Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 23 AVRIL 2013
(n° 316 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18549
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Octobre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/55073
APPELANTS
Madame [P] [M]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [N] [Z]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Madame [L] [R]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Madame [A] [B]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [G] [Z]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [J] [Z]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [V] [Z]
chez Me [S] [K] [Adresse 2]
[Localité 2]
Représentés et assistés de : Me Tamara LOWY (avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141)
Ces personnes sont toutes bénéficiaires d'une aide juridictionnelle totale accordée le 20 février 2013 par la Cour d'appel sur recours BAJ
INTIMEE
Etablissement VILLE DE PARIS agissant en la personne de son maire en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée : Me Chantal BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066)
assistée de : Me Frédéric HEYBERGER substituant Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES (avocat au barreau de PARIS, toque : K0131)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier
.
Par acte d'huissier du 16 mai 2012, la VILLE DE PARIS a fait assigner les consorts [Y]-[Z]-[R]-[B]-[H]-[M] aux fins de les voir expulser ainsi que tous occupants de leur chef des parcelles de terrain sises à l'angle de la rue [Adresse 4] et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1], d'une part, et au niveau de la bretelle de sortie du périphérique intérieur et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1], d'autre part, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, lequel, par ordonnance réputée contradictoire du 5 octobre 2012 a rejeté l'exception de nullité de l'assignation, dit la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige et rejeté en conséquence l'exception d'incompétence soulevée, dit l'action du Maire de la VILLE DE PARIS recevable, ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 48 heures de la signification de l'ordonnance, l'expulsion des défendeurs et de tous occupants de leur chef, statué sur le sort des meubles, rejeté le surplus des demandes des parties, dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Par conclusions transmises le 25 mars 2013, les consorts [Z]-[R]-[B]-[M], appelants de cette décision, demandent à la cour de, à titre principal, juger la VILLE DE PARIS irrecevable, à titre subsidiaire, de dire n'y avoir lieu à référé et inviter la VILLE DE PARIS à saisir le juge du fond, à titre très subsidiaire, leur accorder un délai pour se reloger et de condamner la VILLE DE PARIS à payer à Maître [K] la somme de 800 € par appelant en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions transmises le 5 février 2013, la VILLE DE PARIS demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner les « défendeurs » en tous les dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur le rejet des écritures et pièces des appelants :
Considérant que par conclusions d'incident transmises le 29 mars 2013, la VILLE DE PARIS sollicite le rejet des conclusions signifiées et des pièces communiquées par les appelants le 25 mars 2013, soit la veille de l'ordonnance de clôture prononcée le 26 mars 2013 ;
Considérant que par conclusions transmises également le 29 mars 2013, les appelants s'opposent à cette demande ;
Considérant que leurs dernières conclusions ne faisant que répondre à celles de l'intimée et ne développant aucun moyen ou demande nouvelle, il n'y a pas lieu de les écarter ; qu'il en est de même de leurs trois nouvelles pièces dès lors que consistant en de la jurisprudence publiée, des certificats de scolarisation de trois enfants [Z] et une attestation d'une animatrice du Secours Catholique relative à l'installation d'extincteurs sur le terrain occupé ' déjà évoquée dans une précédente attestation ', elles n'appellent pas de réponse ;
Au principal :
Considérant que les appelants font valoir l'absence de démonstration de la propriété des terrains visés, l'incertitude pesant sur la localisation des terrains, l'absence de toute urgence et de trouble manifestement illicite, leur droit au logement et à mener une vie privée et familiale normale, l'intérêt supérieur des enfants, l'absence de justification d'un projet particulier sur le terrain, l'application à leur profit des dispositions des articles L. 412-1, L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution et l'absence de voie de fait s'agissant d'un terrain non clos et non d'un bâtiment ;
Considérant que l'intimée répond qu'elle rapporte la preuve qu'elle est propriétaire des parcelles du domaine public routier concerné, que les terrains litigieux sont parfaitement identifiés, qu'il y a urgence à évacuer les occupants des lieux pour leur propre sécurité sanitaire et corporelle, que l'occupation constitue également une atteinte à son droit de propriété et un trouble manifestement illicite, que l'article L. 412-3 du code de la construction et de l'habitation, auquel renvoie l'article L. 613-1 du même code, comme les dispositions de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 sont inapplicables, en l'espèce, ne s'agissant pas de locaux à usage d'habitation ;
Considérant que la VILLE DE PARIS a fait constater par huissier de justice, le 27 décembre 2011, la présence de deux campements, l'un sur un espace vert situé à l'angle de la rue [Adresse 4] et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1] et l'autre sur un espace vert situé à l'angle de la bretelle de sortie du périphérique et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1] (pièce 3) ;
Considérant que commis par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 23 février 2012, Maître [U] [C], huissier de justice, a constaté, le 28 mars 2012, à l'angle de la rue [Adresse 4] et de l'avenue [Adresse 3], la présence de huit cabanes et y a relevé l'identité de 33 occupants dont celle des 7 appelants ; qu'à l'angle de la bretelle de sortie du périphérique et de l'avenue [Adresse 3], il a constaté des traces d'un ancien campement abandonné (pièces 5 à 7) ;
Considérant que la VILLE DE PARIS justifie être propriétaire de la parcelle occupée située à l'angle de la rue [Adresse 4] et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1] suite à une ordonnance d'expropriation rendue le 26 novembre 1945 (pièces 12 et 13) ainsi que de la parcelle occupée située à l'angle de la bretelle de sortie du périphérique et de l'avenue [Adresse 3] à [Localité 1] suite à un échange avec la SNCF réalisé par acte notarié des 18 et 19 février 1970 (pièces 10 et 11 ) ;
Considérant qu'il n'existe, en conséquence, aucune incertitude quant à la localisation des parcelles occupées et à la propriété de la VILLE DE PARIS ;
Considérant qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1erdu code de procédure civile, sur lesquels l'intimée fonde sa demande, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Considérant que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ;
Que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;
Qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour doit se placer pour statuer et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ;
Considérant que l'occupation sans droit ni titre de la propriété d'autrui constitue en soi un trouble manifestement illicite justifiant qu'il y soit mis fin par une mesure d'expulsion, sans que les occupants puissent invoquer utilement leur droit au logement et à mener une vie privée et familiale normale pas plus que l'intérêt supérieur de leurs enfants ;
Considérant que l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution énonce que sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ;
Considérant que l'article L. 613-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le sursis à l'exécution des décisions d'expulsion est régi par les articles L. 412-3, L. 412-4, L. 412-6 à L. 412-8 du code des procédures civiles d'exécution ;
Considérant que l'article L412-1 est ainsi libellé :
« Si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. » ;
Considérant, enfin, que l'article L412-3 dispose que :
« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement ainsi que lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire. » ;
Considérant, enfin, que l'article L412-4 énonce que :
« La durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. » ;
Considérant que les délais prévus par ces dispositions ne sont pas, cependant, applicables en l'espèce dès lors que les appelants n'occupent pas un local à usage d'habitation mais un terrain nu sur lequel ils ont édifié des cabanes ;
Considérant que c'est à bon droit, en conséquence, que le premier juge a ordonné leur expulsion à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 48 heures de la signification de sa décision ; que celle-ci sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que les appelants qui succombent supporteront les dépens d'appel ; que l'équité conduit, en revanche, à rejeter la demande de l'intimé fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu à rejet des conclusions signifiées et des pièces communiquées par les appelants le 25 mars 2013 ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les appelants aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT