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23/05/2013 | FRANCE | N°12/03457

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 23 mai 2013, 12/03457


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 23 MAI 2013



(n° 308 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03457



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201108224





APPELANTE



SA OTCEX

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, y domicilié en cette qualité


[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par la SCP GALLAND - VIGNES (Me Philippe GALLAND avocat au barreau de PARIS, toque : L0010)

Assistée de Me Antoine VIVANT et de Me Audrey MEGRE...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 23 MAI 2013

(n° 308 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03457

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201108224

APPELANTE

SA OTCEX

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, y domicilié en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SCP GALLAND - VIGNES (Me Philippe GALLAND avocat au barreau de PARIS, toque : L0010)

Assistée de Me Antoine VIVANT et de Me Audrey MEGRET ROTH MEYER (avocat au barreau de PARIS, toque : D1091)

INTIMEES

SA TSAF OTC

agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

SA FINANCE 2000

agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

SA TRADITION SECURITIES AND FUTURES

agissant poursuites et diligences en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Assistées de Me Bruno DUCOULOMBIER (avocat au barreau de PARIS, toque : P0419)

Représentées par Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère, et Mme Maryse LESAULT, conseillère, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Evelyne LOUYS, Présidente de chambre

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

Mme Maryse LESAULT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Evelyne LOUYS, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

FAITS CONSTANTS :

Les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 sont filiales de la compagnie Financière TRADITION, elle même contrôlée par VIEL & Cie, qui se présente comme l'un des leaders mondiaux du secteur des IDB (Inter Dealer Broker).

La société OTCEX SA est une entreprise d'investissement spécialisée dans les «'produits dérivés actions et indices'» sur les marchés européens essentiellement pour le compte d'établissements bancaires.

Sur requête de la société OTCEX, visant le débauchage de 8 de ses anciens salariés par la compagnie FINANCIERE TRADITION, une première ordonnance a été rendue le 6 octobre 2011, missionnant Me [V] [S]-[J], huissier audiencier du tribunal de commerce de Paris, au visa de l'article 145 du code de procédure civile aux fins': d'une part de se faire communiquer ou rechercher un certain nombre de documents (contrats de travail, correspondances') de nature à établir les faits allégués concernant les 8 salariés concernés et, d'autre part, de recueillir les déclarations des dirigeants de la société concernée sur les fonctions actuelles de ces salariés, les marchés sur lesquels ils interviennent et les clients traités.

Par ordonnance du 22 novembre 2011 à la requête des intimées, il a été ordonné à Me [S] de conserver en séquestre tous les documents, déclarations et informations recueillis.

La société OTCEX SA a obtenu une seconde ordonnance sur le même fondement le 26 octobre 2011, désignant le même huissier, aux fins de se faire communiquer ou rechercher les ordres traités ou conclu par les 8 salariés avec un certain nombre d'opérateurs du marché dénommés, les tableaux «'profits & losses'» réalisés par chacun d'eux avec les clients précités et les archives des correspondances «'chat Bloomberg'» entre ces derniers.

Cette seconde ordonnance a précisé que l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier sera conservé par lui en séquestre jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par décision de justice contradictoire ou accord amiable des parties.

Les deux missions ont été exécutées le 17 novembre 2011 avec établissement le 24 novembre 2011 d'un procès-verbal de constat converti partiellement en procès-verbal de difficultés.

Par assignation du 7 décembre 2011, délivrée au visa des articles 16, 145 et 493 du code de procédure civile, les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 ont saisi le premier juge afin de voir rétracter les ordonnances sur requêtes des 6 octobre et 26 octobre 2011 et déclarer nuls les procès-verbaux établis en suite de leur exécution, en raison de l'absence de motif légitime et du caractère illicite des mesures ordonnées.

Par ordonnance entreprise rendue contradictoirement le 14 février 2012, le tribunal de commerce de Paris, statuant en formation collégiale, a':

-ordonné la rétractation de l'ordonnance du 26 octobre 2011,

-débouté les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 de leur demande de rétractation de celle du 6 octobre 2011,

-ordonné à l'huissier qui avait été désigné de restituer aux parties auprès desquelles elle les avait obtenus les documents saisis en exécution de l'ordonnance du 26 octobre 2011, étant précisé que ces documents seront quérables en l'étude pendant un délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance ou, passé ce délai, détruits par l'huissier,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civil.

La société OTCEX a relevé appel de cette ordonnance le 23 février 2012.

La clôture a été prononcée le 20 mars 2013.

PRETENTIONS ET DEMANDES DE L'APPELANTE :

Par conclusions du 12 mars 2013 auxquelles il convient de se reporter, la société OTCEX demande à la Cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile de':

- dire qu'il existait bien un motif légitime pour elle de solliciter les mesures ordonnées par les deux ordonnances des 6 et 26 octobre 2011,

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du 14 février 2012 en ce qu'elle a débouté les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 6 octobre 2011,

- l'infirmer en ce qu'elle a rétracté celle du 26 octobre 2011,

Statuant à nouveau, «confirmer» l'ordonnance du 26 octobre 2011,

En conséquence,

- débouter les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 de leurs demandes,

- condamner les sociétés TSAF OTC, TRADITION SECURITIES AND FUTURES et FINANCE 2000 à lui payer 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec, pour ceux d'appel, recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ces demandes elle fait valoir pour l'essentiel':

-qu'elle dispose d'un motif légitime, car huit de ses salariés représentant environ le 1/3 de l'effectif exerçant les fonctions de «'broker'» ont démissionné entre le 12 avril et le 29 novembre 2011, puis le 18 juillet 2011, ce qui a provoqué une désorganisation profonde de l'entreprise, un détournement de clientèle et une baisse de chiffre d'affaires'; que ces salariés ont été débauchés par l'une ou l'autre des filiales de la compagnie Financière Tradition, à [Localité 8] [Localité 7] et [Localité 3] dans le cadre des activités d'intermédiation financière de Finacor, comme établi par les fiches Bloomberg': 3 d'entre d'eux, MM.[U], [L] et [G] ont été embauchés par Finacor et associés ayant son siège à [Localité 3], et filiale à 100% de la Compagnie Financière Tradition, cela dans l'unique but de contourner une clause de non concurrence d'une durée de 6 mois s'étendant à [Localité 8], au Royaume Uni et à la Suisse. Quatre autres ont été embauchés à [Localité 7] par une des filiales de la Compagnie la sociétés TSAF SA et sa filiale londonienne,

-qu'en raison de l'extrême facilité du groupe VIEL, son concurrent, à dissimuler les preuves, toutes sur supports dématérialisés, elle n'avait d'autre moyen que de recourir à une mesure non contradictoire,'; que les deux ordonnances rendues les 6 et 26 octobre exécutées le 17 novembre 2011 ont confirmé les soupçons relatifs aux agissements de concurrence déloyale et mis en évidence l'obstruction systématique des intimées,

-que la motivation ayant conduit à rétracter l'ordonnance du 26 octobre est erronée et en tout état de cause insuffisante à fonder cette décision'; qu'aucun texte ne l'obligeait lors de la seconde requête à faire état de la précédente'; qu'au surplus c'est parce que le premier juge saisi avait estimée trop large la demande de communication des tableaux P&L et la liste des clients des huit salariés et lui avait recommandé de déposer une requête complémentaire sur ces documents mais uniquement en ce qu'ils étaient susceptibles de la concerner, qu'elle a obtenu la seconde ordonnance,

-que les faits démontrent la nécessité de la mesure et que celle-ci a été circonscrite sans qu'il n'ait été porté atteinte aux intérêts fondamentaux de la société TSAF, ni au secret des affaires, au demeurant non opposable en présence d'un motif légitime et de la nécessité de déroger au principe du contradictoire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES INTIMEES :

Par dernières conclusions du 19 mars 2013, auxquelles il convient de se reporter les sociétés intimées demandent à la Cour au visa des articles 16, 145 et 493 du code de procédure civile, de :

- voir écarter des débats les pièces 15 à 19, 26 à 29 et 37 listées par OTCEX dans ses requêtes des 6 octobre 2011 et 20 octobre 2011 ainsi que dans ses conclusions d'appel du 23 mai 2012 pour ne pas leur avoir été pas communiquées en ce qui concerne les pièces 17 et 37, et pour ne pas avoir été traduites en français s'agissant des autres pièces,

- voir mettre TSAF OTC et FINANCE 2000 hors de cause,

- dire que la société OTCEX ne justifiait pas de circonstances l'autorisant à présenter ses demandes de mesures d'instruction in futurum par voie de requête non contradictoire, ni d'un intérêt légitime aux mesures sollicitées,

- dire que les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles,

En conséquence de':

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance rendue le 26 octobre 2011,

- l'infirmer en ce qu'elle les a déboutées de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 6 octobre 2011,

- dire nul et non avenu le procès-verbal converti partiellement en procès-verbal de difficultés le 17 novembre 2011 par Me [V] [S], sur le fondement de l'ordonnance du 6 octobre 2011,

- ordonner la destruction par Me [V] [S] du premier original de ce procès-verbal,

- ordonner la restitution immédiate à leur profit de tous les documents et informations appréhendés,

En tout état de cause':

- condamner la société OTCEX à verser en application de l'article 700 du code de procédure civile à TSAF la somme de 15000 € et , aux sociétés TSAF OTC et FINANCE 2000, celle de 5000€ chacune,

Au soutien de ces demandes, elles font valoir pour l'essentiel':

- que la société OTCEX est loin d'être la petite entreprise qu'elle prétend car elle emploie 165 collaborateurs à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 5] et [Localité 6], a réalisé en 2010 un chiffre d'affaire de 40M€ et un résultat de 1,5M€,

- qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise':

. en ce qu'elle a débouté la société TSAF de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 6 octobre sans se prononcer sur leur demande tendant à voir écarter les pièces 16 à 19, 26 à 29 et 37, listées par la société, et sans répondre à la demande de mise hors de cause des sociétés TSAF OTC et FINANCE 2000, mises en causes en leur qualité de filiales de la Compagnie Financière Tradition, sans que des demandes aient été formées à leur encontre,

.en l'absence d'un motif légitime, le débauchage allégué n'étant pas justifié alors que le principe est la liberté du travail, dans un secteur très concurrentiel où les personnes passent sans cesse d'une entreprise à l'autre, et alors que les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles en l'absence de risque de dépérissement de preuve, et en ce que OTCEX a été déloyale, par dissimulation dans la seconde requête du refus opposé à la première.

SUR CE, LA COUR,

Sur la communication de pièces

Considérant que les intimées font grief à l'ordonnance entreprise de ne pas avoir répondu à leur demande de voir écarter des débats les pièces 1à 19, 26 à 29 et 37, listées par la société OTCEX dans ses requêtes des requêtes du 6 octobre 2011 et du 26 octobre 2011 ainsi que dans ses conclusions du 13 janvier 2011, faute de communication s'agissant des pièces 17 et 37, et faute de traduction en français pour les autres';

Considérant cependant que le bordereau de communication du 12 mars 2013 transmis par voie électronique justifie de la communication des pièces à défaut de démonstration contraire ; qu'il sera statué dans les termes ci-après sur la valeur de ces pièces la cour étant saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel ;

Considérant que la rédaction en anglais des fiches Bloomberg ne porte pas atteinte à leur lisibilité s'agissant de documents succints d'usage communément répandu dans le secteur des métiers de la finance ; que, pareillement, la 'rédaction'en anglais des tableaux [Localité 4] ne porte pas davantage atteinte à leur compréhension, s'agissant de tableaux comptables chiffrés alors au surplus que la pièce 18 a été complétée par la communication d'une traduction libre (pièce 41) ;

Sur la demande de mise hors de cause des sociétés TSAF OTC et FINANCE 2000

Considérant que les intimées fondent cette demande sur le fait que ces deux sociétés ne sont pas visées par les mesures sollicitées, la requête désignant essentiellement la Compagnie Financière Tradition et VIEL et Compagnie, absentes de la procédure'; que cette affirmation est toutefois démentie par le fait que la société TSAF vise, dans les conclusions communes aux intimées, l'atteinte portée à ses intérêts fondamentaux' (point 7.3.1.); que la requête désigne le groupe et les filiales TSAF OTC et FINANCE 2000, et que dès lors qu'est évoqué par la société OTCEX un détournement des clauses de non concurrence par le biais des filiales, celles-ci comme la société mère doivent être nécessairement dans la cause de sorte que la demande sera rejetée';

Sur les demandes

Considérant qu'en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel, sauf lorsque la mesure n'est pas de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur, ou que l'action au fond qui motive la demande d'expertise est manifestement vouée à l'échec ;

Que, ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions d'application de ce texte, qui ne prévoit, par ailleurs, aucun délai d'action ;

Qu'il suffit que le demandeur justifie d'éléments rendant crédibles ses suppositions, et que les preuves obtenues soient de nature à alimenter un procès ; que le demandeur n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque, puisque la mesure demandée est justement destinée à les établir ;

Considérant qu'il résulte de l'article 493 du CPC que l'ordonnance sur requête ne peut être rendue que dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse, c'est-à-dire lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement'; que l'article 875 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement';

Considérant que le juge, comme la Cour, doit d'office rechercher si la mesure sollicitée exigeait ou exige une dérogation au principe de la contradiction et qu'il s'agit en l'espèce d'apprécier si les conditions d'application de ces textes étaient réunies lorsque les deux ordonnances sur requête rendues ont autorisé les mesures sollicitées';

Sur l'ordonnance du 6 octobre 2011

Considérant que la société OTCEX demande de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation, tandis que les intimées demandent de l'infirmer';

Considérant que cette ordonnance a désigné Me [S] Huissier avec mission d'une part de se faire communiquer ou rechercher un certain nombre de documents et d'informations [contrats de travail des salariés concernés, nature des fonctions exercées et des produits financiers dont la commercialisation leur a été confiée, ainsi que la correspondance échangée entre l'une ou l'autre des sociétés TSAF, TSAF OTC et FINANCE 2000, et ces salariés quelle qu'en soit la forme (postale ou électronique)], au cours de la période avoisinant les démissions de ces salariés entre le 1er janvier 2010 et le 30 mai 2011 et, d'autre part, de recueillir les déclarations du représentant légal, ou d'un de [ses] mandataires sociaux, ou du directeur des ressources humaines ou à défaut du secrétaire général des sociétés TSAF, TSAF OTC et FINANCE 2000 sur': la date des premiers contacts entre ces sociétés et les 8 salariés, l'initiative de ces contacts soit par l'une des sociétés, ou par l'un des anciens salariés, sur les fonctions actuelles de ces salariés, les marchés sur lesquels ils interviennent et les clients traités';

Que la société TSAF soutient que les pièces concernées étant des documents officiels il n'y avait pas de risque de destruction justifiant de déroger au principe du contradictoire'; qu'elle ajoute que la mesure n'a été assortie d'aucune mesure de séquestre alors qu'elle prévoit la communication à la société OTCEX de la liste des clients traités par les salariés';

Considérant cependant que la société OTCEX a justifié au soutien de sa requête de ce que les 8 salariés ayant démissionné entre le 12 avril et le 29 novembre 2011, puis le 18 juillet 2011, exerçaient des fonctions dans l'équipe de «'brokers'» et ont été embauchés par des filiales de la compagnie Financière Tradition à [Localité 8]'; que tant les fiches Bloomberg, dont la «'rédaction'» en anglais ne porte pas atteinte à la lisibilité pour motifs précités, que la reconnaissance par les salariés eux-mêmes, confirment ce fait'; que la concomitance entre les démissions et les embauches établissent la vraisemblance d'actes de concurrence déloyale'; que nonobstant la relative importance de la société OTCEX sur le marché financier, il est certain que le transfert, à dates rapprochées de 8 salariés d'un même service de l'entreprise, directement en lien avec les clients, pour rejoindre une entreprise concurrente, est porteur de désorganisation ;

Considérant que si la mesure ordonnée le 6 octobre 2011 n'a pas été assortie de l'obligation de séquestre par l'huissier de justice, la requête complémentaire des intimées ayant donné lieu à ordonnance du 22 novembre suivant a corrigé cette omission, et l'huissier instrumentaire avait d'ailleurs rappelé lors des opérations du 17 novembre 2011, l'usage de ne pas faire communication des éléments recueillis ;

Considérant en outre que la société OTCEX justifie de la baisse de son chiffre d'affaires par les tableaux [Localité 4] produits, pièces 17 et 18';

Considérant que ces éléments sont de nature à fonder l'engagement d'un futur procès';

Considérant que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du CPC, dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées'; que l'argument de divulgation d'informations ne peut faire obstacle à la mesure, compte tenu de la limitation de la période sur laquelle est autorisée la recherche, qui exclut la généralité de la mesure ordonnée, laquelle ne présentant pas le caractère d'une investigation générale est par conséquent légalement admissible,

Considérant par ailleurs que les si les contrats de travail sont des documents officiels, le recours généralisé à la numérisation des informations exposent leur contenu à être facilement dissimulé'; qu'au surplus le recueil des correspondances entre les salariés et les sociétés intimées, essentielles à déterminer les conditions des démissions, désigne des échanges qui, à l'heure actuelle, sont quasi exclusivement électroniques et donc facilement distraits d'une mesure de constat ou détruits, ce qui justifiait de déroger au contradictoire '; qu'en conséquence il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 6 octobre 2011';

Sur l'ordonnance du 26 octobre 2011

Considérant que l'ordonnance du 26 octobre, a notamment, désigné à nouveau le même huissier avec mission de':

1a-se faire communiquer, ou à défaut rechercher, les ordres traités ou conclus, sur l'indice [Localité 4], sur quelque support que ce soit entre M.[U] et les clients suivants': Hagstromer and Qvberg, BNP Paribas Paris, Nomuira Int PLC, Société Paris, Morgan Stanley ans Co International Ltd, IMC Amsterdam, CTC London Ltd, Optiveur Amsterdam, au cours de la période postérieure à la démission, soit entre le 6 février 2011 et le 31 août 2011,(Ainsi que pour chacun des 7 autres salariés en fonction des clients dont il avait à connaître),

1b-se faire communiquer ou à défaut rechercher, les tableaux P&L (Profits and Losses) réalisés respectivement par chacun des salariés, avec ces clients respectifs, relatifs aux instruments financiers visés au point précédent pour les mêmes périodes,

1c- se faire communiquer ou à défaut rechercher, les archives des correspondances «'chat bloomberg'» entre chacun des salariés avec ces clients respectifs, relatifs aux instruments financiers visés au point précédent 1a pour les mêmes périodes,

-autorisé l'huissier assisté de tous techniciens informatiques de son choix, indépendants de la requérante, à accéder aux ordinateurs ainsi qu'à leur système de back office dans lequel sont enregistrés les ordres visés au 1a au siège social des sociétés TSAF, TSAF OTC et Finance 2000, y rechercher les documents et/ou éléments susvisés et à les remettre en copie à la Société.

-dit que l'ensemble des éléments recueillis par l'huissier seraient recueillis par lui, en séquestre, sans qu'il puisse en donner connaissance, jusqu'à ce qu'il soit autrement ordonné, par décision contradictoire, ou jusqu'à accord amiable entre les parties,

-autorisé l'huissier à se faire assister de la force publique,

Considérant que les sociétés intimées estiment qu'il n'a pas été justifié qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, ni de l'existence d'un motif légitime'; qu'elles dénoncent la déloyauté de la société OTCEX dans ses démarches judiciaires';

Considérant que les premiers juges ont ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête du 26 octobre 2011 au motif que la société OTCEX, en ayant dissimulé que le juge délégué aux requêtes avait écarté le 6 octobre 2011 une demande à nouveau formulée dans la seconde requête, et en se limitant à dire au juge que la mesure sollicitée visait seulement à compléter celle du 6 octobre, avait agi avec déloyauté et privé ce juge d'éléments d'informations - lesquels ne sont pas précisés- qui auraient certainement influencé sa décision';

Considérant cependant que les intimées, qui prétendent que la société OTCEX aurait choisi de saisir trois semaines après la première ordonnance un autre magistrat pour obtenir une mesure plus vaste et plus intrusive, ne démontrent pas que cette seconde mesure serait abusive'; qu'elle paraît au contraire compléter les informations visées dans la première, et cible pour chaque salarié une liste de clients' bien déterminés, ce qui permet de vérifier la possible utilisation chez leur nouvel employeur de données recueillies sur leurs précédents postes, et qui est en lien direct avec l'action que la société entend engager ; que la nature des renseignements recherchés, et la volatilité des supports informatiques de ces informations ont rendu nécessaire la dérogation au principe du contradictoire ;

Considérant en conséquence qu'il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance sur requête du 26 octobre 2011';

Considérant qu'il sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du dispositif';

Considérant que les dépens seront à la charge des sociétés TSAF, TSAF OTC et FINANCE 2000 avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE la demande des sociétés TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), TSAF OTC et FINANCE 2000 tendant à voir écarter les pièces 1 à 9, 17, 26 à 29 et 37, listées par la société OTCEX dans ses requêtes des 6 octobre 2011 et 26 octobre 2011 et dans ses conclusions du 13 janvier 2011,

DIT n'y avoir lieu à mise hors de cause des sociétés TSAF OTC et FINANCE 2000,

CONFIRME l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les sociétés TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), TSAF OTC et FINANCE 2000 de leur demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 6 octobre 2011,

INFIRME l'ordonnance en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance sur requête du 26 octobre 2011,

Statuant à nouveau de ce chef,

DÉBOUTE les sociétés TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), TSAF OTC et FINANCE 2000 de leur demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 26 octobre 2011,

CONDAMNE IN SOLIDUM les sociétés TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), TSAF OTC et FINANCE 2000 à payer à la société OTCEX la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE IN SOLIDUM les sociétés TRADITION SECURITIES AND FUTURES (TSAF), TSAF OTC et FINANCE 2000 aux dépens et en autorise le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/03457
Date de la décision : 23/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°12/03457 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-23;12.03457 ?
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