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24/04/2013 | FRANCE | N°11/03118

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 24 avril 2013, 11/03118


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 24 Avril 2013



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03118



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 Décembre 2010 par conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/05503





APPELANTE

Madame [W] [X] née [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thomas LEMARIÉ, avocat au barreau de P

ARIS, R241





INTIMÉE

Association CERAF MEDIATION

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, R129





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a ét...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 24 Avril 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03118

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 Décembre 2010 par conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/05503

APPELANTE

Madame [W] [X] née [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thomas LEMARIÉ, avocat au barreau de PARIS, R241

INTIMÉE

Association CERAF MEDIATION

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, R129

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue les 21 novembre et 20 Mars 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [W] [Y] - [X] a été embauchée par l'association Centre d'études et de recherches pour l'accompagnement des familles par la médiation dite Ceraf- Médiation, à compter du 9 octobre 2006 en qualité de médiatrice familiale, dans un premier temps par un contrat à durée déterminée qui s'est achevé le 31 mars 2007 puis, à compter du 10 avril 2007, par contrat à durée indéterminée.

Par avenant au contrat de travail du 1er juillet 2008, l'association Ceraf- Médiation a diminué le salaire mensuel brut à 1 350 € contre 1 633 € précédemment, versé sur 13,5 mois, et ajouté une prime de rentrée comprise entre 400 et 600 € ainsi qu' une prime de résultat comprise entre 800 et 1 300 €.

Par avenant au contrat de travail en date du 1er décembre 2008, la prime de rentrée a été fixée à 500 € et la prime de résultat portée à 1000 € payable en décembre et mai, les 13ème et 14ème mois étant versés en décembre.

Par lettre en date du 3 février 2010, l'employeur demandait à Mme [X] de suspendre ses activités au sein de l'association de médiation familiale Trèfle qu'elle avait créée en 2004 dans les Hauts-de-Seine et dont elle était la présidente.

Par lettre du 5 février 2010, Mme [X] répondait qu'il n'y avait pas lieu à une quelconque suspension de ses activités de médiation familiale dans les Hauts-de-Seine dans la mesure où depuis septembre 2006,100 % des médiations familiales en provenance de l'association Trèfle étaient systématiquement dirigées et assurées par le Ceraf au seul bénéfice de ce dernier.

Par lettre du 25 février 2010, le Ceraf proposait à Mme [X] de prendre la responsabilité du développement de la médiation familiale sur le nord des Hauts de Seine.

Par lettre en date du 9 mars 2010, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable pour le 18 mars 2010. L'entretien s'est finalement tenu le 24 mars 2010.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 24 mars 2010, l'association Ceraf- Médiation a signifié à Mme [X] sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre en date du 26 mars 2010, l'association Ceraf - Médiation a notifié à Mme [X] son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 22 décembre 2010, notifié aux parties le 11 mars 2011, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et a condamné l'association Ceraf - Médiation au paiement des dépens.

Mme [X] a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 4 avril 2011.

À l'audience du 21 novembre 2012, Mme [X] a repris oralement ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l'association Ceraf - Médiation à lui verser les sommes suivantes :

- 5 572,20 € à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

- 5 572,20 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif à l'expiration du contrat à durée déterminée requalifié

-1 857,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 185,75 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-1 857,20 € à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure

- 365,83 € à titre de rappel de salaire du 1er au 10 avril 2007, outre 36,58 € à titre de congés payés afférents

-11 145 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé

-1 287,53 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 3 715 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 371,50 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 33 435 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 359,52 € à titre de rappel de salaire du 24 au 29 mars 2010 outre 35,95 € au titre des congés payés afférents

subsidiairement,

condamner l'association Ceraf - Médiation à lui verser une indemnité de 1 857,50 € pour inobservation de la procédure

en tout état de cause,

assortir les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil

condamner l'association Ceraf - Médiation à lui régler la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

L'association Ceraf - Médiation a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de débouter Mme [X] de toutes ses demandes et de la condamner au versement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

À la demande des parties, la cour, par ordonnance en date du 30 novembre 2012, a désigné un médiateur qui par courrier daté du 14 février 2013, a indiqué que les parties n'étaient pas parvenues à un accord.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

L'article L.1242-3 du code du travail prévoit qu'un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi et lorsque l'employeur s'engage, pour une durée et dans des conditions déterminées par décret, à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Mme [X] soutient que le contrat à durée déterminée conclu le 15 septembre 2006 à effet du 9 octobre 2006 qui ne mentionne aucun motif doit être requalifié en contrat à durée déterminée.

L'employeur réplique que l'appelante connaissait le motif du contrat à durée déterminée puisque c'est elle qui a préconisé le recours au contrat d'accompagnement dans l'emploi et que ce type de contrat pouvait être conclu pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il produit la convention passée entre le Ceraf et l'Etat à effet du 9 octobre 2006 devant s'achever le 31 mars 2007 ainsi que les bulletins de paie délivrés à la salariée pour cette période qui mentionnent la nature du contrat.

Le contrat de travail signé le 15 septembre 2006 a manifestement été conclu dans le cadre de l'article L. 1242-3 du code du travail, lequel soumet ce type de contrat aux mêmes exigences de forme que tout contrat à durée déterminée. Il ne mentionne pas qu'il s'agit d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, ce dont il résulte qu'il ne comporte pas la définition précise de son motif, peu important l'existence d'une convention de droit public passée entre l'employeur et l'Etat et la mention « CAE » figurant sur les bulletins de paie. Il est donc réputé conclu à durée indéterminée.

Ce premier contrat a pris fin à son échéance le 31mars 2007, l'agenda produit par la salariée ne suffisant pas à démontrer qu'elle a travaillé pour le compte du Ceraf pendant la première semaine d'avril qui a précédé son engagement sous contrat à durée indéterminée.

Aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Il sera alloué à ce titre à Mme [X], compte tenu des circonstances de l'espèce telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats et notamment du fait de la nouvelle embauche intervenue dix jours après la rupture, une indemnité de 1 254,31 euros, montant du salaire mensuel brut perçu dans le cadre du contrat à durée déterminée.

Conformément à l'article 1153-1 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Selon l'article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail, l'allocation de l'indemnité de requalification n'est pas exclusive de l'application des règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [X] réclame à ce titre une indemnité compensatrice de préavis sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-1-2° du code du travail qui prévoient que le salarié licencié qui justifie d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et deux ans a droit à un préavis d'un mois.

Le contrat de travail conclu à effet du 9 octobre 2006 a été rompu le 31 mars 2007 à la date prévue initialement et a donc duré moins de six mois. Mme [X] fait valoir à juste titre que l'article L.322-4-7 du code du travail alors applicable, qui réglementait le contrat d'accompagnement dans l'emploi, disposait que la durée du contrat de travail conclu dans ce cadre ne pouvait être inférieure à six mois. Il sera fait droit en conséquence à sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, pour un montant de 1 254,31euros, outre les congés payés incidents pour la somme de 125,43 euros.

La procédure de licenciement n'a pas été respectée et, en l'absence de lettre de licenciement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [X], de son ancienneté de 6 mois, et du fait qu'elle a été réembauchée par le Ceraf dix jours plus tard par contrat à durée indéterminée mais toujours par contrat aidé dit contrat « emploi tremplin », il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Mme [X] sollicite encore une indemnité pour procédure irrégulière, les dispositions de l'article L.1233-13 du code du travail relatives à l'assistance du salarié n'ayant pas été respectées, faute de convocation et de tenue d'un entretien préalable au licenciement.

Il résulte des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail que lorsque le licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté ou opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié ne peut obtenir, en plus des dommages-intérêts pour licenciement abusif, une indemnité distincte pour irrégularité de la procédure, sauf en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller.

Il convient d'allouer à Mme [X], en réparation du préjudice nécessairement subi du fait de cette irrégularité et à défaut de démonstration d'un préjudice plus ample, une indemnité de 500 euros.

Sur le travail dissimulé du 1er au 10 avril 2010

Mme [X] qui n'établit pas avoir travaillé pour le compte de l'association Ceraf- Médiation pendant cette période, sera déboutée des demandes formées à ce titre (rappel de salaire et de congés payés, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé).

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement énonce en les précisant les motifs suivants :

- le refus des changements demandés par un courrier du 25 février 2010 pour application au 1er mars 2010 consistant à prendre en charge en plus forte proportion la médiation familiale sur le nord des Hauts-de-Seine en réduisant corrélativement cette fonction sur la Ville de [Localité 2]

- un comportement dénotant un défaut d'engagement pour l'association

- une absence de loyauté dans les rapports avec l'association de médiation familiale Trèfle, ce manque de loyauté ayant été confirmé par la façon dont la salariée a appelé les clients pour les récupérer à son profit personnel, à la sortie de l'entretien préalable.

Sur le premier grief, l'association fait valoir que par lettre du 25 février 2010, elle a demandé à Mme [X] d'assurer à compter du 1er mars 2010 le développement de la médiation familiale dans le nord des Hauts de Seine pour 65 % de son temps, l'objectif de l'association étant d'obtenir un financement dans ce département en étant agréée par le comité départemental de financement de la médiation ; que Mme [X] ayant refusé cette proposition lors d'un entretien qui s'est tenu le 4 mars 2010, elle n'avait pas d'autre solution que de procéder à son licenciement.

Le Ceraf fait encore valoir que cette proposition ne constituait pas une modification du contrat de travail, Mme [X] exerçant déjà en grande partie ses responsabilités dans le nord des Hauts de Seine et soutient que celle-ci n'avait pas d'autre but que d'empêcher le Ceraf de s'implanter dans le nord du département parce qu'elle avait l'intention d'y développer les activités de l'association Trèfle et d'agir ainsi contre l'intérêt de son employeur.

Sur le deuxième grief, l'employeur soutient que Mme [X] a refusé le 24 mars 2010 de signer la fiche de poste qui lui était présentée et refusé également de figurer dans la réponse à l'appel d'offre de la CAF que le Ceraf envisageait de faire et auquel il n'a pu donner suite, faute d'avoir un médiateur disponible dans le département.

Sur le troisième grief de détournement de clientèle, le Ceraf rappelle qu'aux termes du courrier du 3 février 2010, il rappelait à la salariée l'obligation de ne pas travailler en concurrence avec son employeur et lui demandait de suspendre ses activités au sein de l'association de médiation familiale Trèfle qu'elle avait créée en 2004 dans les Hauts-de-Seine et dont elle était la présidente ; que dans la lettre datée du 25 février 2010, en proposant à la salariée une modification de ses missions à compter du 1er mars 2010, il lui indiquait qu'elle pourrait continuer à consacrer du temps à l'association Trèfle sans qu'il y ait lieu d'évoquer une concurrence déloyale à condition que Trèfle ne postule pas à des subventions pour la médiation familiale, que Trèfle ne fasse ni entretien individuel ni médiation familiale et que toute nouvelle permanence ouverte ou démarche effectuée sur le temps de travail soit faite sous le nom du Ceraf ; que, par lettre du 4 mars 2010, il écrivait à Mme [X] avoir pris bonne note de son refus de limiter les modalités de sa collaboration à l'association Trèfle et prenait acte de sa décision de continuer son mandat de présidente au sein de cette association familiale « et ceci sans aucune réserve quant aux possibles conflits d'intérêts avec le Ceraf Médiation ».

Pour démontrer l'attitude déloyale de la salariée, l'employeur s'appuie sur le témoignage de Mme [S] [E], salariée de l'association, qui déclare que le 24 mars 2010, jour de l'entretien préalable, elle a entendu dans les locaux de l'association Mme [X] téléphoner à des clients du Ceraf en leur posant la question suivante : « je quitte le Ceraf : ou vous clôturez vos dossiers au Ceraf ou vous me suivez dans mes nouvelles fonctions, vous avez mon numéro de portable ».

Mme [X] admet avoir refusé les modifications que l'employeur voulait apporter à son contrat de travail et fait valoir qu'elle aurait dû alors être licenciée pour motif économique. Elle consteste avoir manqué à son obligation de loyauté et fait remarquer que tout au long de sa collaboration, elle a fait profiter son employeur des médiations du Trèfle dans les Hauts de Seine.

Elle explique que le Ceraf-Médiation a imaginé que l'association Trèfle allait soumissionner à un appel d'offres auquel il souhaitait lui-même candidater alors qu'aucun membre de l'association Trèfle ne disposant de la validation des acquis exigée par la CAF, cette association ne pouvait soumissionner à un tel appel d'offres, ce que le Ceraf savait pertinemment.

Elle conteste avoir appelé quiconque à la sortie de l'entretien préalable du 24 mars 2010 et fait remarquer que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée s'agissant de faits postérieurs à l'entretien préalable qui ne peuvent être invoqués sans qu'un nouvel entretien ait lieu.

Il résulte en effet de l'article L.1332-3 du code du travail que lorsque les fait reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure de mise à pied conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L.1332-2 ait été respectée.

L'employeur ne pouvait donc invoquer les faits qui se seraient produits à la suite de l'entretien préalable du 24 mars 2010 sans convoquer Mme [X] à un nouvel entretien.

Au demeurant, ces faits ne sont pas suffisamment établis par l' attestation isolée et peu circonstanciée produite au dossier de l'intimée.

Il résulte de la lettre d'engagement, des fonctions exercées par la salariée depuis son embauche et des termes de la proposition de l'employeur formulée dans le courrier du 25 février que celle-ci, à l'exception de l'augmentation du salaire mensuel, ne modifiait pas le contrat de travail mais emportait seulement un changement d'orientation géographique des missions confiées à l'appelante en recadrant ses activités au sein de l'association Trèfle investie également sur la médiation familiale dans le département des Hauts de Seine.

Le Ceraf qui connaissait toutes les activités de la salariée à l'association Trèfle depuis son engagement et ne conteste pas avoir recueilli le bénéfice des médiations familiales conduites par cette association, ne démontre pas le détournement de clientèle invoqué dans la lettre de licenciement et le manque de loyauté de Mme [X], qui, au contraire, par son refus de renoncer à la présidence de l'association Trèfle et à ses missions au sein de cette structure, a clairement exprimé son refus des nouvelles conditions posées par l'employeur.

Il n'est donc pas établi que le refus de Mme [X] de travailler majoritairement dans les Hauts-de-Seine était motivé par une intention de nuire au Ceraf en privilégiant les activités de l'association Trèfle ni qu'elle ait empêché son employeur de répondre à l'appel d'offres de la CAF.

La preuve de la faute grave n'est pas rapportée et Mme [X] n'ayant commis aucun des manquements que lui reproche l'employeur, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La moyenne des douze derniers mois de salaire s'élèvant à 1 695,53 euros, Mme [X] est fondée en ses demandes :

- de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire à hauteur de 328,16 euros et de 32,81 euros pour les congés payés incidents

- d'indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit 3 391,06 euros et les congés payés incidents, soit 339,11 euros

- d'indemnité légale de licenciement, soit la somme de 1 017 euros.

Ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2010, date de la convocation des parties devant le bureau de conciliation.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [X], de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, en particulier de ce qu'elle justifie de la situation de chômage qu'elle a connue à la suite du licenciement et de ses recherches d'emploi, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'association Ceraf -Médiation à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée à la suite de son licenciement, sera ordonné dans la limite de trois mois.

La capitalisation des intérêts au taux légal selon les conditions posées par l'article 1154 du code civil sera ordonnée.

L'association Ceraf -Médiation sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et versera à Mme [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

REQUALIFIE le contrat à durée déterminée du 9 octobre 2006 en contrat à durée indéterminée ;

CONDAMNE l'association Ceraf-Médiation à verser à Mme [W] [Y] - [X] les sommes suivantes :

au titre de la rupture du premier contrat,

- 1 254,31 € à titre d'indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

- 1 254,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 125,43€ au titre des congés payés incidents

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2010, date de la convocation des parties devant le bureau de conciliation

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive

- 500 € à de dommages-intérêts pour non respect de la procédure

au titre de la rupture du second contrat,

- 328,16 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire et 32,81 euros pour les congés payés incidents

- 3 391,06 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 339,11€ au titre des congés payés incidents

- 1 017 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2010, date de la convocation des parties devant le bureau de conciliation

-15 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

ORDONNE la capitalisation des intérêts sur les sommes allouées dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

ORDONNE le remboursement par l'association Ceraf -Médiation à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [X] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois ;

CONDAMNE l'association Ceraf-Médiation à verser à Mme [W] [Y]-[X] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [W] [Y]-[X] de ses autres demandes ;

CONDAMNE l'association Ceraf-Médiation aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/03118
Date de la décision : 24/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/03118 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-24;11.03118 ?
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