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29/05/2013 | FRANCE | N°12/03112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 29 mai 2013, 12/03112


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 29 MAI 2013



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03112



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2010F00118



APPELANTE



La SA EUROMEDIA FRANCE, venant aux droits de la société EURO MEDIA TELEVISION, prise en la personne de ses représentant

s légaux,

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Patrick BETTAN de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078, avocat postulant

assis...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 29 MAI 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03112

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2010F00118

APPELANTE

La SA EUROMEDIA FRANCE, venant aux droits de la société EURO MEDIA TELEVISION, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Patrick BETTAN de la SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078, avocat postulant

assistée de Me William LASKIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [J] [M]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Ariel FERTOUKH de la SELARL CABINET FERTOUKH, avocat au barreau de PARIS, toque : J079,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseillère

Mme Isabelle REGHI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Alexia LUBRANO

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 28 janvier 2002, la compagnie des entrepôts et magasins généraux de Paris dite EMPG a donné à bail à M [M] pour une durée de 12 années entières et consécutives qui ont commencé à courir rétroactivement le 1er février 1997, le lot n°27 dépendant du bâtiment 208/209 dans l'ensemble immobilier dénommé le Centrum [Adresse 4], pour une destination de vente en gros et demi-gros de textiles, habillement et articles pour l'équipement de la maison.

Le 16 novembre 2004, la société EMGP qui entendait effectuer des travaux de rénovation dans la partie de l'ensemble immobilier où se trouve le lot n° 27, a conclu avec M [M] un nouveau bail d'une durée de 12 années entières à compter du 1er décembre 2004 pour des locaux situés bâtiment [Adresse 3].

La société Les studios d'Arpajon, filiale de la société Euro Media Television, suivant bail du 19 juin 1998 puis la société Euro Media France venant aux droits de la société Euro media Télevision suivant bail du 1er décembre 2006 ont loué successivement, pour les besoins d'enregistrement et du tournage d'émissions de télévision, le bâtiment 217 se trouvant face au bâtiment 211, composé d'une salle susceptible d'accueillir du public, un amphithéâtre et une salle de stockage.

Alléguant subir des troubles anormaux de voisinage du fait des agissements de la société Euro Média Television, M [M] a obtenu du juge des référés du Tribunal de commerce de Bobigny la désignation d'un expert M [V] qui a déposé son rapport le 1er octobre 2008 et sur la base duquel il a assigné au fond la société Euro Media Télévision, sollicitant la cessation des troubles et l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 14 février 2012, le Tribunal de commerce de Bobigny a :

- reçu M.[M] en sa demande principale, l'a dite partiellement fondée et y a fait droit partiellement,

- ordonné la dépose des groupes électrogènes mis en place par Euro Média Television près des bâtiments 211 et 217 sis sur le site [Adresse 4], sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant la date de signification de la décision, et son installation hors l'allée séparant les bâtiments 211 et 217,

- ordonné à Euro Média Television de ne pas bloquer la circulation dans l'avenue Victoir Hugo à Aubervillers et notamment DE permettre le libre accès de toutes personnes et véhicules au bâtiment 211,sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant de la date de signification de la décision,

- débouté M.[M] pour le surplus de sa demande,

-condamné la société Euro Media France à payer à M.[M] la somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts, déboutant M.[M] du surplus de sa demande à ce titre,

- condamné la société Euro Media France à payer la somme de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Euro Media France en tous les dépens.

La société Euro Media France a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions en date du 26 février 2013 demande à la Cour de :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bobigny en date du 14 février 2012 en ce qu'il a :

- reçu M [M] dans sa demande en principal, l'a dite partiellement fondée et y a fait droit partiellement,

- ordonné la dépose des groupes électrogènes mis en place par Euro Media Television, près des bâtiments 211 et 217 sis sur le site [Adresse 4], sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant de la date de signification de la présente décision, et son installation hors de l'allée séparant les bâtiments 211 et 217,

- ordonné à Euro Media France de ne pas bloquer la circulation dans l'avenue [Adresse 4] et notamment permettre le libre accès de toutes personnes et véhicules au bâtiment 211, sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant de la date de signification de la présente décision,

 - condamné la société Euro Média France à payer à Monsieur [M] la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Euro Media France à payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Euro Media France en tous les dépens.

Statuant à nouveau :

A titre principal,

Constater l'absence de troubles anormaux de voisinage,

Constater l'absence de faute de la société Euro Medi France au sens de l'article 1382 du Code civil,

Débouter en conséquence M [M] de l'ensemble de ses demandes,

 A titre subsidiaire,

Au cas où, par impossible, la Cour devait considérer que la société Euro Media France aurait été à l'origine de nuisances qui auraient été de nature à causer à M. [M] des troubles anormaux de voisinage,

 Juger que les troubles allégués n'ont pas entraîné de préjudice,

Juger qu'il a été mis fin aux troubles par les mesures diligentées par la société Euro Media France,

Débouter M [M] en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel, 

Condamner M [M] à verser à la société Euro Media France la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En tout état de cause,

 Condamner M [M] à verser à la société Euro Media France la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui devront comprendre les frais d'expertise, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Statuer ce que de droit sur les dispositions de l'article 32- 1 du Code de procédure civile relatives à la condamnation d'une amende pénale.

M [M], par ses dernières conclusions signifiées le 7 mars 2013, demande à la Cour de :

Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôturé intervenue le 6 mars 2013,

Constater que M.[M] confirme la renonciation à invoquer l'incident de communication de pièces de la société Euro Media déjà exprimé dans ses conclusions signifiées le 26 février 2013,

Déclarer les demandes de la société Euro Media mal fondée et l'en débouter,

Confirmer la décision déférée, en ce qu'elle a :

- ordonné la dépose des groupes électrogènes mis en place par Euro Media Télévision près des bâtiments 211 et 217 sis sur le site du [Adresse 4], sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant la date de signification de la décision,

- ordonné à Euro Media Television de ne pas bloquer la circulation dans l'avenue [Adresse 4] et notamment permettre le libre accès de toutes personnes et véhicules au bâtiment 211, sous astreinte de 500 € par jour de retard limitée à 6 mois à compter du 1er jour du mois suivant de la date de signification de la décision,

- condamné la société Euro Media Television à payer à M.[M] la somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts,

- condamné la société Euro media France à payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Euro Media France en tous les dépens,

Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

Ordonner la suppression des tournages et répétitions pendant les jours de la semaine tant que les locaux loués par l'intimé s'effectue côté du bâtiment 211 et ou que Euro Media France impose la limitation, la suppression, le filtrage de l'accès à la rue où se situe l'entrée du bâtiment 211,

Ordonner l'interdiction pour Euro Media Television à installer des groupes électrogènes tels qu'ils ont procédés jusqu'à présent et ce en violation des règles telles que décrites dans le rapport de M. [Y],

Condamner la société Euro Media Television à régler à M.[M] les sommes suivantes :

a- Sur le préjudice financier :

223 364,01 € correspondant au préjudice financier subi de 2007 à 2009,

55 732 € au titre de la réparation de son préjudice financier correspondant à la perte d'exploitation constatée en 2007 et 10 % de son chiffre d'affaire par année depuis les installations litigieuses,

86 003 € au titre de la réparation de son préjudice commercial, correspondant à la perte d'exploitation évaluée en 2008 selon la même méthode de calcul que celle constatée en 2007 dans le rapport de l'expert,

81 629,01 € au titre de la réparation du préjudice commercial sauf à parfaire, correspondant à la perte d'exploitation évaluée en 2009 selon la même méthode que celle constatée en 2007 dans le rapport de l'expert,

160 000 € au titre de la réparation du préjudice commercial sauf à parfaire, correspondant à la perte d'exploitation évaluée en 2010 et 2011 selon la même méthode que celle constatée en 2007 dans le rapport de l'expert,

Dire ces condamnations à payer les sommes de 223 364,01 € , 55 732 € , 86 003  €, 81 629,01 € et 160 000 € au titre du préjudice financier seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chacune des échéances et lesdits intérêts porteront eux-mêmes intérêts par application de l'article 1154 du code civil,

Condamner la société Euro Media France à payer la somme de 10 000 € au titre des frais d'huissier de justice et de l'expert [V] 3 000 € au titre des frais engagés pour l'établissement du rapport de M [C] et 4 5924,22 € au titre des frais engagés pour l'établissement du rapport de M. [Y],

b- Sur le préjudice moral :

50 000 € au titre du préjudice moral découlant de la gêne occasionnée par les installations de la société Euro Media,

Condamner la société Euro Media à payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Euro Media aux dépens comprenant les frais de l'expertise, la procédure de référé, de première instance et d'appel.

SUR CE,

1- Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture :

Avant tout débat au fond, les deux parties ont manifesté leur accord pour la révocation de l'ordonnance de clôture du 6 mars 2013 qui a été effectivement révoquée le 13 mars 2013.

2-Sur les troubles de voisinage :

La société Euro Media France soutient que sa responsabilité civile ne peut être retenue à défaut de troubles anormaux de voisinage ; que le bail commercial dont bénéfice M [M] au terme duquel le bailleur doit assurer la jouissance paisible à son locataire ne lui est pas opposable et que sa responsabilité ne peut donc être recherchée sur le fondement de l'article 1719 du code civil comme l'a retenu à tort le tribunal ; que le trouble de voisinage doit pour entraîner la mise en oeuvre de la responsabilité civile, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de celui qui en est à l'origine être anormal en intensité, gravité et être permanent ; que les troubles dont fait état M [M] concernant les mesures de sécurité mises en oeuvre à l'occasion du tournages d' émissions de télévision, les installations mises en place (groupes électrogènes, semi remorques) et les nuisances olfactives et sonores causées par ces installations, présentent un caractère tout à fait occasionnel puisque ces moyens ne sont mis en oeuvre qu'à l'occasion du tournage des émissions de télévision qui ont lieu principalement à partir du vendredi soir et de façon exceptionnelle en semaine le mardi soir, qu'un huissier, appuyant l'attestation du bailleur la société Icade, a constaté le caractère fluide la circulation un soir de tournage, que M [L] expert acoustique indique que le niveau sonore du groupe électrogène le plus proche de l'établissement de M [M] est compatible avec les normes en vigueur et que les groupes ne présentent aucun état de permanence comme veut le faire admettre M [M] puisqu' ils n'ont fonctionné que 159 jours en 2011, 129 jours en 2012, qu'ils sont conformes à leur destination et aux règles de sécurité ainsi qu'il résulte du rapport de M [E] et sont placés de telle façon à n'occasionner aucune gêne ainsi qu'il ressort du rapport de M [D] expert ; au surplus, elle s'estime fondée à opposer l'antériorité de l'activité dés lors que sa société filiale Les Studios d'Arpajon exploitait déjà et avant l'arrivée de M [M] une activité semblable à celle actuellement déployée dans les lieux de telle sorte que M [M] ne peut présenter de réclamation à cet égard et ne justifie d'ailleurs pas du préjudice qu'il allègue dans la mesure où il a pu continuer d'exercer normalement son activité commerciale.

M.[M] fait valoir que la société Euro Media ne peut opposer aucune antériorité d'exploitation dans la mesure ou la société des Studios d'[Localité 3] qui bénéficiait d'un bail distinct est autonome juridiquement, et que l'activité exercée dans les lieux par la société Euro Media ne s'exerce pas dans les mêmes conditions de sorte que les dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction ne trouvent pas à s'appliquer, que les troubles - nuisances sonores et olfactives, rétrécissement de la chaussée, danger pour les personnes et les biens -ont lieu aussi bien en semaine que les week-ends, que les groupes électrogènes sont installés de façon permanente et ne répondent pas aux exigences de sécurité puisqu'ils sont situés à moins de 10 mètres d'un établissement recevant du public et que l'un d'eux condamne une issue de secours, que l'accès aux locaux est rendu plus compliqué par la pose de barrières de sécurité, la neutralisation de places de parking, que les groupes électrogènes installés à demeure et les véhicules génèrent un bruit sourd et lancinant et des nuisances olfactives en dégageant des gaz toxiques en quantité supérieure à la moyenne autorisée surtout pour le gaz Nox, qu'il démontre ainsi la réalité de son préjudice et son lien avec les troubles de voisinage, qu'il s'estime fondé à voir ordonner la cessation des troubles par la suppression des tournages les jours de semaine ou en tout cas leur limitation ou la suppression de l'accès au public du bâtiment 211 coté rue ainsi que la suppression des groupes électrogènes installés en violation des règles de sécurité.

La société Euro Media France qui critique les dispositions du jugement ayant fait application à son endroit de l'article 1719 du code civil qui concerne les relations bailleur -locataire ne conteste pas sérieusement que la règle de droit suivant laquelle nul ne soit causer à autrui un trouble anormal de voisinage constitue celle applicable au litige bien qu'elle conteste au cas d'espèce le bien fondé de la demande.

2-1-Sur l'antériorité alléguée de l'activité :

L'allégation par la société Euro Média France que la société les studios d'[Localité 3] effectuait dans les lieux loués une activité semblable à celle déployée actuellement de sorte qu'elle est fondée à opposer aux demandes de M [M] l'antériorité de cette activité par rapport à son installation ne constitue pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau qu'elle est recevable à invoquer pour la première fois en cause d'appel pour voir écarter les prétentions adverses.

Au terme d'un bail signé le 1er juin 1998 entre la société Icade et la société les studios d'[Localité 3], celle-ci a été autorisée à exploiter dans le bâtiment 217 du site St Denis [Localité 4] une activité de réalisation, conception, vente, gestion, distribution et diffusion de toutes oeuvres audiovisuelles, émissions de télévision, spots publicitaires, oeuvres cinématographiques, clips convention spectacles, et plus généralement toute activité se rapportant à l'audio visuel et à l'événementiel, et dans ce cadre mettre ces locaux à disposition de ses clients, sans pouvoir y détenir des marchandises qui viendraient à être considérées comme hasardeuses ou dangereuses.

Si la destination convenue dans le nouveau bail signé le 30 novembre 2006 à effet du 1° décembre 2006 entre la société Euro Media Télévision, société mère de la société Les studios d'Arpajon, et la société Icade RMPG est la même que celle décrite dans le bail précédent, le nouveau bail précise cependant en outre qu'une partie des locaux est classée ERP relevant de la 1° catégorie et que le preneur devra à cet effet, accomplir les formalités requises par la réglementation et obtenir les autorisations nécessaires;

Les conditions dans lesquelles la société les Studios d'Arpajon a exploité les locaux et le type d'émissions de télévision qui y étaient enregistrées n'étant pas précisé, il ne peut être retenu que les conditions d'exploitation des locaux par la société Euro Media France qui organise des émissions destinée aux chaînes de télévision avec présence d'un important public et en direct soient strictement les mêmes entre les deux périodes d'exploitation par les deux sociétés ; il s'ensuit que les dispositions de l'article L 112-16 du code de la construction qui prévoient que les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque ../.. l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail a été établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.

2-2 -Sur l'existence des troubles de voisinage :

L'expert [V] indique dans son rapport que les désordres consistent par la mise en place d'un filtrage des passages dans la rue les jours d'émission, un rétrécissement du fait de la présence des groupes électrogènes alors au nombre de 3 et installés perpendiculairement au bâtiment 217, aggravé par la présence d'un semi remorque le long du bâtiment, qu'il existe un encombrement normal dans une zone d'activité mais que les générateurs, lorsqu'ils sont en fonctionnement, créent des nuisances olfactives et sonores. Il mentionne que la société Euro Media télévision a proposé de diminuer le nombre de groupes électrogènes situés face aux locaux de M [M], réduit de 3 à 2, que leur implantation soit parallèle à la voie et non perpendiculaire, ce qui permettra d'élargir la chaussée de 3,50métres et que le 3ème groupe soit déplacé vers le sud, que les cheminées soient surélevées de 2 mètres, que les horaires de fonctionnement soient modifiés et que le groupe 2 ne soit en fonctionnement que le vendredi vers 18 heures.

L'expert conclut que ces mesures sont de nature à supprimer tout préjudice anormal de voisinage pour l'activité de M [M], les locaux étant compris dans une zone d'activité comprenant des entrepôts dans lesquels sont exercées des activités de vente en gros et de nombreux studios d'enregistrement, le pole audiovisuel étant très important.

Il est rappelé dans le procès-verbal d'huissier établi le 26 mars 2012 à la requête de la société Euro Media que la société Euro Media exploite 11 studios d'enregistrement sur le site, de dimensions variant de 500 à 2000 m², que le bâtiment 217 comprend un studio susceptible d'accueillir 2 000 personnes, que l'agrément ERP a été obtenu pour cet établissement qui est le plus grand de la zone, dans lequel sont réalisées des émissions en direct de grand public telles que The Voice, Star academy, Danse avec les stars...que la réalisation de ces émissions impose l'utilisation de groupes électrogènes puissants, qu'un groupe sur les trois a été éliminé, que l'un des deux restant a été déplacé à plus de trente mètres de l'établissement de M [M], que le groupe électrogène restant a été placé parallèlement et non plus perpendiculairement, que des cheminées d'une hauteur d'environ 7 mètres ont été mises en place, outre des palissades pour atténuer les bruits ;

Le procès verbal indique également que le principe de démarrage des machines a été modifié de telle manière que le groupe le plus éloigné démarre entre 7 heures et 8 heures du matin, quasi uniquement certains vendredis et /ou le samedi, celui étant plus près de l'établissement démarrant entre 17 heures et 18 heures, quasi uniquement certains vendredis et/ou le samedi, c'est -à dire après la fermeture du 'magasin [M]', que le groupe situé face au show-room de M [M] n'est jamais mis en marche avant 17 heures/18 heures, le magasin de M [M] étant fermé à cette heure là, que les opérations en direct s'effectuent exceptionnellement en semaine, qu'en 2011, les groupes électrogènes ont été posés au sol durant cinq mois et ont été utilisés 24 jours dont sept samedis, que du 1er janvier au 4 avril 2012, il n'y aura pas eu de groupe électrogène posé au sol, face à la société de M [M], que du 5 avril au 12 mai 2012, il y aura une utilisation des groupes le samedis seulement, que du 2 juin au 31 août 2012, l'utilisation des groupes aura lieu le vendredi soir, que les services de sécurité laissent passer la clientèle de M [M] ;

Il ne peut être contesté que l'installation de trois groupes électrogènes, en outre des cars régie, dans la rue séparant le bâtiment 217 occupé par la société Euro Media télévision aujourd'hui Euro Media France et le bâtiment donné à bail à M [M], a été les jours d'enregistrement des émissions en direct une source de trouble de jouissance du fait d' un rétrécissement important de la chaussée et de nuisances olfactives et sonores créées par la proximité des trois groupes et l'insuffisante hauteur des cheminées permettant l'évacuation des gaz, fut ce manière occasionnelle mais répétée ;

La société Euro Media France a d'ailleurs proposé devant l'expert des modifications concernant la réduction du nombre des groupes passé de 3 à 2, une implantation différente des deux groupes subsistant, ainsi que relaté au procès-verbal sus visé et un processus de mise en oeuvre de ces groupes, habituellement les vendredis, à partir 7/8 heures pour celui le plus éloigné du bâtiment 211 et de 18 heures pour celui qui en est le plus proche ainsi qu'une surélévation de la hauteur des cheminées de façon à ne pas renvoyer les gaz vers l'établissement de M [M], et l'établissement d'une barrière de protection en principe destinée à limiter les nuisances sonores.

M. [M] n'établit pas que les mesures concernant l'implantation des groupes électrogènes n'ont pas été respectées d'une part et que ceux-ci seraient en infraction avec les règles de sécurité régissant les établissements recevant du public en créant un danger pour le public et le voisinage d'autre part.

Il convient à cet égard de relever qu'il n'existe aucune contestation concernant les périodes durant lesquelles les groupes électrogènes ont été installés au sol soit pour les périodes récentes du 29 janvier au 17 décembre 2010, du 26 août au 18 décembre 2011 et d'avril à décembre 2012 ;

Le rapport de M [Y] produit par M [M] indique que les groupes sont installés durablement et font partie intégrante du bâtiment 217 même si leur utilisation correspond aux périodes d'enregistrement, qu'ils ne sont pas utilisés de façon exceptionnelle mais fonctionnent à vide pendant les enregistrements, que les contraintes fixées par l'arrêté du 25 juillet 1997 leur sont donc applicables, en ce qu'ils doivent être installés à 10 mètres de la façade, que de même la cuvette de rétention du fuel ne répond pas aux exigences de sécurité.

Or cette appréciation est contredite par celle émanant de deux autres experts près la cour d'appel M [E] et M [D] qui, bien que leurs rapports aient été dressés amiablement, contiennent tous deux des constatations précises concernant les périodes d'installation qui ne sont pas contestées sérieusement par M [M] et qui démentent le caractère fixe des installations des groupes électrogènes ; ils indiquent que l'installation autonome des deux groupes a été déclarée, qu'elle n'est que semi- permanente et ne répond pas aux exigences des installations fixes à demeure, que le nombre de jours d'utilisation est limitée à deux jours répétés vingt fois dans l'année (rapport [E]) à vingt cinq jours (rapport [D]) et qu'ils sont démontés périodiquement, que les distances d'implantation par rapport aux tiers et à la libre circulation sont respectées, soit plus de huit mètres du bâtiment [M] pour le premier, plus de trente mètres pour le second, que concernant les dégagements et issues de secours, la commission de sécurité a validé l'ensemble des dispositions relatives à l'évacuation du public ; la démonstration n'est donc pas faite que la société Euro Media France ne respecterait pas l'ensemble des dispositions applicables aux établissements recevant du public, y compris en ce qui concerne l'implantation des groupes électrogènes nécessaires à son activité dont le caractère de permanence n'est pas établi.

M [D] affirme au surplus sans être sérieusement contredit que l'implantation des deux groupes ne gêne pas l'accès des pompiers, que leur localisation actuelle est la plus adaptée contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport [C] ;

S'agissant de l'existence des nuisances sonores et olfactives également évoquée dans le rapport de M [C], expert, il doit être relevé que celui-ci ne relate aucune constatation à laquelle il aurait procédé personnellement, se bornant à rappeler les doléances de M [M] concernant le fait que les installations sont source de gêne importante et de préjudice pour cet établissement en réduisant l'espace de circulation et en produisant des odeurs désagréables, sans indiquer précisément en quoi la surélévation des cheminées n'aurait pas permis de réduire de façon importante les nuisances olfactives de sorte que ce rapport est sans portée véritable.

Les procès- verbaux des huissiers de justice intervenus sur les lieux à la demande de M [M] font également état de nuisances sonores sans faire cependant le constat de mesures précises auxquelles ils auraient procédé et qui soient de nature à contredire les constatations de M [L], expert en acoustique ; dans sa note du 13 mars 2012, il y indique que le groupe électrogène est, selon les besoins, d'une puissance de 800 kva correspondant à un niveau acoustique de 95 décibels, ou 1250 kva correspondant à un niveau acoustique de 104 décibels, que les dispositifs de protection mis en place consistant à déporter l'échappement et à réaliser une enceinte en bardage sont de nature à réduire le bruit pour 800 kva à 55 décibels, pour 1250 kva à 64 décibels, que le niveau de bruit mesuré à l'entrée de l'établissement de M [M] est de 67décibels soit, à 2 décibels prés, le niveau requis en zone d'activités commerciales, industrielles qui est de 65 décibels.

Concernant le rétrécissement de la chaussée entre les bâtiments 217 et 211, elle a été corrigée par la nouvelle implantation des groupes électrogènes et la démonstration n'est pas faite que les mesures de sécurité exigées par la présence du public sont de nature à restreindre l'activité de M [M] dans la mesure où ces dispositifs sont principalement mis en place à partir de 18 heures le vendredi, à une heure où son établissement est fermé, la société Euro Media France ayant pris l'engagement par ailleurs d'installer ses semi remorques de façon à restreindre la gêne inhérente à leur présence qui n'excède pas le trouble normal de voisinage dans une zone d'activité ;

Il s'ensuit que si, avant les mesures adoptées par la société Euro Media France telles que consignées dans le procès-verbal de constat d'huissier du 26 mars 2012, M [M] était fondé à se plaindre de l'existence de troubles anormaux de voisinage, ces mesures sont de nature à restreindre de façon significative les nuisances causées et à permettre de considérer que celles-ci ne constituent plus, dans un environnement de parc d'activités et à la condition que les jours de tournage des émissions en direct en semaine-hors les vendredis-demeurent à caractère exceptionnel, des troubles anomaux de voisinage ;

Il n'y a donc pas lieu de procéder à des interdictions concernant l'utilisation des groupes électrogènes ;

S'agissant de la limitation demandée des jours de tournage, il n'y a pas lieu d'y procéder davantage, étant cependant observé que, s'agissant de la mise en oeuvre des mesures prises, la société Euro Media France qui est en mesure en principe de prévoir les jours de tournage des émissions en direct s'était engagée devant l'huissier le 26 mars 2012 à ce qu'il n'y ait aucune utilisation des groupes du samedi 5 avril au 12 mai 2012 ; or M [M] établit par des constats d'huissier que le groupe électrogène a fonctionné en semaine les 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 avril 2012 ; les autres constats d'huissier qu'il produit en revanche pour les autres années ne font état que de fonctionnement des groupes les vendredis et la société Euro Media France affirme notamment sans être démentie que les groupes n'ont été utilisés qu'un seul jour en semaine (le mardi) en 2011 ;

2-3- Sur la réparation du préjudice :

Des documents comptables communiqués, il ressort que l'activité de M [M] est en progression constante depuis 2005 à l'exception d'un léger tassement en 2009 où il a cependant connu un résultat d'exploitation positif ; il n'est donc pas établi comme l'ont justement souligné les premiers juges que les nuisances occasionnées avant les mesures prises ont eu un résultat négatif sur l'activité commerciale de M [M], l'attestation de son expert comptable qui n'est appuyée par aucun élément probant concernant notamment les ventes réalisées les jours de tournage étant impropre à faire la preuve d'une perte du chiffre d'affaires en lien avec ceux-ci ; son préjudice résulte donc uniquement de la gêne occasionnée dans l'exercice de son activité à ses clients et fournisseurs et partant à son image commerciale et du non respect ponctuel des engagements pris par la société Euro Media France, ce qui justifie de l'indemniser par une somme de 40 000 € qui portera intérêts au taux légal à compter du jugement pour la somme de 20 000 € et pour le surplus à compter du présent arrêt.

3- Sur les autres demandes :

La société Euro Media France supportera les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise de M [V] ainsi que les dépens de l'instance en référé ; elle paiera à M [M] la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'ensemble des frais irrepétibles qu'il a exposés, le coût de l'expertise [Y] restant à la charge de ce dernier.

La société Euro Media France ne fait pas la démonstration d'un abus du droit de procéder par M [M] qui obtient pour partie satisfaction tant en première instance qu'en cause d'appel ; elle sera déboutée de sa demande en dommages intérêts.

PAR CES MOTIFS

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 6 mars 2013, et la nouvelle ordonnance de clôture du 13 mars 2013,

Réformant le jugement déféré,

Condamne la société Euro Media France à payer à M [M] une somme de 40 000 € à titre de dommages intérêts,

Condamne la société Euro Media France à payer à M [M] une somme de 20 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépetibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit que les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de l'expertise [V] et ceux de référé seront supportés par la société Euro Media France et

seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/03112
Date de la décision : 29/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°12/03112 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-29;12.03112 ?
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