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21/05/2013 | FRANCE | N°12/18826

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 21 mai 2013, 12/18826


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 21 MAI 2013



(n° 344 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18826



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce d'auxerre - RG n°





APPELANTE



SA FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légau

x

[Adresse 1]

[Localité 2]



Rep : la SCP FISSELIER & ASS (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

assistée de : Me Gérard CHAUTEMPS (avocat au barreau de...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 21 MAI 2013

(n° 344 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18826

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce d'auxerre - RG n°

APPELANTE

SA FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Rep : la SCP FISSELIER & ASS (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

assistée de : Me Gérard CHAUTEMPS (avocat au barreau de TOURS)

INTIMEE

SA EXPERTISES ET TECHNIQUES COMPTABLES - ETC - prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

Rep : Me Francine HAVET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1250)

assistée de : Me Béatrice CARLO-VIGOUROUX de la SCP BAZIN-PERSENOT-LOUIS SIGNORET CARLO-VIGOUROUX (avocat au barreau d'AUXERRE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

La société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE autrement dénommée FIDUCIAL EXPERTISE ou FIDEXPERTISE a signé le 27 octobre 2009 une rupture conventionnelle avec l'un de ses collaborateurs, M. [M] ; ensuite de l'embauche de ce dernier en mars 2011 par la société ETC, cette société avait sollicité l'autorisation de s'occuper de 19 de ses clients représentant une perte de chiffre d'affaires annuel de 43 564 €, après divers échanges, elle a saisi les instances ordinales de cette difficulté et obtenu par la suite la totalité des noms des clients détournés. La société ETC lui a transmis le 4 novembre 2011 une proposition d'indemnisation refusée comme fondée non pas sur le prix de cession de clientèle mais calculée sur la base de 65 % des honoraires pratiqués par la société ETC.

Estimant que la fixation systématiquement inférieure par ETC du montant de ses honoraires par rapport à ceux qu'elle pratiquait visait à détourner sa clientèle et se prévalant de ce qu'elle avait vainement mise en demeure la société ETC de lui transmettre les lettres de mission relatives à ses anciens clients, la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE a assigné la société ETC afin d'obtenir qu'il lui soit enjoint de lui transmettre ces documents devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance rendue le 10 octobre 2012, l'a déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société ETC une indemnité de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de cette décision, la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE, par conclusions déposées le 5 novembre 2012 demande de l'infirmer et de dire que la société ETC sera tenue de lui communiquer sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, en copie les lettres de mission signées avec son ancienne clientèle et plus précisément avec les clients suivants : M. [A], SCI RADIUS, SCI CUBITUS, M. [E], Mme [C], M. [B], M.[K] [J] et la SCI [Adresse 2], M. [V] [Z] et la SCI PASTEUR, Mme [Y], Mme [D], Mme [X], Docteur [L] [U] [N], Mme [W] [P], maitre [T] [H] et la SCI GF, M.[R] et de lui transmettre sous la même astreinte le contrat de travail de M. [M], de ses avenants, bulletins de salaire pour la période de mars à janvier 2012, le tout certifié conforme par l'expert comptable et elle clame sa condamnation aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société EXPERTISE ET TECHNIQUE COMPTABLE SA (ETC) par conclusions transmises le 23 janvier 2013 demande de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que l'appelante fait grief à l'ordonnance d'avoir, en violation de l'article 145 du code de procédure civile, décidé que la production des lettres de mission n'était pas un fait dont pouvait dépendre la solution du litige alors qu'elle devait se poser la seule question de savoir si FIDUCIAL pouvait ou non de façon plausible, engager à l'encontre de la société ETC une action en concurrence déloyale et avant tout procès de détenir les éléments lui permettant de démontrer que la société ETC pratiquait des tarifs inférieurs aux siens, qu'elle lui reproche également d'avoir estimé qu'elle pratiquait des tarifs élevés ; qu'elle souligne que la facturation dépend de la lettre de mission et qu'elle ne demande pas le contenu des lettres des clients et elle ajoute que ces lettres ont été transmises à l'instance ordinale qui ne diffuse pas les pièces communiquées par les parties ;

Que la société ETC fait valoir que s'il est exact que des clients de l'appelante aient rejoint son cabinet d'expertise comptable après l'embauche de M. [M], ce dernier n'a pratiqué aucun démarchage et n'a pas eu d'attitude déloyale à l'égard de son ancien employeur ; qu'elle estime que les clients de l'appelante étaient libres de choisir un autre comptable s'ils n'étaient pas satisfaits par les prestations de l'appelante, que le transfert des clients s'est réalisé selon les règles de la libre concurrence et dans le respect de celles édictées par le code de déontologie, qu'elle n'a pratiqué aucun « dumping », que ce grief relève d'une simple hypothèse, qu'elle a proposé aux clients les honoraires qu'elle pratique habituellement et qu'il n'existe aucune disposition légale ou règlementaire obligeant un expert comptable à indemniser un confrère comme lui succédant ; qu'elle estime par ailleurs que le fait d'avoir embauché M. [M] ne saurait lui être imputé à faute, que ce dernier n'était tenu par aucune clause de non concurrence et que l'appelante ne justifie d'aucun motif légitime à obtenir les éléments qu'elle réclame en ce qui le concerne ;

Et considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Que les conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile n'impliquent la démonstration d'aucune urgence, qu'elles supposent que soit démontré qu'il existe un motif légitime (fait plausible comme ne relevant pas d'une simple hypothèse) justifiant la mesure sollicitée en vue d'un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ;

Que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en 'uvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que l'application de ce texte n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ;

Considérant qu'il revient en conséquence à l'appelante pour voir sa demande prospérer, de démontrer que les agissements de concurrence déloyale qu'elle impute à l'intimée sont plausibles comme ne relevant pas d'une simple hypothèse et que les éléments de preuve qu'elle souhaite obtenir seront utiles à la solution du litige qu'elle envisage ;

Qu'il sera rappelé que le principe de la liberté de commerce et de l'industrie consacré par les lois du 2 et 17 mars 1791 a pour conséquence directe la liberté des entreprises de rivaliser entre elles afin de conquérir et de retenir la clientèle, qu'il n'est donc, par principe, pas interdit à une entreprise d'attirer vers elle un client et de le détourner d'un concurrent ; que le démarchage de la clientèle d'un concurrent, considéré comme une pratique commerciale normale, devient toutefois fautif lorsque son auteur enfreint les usages commerciaux et agit de façon déloyale et qu'en l'absence de dispositions légales spéciales, la concurrence déloyale est régie par les principes généraux de la responsabilité civile et relève des articles 1382 et 1383 du code civil ;

Considérant qu'en l'espèce l'appelante pour justifier du caractère plausible des agissements concurrentiels fautifs de l'intimée se fonde essentiellement sur les lettres qu'elle lui a adressées le 16 juin, 22 juillet et 27 juillet 2011 dans lesquelles elle fait successivement état de la « fuite » vers ETC de 4 clients, puis de deux autres et ensuite de trois autres, qu'elle fait état de la perte de 12 suivis de dossiers dans une réclamation du 4 novembre suivant et de quatre propositions adressées par ETC à sa clientèle, qu'il est établi que des discussions se sont engagées entre les parties et que suite aux réclamations de l'appelante, ETC lui a adressé le 9 novembre 2011, sans toutefois reconnaître un quelconque comportement fautif, une proposition d'indemnisation sur la base de ses propres honoraires, proposition qui a été transmise au CROEC d'Ile de France et qu'à la suite de son refus, le Groupe ETC lui a fait connaître le 24 mars 2012 qu'il estimait sa proposition devenue caduque déniant à cette occasion tout comportement concurrentiel fautif ; qu'il est démontré que treize clients de la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE ont rejoint ETC et que c'est le cabinet ETC lui-même qui, dans le respect des usages de la profession, a informé la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE de la volonté de chacun des clients concernés de le rejoindre ;

Considérant que pour caractériser la plausibilité du comportement fautif de ETC à son égard, l'appelante relie ce transfert de clientèle à l'embauche de son ancien collaborateur par ETC, que cette circonstance est toutefois en soi indifférente dès lors que M. [M] a quitté la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE à la suite d'une rupture conventionnelle le déliant de toute clause de non concurrence et de non réinstallation signée le 27 octobre 2009, qu'il a été embauché par ETC courant juin 2011 libre de tout engagement, que le fait que certains de ses anciens clients aient souhaité rejoindre le cabinet d'expertise comptable dans lequel il était embauché résulte de leur propre choix et qu'aucun élément n'accrédite la thèse d'une attitude déloyale de sa part ou de celle de son nouvel employeur, en l'absence de toute allégation de détournement massif de clientèle par rapport à l'enveloppe du portefeuille détenu par l'appelante ou de toute preuve de man'uvre de captation systématique de la clientèle de l'appelante ; que cette dernière ne peut, pour justifier du bien fondé de sa demande, se contenter d'affirmer que la société ETC, aurait volontairement pratiqué, pour capter déloyalement sa clientèle, des honoraires sous tarifés dès lors que d'une part, la pratique des prix des services est libre et que d'autre part, elle ne justifie d'aucun indice permettant de présumer que ses anciens clients se seraient vus appliquer par ETC des tarifs privilégiés et plus avantageux que ceux imposés à l'ensemble de la clientèle de cette dernière ;

Que dans ces conditions, c'est à juste titre que l'ordonnance a estimé que la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE ne justifiait pas d'un motif légitime tel qu'exigé par l'article 145 du code de procédure civile et l'a déboutée de sa demande ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité complémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant tel que précisé au dispositif de l'arrêt ; que l'appelante doit supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE SA à payer à la société EXPERTISE ET TECHNIQUE COMPTABLE SA (ETC) une indemnité complémentaire de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE SA aux entiers dépens qui seront recouvrés comme il est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/18826
Date de la décision : 21/05/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°12/18826 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-21;12.18826 ?
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