RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 24 Avril 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11234
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 Novembre 2010 par le conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 08/08544
APPELANTS
Monsieur [F] [T]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Annie de SAINT RAT, avocate au barreau de PARIS, E0919
SYNDICAT UGICT-CGT DE LA CRAMIF
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Annie de SAINT RAT, avocate au barreau de PARIS, E0919
INTIMÉS
CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Annick PEROL (SCP PEROL RAYMOND KHANNA et ASSOCIES), avocate au barreau de PARIS, P0312
MONSIEUR LE PRÉFET DE RÉGION ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 1]
non comparant bien que régulièrement avisé
MISSION NATIONALE DE CONTRÔLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIAL
[Adresse 3]
[Localité 1]
non représentée bien que régulièrement avisée
DRASSIF
Service juridique
[Adresse 3]
[Localité 1]
non représentée bien que régulièrement avisée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [F] [T] a été embauché par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie d'Île-de-France, dite la CRAMIF, le 4 janvier 1692 en qualité d'archiviste qualifié, coefficient 150.
À la date de son départ à la retraite, le 31 octobre 2008, il était titulaire d'un emploi de concepteur informatique, coefficient 313, outre 50 points d'expérience et 109 points de compétence, soit un coefficient total de 472.
Son dernier salaire brut était de 3 334,86 €.
Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des personnels des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.
M. [F] [T] a adhéré à la CGT le 1er janvier 1968 et, ayant été élu délégué du personnel et membre du comité d'entreprise en 1981, il a été détaché en qualité de permanent syndical à compter de cette époque.
Considérant que par comparaison avec d'autres salariés dont la situation était parfaitement analogue à la sienne, il avait connu une évolution de carrière moins favorable et subi en conséquence une discrimination de nature syndicale, M. [F] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en vue d'en obtenir réparation.
Le syndicat UGICT-CGT de la CRAMIF s'est joint à la procédure et a formulé lui-même une demande en dommages et intérêts.
La direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'île de France, dite DRASSIF, ainsi que le préfet de région d'Île-de-France ont été appelés en cause, en application de l'article R123-3 du code de la sécurité sociale.
À la suite de la création de la Mission Nationale de Contrôle et d'Audit des Organismes de Sécurité Sociale (MNC) et de la modification en conséquence du texte susvisé par un décret du 20 décembre 2009, cette dernière a également été appelée à l'instance.
Par jugement en date du 9 novembre 2010, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [F] [T] et le syndicat UGICT-CGT de la CRAMIF de l'ensemble de leurs demandes et a mis hors de cause le préfet de région d'Île-de-France ainsi que la DRASSIF.
Par déclaration enregistrée au greffe le 21 décembre 2010, M. [F] [T] en a interjeté appel.
Il demande à la cour de condamner la CRAMIF à lui payer les sommes de 144 088,30 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, outre 10 000 € en réparation de son préjudice moral et 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat UGICT-CGT de la CRAMIF intervient volontairement à l'instance et sollicite la condamnation de la CRAMIF à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Bien que régulièrement convoqués, le préfet de région d'Île-de-France ainsi que la DRASSIF et la Mission Nationale de Contrôle et d'Audit des Organismes de Sécurité Sociale (MNC) n'ont pas comparu ni n'ont présenté d'observations.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.
L'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Par ailleurs, l'article L2313-2 du même code prévoit que si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur, étant précisé que cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
Dans cette hypothèse, selon ce texte, l'employeur doit procéder sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En l'espèce, à la suite d'une lettre adressée à la direction de l'entreprise par un délégué du personnel, M. [QK] [F], le directeur général de la CRAMIF a accepté, le 28 juin 2007, de procéder à l'enquête prévue par l'article L2313-2 susvisé.
C'est dans ces conditions que le 5 mars 2008, la CRAMIF a proposé un « panel de comparants », autrement dit un ensemble de comparaison, comprenant 14 salariés embauchés à la même période que M. [F] [T] et dans des conditions similaires.
Il s'agissait donc d'étudier l'évolution de leurs carrières respectives de manière à distinguer si l'évolution de carrière et de rémunération de M. [F] [T] laissait apparaître une différence de traitement à son préjudice.
M. [F] [T] considère que plusieurs personnes qui figuraient dans cet ensemble de comparaison devaient en être exclues pour diverses raisons, qu'il convient d'en ajouter une autre et il se fonde en définitive sur un ensemble de comparaison réduit à quatre personnes pour conclure à une différence de traitement laissant présumer l'existence d'une discrimination.
M. [F] [T] procède en effet à l'élimination de 10 personnes au motif qu'il s'agit de salariés qui avaient quitté la CRAMIF plus de deux ans avant lui.
Il apparaît en effet justifié d'exclure de l'ensemble de comparaisons les situations de M. [X] [E], Mme [U] [Y], M. [K] [G], M. [W] [FG], M. [C] [S], M. [P] [J], M. [O] [L], M. [FP] [N] et de M. [D] [B], non seulement parce qu'il s'agit de personnes qui ont quitté l'entreprise, pour certains dès 1999, pour les autres entre cette date et 2004, mais aussi et surtout parce que la durée de leur carrière au sein de l'entreprise a été sensiblement plus courte que celle de M. [F] [T] (33 ans pour M. [B] par exemple), de telle sorte que leur situation n'est donc pas comparable.
En revanche, il n'existe pas de raison d'exclure de cet ensemble de comparaison M. [GQ] [Q] puisque celui-ci n'est parti à la retraite que le 31 janvier 2005 avec 41 années et deux mois d'ancienneté dès lors que M. [F] [T] inclut dans son propre ensemble de comparaison la situation de Mme [H] [M] qui n'a quitté l'entreprise que quelques mois plus tard, le 30 juin 2005, avec une ancienneté inférieure, de 40 ans et 9 mois.
De la même manière, ainsi que le fait observer la CRAMIF, il n'est pas justifié d'exclure de cet ensemble M. [I] [A], au seul motif qu'il n'avait pas passé le diplôme de programmeur alors qu'il n'est pas contesté que M. [F] [Z], que M. [F] [T] retient pourtant à titre de comparaison, se trouvait dans la même situation.
Si on observe donc l'ensemble de comparaison qui en résulte, comprenant 6 personnes et incluant M. [P] [V], entré à la CRAMIF le 26 janvier 1965 et ajouté par M. [F] [T] aux noms proposés par l'employeur, l'on observe qu'à la fin de leur carrière trois personnes bénéficiaient d'un coefficient inférieur à celui de M. [F] [T] et trois de coefficients supérieurs ce qui en soi suffit à considérer qu'il n'existe pas de présomption de discrimination.
Même si l'on s'en tient à l'ensemble de comparaison constitué par M. [F] [T] lui-même et limité à quatre salariés, il y a lieu d'observer que l'un d'entre eux, M. [Z], présentait, en fin de carrière, un coefficient inférieur à celui de ce dernier, soit 450 au lieu de 472.
S'agissant des autres, l'employeur verse aux débats des éléments complets et un descriptif extrêmement détaillé de leurs carrières respectives.
Il apparaît ainsi, en ce qui concerne M. [R], qu'en particulier, celui-ci ayant fait acte de candidature à plusieurs reprises sur des postes en promotion, a connu une carrière qui s'est écartée de celle de M. [F] [T], dès avant 1981, date à compter de laquelle M. [F] [T] soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination.
Il en est de même de Mme [H] [M] qui d'une part, est entrée à la CRAMIF en qualité d'agent technique qualifié avec un coefficient supérieur à celui de M. [F] [T], soit le coefficient 152 et qui justifiait d'un niveau de formation supérieur puisqu'elle était titulaire d'un baccalauréat au lieu d'un certificat d'études et qui d'autre part, ayant, notamment, obtenu le certificat d'aptitude aux fonctions de programmeur avant lui, a progressé de façon plus rapide de telle sorte qu'en 1981, elle se trouvait déjà à un niveau nettement supérieur.
En ce qui concerne M. [V], il est également établi que celui-ci a pu progresser plus rapidement que M. [F] [T], notamment après 1981, en justifiant avoir suivi des sessions de formation continue, par exemple au sein de la compagnie Honeywell Bull ou au Centre national des arts et métiers, en secondant un cadre chef de groupe et en mettant en 'uvre de nombreuses applications, en participant à l'élaboration de projets et en démontrant ses compétences et son esprit d'initiative.
Il résulte donc de tout ce qui précède que l'existence d'une discrimination syndicale n'est pas établie et le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en conséquence.
Il n'apparaît néanmoins pas inéquitable de laisser à la charge de la CRAMIF les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 9 novembre 2010 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [F] [T] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE