RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 28 Mai 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08201
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2011 par Conseil de prud'hommes de MEAUX RG n° 08/00925
APPELANTS
Madame [H] [M] veuve [I], ayant droit de Monsieur [Y] [I]
[Adresse 4]
[Localité 4]
Monsieur [W] [I], ayant droit de Monsieur [Y] [I]
représenté par sa tutrice Mme [H] [I]
[Adresse 4]
[Localité 4]
comparants en personne,
assistés de Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105
Monsieur [F] [I] , ayant droit de Monsieur [Y] [I]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Monsieur [D] [I], ayant droit de Monsieur [Y] [I]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Monsieur [C] [I], ayant droit de Monsieur [Y] [I]
Chez Monsieur [X] [A]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentés par Me Patrick CHADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105
INTIMEE
SA OMNIUM GESTION ET DE FINANCEMENT (OGF)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Greffier : Mademoiselle Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
La cour est saisie de l'appel interjeté par Mme [H] [I], veuve de M. [Y] [I], [W] [I], représenté par sa mère, [F], [D] et [C] [I], ayants droit de feu [Y] [I], qui seront ci-après dénommés dans l'arrêt les consorts [I], du jugement rendu le 29 avril 2011 par le Conseil des Prud'hommes de MEAUX par le juge départiteur statuant seul après avis des conseillers présents, lequel jugement a :
- dit que le licenciement de M. [Y] [I] prononcé par la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) le 7 avril 2008 était justifié par une faute grave,
- débouté en conséquence Mme [H] [I], veuve de M. [Y] [I], [W] [I], représenté par sa mère, [F], [D] et [C] [I], ayants droit de feu [Y] [I], de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Mme [H] [I], veuve de M. [Y] [I], [W] [I], représenté par sa mère, [F], [D] et [C] [I], ayants droit de feu [Y] [I], aux dépens.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 25 juillet 1988 M. [Y] [I] a été embauché par la société ROBLOT en qualité d'employé technique stagiaire.
Le 1er juillet 1991 la société ROBLOT a été reprise par la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) au sein de laquelle M. [Y] [I] a exercé les fonctions successives de chef de bureau, chef d'agence, sous directeur et, enfin, directeur de marque du secteur opérationnel de [Localité 6] pour un salaire mensuel brut s'élevant en dernier lieu à 4.528,49 €.
La convention collective applicable était celle des pompes funèbres.
Le 13 mars 2008 M. [Y] [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue de licenciement, entretien fixé au 25 mars suivant. Par la même lettre M. [Y] [I] faisait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 avril 2008 M. [Y] [I] a été licencié pour faute grave.
Il était reproché à M. [Y] [I] 3 types de griefs, à savoir :
- de faire montre d'un comportement vulgaire et agressif (cette agressivité étant décuplée sous l'influence de l'alcool) avec des propos vexatoires et humiliants répétés vis à vis de ses collaborateurs, ces faits étant, selon l'employeur, constitutifs de harcèlement moral et en tous cas présentant un caractère fautif,
- de malveillance et d'intention de nuire, faits caractérisés par des détournements de commandes au préjudice de collaborateurs (MM [E] et [WQ]), ainsi privés de commissionnements, et ce, au profit de son épouse également salariée de la société,
- de détournement de matériel, à savoir de l'emprunt, pendant une durée de 6 mois, d'un nettoyeur haute pression à l'usage de la société pour laquelle ledit matériel n'aurait servi qu'une seule fois.
M. [Y] [I] est décédé le [Date décès 1] 2008, soit 12 jours après son licenciement.
°°°
C'est dans ces circonstances que les consorts [I] ont initié la procédure qui a donné lieu au jugement dont appel dont ils poursuivent l'infirmation en contestant l'intégralité des griefs ayant motivé le licenciement et en demandant à la cour de statuer à nouveau et de juger le licenciement de M. [Y] [I] sans cause réelle et sérieuse en condamnant la SA OGF à leur payer :
- 27.740,16 € au titre du préavis,
- 2.774 € pour les congés payés afférents,
- 3.565 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied,
- 356,50 € pour les congés payés afférents,
- 30.514,18 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 120.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 15.000 € pour licenciement vexatoire,
- 155.077,10 € pour perte du capital décès,
- 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
°°°
La SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) conclut à la confirmation du jugement dont appel et au débouté des consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes ainsi qu'à leur condamnation à lui payer 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle précise que le bénéfice de l'assurance groupe relatif au régime obligatoire de prévoyance 'incapacité-invalidité-décès' est expressément réservé aux salariés de la société et que, à la date de son décès, M. [Y] [I] n'avait plus cette qualité.
SUR CE,
Considérant que les griefs formulés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, sont précis ;
Considérant que les attestations versées aux débats par chacune des parties au litige sont contraires en fait ;
Qu'ainsi les consorts [I] produisent des attestations faisant l'éloge de M. [Y] [I] et mentionnant qu'il s'agissait à la fois d'un bon professionnel et d'un homme courtois (attestations [Z], [CC], [K], [P], [T], [G], [N] ....) ;
Mais considérant que, comme l'a justement fait observer le premier juge, ce n'est pas parce que certaines personnes n'ont pas eu à se plaindre du comportement de M. [Y] [I], que d'autres ne se sont pas trouvées dans une situation inverse ;
Qu'il ressort ainsi d'un grand nombre d'attestations (qui même si elles ne sont pas conformes à l'article 208 du code de procédure civile constituent un commencement de preuve) et surtout de l'audition sur plusieurs jours des mêmes témoins ([B], [Q], [J], [CC], [R], [OL], [U], [S], [WQ], [O]...) par la responsable des ressources humaines de la société
(Mme [V] [L]) que M. [Y] [I] était 'malpoli' et coutumier, envers les personnes en question, de vulgarité, utilisant un vocabulaire de salle de garde ('vous me faites chier', 'vous me gonflez', 'vous m'emmerdez' , les traitant à l'occasion de 'condamne ' et de 'burne' ; que certaines personnes ont eu un ressenti tel qu'elles se sont trouvées dans l'obligation de consulter et de se faire prescrire un traitement anxiolytique, d'autres personnes indiquant que seul leur tempérament fort leur avait permis de surmonter la situation ;
Que ce comportement indéniablement vulgaire et grossier, s'il est répréhensible et en tous cas inadapté de la part d'un responsable envers ses collaborateurs, ne s'analyse toutefois pas en harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail qui énonce que : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.', dès lors qu'il était cantonné à des mots, certes malvenus, mais exempts de faits concrets (d'agissements), de menaces ou de voies de faits envers les personnes en question ;
Qu'il s'ensuit que ledit comportement, à l'évidence fautif et certes mal ressenti par certaines personnes, est insuffisant pour justifier un licenciement pour faute, mais justifie à lui seul un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ceci sans qu'il y ait matière à examiner les deux autres séries de griefs qui ne sont pas précisément établis au vu des éléments du dossier résultant de simples allégations dont la matérialité n'est pas rapportée ;
Considérant que le fait de retenir que le licenciement de M. [Y] [I] était fondé sur une cause réelle et sérieuse prive ses ayants droit des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages intérêts pour licenciement vexatoire ;
Considérant que les consorts [I] sont toutefois fondés à solliciter les indemnités de rupture à savoir :
- Le préavis, à hauteur de 27.170,94 €, et les congés payés afférents à hauteur de 2.717,09 € ,
- l'indemnité de licenciement à hauteur de 24.923,10 €,
ainsi que :
- Le salaire de mise à pied à hauteur de 3.565 € et les congés payés afférents à hauteur de 356,50 € ;
Considérant que, s'agissant de la demande au titre du capital décès, force est de constater que le licenciement pour faute et mise à pied conservatoire de M. [Y] [I] l'a empêché d'effectuer son préavis ce dont il résulte qu'à la date de son décès il ne faisait plus partie des effectifs de la société ;
Que le fait par l'employeur de choisir d'initier une procédure de licenciement pour faute grave avec mise à pied immédiate a eu pour effet de sortir M. [I] des effectifs de l'entreprise et de priver ses ayants droit du capital décès qu'ils auraient perçus dans le cas contraire ;
Que le licenciement étant jugé par la cour comme étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce dont il résulte que le salarié aurait dû effectuer un préavis et continuer à faire partie des effectifs de la société, rend ces ayants droit fondés à solliciter le paiement de l'équivalent du capital décès auprès de l'employeur ;
Que celui-ci sera donc condamné à leur payer 155.077,10 € pour perte du capital décès ;
Considérant que l'équité commande de condamner la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) à payer aux consorts [I] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Réforme partiellement le jugement dont appel et, statuant à nouveau,
Juge le licenciement de M. [Y] [I] par la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) non fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Déboute les consorts [I] de leur demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire ;
Alloue aux consorts [I] les indemnités de rupture, à savoir :
- Le préavis, à hauteur de 27.170,94 €, et les congés payés afférents à hauteur de 2.717,09 € ,
- l'indemnité de licenciement à hauteur de 24.923,10 €,
ainsi que :
- Le salaire de mise à pied à hauteur de 3.565 € et les congés payés afférents à hauteur de 356, 50 € ;
- 155.077,10 € pour perte du capital décès ;
Condamne la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) à payer aux consorts [I] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA OMNIUM GESTION ET FINANCEMENT (OGF) aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE