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25/04/2013 | FRANCE | N°10/13059

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 25 avril 2013, 10/13059


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 AVRIL 2013



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13059



Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 30 mars 2010 emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris ( 5ème chambre civile, section A ) le 26 novembre 2008 sur appel d'un jugement rendu le 16 juin 2

004 par le Tribunal de commerce de Paris ( huitième chambre) sous le RG n° 2001022742









APPELANTS



Monsieur LE CAPITAINE COMMANDANT LE NAVIRE WINDSO...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 AVRIL 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13059

Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 30 mars 2010 emportant cassation partielle d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris ( 5ème chambre civile, section A ) le 26 novembre 2008 sur appel d'un jugement rendu le 16 juin 2004 par le Tribunal de commerce de Paris ( huitième chambre) sous le RG n° 2001022742

APPELANTS

Monsieur LE CAPITAINE COMMANDANT LE NAVIRE WINDSONG es qualité de représentant des armateurs / propriétaires et exploitant du navire domicilié chez

l'agent consignataire du navire [Localité 7] SECIL MARITIMA

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7]

ANGOLA

Société ANDOLINA SHIPPING LTD CYPRUS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège Chez l'agent consignataire du navire

[Adresse 8]

[Localité 7]

ANGOLA

Représentées par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistées de Me Christophe NICOLAS plaidant pour RICHEMONT NICOLAS'ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : J054)

INTIMÉES

SOCIETE IATALIANA ASSICURAZIONI E RIASSICURAZIONI Société de droit italien et encore en France au siège de sa Branche Maritime et Transports [Adresse 5] prise en la personne de ses rerprésentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 9]

[Localité 1]

ITALIE

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

SOCIETE THE BRITISH AND FOREIGN MARINE INSURANCE COMPAGNY LTD Société de droit anglais et ayant son établissement secondaire en France [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 7]

[Localité 6]

ANGLETERRE

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

S.A. MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

S.A. ALLIANZ MARINE & AVIATION FRANCE venant aux droits de la société AGF MAT

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

S.A. AXA CORPORATE SOLUTINS ASSURANCES

Ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

S.A. GENERALI FRANCE ASSURANCES

Ayant son siège social

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée et assistée de la SCP SCHMILL & LOMBREZ en la personne de Me François LOMBREZ (avocats au barreau de PARIS, toque : P0078)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d'instruire l'affaire

Madame Pascale BEAUDONNET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

Le 17 décembre 2000, la société Soafrimex NV a chargé, à [Localité 5], à bord du navire Windsong, une cargaison de 10.999,99 tonnes métriques de farine en sacs, à destination de la société Afri Belg Ind Corp (la société Afri belg) à [Localité 7] (Angola).

La marchandise voyageait sous couvert de deux connaissements n°1 et n°10. Le connaissement n°1, portait sur une cargaison de 110.000 sacs de 50 kilos, soit un poids total brut de 5.500 tonnes et le connaissement n°10 portait sur une cargaison de 122.222 sacs de 45 kilos, soit un poids total de 5.499,99 tonnes.

Pendant la traversée, la cale n°1 a été inondée et le 8 janvier 2001, à l'arrivée à [Localité 7], il a été constaté contradictoirement des pertes de marchandises.

Par acte du 28 mars 2001, la société Afri Belg ind Corp a assigné le capitaine du navire Windsong, és-qualités et la société Andolina devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamnés au paiement des dommages subis par la marchandise. Les sociétés Axa Corporate Solutions Assurance, Allianz Marine & Aviation venant au droit de la compagnie AGF Mat, Mutuelle du Mans Assurances Iard, Generali France Assurances, SIAT- Societa Italiana Assicurazioni Riassicurazioni et The Bristish and Foreign Marine Insurance Company Ltd ayant indemnisé la société Afri Belg, sont intervenues à l'instance.

Par un jugement en date du 16 juin 2004, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- rejeté les fins de non recevoir soulevées par les défenderesses et a dit que les compagnies d'assurance Axa Corporate Solutions Assurance, SA Allianz Marine & Aviation venant au droit de la compagnie AGF Mat, La Mutuelle du Mans Assurances Iard, SA Generali France Assurances, SIAT- Societa Italiana Assicurazioni Riassicurazioni, The Bristish and Foreign Marine Insurance Company Ltd, ont intérêt à agir et sont recevables dans leur intervention volontaire et dans la reprise de l'instance initiée par la société Afri Belg ind Corp,

- débouté M. le capitaine commandant le navire « Windsong » ès-qualités de représentant des armateurs /propriétaire et exploitant du navire et la société Andolina Shipping LTD (Cyprus) de leur demande de mise hors de cause et les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. le capitaine commandant le navire « Windsong » ès-qualités de représentant des armateurs /propriétaire et exploitant du navire,

- dit qu'il n'y avait pas faute et condamné in solidum M. le capitaine commandant le navire « Windsong » ès-qualités de représentant des armateurs /propriétaire et exploitant du navire et la société Andolina Shipping LTD (Cyprus) à payer aux compagnies d'assurance Axa Corporate Solutions Assurance, SA Allianz Marine & Aviation venant au droit de la compagnie AGF Mat, La Mutuelle du Mans Assurances Iard, SA Generali France Assurances, SIAT- Societa Italiana Assicurazioni Riassicurazioni, The Bristish and Foreign Marine Insurance Company Ltd la somme de 158.168 US Dollars ainsi que la somme de 8.850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2001 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- condamné in solidum M. le capitaine commandant le navire « Windsong » ès-qualités de représentant des armateurs /propriétaire et exploitant du navire et la société Andolina Shipping LTD (Cyprus) à payer aux compagnies d'assurance Axa Corporate Solutions Assurance, SA Allianz Marine & Aviation venant au droit de la compagnie AGF Mat, La Mutuelle du Mans Assurances Iard, SA Generali France Assurances, SIAT- Societa Italiana Assicurazioni Riassicurazioni, The Bristish and Foreign Marine Insurance Company Ltd, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute prétentions autres, plus amples ou contraires des parties et les en déboute respectivement.

Vu l'appel interjeté le 3 décembre 2004 par le Capitaine du navire Windsong et la société Andolina contre cette décision.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date 26 novembre 2008 qui a :

- confirmé le jugement querellé sur la recevabilité,

- infirmé pour le surplus, et statuant à nouveau des chefs infirmés,

- mis hors de cause le capitaine du navire Windsong,

- débouté la société Afribel et les compagnies Axa Corporate, Allianz, MMA, Générali France, SIAT et The Bristish Foreign and Marine Insurance Company de leurs demandes,

- condamné les sociétés susvisées in solidum à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 2000 euros au capitaine Windsong et 5000 euros à la société Andolina.

Par un arrêt en date du 30 mars 2010, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement sur la recevabilité, l'arrêt rendu le 26 novembre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris,

- remis en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

aux motifs que :

1/en rejetant l'intégralité des demandes présentées par la société Afri Belg et les assureurs en homologuant le rapport de l'expert judiciaire sur la cause de l'envahissement partiel de la cale numéro 1, sans répondre aux conclusions qui soutenaient que pour la partie de la marchandise chargée sous couvert du connaissement numéro 1, il avait été constaté au déchargement à [Localité 7], à dire d'expert, des sacs manquants, en vidange ou avariés par mouille, mais dans ce dernier cas à un niveau de dommage sans rapport avec la situation calamiteuse rencontrée dans la cale numéro 1 au titre du connaissement numéro 10 et qu'il en résultait une perte de 31,861 tonnes métriques de farine pour une valeur de 7.707 USD qui engageait donc de plein droit la responsabilité du transporteur maritime et du capitaine du navire, ès-qualités, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile,

2/qu'en retenant, pour mettre hors de cause le capitaine du navire Windsong, que les assureurs n'invoquent pas la faute de ce dernier qui n'a donc été attrait à la cause 'qu'ès qualités' tandis que la société Andolina, propriétaire du navire, est présente, sans préciser en quoi la présence de la société Andolina Shipping, dont il était soutenu qu'elle n'était qu'une société écran propriétaire d'un seul navire exploité par d'autres et qu'elle n'était considérée comme transporteur maritime qu'en l'absence d'autres éléments, justifiait la mise hors de cause du capitaine du navire, assigné en qualité de représentant de l'armateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Vu la déclaration de saisine après renvoi devant la cour d'appel de Paris en date du 27 mai 2010 par M. le Capitaine commandant le navire Windsong contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2010, par M. le Capitaine commandant le Navire Windsong et la société Andolina qui demandent à la cour de :

- réformer en tous points le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juin 2004 et statuant à nouveau :

- constater que les armateurs sont présents et représentés et mettre en conséquence hors de cause le capitaine. Lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que la Cour de cassation a définitivement confirmé que les dommages aux marchandises voyageant en cale n°1 étaient dus à une faute nautique de l'équipage et aux périls de la mer, ce qui exonère le transporteur maritime en application de l'article 4.2 de la convention de Bruxelles de 1924.

- dire et juger que faute pour le réceptionnaire d'avoir pris des réserves le transporteur bénéficie d'une présomption de livraison conforme,

- dire et juger que les assureurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que les dommages seraient survenus au cours du transport maritime compte tenu en particulier des graves incohérences du rapport de leur expert,

- dire et juger que les intimées ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du détail de leur réclamation,

- dire et juger que les prétendus frais d'expertise sont en réalité des frais de contrôle qui ne sont pas récupérables,

- condamner en conséquence les compagnies d'assurance intimées à payer aux concluantes la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le capitaine commandant le navire Windsong soutient que l'article 10 du décret du 19 juin 1969 ne permet pas de condamner le capitaine du navire pour le compte de l'armateur, lorsque l'armateur est présent ou représenté à l'instance et qu'aucune faute personnelle ne lui est reprochée. Il ajoute, qu'en l'espèce, la société Andolina armateur propriétaire du navire Windsong, transporteur maritime, est représentée à la procédure et qu'elle n'a pas contesté avoir seule la qualité de transporteur maritime et, à ce titre, être responsable des dommages. Il demande donc sa mise hors de cause. Il considère que l'argument des sociétés intimées selon lequel le capitaine devrait être maintenu dans la cause en raison de l'insolvabilité de la société Andolina est insuffisant pour le faire condamner és qualités, alors qu'elles avaient obtenu une garantie de leur réclamation.

Ensuite, concernant la responsabilité du transporteur, la société Andolina retient que la faute qui compromet la stabilité du navire constitue une faute nautique de l'équipage qui l'exonère, en sa qualité de transporteur maritime. Elle observe que la Cour de cassation a définitivement rejeté le pourvoi des assureurs sur la faute nautique et qu'il ne pourra donc qu'être constaté que la question de la faute nautique a été définitivement tranchée en faveur du transporteur.

Les appelants retiennent que c'est à tort que les assureurs persistent à prétendre que le navire n'était pas navigable au début du voyage, malgré le rapport de l'expert judiciaire, et que trois rapports confirment que les dommages sont dus à une faute de l'équipage, qui avait laissé ouverte la porte d'accès au local des chaînes mais aussi à l'inondation de la cale n°1 résultant des conditions météorologiques très difficiles.

Pour les appelants c'est donc à juste titre que le transporteur a été exonéré de toute responsabilité sur le fondement de l'article 4.2 de la Convention de Bruxelles de 1924. Ils ajoutent que les sociétés intimées ne rapportent pas la preuve de leur préjudice.

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 mai 2011 par les différentes compagnies d'assurances, lesquelles demandent à la cour de :

- dire et juger la société Andolina et M. Le Capitaine du navire Windsong, ès-qualités de représentant des armateurs/ propriétaires et exploitant du navire, mal fondés en leur appel,

- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de plein droit d'Andolina en qualité de transporteur maritime au titre des avaries aux cargaisons, et y ajoutant,

- le réformer partiellement sur le fondement de droit de la responsabilité du capitaine du navire, ès-qualités,

- dire et juger le capitaine du navire Windsong, es qualitè de représentant des armateurs/ propriétaires et exploitant de ce navire, responsable des avaries aux cargaisons à titre quasi-délictuel du double chef de la responsabilité pour fautes et négligences répétitives et du fait des défaillances de l'engin de transport, toutes circonstances en relation causale directe avec les avaries,

- confirmer en conséquence le jugement attaqué en toutes ses dispositions financières, sous réserves de la réformation ci-dessus au titre des fondements de droit des condamnations et y ajoutant,

- condamner la société Andolina et le capitaine du navire Windsong, ès-qualités, à payer aux compagnies d'assurances Axa CSA et autres la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les compagnies d'assurances intimées retiennent que la destruction de la cargaison chargée sous couvert du connaissement n°10, sinon du connaissement n° 1, est la conséquence d'une incompétence généralisée de l'équipage engageant précisément la responsabilité du capitaine du navire, és-qualités de représentant de l'armateur/ propriétaire/ exploitant, situation entraînant d'ailleurs l'incapacité du navire à naviguer dès l'origine, essentiellement par défaut d'armement d'équipage.

Elles ajoutent que la société Andolina, propriétaire du navire, n'a jamais justifié de son existence actuelle effective et qu'elle a été constituée vraisemblablement et exclusivement pour des raisons fiscales et de pavillon alors qu'elle ne présentait aucun élément de solvabilité évident. Ainsi, pour les sociétés intimées, le capitaine du navire, és-qualités en la cause, doit rendre compte de tous les régimes de responsabilité, tant à titre contractuel qu'à titre quasi-délictuel, des véritables intervenants ne souhaitant pas se révéler.

Pour les intimées, le transporteur maritime et le capitaine du navire és-qualités sont responsables de plein droit au titre des avaries maritimes. Elles ajoutent que la société Andolina ne peut se prévaloir sur un plan théorique d'une situation caractérisant un principe de faute nautique et qu'il ne devrait donc pas être discuté davantage du point de savoir si cette faute nautique, en relation de causalité exclusive avec les dommages à la marchandise, serait démontrée dans le présent litige, les circonstances ne pouvant s'y prêter.

Elles estiment que la société Andolina ne rapporte pas la preuve du cas de faute nautique qu'elle invoque, ni en son principe, ni en ses éléments constitutifs, et que l'argument tel que soutenu par cette dernière relativement à une fortune de mer est incompatible avec l'exception de faute nautique.

Enfin, elles considèrent que la responsabilité quasi-délictuelle du capitaine du navire, és-qualités de représentant des armateur/ gérant et propriétaire est engagée du fait de la chose, à savoir l'engin de transport.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre préliminaire, il convient d'observer que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 novembre 2008 n'a pas fait l'objet d'une cassation sur la recevabilité de la demande des assureurs de la marchandise pour lesquels il a donc définitivement été jugé qu'ils avaient qualité et intérêt à agir.

-Sur la mise en cause du capitaine du navire Windsong :

L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 novembre 2008 a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juin 2004 qui avait condamné le capitaine du navire Windsong, ès-qualités, in solidum avec la société Andolina, à payer aux assureurs le montant des dommages subis par la marchandise au motif que ces derniers 'n'invoquent pas la faute du capitaine du navire qui n'a donc été attrait à la cause qu'ès-qualités alors que la société Andolina, propriétaire du navire, est présente dans la cause'.

La Cour de cassation a cassé l'arrêt sur ce point, jugeant 'qu'en retenant, pour mettre hors de cause le capitaine du navire Windsong, que les assureurs n'invoquent pas la faute de ce dernier qui n'a donc été attrait à la cause 'qu'ès qualités' tandis que la société Andolina, propriétaire du navire, est présente, sans préciser en quoi la présence de la société Andolina Shipping, dont il était soutenu qu'elle n'était qu'une société écran propriétaire d'un seul navire exploité par d'autres et qu'elle n'était considérée comme transporteur maritime qu'en l'absence d'autres éléments, justifiait la mise hors de cause du capitaine du navire , assigné en qualité de représentant de l'armateur,' la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Les assureurs font valoir qu'elles ont mis en cause le capitaine du navire Windsong, en qualité de représentant légal des armateur/propriétaires et exploitant du navire, comme détenant les gestions nautique et commerciale de celui-ci. Elles observent que les circonstances ayant abouti à la destruction de la cargaison apparaissent être la conséquence d'une incompétence généralisée de l'équipage, engageant la responsabilité du capitaine du navire, ès-qualités, situation entraînant l'innavigabilité du navire dès l'origine, essentiellement par défaut d'armement d'équipage. Les appelants soutiennent cependant que la société Andolina Shipping, représentée dans la procédure est bien l'armateur/propriétaire du navire Windsong et le transporteur maritime, contre lequel les assureurs disposent d'une action et que, dès lors, la présence dans la cause du capitaine du navire est inutile et qu'il doit être mis hors de cause.

Mais, les deux connaissements, sous le couvert desquels la marchandise voyageait, sont sans en-tête et la charte-partie n'est pas annexée, de sorte qu'il en résulte l'impossibilité d'identifier le transporteur. Il ressort des éléments du dossier, et notamment du 'Lloyds Register' que la société Andolina Shipping est le propriétaire du navire, ce dernier pouvant être tenu pour transporteur, lorsque celui-ci ne peut être identifié. Cependant, il n'est pas justifié de l'existence actuelle effective de cette société, alors qu'il est constant que son seul avoir, le navire Windsong, a été ferraillé en 2001.

Par ailleurs, une incertitude existe sur la qualité d'armateur du navire de la société Andolina Shipping, le 'Lloyds Register' faisant apparaître une société Primavera Martime Hellas, domiciliée à la même adresse que la société Andolina Shipping à Athènes en Grèce, en qualité d'armateur du navire.

Enfin, la preuve de l'existence d'une garantie à première demande couvrant toute condamnation à concurrence de 500.000 USD remise par l'assureur de la société Andolina Shipping, dont le nom n'est même pas indiqué, n'est pas rapportée.

Dès lors, il est indispensable que le capitaine du navire Windsong, es-qualités de représentant légal des armateur/propriétaires et exploitant du navire, demeure dans la cause. Le jugement dont appel doit donc être confirmé sur ce point.

-Sur les responsabilités :

*sur les dommages afférents au connaissement n° 10 (cale 1) :

Il est constant que, à l'arrivée du bateau à [Localité 7], il a été constaté que la cale n°1 était totalement inondée et que l'eau recouvrait les sacs de farine qui y étaient entreposés.

La demande d'indemnisation des assureurs à ce titre est fondée sur les dispositions de la Convention de Bruxelles amendée du 25 août 1924, dont il résulte une responsabilité de plein droit pour le transporteur maritime, à défaut de réserve au connaissement pour les dommages de toutes sortes constatés à la livraison. Les appelantes entendent se prévaloir de l'article 4-2 de cette convention, concernant la faute nautique et le péril de la mer, qui constituent des causes exonératoires de la responsabilité du transporteur maritime.

Il ne peut être raisonnablement soutenu par les assureurs que le navire Windsong n'était pas en état de navigabilité au départ d'[Localité 5], alors que le rapport d'expertise judiciaire de M. [Z] confirme que le certificat de classe était en cours de validité et que les multiples visites, qui ont été faites avant le chargement, attestent qu'il a été réalisé uniquement lorsque les cales ont été considérées comme acceptables au chargement.

Par ailleurs, à l'exception des rapports d'expertise privée de M. [N], établis à la demande des assureurs, tous les autres experts (Angola Global Survey, Saybolt, Maritime Mutual Services Angola Ltd, Evrard) ayant déposé un rapport dans la présente affaire, y compris l'expert judiciaire, M. [Z], ont estimé que, pour ce qui concerne la cale n° 1, l'eau de mer avait pénétré par le système d'ancrage du navire, la porte d'accès au compartiment bâbord du puits aux chaînes étant restée ouverte. C'est ainsi que, selon l'expert, les causes de l'inondation de la cale n°1 sont la faute nautique et la tempête. C'est ainsi qu'il précise : 'd'après les documents qui nous ont été communiqués, l'envahissement partiel de la cale n°1 est la conséquence :

1) de l'arrachage par les paquets de mer de la protection du passage de la chaîne bâbord, protection qui a pour but d'éviter le remplissage du puits à chaîne de mouillage,

2) de la non fermeture de la porte étanche d'accès au puits à chaîne bâbord

3) des conditions météorologiques particulièrement défavorables.

Nous considérons que le point n°1 résulte d'une fortune de mer ou (et) d'une négligence du personnel si le bouchon était mal réalisé.

Le point n°2 est incontestablement une négligence du personnel.

Le point n°3 est une fortune de mer'.

Il ajoute que 'l'obturation du passage des chaînes n'est pas un dispositif réglementaire mais résulte d'un usage courant pour éviter le remplissage des puits à chaîne' et 'que cette protection ait été mal réalisée ou pas réalisée du tout ne change rien à la cause de l'entrée d'eau qui est une conséquence du mauvais temps rencontré'.

Il a également réfuté de manière convaincante l'argumentation de l'expert privé des assureurs, M. [N], en soulignant qu'environ 35 minutes après la disparition du bouchon d'obturation des passages de chaîne, l'eau a commencé à pénétrer dans la cale et que 'moins d'une heure (55 minutes) est suffisante pour y accumuler 200 m3 d'eau' et qu'en 'adaptant la durée de l'entrée d'eau en fonction de la période de tangage, le rapport de 1 à 6 est à notre avis parfaitement significatif'.

M. [Z] a répondu à l'objection de M. [N] selon laquelle l'eau n'avait pas pu s'infiltrer par le chemin décrit par l'équipage car la porte aurait dû céder sous la pression de l'eau, en observant que le bas de la porte présentait un trou de corrosion de 0,125 m3, ce qui permettait le passage de l'eau sans dommage. S'agissant de l'affirmation de celui-ci selon laquelle le capitaine aurait dû envoyer un homme d'équipage faire des rondes pour vérifier l'état des cales marchandises, il affirme que, sur ce type de navire, 'dépourvu de tunnel d'accès de la partie arrière à la partie avant du navire', 'une décision de cette nature serait équivalente à la disparition en mer quasi certaine de cet homme'.

Il relève également qu' 'aucun des rapports en ce qui concerne la cale n°1 ne retient une non étanchéité des panneaux de cale pour expliquer l'inondation de la cale 1 inférieure'.'

L'ensemble de ces éléments établit que les dommages sont la conséquence du fait d'avoir laissé ouverte la porte étanche du système d'ancrage du navire, ce qui constitue une faute nautique de l'équipage, à laquelle se sont ajoutés des périls de mer, le navire ayant rencontré pendant la traversée des vagues énormes, avec un vent de force 10 Beaufort.

C'est ce qu'avait retenu l'arrêt de la cour d'appel de céans du 26 novembre 2008, qui n'a pas été cassé sur le moyen tiré de l'absence de faute nautique, la cour de cassation estimant ce moyen non fondé au motif que 'l'arrêt relève que les constatations et déductions techniques claires et précises du rapport d'expertise judiciaire désignent pour cause du sinistre la non-fermeture d'une porte étanche par l'équipage, que ce manquement aux règles de sécurité du navire tandis que celui-ci naviguait pendant trente-six heures par gros temps, était soumis à des vents violents et à des vagues de dix à douze mètres de haut, constitue un événement touchant à la navigation et affectant directement la sécurité du navire, qu'il retient encore que ni la navigabilité du navire, ni l'étanchéité de ses panneaux de cale n'étaient en cause et que la cour d'appel, appréciant ainsi les éléments de preuve qui lui étaient soumis sans dénaturer le rapport d'expertise ni méconnaître les termes du litige, a pu en déduire l'existence d'une faute nautique exonérant le transporteur de sa responsabilité en application de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924".

Le jugement dont appel doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du transporteur pour ces dommages, les assureurs devant être déboutés de leur demande d'indemnisation dirigée contre la société Andolina Shipping, relative aux marchandises voyageant en cale n° 1 sous le connaissement n° 10.

Par contre, compte tenu des fautes et négligences relevées ci-dessus, la responsabilité du capitaine du navire, ès-qualités, est engagée sur le fondement délictuel. Aucune contestation sérieuse n'existe quant au détail de la réclamation des assureurs, alors qu'il est établi, par la production des factures du 17 décembre 2000, que la marchandise a été vendue par la société Soafrimex à la société Afri Belg et que les assureurs justifient être subrogés dans les droits de cette dernière pour un montant de 150.411 USD par la production de l'acte de subrogation et du justificatif du paiement par virement du 3 mai 2001.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné celui-ci à leur payer la somme de 150.411 USD avec les intérêts à compter du 28 mars 2001 et avec capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

*sur les dommages afférents au connaissement n°1 (cale 4):

Il a été constaté au déchargement du navire à [Localité 7] des sacs manquants, en vidange ou avariés par mouille, la perte représentant 31,861 tonnes métriques de farine pour une valeur de 7.707,49 USD, pour laquelle les assureurs estiment que la responsabilité de plein droit du transporteur maritime et du capitaine du navire, ès-qualités, est engagée. Les appelants, quant à eux, considèrent que le transporteur bénéficie d'une présomption de livraison conforme et que les assureurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du détail de leur réclamation.

Les appelants ne peuvent sérieusement soutenir qu'aucune réserve n'aurait été prise concernant les sacs de farine se trouvant dans la cale n° 4 et qu'il y aurait donc une présomption de livraison conforme alors que cette présomption a été renversée par les constatations au déchargement du navire qui démontrent le contraire.

La Cour de cassation a, s'agissant des dommages afférents au connaissement n°1, considéré que la cour avait méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile en omettant de répondre aux conclusions des assureurs, telles que rappelées ci-dessus.

Le jugement dont appel, n'a pas distingué, dans son analyse des causes du dommage aux marchandises transportées, ceux concernant la cale 4 et ceux concernant la cale 10, ayant retenu la responsabilité in solidum de la société Andolina Shipping et du capitaine du navire à hauteur de 158.168 USD, représentant le préjudice subi dans la cale 10 de 150.411 USD et celui subi dans la cale 4 de 7.707,49 USD.

Contrairement à la cale n° 1, la cale n° 4 n'a pas été envahie par l'eau puisque le dommage est constitué par des sacs manquants, en vidange ou avariés. L'expert [Z] ne conclut pas sur l'origine des dommages affectant cette cale. Il mentionne seulement qu''un défaut d'étanchéité des panneaux de cale se traduit par de la mouille en raison des infiltrations, ce qui est avéré pour les autres cales et ne l'est pas pour la cale n°1", ce dont on peut déduire, a contrario, qu'un tel défaut d'étanchéité des panneaux de cale peut être à l'origine des dommages subis dans la cale n°4.

En tout cas, il n'est pas établi, ni même allégué, pour ces dommages, que la cause serait la même que pour les dommages de la cale n°1. Dès lors, le transporteur maritime est de plein droit responsable des dommages et il n'existe aucune cause exonératoire de cette responsabilité.

Le capitaine du navire est tout aussi responsable des défaillances du navire et du comportement négligeant de l'équipage ou des préposés du bord constituant des fautes quasi-délictuelles, dès lors que les dommages résultent tout à la fois d'un défaut d'étanchéité des panneaux de cale, d'insuffisance de ventilation et d'une manutention non appropriée dont il est responsable.

Il ne peut pas être sérieusement soutenu que les assureurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du détail de leur réclamation, alors qu'il est établi, par la production des factures du 17 décembre 2000, que la marchandise a été vendue par la société Soafrimex à la société Afri Belg et que les assureurs justifient être subrogés dans les droits de cette dernière pour un montant de 7.707,49 USD par la production de l'acte de subrogation et du justificatif du paiement par virement du 3 mai 2001.

En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum le capitaine du navire Windsong et la société Andolina Shipping à payer aux assureurs la somme de 7.707,49 USD avec les intérêts à compter du 28 mars 2001 et avec capitalisation de ces intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

-Sur les autres demandes :

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a mis à la charge des appelants la somme de 8.850 €, correspondant aux frais d'expertise.

L'appel étant partiellement justifié, il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de les partager par moitié entre les parties,

L'équité ne commande pas de faire application, au bénéfice de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Andolina Shipping Ltd pour les dommages afférents au connaissement n° 10 concernant les marchandises se trouvant dans la cale 1,

Statuant à nouveau sur ce point,

DEBOUTE les compagnies d'assurance Axa Corporate Solutions Assurance, SA Allianz Marine & Aviation venant au droit de la compagnie AGF Mat, La Mutuelle du Mans Assurances Iard, SA Generali France Assurances, SIAT- Societa Italiana Assicurazioni Riassicurazioni, The Bristish and Foreign Marine Insurance Company Ltd de leurs demandes dirigées contre la société Andolina Shipping Ltd pour les dommages afférents au connaissement n° 10 concernant les marchandises se trouvant dans la cale 1,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autres des parties,

FAIT masse des dépens de première instance et d'appel, les PARTAGE par moitié entre les parties, et DIT que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/13059
Date de la décision : 25/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/13059 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-25;10.13059 ?
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