ne rapporte pas la preuve de ses droits sur les marques communautaires dans la mesure où les deux certificats d'enregistrement produits datent de plus de deux ans et ne permettent pas à la cour de s'assurer de la titularité des droits de la SAS Thierry Mügler sur la marque 'Thierry Mügler' en dehors du territoire français ;

Considérant que la société BP Europa, SE conclut au débouté de la SAS Thierry Mügler sans faire valoir de moyens particuliers quant à la titularité des droits de cette société sur ses marques communautaires ;

Considérant que la SAS Promocean France conclut pour sa part à la confirmation du jugement entrepris sans faire valoir de moyens particuliers quant à la titularité des droits de la SAS Thierry Mügler sur ses marques communautaires ;

Considérant que la SAS Thierry Mügler produit un certificat d'enregistrement de la marque n° 000188979 en date du 11 mai 2012 mentionnant que cette marque expire le 01 avril 2016, qu'il n'existe aucune constitution ou cession d'un droit réel sur cette marque, qu'une licence exclusive et limitée quant aux produits et services a été consentie le 24 septembre 2001 à la société Rousseau et qu'une licence exclusive et limitée dans le temps et territorialement a été consentie le 17 février 2006 à la société Royer ;

Considérant qu'elle produit également un certificat d'enregistrement de la marque n° 001760370 en date du 11 mai 2012 mentionnant que cette marque expire le 17 juillet 2020 et qu'il n'existe aucune constitution ou cession totale ou partielle des droits sur cette marque ;

Considérant que ces certificats sont identiques à ceux que la SAS Thierry Mügler avait obtenus les 16 et 20 février 2008 ; qu'ils suffisent à justifier des droits de cette société sur ces marques alors surtout qu'aucune des sociétés intimées ne se prévaut de ce que la SAS Thierry Mügler aurait cédé ses droits sur ses marques communautaires depuis leur enregistrement ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé et qu'il sera jugé que la SAS Thierry Mügler justifie de la titularité de ses droits sur ses marques française et communautaires numéro 92414902, 001760370 et 000188979 ;

III : SUR L'IDENTITÉ ET LA PORTÉE DES MARQUES INVOQUÉES :

Considérant que la SAS Thierry Mügler fait valoir que la protection accordée par les dépôts de marques communautaires et nationaux couvrent les produits litigieux (stylos, portefeuilles, serviettes) et que la protection accordée par le dépôt national (visant les produits d'horlogerie et de bureaux) couvre les stations météo ou, à défaut, que la protection revendiquée s'étend aux stations météo, eu égard à la notoriété du signe et que la diffusion en France des produits litigieux porte atteinte au monopole conféré par le dépôt auprès de l'INPI, lequel couvre notamment les stations météo ;

Considérant que la société Promocean BV réplique que la rédaction des contrats de licence ne permet pas de connaître avec certitude la consistance des droits concédés par la SAS Thierry Mügler et que les stations météo ne sont couvertes par aucune des marques que la SAS Thierry Mügler prétend détenir couvrant le territoire allemand, la marque française étant inapplicable en l'espèce, aucun acte de contrefaçon de la marque française sur le territoire français ne pouvant lui être reproché et la preuve n'étant pas rapportée de ce que la marque 'Thierry Mügler' serait notoirement connue en Allemagne et en république Tchèque pour les stations météo ;

Considérant que la société BP Europa SE soutient également que la SAS Thierry Mügler ne rapporte pas la preuve de la prétendue notoriété de sa marque en Allemagne ou en République Tchèque et que ses marques communautaires ne mentionnent pas les stations météorologiques qui ne sauraient être assimilées à des instruments chronométriques ;

Considérant que la marque française et les deux marques communautaires 'Thierry Mügler' sont des marques semi-figuratives identiques dans une représentation stylisée en forme de signature manuscrite ; que les contrats de licence passés avec la société Promocean BV les 06 octobre 2005 et 23 mars 2006 stipulent en leur article 1.5 que la marque donnée en licence 'désigne la marque THIERRY MÜGLER dans sa représentation graphique portée en Annexe 2 à l'exclusion de toute autre' ; que le signe ainsi reproduit à l'annexe 2 des trois contrats de licence est bien identique à celui protégé par les marques revendiquées ;

Considérant par ailleurs que la reproduction d'une marque ne constitue un acte de contrefaçon que si les produits destinés à être identifiés sous le signe sont identiques à ceux visés dans l'enregistrement de la marque ;

Considérant que les produits pour lesquels des actes d'usage illicite de marque sont imputés aux sociétés intimées sont bien couverts par les enregistrements de marque en ce qui concerne les parures de stylos et les articles de maroquinerie (cartables, portefeuilles) ;

Considérant en revanche que les stations météo ne sauraient être considérées comme similaires aux appareils chronométriques du seul fait qu'à titre accessoire - comme de nombreux autres appareils - ils indiqueraient également l'heure ; qu'il s'agit en effet d''appareils et instruments scientifiques ou de mesurage' relevant de la classe 9, non couverts par les enregistrements des marques revendiquées ;

Considérant que si la SAS Thierry Mügler invoque à cet effet le caractère notoire de sa marque, force est de constater qu'elle n'en rapporte pas la preuve, se contentant d'affirmer péremptoirement dans ses conclusions que cette notoriété 'ne peut être sérieusement contestée' ;

Considérant dès lors que la portée de la protection accordée par l'enregistrement des marques revendiquées ne s'étend pas aux stations météo ;

IV : SUR L'ÉPUISEMENT DES DROITS DE LA SAS THIERRY MÜGLER :

Considérant que la société Promocean BV fait valoir qu'en vertu de l'article 13 § 1 du règlement (UE) n° 207/2009 du 26 février 2009 du Conseil sur la marque communautaire, le titulaire d'une marque perd le droit de contrôle sur l'usage de sa marque à partir du moment où le produit marqué est mis pour la première fois en circulation sur le marché de l'espace économique européen soit par le titulaire de la marque lui-même soit avec son consentement ;

Considérant qu'elle précise que le consentement du titulaire de la marque résulte nécessairement de la conclusion d'un contrat de licence autorisant le licencié à fabriquer et vendre son produit sous la marque revendiquée ;

Considérant qu'elle ajoute que seule la violation par le licencié d'une des clauses limitativement énumérées à l'article 22 § 2 du règlement sus visé est susceptible de faire échec au consentement du titulaire de la marque ;

Considérant qu'elle fait valoir qu'en l'espèce les produits litigieux ont été mis sur le marché européen antérieurement à la date d'expiration ou de résiliation des contrats de licence et qu'elle n'a commis aucun acte susceptible de faire échec à la règle de l'épuisement des droits, la clause de durée ayant été scrupuleusement respectée ;

Considérant que la société BP Europa SE invoque également l'épuisement des droits de la SAS Thierry Mügler en indiquant que la commercialisation ultérieure des produits par un tiers ou un sous-acquéreur est sans incidence sur les droits de marque des produits ayant été mis sur le marché par la société Promocean BV pendant la durée des contrats de licence, rappelant que le droit de disposer des produits revêtus de la marque 'Thierry Mügler' ne lui a été transféré qu'au moment de la livraison des marchandises dans les entrepôts situés en Allemagne et en République Tchèque ;

Considérant que la SAS Thierry Mügler réplique que la théorie de l'épuisement des droits est inopérante, l'exploitation d'une marque en fraude des droits de son titulaire interdisant l'évocation de la théorie de l'épuisement des droits et où en l'espèce sa volonté a été surprise du fait des manoeuvres dolosives dont elle a été victime ;

Considérant qu'elle soutient que son consentement a été vicié au sens de l'article 1116 du code civil en raison de la réticence dolosive des sociétés Promocean BV et Promocean France (la première ayant déjà signé ses propres contrats avec la société BP Europa SE, lesquels n'imposaient aucune date impérative aux différentes opérations promotionnelles et permettaient à la société BP Europa SE de revendre les produits marqués) ;

Considérant qu'elle ajoute que le consentement du titulaire de la marque à la première commercialisation des produits marqués doit être certain et que la conclusion d'un contrat de licence ne constitue pas encore une mise dans le commerce des produits et n'entraîne pas à elle seule l'épuisement du droit conféré par la marque ; qu'en l'espèce les réticences dolosives reprochées aux sociétés Promocean BV et Promocean France portent précisément sur l'étendue des droits conférés quant à l'exploitation de la marque, le dol excluant le consentement ;

Considérant qu'elle ajoute encore que les clauses essentielles du contrat de licence, telles qu'énoncées à l'article 22 du règlement 207/2009 et à l'article L 714-1 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle ont été méconnues, la commercialisation ayant débuté et s'étant poursuivie au-delà de l'expiration des licences puisqu'elle a commencé au mois d'avril 2007 et a repris massivement après le prononcé de l'arrêt du 25 mars 2009 ;

Considérant ceci exposé, qu'en vertu des dispositions de l'article 13.1 du règlement (UE) du 26 février 2009 pour la marque communautaire et de l'article L 713-4 du code de la propriété intellectuelle pour la marque française, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la communauté économique européenne ou dans l'espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ;

Considérant que la Cour de Justice de l'Union Européenne dans son arrêt Copad du 23 avril 2009, après avoir rappelé que la règle d'épuisement des droits constitue une exception au droit exclusif du titulaire, a indiqué au point 42 de son arrêt que le consentement 'constitue l'élément déterminant de l'épuisement de ce droit et doit, dès lors, être exprimé d'une manière qui traduise de façon certaine la volonté du titulaire de renoncer à ce droit' ; qu'au point 43 elle indique que l'épuisement des droits joue également 'lorsque la commercialisation des produits est effectuée par un sujet lié économiquement au titulaire de la marque. Tel est le cas, en particulier, d'un licencié' ; que selon le point 44 'dans une telle situation, en effet, le donneur de licence a la possibilité de contrôler la qualité des produits du licencié en insérant dans le contrat de licence des clauses spécifiques qui obligent le licencié à respecter ses instructions et lui donnent la faculté de s'assurer de leur respect' ;

Considérant qu'il s'ensuit, selon le point 46 de cet arrêt, que 'la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par un licencié doit être considérée, en principe, comme effectuée avec le consentement du titulaire de la marque', au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive communautaire n° 2008/95 du 22 octobre 2008 du Parlement européen et du Conseil rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (repris par l'article 13.1 du règlement du 26 février 2009) ;

Considérant que si la SAS Thierry Mügler soutient à titre principal que son consentement dans les contrats de licence des 06 octobre 2005 et 23 mars 2006 serait vicié en raison d'un dol par réticence de son cocontractant, la société Promocean BV, au sens de l'article 1116 du code civil, force est de constater que la SAS Thierry Mügler ne demande pas l'annulation de ces contrats en raison de ce vice du consentement ;

Considérant en outre que le simple fait que la SAS Thierry Mügler n'aurait pas été informée que les contrats de fourniture des produits litigieux avaient été signés quelques jours avant la conclusion des contrats de licence (soit respectivement les 16/19 septembre 2005 d'une part et les 09/10 mars 2006 d'autre part) ne saurait, en lui-même, constituer un dol ou une manoeuvre frauduleuse ;

Considérant en effet que ces contrats de fourniture ne contredisent ni ne contreviennent aux contrats de licence quant à la destination des produits litigieux dans le strict cadre des contrats de licence ; que ces contrats de fourniture mentionnent dans leur préambule que les produits commandés sont bien des 'produits de fidélité' exclusivement destinés à des opérations promotionnelles organisées dans les stations service de la société BP Europa SE et celles de sa succursale ARAL sur le territoire allemand ; que ces contrats précisent encore expressément que ces 'articles promotionnels (...) impliqués dans la collection temporairement proposée dans le cadre d'un système de fidélisation des clients' ne sont destinés qu'à être 'écoulés dans les stations-service BP' ;

Considérant d'autre part que dans l'arrêt Copad précité, la Cour de Justice de l'Union Européenne indique au point 47 que 'le contrat de licence n'équivaut pas à un consentement absolu et inconditionné du titulaire de la marque à la mise dans le commerce, par le licencié, des produits revêtus de cette marque' ; qu'en effet 'l'article 8, paragraphe 2 de la directive prévoit expressément la possibilité pour le titulaire de la marque, d'invoquer les droits que celle-ci lui confère à l'encontre d'un licencié lorsque ce dernier enfreint certaines clauses du contrat de licence (...) énoncées audit article 8, paragraphe 2, de manière exhaustive' (points 48 et 49) ;

Considérant, selon le point 50, que 'seule la violation de la part du licencié de l'une desdites clauses fait obstacle à l'épuisement du droit conféré par la marque à son titulaire, au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive' ;

Considérant que la Cour de Justice de l'Union Européenne a ainsi dit pour droit que 'l'article 7, paragraphe 1, de la directive 89/104, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, doit être interprété en ce sens que la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié, en méconnaissance d'une clause du contrat de licence, est faite sans le consentement du titulaire de la marque, lorsqu'il est établi que cette clause correspond à l'une de celles prévues à l'article 8, paragraphe 2, de cette directive' ;

Considérant que selon l'article 8.2 de la directive, repris à l'article 22.2 du règlement, 'le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l'encontre d'un licencié qui enfreint l'une des clauses du contrat de licence en ce qui concerne :

a) sa durée ;

b) la forme couverte par l'enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée ;

c) la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée ;

d) le territoire sur lequel la marque peut être apposée ; ou

e) la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié' ;

Considérant qu'à ce titre la SAS Thierry Mügler soutient que les clauses des contrats de licence ont été violées sur la durée et la nature des produits (cadeaux promotionnels interdits à la vente) ;

Considérant que les contrats des 06 octobre 2005 et 23 mars 2006 stipulent que la licence est accordée pour des opérations promotionnelles dites 'Opération Luxe' pour les articles de maroquinerie (cartables et portefeuilles) et 'Opération Cocooning' pour les parures de stylo à l'occasion desquelles la société BP Europa SE (partenaire de la société Promocean BV dans ces opérations promotionnelles avec sa filiale de distribution, la société ARAL) remet à ses clients un article à titre de cadeau 'après que ceux-ci aient acquis et justifié d'un nombre de points suffisants résultant de l'achat effectif de carburant dans les stations services BP implantées sur le Territoire' ; qu'il est en outre stipulé que ces articles ne sont pas destinés à la vente au consommateur ;

Considérant que si le mécanisme des opérations promotionnelles par la société BP Europa SE se présentait selon le système dit des 'primes autopayantes' prévoyant une faible participation financière du consommateur afin de réduire les délais d'attente pour l'obtention des cadeaux, ce système ne saurait être assimilé à une vente des dits articles dont la valeur affichée (de 50 à 100 € selon les contrats) est de quinze à vingt fois supérieure à cette participation financière ;

Considérant qu'il s'ensuit que la clause relative à la nature des produits pour lesquels la licence a été octroyée pour chacun de ces contrats (à savoir des cadeaux promotionnels et non pas une vente) n'a pas été violée par la société Promocean BV ;

Considérant qu'en ce qui concerne la durée des actes de mise sur le marché des produits pour lesquels les licences ont été consenties, il ressort de l'article 3 de chacun des contrats que les opérations promotionnelles devaient se dérouler durant les mois d'août, septembre et octobre 2006 pour l'Opération Luxe (articles de maroquinerie) et durant les mois d'octobre, novembre et décembre 2006 pour l'Opération Cocooning (parures de stylos et stations météo) ;

Considérant qu'il était en outre stipulé qu'en cas de stocks d'articles à l'issue des opérations promotionnelles (soit le 31 octobre 2006 pour le contrat du 06 octobre 2005 et le 01 janvier 2007 pour les deux contrats du 23 mars 2006), la société BP Europa SE était autorisée à écouler les stocks résiduels au sein de ses stations services respectivement jusqu'au 30 novembre 2006 pour le contrat du 06 octobre 2005 et jusqu'au 15 février 2007 pour les deux contrats du 23 mars 2006 ;

Considérant enfin que suite à des échanges de courriels entre les parties durant les mois de mai et juin 2006, la SAS Thierry Mügler acceptait le 30 juin 2006 que les opérations promotionnelles soient décalées d'un mois, les dates limites d'écoulement des stocks résiduels étant également reportées d'un mois, soit respectivement jusqu'au 31 décembre 2006 et au 15 mars 2007 ;

Considérant que si les contrats de fourniture des produits litigieux par la société de droit allemand Promocean GmbH à la société BP Europa SE ont été signés antérieurement aux contrats de licence, il convient de relever que ces contrats conclus en Allemagne entre deux sociétés de droit allemand sont expressément soumis au droit allemand ;

Considérant que selon les documents versés aux débats, non contestés, le principe en droit allemand de séparation et d'abstraction implique, contrairement au droit français, que les actes générateurs d'obligations, tels qu'un contrat de vente, n'entraînent jamais un changement de propriété, même s'ils l'annoncent, cet effet étant réservé aux actes de disposition ;

Considérant dès lors que les contrats de fourniture n'ont pas immédiatement transféré à la société BP Europa SE la propriété des produits litigieux, le droit de propriété (et par voie de conséquence de disposer de ces produits) n'ayant été transféré qu'au moment de la remise matérielle de la chose vendue conformément au § 929, 1ère phrase du code civil allemand ;

Considérant qu'il s'ensuit que la mise sur le marché des produits litigieux dans l'espace économique européen avec l'accord de la SAS Thierry Mügler est celle de leur livraison par la société de droit allemand Promocean GmbH dans les entrepôts de la société BP Europa SE en Allemagne et en république Tchèque, soit à partir du 02 avril 2006 ;

Considérant enfin que si la SAS Thierry Mügler a, par lettre recommandée en date du 10 janvier 2007, déclaré unilatéralement la 'résiliation immédiate' des contrats de licence et la cessation immédiate de l'ensemble des opérations promotionnelles, il n'est pas rapporté la preuve de la poursuite de ces opérations pour les articles de maroquinerie et les parures de stylos (étant rappelé que les stations météo ne peuvent bénéficier de la protection accordée par l'enregistrement des marques revendiquées) postérieurement à la date du 10 janvier 2007, à supposer au demeurant valable cette résiliation unilatérale ;

Considérant en effet que l'attestation de M. [E] [B] produite par la SAS Thierry Mügler ne fait état de la présence des parures de stylos dans deux stations service ARAL qu'aux dates des 03 et 04 janvier 2007 (l'attestation de Mme [J] [Y] ne concernant que la station météo et les autres attestations ne concernant pas les opérations promotionnelles dans les stations service ARAL) ;

Considérant en conséquence qu'il n'est pas rapporté la preuve de ce que la société Promocean BV aurait réalisé des actes de mise sur le marché des produits pour lesquels la licence était consentie au-delà de la durée autorisée par chacun des contrats ;

Considérant qu'à titre subsidiaire la SAS Thierry Mügler invoque l'existence d'un motif légitime lui permettant de s'opposer à la commercialisation des produits litigieux qui portent atteinte à la sensation de luxe attachée à sa marque ;

Considérant que la société Promocean BV réplique que la SAS Thierry Mügler est irrecevable à invoquer l'existence de motifs légitimes au sens de l'article 13 § 2 du règlement (CE) n° 207/2009 dans la mesure où elle n'est pas un tiers non autorisé, où les produits objets des contrats de licence ne sont pas des produits de luxe mais des produits de qualité médiocre, où elle n'a procédé à aucun acte de commercialisation des produits et où l'ensemble des conditions posées par la Cour de justice ne sont pas réunies ; qu'en tout état de cause il s'agit d'une demande nouvelle devant la cour ;

Considérant que la société BP Europa SE conteste également l'existence de motifs légitimes, les articles litigieux n'étant pas des produits de luxe et leur état n'ayant pas été modifié ;

Considérant que le moyen soulevé à titre subsidiaire par la SAS Thierry Mügler au visa de l'article 13.2 du règlement ne constitue pas une prétention nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où elle tend à faire écarter la prétention adverse relative à l'épuisement du droit prévu à l'article 13.1 du dit règlement ;

Considérant que l'article 7.2 de la directive n° 2008/95 (repris par l'article 13.2 du règlement susvisé) dispose que l'épuisement du droit conféré par la marque n'est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s'oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque leur état est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes des contrats que les licences ont été octroyées pour des produits de faible valeur et de qualité quelconque destinés à des opérations promotionnelles et publicitaires effectuées dans des stations service et ne sauraient en conséquence être considérés comme des produits de luxe ;

Considérant que la commercialisation ultérieure de ces produits, telle qu'elle résulte des pièces versées aux débats, n'a en conséquence ni modifié ni altéré leur état ; que si certains produits ont pu à cette occasion faire l'objet d'un conditionnement dans un emballage en carton reproduisant les articles et le sigle 'Thierry Mügler', il n'est pas rapporté la preuve que ce conditionnement (qui au demeurant ni ne modifie ni n'altère l'état des produits) serait le fait des sociétés Promocean BV ou BP Europa SE ;

Considérant en conséquence que du fait de l'épuisement des droits de la SAS Thierry Mügler sur ses marques communautaires et nationale et de l'absence de motifs légitimes l'autorisant à s'opposer aux commercialisations litigieuses, celle-ci ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de ses marques ;

Considérant que de ce fait la demande subsidiaire de la société BP Europa SE en responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Promocean BV si elle devait être condamnée à indemniser la SAS Thierry Mügler devient sans objet ;

V : SUR LES RESPONSABILITÉS CONTRACTUELLE DE LA SOCIÉTÉ PROMOCEAN BV ET DÉLICTUELLE DE LA SAS PROMOCEAN FRANCE:

Considérant qu'à titre subsidiaire, en cas d'épuisement de ses droits, la SAS Thierry Mügler soutient que la société Promocean BV a manqué à ses obligations contractuelles et à l'obligation générale de bonne foi et de loyauté dans les affaires et que la société Promocean France, complice des manoeuvres de sa société mère, a également engagé sa responsabilité délictuelle ;

Considérant qu'elle affirme que la société Promocean BV l'a trompée en prenant des engagements contractuels qu'elle se savait incapable de respecter, ayant déjà signé (vis sa filiale allemande) des conventions contenant des dispositions incompatibles avec les licences en cours de négociation ;

Considérant qu'elle ajoute encore que si elle a épuisé ses droits, la responsabilité contractuelle de la société Promocean BV serait 'mécaniquement' engagée dans la mesure où les stipulations impératives des contrats de licence ont été méconnues puisqu'elle avait expressément interdit la commercialisation des biens, objets des contrats de licence et que des actes de commercialisation (hors opérations promotionnelles) sont intervenus malgré la résiliation des contrats de licence ;

Considérant qu'elle ajoute que la responsabilité délictuelle de la SAS Promocean France est engagée dans la mesure où elle est intervenue directement dans la négociation, la conclusion et la mise en oeuvre de l'ensemble des contrats et qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en cause d'appel puisqu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent (en l'espèce délictuel et non plus contractuel) ;

Considérant que la société Promocean BV réplique n'avoir commis aucun acte dolosif lors de la conclusion des contrats de licence ni aucune faute dans leur exécution ;

Considérant qu'elle fait valoir que le décalage de quelques jours entre la conclusion des contrats de fourniture entre les sociétés Promocean GmbH et BP Europa SE et la conclusion des contrats de licence ne peut être qualifié de manoeuvre dolosive de sa part et que les clauses des différents contrats ne sont pas incompatibles dans la mesure où la société BP Europa SE ne bénéficiait pas, aux termes des contrats de fourniture, du droit de commercialiser sans restriction les produits litigieux ;

Considérant que la SAS Promocean France soulève pour sa part l'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre comme nouvelles en cause d'appel ; que sur le fond elle affirme n'avoir commis aucune faute délictuelle dans la mesure où elle s'est bornée à un rôle d'intermédiaire entre les sociétés Thierry Mügler et Promocean BV et n'a été qu'un simple interlocuteur sans pouvoir décisionnaire ;

Considérant ceci exposé que l'action en responsabilité contractuelle suppose la justification d'un manquement aux obligations contractuelles constitutif d'une faute et qu'il ne saurait donc être soutenu que le simple fait pour la SAS Thierry Mügler d'avoir épuisé ses droits sur ses marques du fait des contrats de licence entraînerait 'mécaniquement' la responsabilité contractuelle du licencié ;

Considérant qu'il a été jugé plus haut que la société Promocean BV n'avait pas violé les stipulations des contrats de licence puisque les commercialisations ultérieures des produits litigieux - qui ne sont pas le fait de la société Promocean BV - ne sont que la conséquence du principe de l'épuisement des droits et de la règle communautaire de libre-circulation des marchandises, la SAS Thierry Mügler ne pouvant dès lors plus arguer d'un usage illicite de ses marques ;

Considérant par ailleurs que le simple fait que les contrats de fourniture aient été conclus entre les sociétés Promocean GmbH et BP Europa SE antérieurement aux contrats de licence ne constitue pas une manoeuvre dolosive et que ces contrats de fourniture respectent bien les conditions énoncés aux contrats de licence, ainsi qu'analysé plus haut ;

Considérant en conséquence qu'il n'est pas rapporté la preuve de manquements par la société Promocean BV à ses obligations contractuelles susceptibles d'engager sa responsabilité contractuelle ;

Considérant qu'en l'absence de toute manoeuvre dolosive ou de toute faute contractuelle de la part de la société Promocean BV, il apparaît qu'aucune faute de nature délictuelle ne peut être retenue à l'encontre de la SAS Promocean France en liaison avec une quelconque faute de la société Promocean BV ;

Considérant dès lors que la SAS Thierry Mügler sera déboutée de l'ensemble de ses demandes subsidiaires à l'encontre des sociétés Promocean BV et Promocean France sur le fondement de leurs responsabilités respectivement contractuelle et délictuelle ;

VI : SUR LES DEMANDES EN RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE FONDÉES SUR LE DOL :

Considérant qu'à titre infiniment subsidiaire la SAS Thierry Mügler fonde ses demandes en indemnisation à l'encontre des sociétés Promocean BV et Promocean France sur les articles 1116 et 1382 du code civil, soutenant pouvoir engager une action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol indépendamment d'une action en nullité du contrat pour dol ;

Mais considérant qu'il a déjà été analysé plus haut qu'aucune manoeuvre dolosive ne pouvait être retenue à l'encontre de la société Promocean BV (avec la complicité alléguée de la SAS Promocean France) du seul fait que les contrats de fourniture avaient été signés antérieurement aux contrats de licence ;

Considérant en conséquence que la SAS Thierry Mügler sera également déboutée de l'ensemble de ses demandes infiniment subsidiaires à l'encontre des sociétés Promocean BV et Promocean France sur le fondement du dol ;

VII : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que dans la mesure où la SAS Thierry Mügler est déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Promocean BV, la demande en garantie formée par celle-ci à titre subsidiaire à l'encontre de la société BP Europa SE devient sans objet ;

Considérant que la SAS Promocean France ne justifie pas que la SAS Thierry Mügler aurait abusé de son droit d'ester en justice et d'user des voies de recours prévues par la loi, ni du préjudice distinct qu'elle aurait subi de ce fait ; qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer aux sociétés Promocean BV, Promocean France et BP Europa SE la somme de 20.000 € chacune au titre des frais par elles exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant que la SAS Thierry Mügler sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la SAS Thierry Mügler, partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel ;

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après renvoi de cassation et dans les limites de celle-ci ;

Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Dit que la SAS Thierry Mügler justifie de la titularité de ses droits sur ses marques semi-figuratives 'Thierry Mügler' française et communautaires numéro 92414902, 001760370 et 000188979 ;

Dit que la portée de la protection accordée par l'enregistrement des dites marques ne s'étend pas aux stations météo ;

Dit que par la conclusion des contrats de licence de marque concédés les 06 octobre 2005 et 23 mars 2006 à la société Promocean BV, la SAS Thierry Mügler a épuisé ses droits sur les dites marques ;

Dit que la SAS Thierry Mügler ne justifie pas de motifs légitimes pour s'opposer aux commercialisations litigieuses de produits portant la marque 'Thierry Mügler' ;

Déboute en conséquence la SAS Thierry Mügler de l'ensemble de ses demandes principales en contrefaçon de ses marques 'Thierry Mügler' à l'encontre des sociétés Promocean BV et BP Europa SE ;

Déboute la SAS Thierry Mügler de l'ensemble de ses demandes subsidiaires à l'encontre des sociétés Promocean BV sur le fondement de la responsabilité contractuelle et Promocean France sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ainsi que de ses demandes infiniment subsidiaires à l'encontre des dites sociétés sur le fondement du dol ;

Déclare sans objet la demande subsidiaire de la société BP Europa SE en responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Promocean BV ;

Déclare sans objet la demande en garantie de la société Promocean BV à l'encontre de la société BP Europa SE ;

Déboute la SAS Promocean France de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SAS Thierry Mügler pour procédure abusive ;

Condamne la SAS Thierry Mügler à payer aux sociétés Promocean BV, Promocean France et BP Europa SE la somme de VINGT MILLE EUROS (20.000 €) chacune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Déboute la SA Thierry Mügler de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Thierry Mügler aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/18348
Date de la décision : 05/06/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°10/18348 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-05;10.18348 ?
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