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24/04/2013 | FRANCE | N°12/01667

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 24 avril 2013, 12/01667


COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 24 AVRIL 2013
(no 161, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01667
Décision déférée à la Cour : jugement du 16 novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 10/03962

APPELANT
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT REPRÉSENTANT L'ÉTAT FRANÇAISBATIMENT CONDORCET, 6 rue Louise Weiss75013 PARIS FRANCE
représenté et assisté de Me Véronique JOBIN de la AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R195)

INTIMEE
Mademoiselle Caroline Y.....

.34000 Montpellier
représentée et assistée de Me Julie FERRARI de la AARPI VIGO (avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 24 AVRIL 2013
(no 161, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01667
Décision déférée à la Cour : jugement du 16 novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 10/03962

APPELANT
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT REPRÉSENTANT L'ÉTAT FRANÇAISBATIMENT CONDORCET, 6 rue Louise Weiss75013 PARIS FRANCE
représenté et assisté de Me Véronique JOBIN de la AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés (avocat au barreau de PARIS, toque : R195)

INTIMEE
Mademoiselle Caroline Y......34000 Montpellier
représentée et assistée de Me Julie FERRARI de la AARPI VIGO (avocat au barreau de PARIS, toque : G0190) et de Me Adèle VANHAECKE (SCP LORANGE ET VANHAECKE, avocats au barreau du VAL D'OISE)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 mars 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :Monsieur Jacques BICHARD, PrésidentMadame Marguerite-Marie MARION, ConseillerMadame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLICMadame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites

ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Estimant que des fautes caractérisant le fonctionnement défectueux du service public de la justice avaient été commises par les différents intervenants de l'enquête, depuis le dépôt de plainte initial, le 25 juin 1997, pour des faits d'abus sexuels commis sur sa personne alors qu'elle était enfant, jusqu'à l'ordonnance de mise en accusation du 12 juin 2008 de M. B..., auteur présumé des faits qui a bénéficié d'un arrêt d'acquittement rendu le 5 juin 2009 par la cour d'Assises du Val d'Oise, Mme Caroline Y..., sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, a assigné en responsabilité et indemnisation de ses préjudices moral et matériel, l'agent judiciaire du Trésor ( désormais l'agent judiciaire de l'Etat ) devant le tribunal de grande instance de Paris dont le jugement rendu le 16 novembre 2011 est déféré à la cour .
***
Vu le jugement entrepris qui a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à Mme Caroline Y... la somme de 13 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de ses prétentions .
Vu la déclaration d'appel déposée le 28 janvier 2012 par l'agent judiciaire du Trésor .
Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :
4 mars 2013 par l'agent judiciaire de l'Etat qui demande à la cour d' infirmer le jugement déféré et de débouter Mme Caroline Y... de ses demandes et, à titre subsidiaire, de ramener celles-ci à de plus justes proportions,
22 février 2013 par Mme Caroline Y... qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 7 000 euros en réparation de son préjudice corporel, outre une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Vu l'avis émis par le Parquet Général près cette cour visant à la confirmation du jugement déféré.
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 mars 2013 .

SUR QUOI LA COUR
Considérant que le 25 janvier 1997, Mme Caroline Y... a déposé plainte auprès de la gendarmerie de Chantilly pour des actes d'agressions sexuelles imputés à M. B... ;
que le dossier a été transmis au Parquet de Senlis lequel s'est dessaisi de l'affaire au profit du Parquet de Pontoise qui l'a enregistré le 30 mai 1997 et l'a adressé le 30 juillet 1997 à la gendarmerie de Fosses ;
qu'à la suite de la demande d'information présentée le 7 mai 1998 par le conseil de Mme Caroline Y..., la gendarmerie de Fosses a indiqué, le 19 mai 1998, au Parquet de Pontoise, n'avoir aucune trace du dossier ;
que le 6 novembre 1998 le conseil de Mme Caroline Y... a renouvelé sa démarche auprès du parquet de Pontoise qui lui a répondu que l'enquête était en cours, réponse reproduite en 1999;
qu'à la suite d' une nouvelle demande présentée par l'avocat, le Parquet de Pontoise a saisi la brigade de gendarmerie de Fosses qui a répondu qu'aucune procédure n'avait été enregistrée au nom de Y... ou de B..., l'ensemble de ces échanges étant alors transmis le 11 septembre à l'avocat de Mme Caroline Y... ;
qu'un rendez-vous organisé en décembre 2000 avec un substitut du procureur de la République n'ayant eu aucun effet, Mme Caroline Y... a, en septembre 2001 déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d"instruction du tribunal de grande instance de Pontoise ;
que le réquisitoire introductif a été établi le 14 janvier 2002 ;
que le juge d'instruction a sollicité en février 2002 de la brigade de gendarmerie de Chantilly une copie de la procédure initiale qu'il a obtenue le 15 mars 2002 ;
qu'en septembre 2002 le juge d'instruction a été remplacé, son successeur adressant en novembre 2002 une commission rogatoire afin de procéder à l'audition d'un témoin et des parties civiles;
que l' expertise psychologique de la soeur de Mme Caroline Y... a été ordonnée en 2002 ;
qu'en novembre 2004 le juge d'instruction a fait procéder à la vérification de l'adresse de M. B... qu'il a mis en examen en mars 2005 ;
qu'en décembre 2004 a été ordonnée l'expertise psychologique de Mme Caroline Y... ;
que l'instruction s'est poursuivie en 2005, 2006 et jusqu'à la fin 2007 ;
Considérant, au stade de l'enquête préliminaire, que la perte du dossier, le défaut de recherches sérieuses pour le retrouver alors que le Parquet de Pontoise était informé de cette situation dès le 19 mai 1998 et l'absence d'informations précises et pertinentes sur cette disparition, constituent une faute lourde qui traduit l'inaptitude du service publique de la justice à remplir sa mission et a eu pour conséquence direct de retarder anormalement le traitement de la procédure;
qu'il en est de même au cours de la phase de l'instruction pénale, du défaut, entre le dépôt de la plainte pénale et la fin de l'année 2004, de toute mesure d'investigation, hormis l'audition des parties civiles en décembre 2002 et les deux expertises psychologiques qui ont été ordonnées ;
que par ailleurs en raison d'une faute d'orthographe une première commission rogatoire lancée en juillet 2005 n'a été réalisée qu'en mai 2006 et retournée au juge d'instruction qu'en octobre 2006 après plusieurs relances de celui-ci ;
que de même en raison d'une nouvelle erreur portant sur le prénom, un témoin, localisé le 3 novembre 2006, n'a été entendu que le 10 septembre 2007 ;
qu'enfin et si ainsi que l'a énoncé le tribunal la maîtrise d'une commission rogatoire internationale, à savoir en l'espèce celle lancée le 20 octobre 2006 par le juge d'instruction auprès des autorités allemandes en vue de localiser et d'entendre un témoin important, reste largement subordonnée à la diligence des autorités étrangères saisies, il s'avère que le Parquet de Pontoise, malgré deux relances du juge d'instruction, n'a cependant entrepris aucune démarche particulière afin d'en accélérer le cours ;
Considérant que si la conduite d'une instruction criminelle pour des faits délicats et anciens implique des délais incompressibles, il demeure que l'ensemble de ses fautes et négligences caractérise un grave dysfonctionnement du service public de la justice qui s'est traduit par un allongement anormal et injustifié des délais de traitement de l'ensemble de la procédure pénale;
qu'ayant dû prendre l'initiative du dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile en raison des carences du Parquet de Pontoise, il ne peut être sérieusement reproché à Mme Caroline Y..., ainsi que le fait l'agent judiciaire de l'Etat, de ne pas avoir sollicité d'actes particuliers qui auraient eu pour conséquence directe de retarder le cours de la procédure, alors même en revanche qu'il vient d'être constaté que les investigations décidées par le juge d'instruction ont été émaillées d'erreurs et n'ont jamais pu être réalisées dans des délais raisonnables ;
Considérant que dans ces conditions c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu et caractérisé le préjudice moral en lien direct avec les dysfonctionnements constatés subi par Mme Caroline Y... et lui a alloué en réparation la somme de 13 000 euros ;
Considérant par ailleurs que les dysfonctionnements constatés , particulièrement, au niveau de l'enquête préliminaire, ont conduit l'avocat de Mme Caroline Y... à entreprendre plusieurs démarches auprès du Parquet de Pontoise qu'il n'aurait pas eu à mener si celui-ci, qui certes restait maître de ne pas ouvrir une instruction pénale, avait néanmoins répondu dans des délais raisonnables et de façon complète et loyale aux demandes qui lui étaient faites concernant le sort du dossier ;que ces diligences répétées ont entraîné un surcoût d'honoraires pour Mme Caroline Y... et justifient que lui soit alloué à ce titre la somme de 1 500 euros ;
Considérant que la solution du litige et l'équité commandent d'accorder à Mme Caroline Y... une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros ;

PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer à Mme Caroline Y... la somme de 13 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat à payer à Mme Caroline Y... la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice matériel.
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat à payer à Mme Caroline Y... une indemnité d'un montant de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Condamne l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/01667
Date de la décision : 24/04/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2013-04-24;12.01667 ?
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